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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 20 juin 2018, n° 17-01253

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Cidaumat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

M. Kheitmi, Mme Theuil Dif

Avocats :

SCP Demure Guinault, SCP Lardans Tachon Micallef

TGI Moulins, du 25 avr. 2017

25 avril 2017

EXPOSE DU LITIGE

Selon facture du 31 mars 2011, la SARL Cidaumat a vendu à M. X un tracteur d'occasion de marque Lamborghini type 135 pour un prix de 29 900 euros, avec une garantie de 10 mois.

Diverses pannes ont été prises en charge par la SARL Cidaumat.

Face à un nouveau dysfonctionnement, M. X a fait assigner en référé la SARL Cidaumat, et par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Moulins en date du 23 avril 2013, une expertise du tracteur a été ordonnée et confiée à M. Y.

L'expert a déposé son rapport le 15 octobre 2013.

Par acte d'huissier de justice du 3 mars 2015, M. X a fait assigner la SARL Cidaumat devant le Tribunal de grande instance de Moulins, au visa des articles 1134, 1147, et 1641 du Code civil, aux fins de voir :

- condamner la SARL Cidaumat à faire effectuer les réparations par une autre entreprise à ses frais dans le cadre de sa garantie ;

- condamner la SARL Cidaumat au paiement de la somme de 16 079,52 euros correspondant aux frais engagés par M. X en conséquence du blocage du tracteur, somme à parfaire au moment du jugement à intervenir ;

- condamner la SARL Cidaumat au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

- condamner la SARL Cidaumat au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la SARL Cidaumat aux dépens.

Par jugement en date du 14 juin 2016, le tribunal a ordonné la réouverture des débats, révoqué l'ordonnance de clôture du 8 mars 2016, et fait injonction au demandeur de conclure sur :

- le fondement juridique précis sur lequel il fondait son action et les preuves rapportées en conséquence,

- le chiffrage des réparations en qualifiant celles-ci au titre de la réduction de prix ou de l'indemnisation.

Puis, par jugement du 25 avril 2017, le tribunal a débouté M. X de toutes ses demandes et condamné celui-ci à payer à la SARL Cidaumat la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré que la preuve de la préexistence d'un vice à la date de la vente n'était pas rapportée et que les désordres relevés n'avaient pas rendu le véhicule impropre à sa destination.

M. X a interjeté appel de ce jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 22 mai 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 6 février 2018, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, au visa des articles 1641 et 1645 du Code civil, de condamner la SARL Cidaumat à lui payer :

- la somme de 7 513,05 euros au titre des réparations venant en déduction du prix d'achat du tracteur ;

- la somme de 37 259,80 euros au titre des frais engendrés du fait de la vente du tracteur litigieux, somme à parfaire au moment de l'arrêt à intervenir ;

- la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

- la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et, aux dépens.

Il fonde son action sur la théorie des vices cachés, et estime que le tracteur est impropre à sa destination. Il soutient que le tracteur vendu comme une occasion révisée, n'a en réalité jamais été révisé et que les problèmes de cet engin étaient connus par la société Cidaumat. Il conteste avoir eu le tracteur en essai avant la vente, et constate que son vendeur n'a pas sollicité de contre-expertise.

Il fait valoir que l'expert a listé les réparations nécessaires qui s'élèvent selon les devis produits, à la somme de 7 513,05 euros, somme qui doit venir en déduction du prix d'achat du tracteur. En vertu de l'article 1645 du Code civil, la SARL Cidaumat qui connaissait les vices affectant la chose vendue, est redevable des frais supplémentaires engendrés correspondant à des frais de sous-traitance, de gardiennage, de location d'un nouveau tracteur, et de remplacement des pneus.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 4 octobre 2017, la SARL Cidaumat sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. X à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Elle expose qu'il appartient à M. X d'apporter la preuve de l'existence d'un vice caché au moment de la vente, rendant impropre le véhicule à sa destination ; qu'il ne critique pas de façon pertinente le jugement en ce que celui-ci a considéré que l'antériorité des vices par rapport à la vente n'était pas établie, ni l'impropriété du véhicule à sa destination ; qu'il développe uniquement ses demandes indemnitaires.

Elle estime que l'expert n'établit pas l'existence de fuites au moment de la vente, et qu'aucune des pièces produites ne l'établit également ; que les changements de joints en juin 2011 constituent une intervention mineure ; qu'aucune intervention relative à une fuite ne lui a été demandée par M. X ; qu'en juin 2012, le devis Class ne prescrit aucune opération au niveau des joints de tiges de culbuteurs.

Elle constate que M. X a continué d'utiliser son tracteur jusqu'en juin 2013, date de l'expertise, l'allégation de la panne en mai 2012 n'ayant pas interdit l'usage du véhicule. Elle soutient par ailleurs que M. X s'est contenté de colmater les fuites de joints des tiges de culbuteurs par de la pâte à joint, laissant s'aggraver l'état du moteur. Elle ajoute que la déficience des joints de culasse est liée à leur usure normale, qu'elle a été constatée 17 mois après la vente et qu'elle ne saurait constituer un vice caché.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2018.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur l'existence d'un vice caché

En application de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1642 précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

L'acheteur doit apporter la preuve de l'existence d'un vice, préexistant à la vente, caché, et qui rend la chose impropre à son usage.

En l'espèce, M. X a signé un bon de commande le 11 janvier 2011 pour l'achat auprès de la SARL Cidaumat, d'un tracteur agricole Lamborghini Champion 135. Il était prévu les révisions suivantes : commande essuie-glace, remplacement 3e point, " dérouillage " des stabilisateurs, vidange du moteur et de la boîte, révision des rétroviseurs.

La facture est en date du 31 mars 2011. L'objet de la vente est désigné comme étant un " tracteur Lamborghini Champion 135, Occasion, révisé " et le prix était de 29 900 euros TTC. Il s'agit d'un tracteur mis en circulation pour la première fois en novembre 2003.

Dans le cadre de la garantie de 10 mois, le tracteur a fait l'objet de réparations par la SARL Cidaumat :

- en avril 2011 : remplacement de quatre électrovannes ;

- en juin 2011 : remplacement de tubes caches culbuteurs et de joints

- en septembre 2011 : remplacement du turbo ;

- en octobre 2011 : remplacement de fusibles.

Lors de l'expertise le 28 juin 2013, l'expert a constaté trois types de désordres :

- des fuites d'huile au niveau des joints des tubes caches tiges de culbuteurs ;

- des fuites de liquide de refroidissement au niveau des joints de culasse ;

- le second réservoir de carburant détérioré et déconnecté du circuit d'alimentation.

- S'agissant des fuites d'huile au niveau des joints des tubes caches tiges de culbuteurs

Il est justifié d'une intervention de la SARL Cidaumat de changement de joints des tubes caches tiges de culbuteurs en juin 2011. Interrogé sur l'antériorité de ces défauts à la vente, l'expert répond qu'il ne peut ni affirmer, ni infirmer qu'elles étaient présentes à la date de la facturation du 31 mars 2011.

Par ailleurs, il indique que ces défauts sont visibles par suintement le long du bloc moteur.

Enfin, il considère que les fuites d'huile rendent le tracteur impropre à son usage si le niveau d'huile n'est pas surveillé et refait souvent afin de ne pas entraîner la détérioration du moteur, ce qui ne constitue pas un usage normal.

Ainsi, les caractéristiques du vice caché ne sont pas établies, à défaut de démontrer l'antériorité du vice et son caractère caché.

- S'agissant des fuites de liquide de refroidissement au niveau des joints de culasse

En juin 2012, M. X a fait effectuer un devis de réparation auprès des Etablissements Class de Bressolles prévoyant notamment le remplacement des joints de culasse. L'expert estime que ce défaut rend le tracteur impropre à son usage pour les mêmes raisons que les fuites d'huile, à savoir que si le niveau de liquide de refroidissement n'est pas surveillé et refait souvent, cela peut entraîner la détérioration du moteur, ce qui n'est pas un usage normal.

Toutefois, il ne peut affirmer que ce désordre existait avant la vente. Il est vrai que l'expert a ajouté que les traces de liquide de refroidissement séchées sur le bord du bloc moteur laissaient à penser que ces fuites existaient " depuis un certain temps ". Cette expression ne peut suffire à caractériser l'antériorité du vice alors même que les pièces versées aux débats ne font apparaître ce désordre que dans le devis de réparation des Etablissements Class en juin 2012.

Par ailleurs, tout comme les fuites d'huile, l'expert explique que les fuites d'eau sont un défaut visible car il se caractérise par un suintement le long du bloc moteur.

L'existence d'un vice caché n'est donc pas établie.

- S'agissant du second réservoir de carburant détérioré et déconnecté du circuit d'alimentation

Comme l'a relevé le tribunal, l'usage du véhicule ne s'en est pas trouvé réduit puisque M. X a utilisé le tracteur durant de nombreuses heures, à savoir 979 heures du jour de la vente au jour de l'expertise en juin 2013. Ce désordre n'a donc pas rendu le véhicule impropre à son usage, ou même réduit substantiellement son usage.

Il doit être conclu que M. X ne rapporte pas la preuve d'un vice caché et l'ensemble de ses demandes doit être rejeté. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

- Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer le jugement sur les condamnations sur le fondement l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

M. X succombant entièrement à l'instance, sera condamné aux dépens d'appel et à verser à la SARL Cidaumat la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Condamne M. X aux dépens d'appel et à payer à la SARL Cidaumat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.