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ADLC, 31 mai 2018, n° 18-DCC-90

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Décision relative à la création d'une entreprise commune entre les sociétés Netgem SA, Réunicable SAS et la Caisse des Dépôts et Consignations

ADLC n° 18-DCC-90

31 mai 2018

I. Les entreprises concernées et l'opération

Netgem SA (ci-après, " Netgem ") est une société active dans le secteur des nouvelles technologies. Elle développe des solutions de divertissement vidéo en direct ou à la demande, grâce notamment à la commercialisation d'une plateforme TV multisupport disponible directement ou auprès de certains fournisseurs d'accès à Internet. Netgem commercialise également des terminaux ou des logiciels nécessaires à la diffusion de services de télévision payante ou à l'accès à Internet. Netgem déploie son activité en France et dans d'autres pays européens, en Asie et en Amérique du sud.

La Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après, " la CDC ") est un établissement public à statut légal spécial, régi par les articles L. 518-2 et suivants du Code monétaire et financier, qui remplit des missions d'intérêt général, en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités locales, et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l'environnement, (ii) l'immobilier, par l'intermédiaire des filiales Société Nationale Immobilière et Icade, (iii) l'investissement et le capital investissement et (iv) les services. Créée par la loi du 28 avril 1816, la CDC est placée " sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ", ce mode de gouvernance étant destiné à assurer l'autonomie de cette institution qui gère des fonds privés nécessitant une protection particulière1.

Réunicable SAS (ci-après, " Réunicable ") est une société active dans le secteur des télécommunications. Elle déploie et exploite des réseaux de fibre optique et est active sur les marchés de détail sous la marque Zeop, sur le territoire du DROM de La Réunion2. Réunicable appartient au groupe Océinde qui exerce sur elle, par l'intermédiaire de la société THD Group, un contrôle exclusif. Le groupe Océinde est également présent dans les secteurs, du bâtiment et la peinture, ainsi que dans le secteur de l'agroalimentaire, sur le territoire du DROM de La Réunion. En 2017, le groupe Océinde a acquis le contrôle exclusif de la société ASDL, active dans le secteur des médias3 à La Réunion.

Le 27 mai 2016, les parties ont conclu un protocole d'investissement conduisant à la création de l'entreprise commune Vitis, conjointement contrôlée par Netgemet laCDC4.Dans la mesure où les seuils de chiffres d'affaires n'étaient pas franchis, l'opération n'avait alors pas été contrôlée. Le protocole d'investissement prévoyait néanmoins la possibilité d'une montée au capital de Réunicable dans Vitis par le biais de l'exercice de deux bons de souscription d'actions (" BSA ").

Le premier BSA a été exercé en deux fois en avril puis en décembre 2017, conduisant Réunicable à détenir [<15] % du capital et [<15] % des droits de vote. Par une lettre d'offre en date du 7 novembre 2017, Réunicable a notifié l'exercice du second BSA, conduisant Réunicable à détenir [>15] % du capital et [>15] % des droits de vote. Or, aux termes de l'article 4.4.5 du Pacte d'associés de VITIS et des articles 16.3.4 et 16.4.2 des statuts de Vitis, la détention d'au moins 15 % des droits de vote confèrent aux associés qui en disposent un droit de veto sur certaines décisions stratégiques. Dans ces conditions, il a lieu de considérer que l'exercice du second BSA confère à Réunicable un contrôle conjoint sur VITIS, au même titre que Netgem et la CDC5.

La possibilité pour Réunicable de monter au capital de Vitis était établie dès la conclusion du protocole d'investissement en mai 20166, acte fondant la création de Vitis en tant qu'entreprise commune. En outre, ces deux opérations successives ont eu lieu entre les mêmes entreprises dans un délai inférieur à deux années. Conformément à l'article 5, § 2, du règlement (CE) n° 139/2004, " deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération ". Dans ces conditions, les deux opérations, d'une part la création en 2016 d'une entreprise commune, Vitis, et d'autre part le changement en 2018 de contrôle conjoint sur cette entreprise commune, s'analysent comme une seule concentration. Vitis a pour objet principal la commercialisation au grand public d'une offre Très Haut Débit sur les réseaux d'initiative publique7 (" RIP ") sur le territoire de la France métropolitaine. Vitis dispose d'une activité dédiée, différente de celle de ses sociétés mères. Elle dispose de moyens financiers adéquats, de locaux dédiés, de 45 salariés, de systèmes d'informations partant la fourniture des services, la relation clients et la facturation. Enfin, au terme de ses statuts, Vitis est créée pour une durée de 99 ans. Dès lors, l'entreprise commune disposera de ressources suffisantes lui permettant de fonctionner sur le marché de manière autonome et durable et peut être ainsi qualifiée d'entreprise commune de plein exercice.

En ce qu'elle se traduit par la création d'une entreprise commune de plein exercice, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (CDC : [>150 millions] d'euros pour l'exercice clos au 31décembre 2016 ; Océinde : [>50 millions] d'euros pour le même exercice ; Netgem : [>50 millions] d'euros pour le même exercice). Deux de ces entreprises ont réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (CDC : [>150millions] d'euros pour l'exercice clos au 31décembre 2016 ; Océinde : [>50 millions] d'euros pour le même exercice ; Netgem : [>50 millions] d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

Les parties sont actives sur les marchés des communications électroniques, sur ceux des services de télévision et sur divers marchés amont, aval ou connexes à ces derniers. Il existe un lien vertical entre l'activité des parties sur le marché de gros amont des offres activées et leur activité sur les marchés de détail de l'accès à Internet. La présente décision développera donc l'analyse de ces marchés8.

Les marchés de gros des télécommunications fixes, hors téléphonie fixe, correspondent aux offres de gros auxquels font appellent les différents fournisseurs d'accès Internet (" FAI ") pour proposer des offres d'accès Internet à leurs clients. Les FAI ne disposent, en effet pas tous d'un réseau leur permettant un accès direct jusqu'à leurs abonnés. Ils peuvent également ne disposer d'un réseau local que sur une partie du territoire. Pour pouvoir proposer leurs offres de détail sur l'ensemble du territoire, ils achètent donc aux opérateurs de boucle locale des offres de gros.

La pratique décisionnelle9 distingue les offres de gros " passives ", qui permettent aux opérateurs de construire leurs offres par dégroupage de nœud de raccordement d'abonnés (" NRA "), en s'inscrivant dans une logique de concurrence par les infrastructures, des offres de gros " activées ", qui reposent sur les infrastructures d'opérateurs tiers et relèvent d'une logique de concurrence par les services. Pour fournir des offres d'accès Internet à leurs clients, les opérateurs qui ne disposent pas de boucle locale peuvent acheter des offres de gros passives, ou des offres de gros activées, directement aux opérateurs de boucle locale. Ils peuvent également acheter des offres de gros activées à des opérateurs intermédiaires, qui constituent ces accès à partir d'offres de gros passives qu'ils ont eux-mêmes achetées auprès d'opérateurs de boucles locales. La CDC est présente en métropole en tant que vendeur sur le marché des offres passives et sur celui des offres activées par le biais des RIP dans lesquels elle détient des participations contrôlantes. De la même manière, Réunicable est présente à La Réunion en tant que vendeur sur ces deux marchés. En métropole, Vitis est présente en tant qu'acheteur uniquement sur le marché des offres activées, de la même manière que Zeop à La Réunion. Sur les marchés de détail de l'accès à Internet, Vitis et Zeop sont fournisseurs et distributeurs d'offres d'accès Internet respectivement en métropole et à La Réunion.

A. MARCHÉS DE PRODUITS

1. LE MARCHÉ DE GROS DES OFFRES D'ACCÈS ACTIVÉES À LA BOUCLE LOCALE

Lorsqu'un opérateur fait le choix de ne pas dégrouper ou de ne pas déployer de réseau FTTh dans une zone géographique donnée, il peut s'appuyer sur une offre d'accès " activée ", ou " bitstream ". Son flux de données est alors collecté par le fournisseur de l'offre activée " bitstream ", et acheminé dans les différents points de présence de l'opérateur de détail en amont du réseau, via le réseau de collecte du fournisseur. Les services qu'un opérateur client de ce type d'offre peut proposer à sa clientèle finale dépendent dans ce cas du choix technologique opéré par le fournisseur de l'offre activée. Ainsi, certains opérateurs proposent une offre activée permettant de diffuser des contenus audiovisuels et d'autres pas.

Les offres activées peuvent être fondées sur la fibre optique, le DSL ou le câble coaxial et proposées par les opérateurs ayant déployé leur propre boucle locale ou bénéficiant d'un accès passif sur la boucle locale. Selon leur support (cuivre, fibre optique ou terminaison coaxiale), elles permettent de construire des offres de détail offrant des accès à haut ou à très haut débit.

La pratique décisionnelle10 considère que ces différentes offres de gros sont substituables, conformément à la position de l'Arcep11 " dans la mesure où les offres de détail fondées sur ces offres de gros sous-jacentes sont très largement similaires, tant en termes de services disponibles pour l'utilisateur final (Internet, téléphonie, télévision) qu'en termes de tarifs ". L'Arcep souligne en outre dans son avis qu' " à ce jour, aucun régulateur européen n'a distingué le marché du haut débit du marché du très haut débit fixe, y compris dans les pays où la couverture en très haut débit est supérieure à celle du marché français, notamment en raison d'une emprise significative du réseau câblé modernisé "12, considérant que le choix des opérateurs pour leur mix technologique est déterminé par une logique d'optimisation les conduisant à migrer leurs clients vers les technologies les plus rentables.

Les offres de gros activées peuvent être proposées par des opérateurs propriétaires de boucles locales ou encore par des opérateurs ayant dégroupé des lignes.

En métropole, certains RIP, et notamment ceux dans lesquels intervient la CDC, proposent des offres activées sur la base du dégroupage de la boucle locale cuivre d'Orange, ou encore sur la base de leur propre boucle locale en fibre optique. Vitis quant à elle s'approvisionne exclusivement auprès des opérateurs en mesure de commercialiser des offres activées très haut débit. À ce titre, Vitis est un important client des offres activées commercialisées par la CDC. À La Réunion, Réunicable offre des accès activés sur la base de son propre réseau ou de fibres cofinancées avec d'autres opérateurs, et notamment avec Orange. Zeop, qui ne commercialise que des offres construites sur la base de fibres optiques, s'approvisionne en totalité auprès de Réunicable.

2. LES MARCHÉS DE DÉTAILDE L'ACCÈS À INTERNET

Au sein de l'accès à Internet, la pratique décisionnelle13 distingue le marché de la fourniture d'accès à Internet et le marché de la distribution d'accès à Internet.

a) Les marchés de la fourniture d'accès à Internet

Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence14, il convient de distinguer le marché de la fourniture d'accès à Internet bas débit (via le réseau téléphonique commuté) et le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit et très haut débit (via les technologies du câble, de l'ADSL et de la fibre). Par ailleurs, les marchés de la fourniture d'accès à Internet peuvent être segmentés selon le type de client, en distinguant la clientèle grand public, dite " résidentielle ", et la clientèle des entreprises, dite " non résidentielle ".

Le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit pour la clientèle résidentielle comprend l'ensemble des services haut débit, à savoir, outre l'accès à Internet, les services de téléphonie et la télévision15. Ces services sont généralement proposés dans le cadre d'une offre multiservices, ou " multiple play " amenant les opérateurs à faire transiter les services de téléphonie et de télévision via Internet (on parle ainsi de voix et de télévision sur IP, pour Internet Protocol). Ces offres sont ainsi dites " triple play ". Une convergence commerciale vers des offres couplant le " triple play " et des services de téléphonie mobile amène également les opérateurs à parler de " quadruple play ".

b) Le marché de la distribution d'accès Internet

La distribution au détail d'accès à Internet vise la distribution au client final d'offres d'accès à Internet par canaux de distribution physique et à distance. Selon la pratique décisionnelle nationale16, la typologie des canaux de distribution des offres haut débit multiservices est similaire à celle des canaux de distribution des produits et services de téléphonie mobile17. Toutefois, la répartition des ventes d'abonnements haut débit multiservices entre ces différents canaux de distribution est différente de celle des services de téléphonie mobile. En effet, une part significative des ventes d'abonnements est réalisée à distance, certaines offres n'étant disponibles que sur Internet ou par téléphone.

B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

1. LES MARCHÉS DE GROSDES OFFRES D'ACCÈS ACTIVÉES

Sur les marchés des offres passives comme des offres activées, l'Autorité a envisagé de distinguer la métropole de chacun des DROM où une DSP d'exploitation de réseaux très haut débit était présente (Martinique, Guyane et La Réunion)18 : " Sur le plan géographique, la partie notifiante considère que ce marché est de dimension nationale. Il ressort néanmoins du test de marché que, même si le marché de l'accès à la boucle locale filaire a été considéré comme étant de dimension nationale dans la pratique décisionnelle de l'ARCEP19, il est nécessaire de prendre en compte les spécificités locales s'agissant d'une opération de concentration dans des marchés insulaires. Ainsi, certains répondants expliquent ne pouvoir se tourner que vers deux offreurs dans les DROM, à savoir Orange, dont les offres peuvent être indisponibles ou saturées sur des parties des territoires concernés, et les DSP dont le groupe Loret est titulaire. Ils considèrent donc que les offres relevant de ce marché constituent un marché local. En outre, dans les DROM, les opérateurs locaux expliquent conclure des contrats d'accès au niveau de chaque département. [...] Seuls les territoires où une DSP exploite un réseau haut débit sont concernés par l'opération. Ainsi, l'analyse concurrentielle sera menée respectivement sur le territoire de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion. La question de la délimitation exacte de ce marché peut toutefois rester ouverte, l'analyse concurrentielle restant inchangée, quelle que soit l'hypothèse considérée "20.

Le marché peut être défini comme étant de dimension nationale, ou en distinguant d'une part la zone géographique discontinue résultant de l'union de l'ensemble des RIP de la CDC, et d'autre part le reste du territoire national, ou encore en considérant chaque zone concernée par une DSP de la CDC comme un marché géographique distinct.

La question de la délimitation exacte des marchés des offres activées peut toutefois rester ouverte, l'analyse concurrentielle restant inchangée quelle que soit l'hypothèse considérée.

2. LES MARCHÉS DE DÉTAIL DE L'ACCÈS À INTERNET

a) Les marchés de la fourniture d'accès Internet

Depuis son avis n° 10-A-13 du 14 juin 2010, l'Autorité de la concurrence a précisé qu'il convenait de distinguer le territoire métropolitain des DROM21, les conditions de concurrence n'y étant pas les mêmes. L'Autorité de la concurrence a également considéré que les offres d'accès à Internet sont spécifiques à chaque DROM et différentes de celles proposées en métropole, tant au niveau de leur tarification que de leur contenu et que la structure concurrentielle de ce marché varie d'un DROM à l'autre22. Il n'y a pas lieu de revenir sur ces délimitations à l'occasion de la présente opération.

En l'espèce, Vitis n'est présente qu'en métropole et Zeop n'est présente qu'à La Réunion.

b) Le marché de la distribution d'accès Internet

La pratique décisionnelle23 considère généralement que ce marché est de dimension nationale, notamment parce que les offres sont proposées à des conditions identiques sur l'ensemble du territoire français et selon une politique tarifaire et commerciale fixée au niveau national, sans aucune marge de manœuvre pour les différents distributeurs. Toutefois, dans une précédente décision24, l'Autorité de la concurrence a envisagé de définir un marché réunionnais de la distribution d'accès Internet, en relevant la spécificité des offres dans chaque DROM. Il sera donc envisagé en l'espèce un marché limité à chaque DROM et un marché national.

En l'espèce, et de la même manière que sur le marché de détail de la fourniture d'accès Internet, Vitis n'est présente qu'en métropole et Zeop n'est présente qu'à La Réunion.

III. Analyse concurrentielle

Les parties sont simultanément actives sur les marchés de la fourniture d'offres activées, ainsi que sur les marchés de détail de l'accès Internet. La création de Vitis en aval des activités de gros menées par la CDC, par l'intermédiaire des RIP dans lesquels elle détient des participations contrôlantes est susceptible d'entraîner des effets verticaux.

Une concentration verticale est susceptible d'entraîner deux types de verrouillages : (i) le verrouillage du marché des intrants lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou alors le leur fournit à un prix élevé, dans des conditions défavorables ou à un niveau de qualité dégradé et/ou (ii) le verrouillage de la clientèle lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter ou de distribuer les produits des producteurs actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. L'Autorité considère néanmoins qu'il est peu probable qu'une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci25.

En l'espèce, les faibles parts de marché de Vitis sur le marché de détail26 excluent tout risque de verrouillage de la clientèle.

En revanche, les RIP peuvent détenir des positions fortes en amont, ce qui pourrait entraîner un risque de verrouillage des intrants. En retenant une délimitation géographique locale des marchés, la position des RIP s'en trouverait renforcée.

Sur le marché des offres activées, la CDC détient une part de marché de [20-30] % si l'on considère l'ensemble du territoire national comme un unique marché géographique. Si au contraire, on considère que les différents RIP constituent des marchés géographiques distincts, les parts des marchés de la CDC peuvent être localement plus importantes. Les parties estiment toutefois qu'elles demeurent toujours inférieures à 50 %. Enfin, si l'on distingue d'une part, la zone géographique discontinue résultant de l'union de l'ensemble des RIP de la CDC, et d'autre part le reste du territoire national, la part de marché de la CDC se trouve nécessairement comprise entre ces deux situations extrêmes, supérieure à [20-30] %, mais inférieure à 50 %. En retenant une approche nationale, les risques d'effets verticaux peuvent aisément être écartés, dans la mesure où la part de marché de la CDC reste inférieure à 30 %.

S'agissant des deux autres délimitations géographiques examinées ici, et en dépit de parts de marché localement importantes, les risques concurrentiels restent également limités, pour deux raisons principales.

En premier lieu, les accès commercialisés par les RIP sont destinés aux fournisseurs d'accès Internet qui comprennent des opérateurs importants tels qu'Orange, Free, SFR-Numéricâble ou encore Bouygues Telecom. Ces acteurs sont des opérateurs de premier plan qui disposent d'un important contre-pouvoir d'acheteur.

En second lieu, les offres des RIP font l'objet d'un encadrement législatif et réglementaire. En particulier, l'article L. 1425-1, alinéa VI du Code général des Collectivités territoriales prévoit que ; " Les collectivités territoriales et leurs groupements permettent l'accès des opérateurs de communications électroniques aux infrastructures et aux réseaux de communications électroniques mentionnés au premier alinéa du I, dans des conditions tarifaires objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées et qui garantissent le respect du principe de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques ainsi que le caractère ouvert de ces infrastructures et de ces réseaux. Dans le respect de ces principes, ces conditions tarifaires prennent en compte l'apport d'aides publiques de manière à reproduire les conditions économiques d'accès à des infrastructures et à des réseaux de communications électroniques comparables établis dans d'autres zones du territoire en l'absence de telles aides. ". En matière de fibre optique, le même article prévoit également une intervention de l'ARCEP : " [...] Les collectivités territoriales et leurs groupements mentionnés au premier alinéa du I communiquent à l'[ARCEP], au moins deux mois avant leur entrée en vigueur, les conditions tarifaires d'accès à leurs réseaux à très haut débit en fibre optique ouverts au public permettant de desservir un utilisateur final. [...]. Lorsqu'elle estime que les conditions tarifaires soulèvent des difficultés au regard du présent VI, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes émet un avis, qui peut être rendu public, invitant la collectivité territoriale ou le groupement concerné à les modifier. ". Enfin, ainsi que l'y invitait le même article du Code Général des Collectivités Territoriales, l'ARCEP a adopté le 7 décembre 2015 des lignes directrices visant à encadrer les tarifs pratiqués par les RIP en fibre optique.

Compte tenu de ces éléments, les risques concurrentiels liés à la relation verticale entre les RIP de la CDC et Vitis peuvent être écartés.

L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 18-022 est autorisée.

NOTES

1 Voir l'article L. 518-2 du code monétaire et financier.

2 Réunicable fournit une offre de téléphonie fixe (construction de l'offre, achat de minutes et interconnexion internationale) à Zeop sur le territoire de La Réunion ainsi qu'à Vitis en métropole.

3 Décision n° 17-DCC-25 du 16 février 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ASDL par le groupe Océinde.

4 Réunicable détenant par ailleurs dans Vitis une participation non contrôlante.

5 À l'occasion d'une augmentation de capital, le management de Vitis a acquis [<5] % du capital. Ces actions ne sont néanmoins assorties d'aucun de droit de vote.

6 Le protocole d'investissement prévoit en effet, aux articles 4.2 et suivants, les modalités d'une augmentation du capital de Vitis, au profit de Réunicable, par le biais de l'émission de deux séries de BSA. L'article 4.2.2 précise en particulier : " Concomitant à l'augmentation de capital Réunicable, [...] bons de souscription d'actions Vitis donnant le droit à Réunicable de souscrire [...] actions ordinaires Vitis (les " BSA 1 ") et 1 bon souscription d'actions Vitis donnant le droit à Réunicable de souscrire [...] actions ordinaires Vitis (les " BSA 2 ") ".

7 Depuis 2004 et la loi pour la confiance dans l'économie numérique, les collectivités territoriales sont autorisées à constituer des réseaux d'initiative publique (RIP) pour pallier à la carence d'initiative privée afin d'améliorer la couverture numérique de leurs territoires.

8 Sur les autres marchés des communications électroniques, sur ceux des services de télévision ou sur les autres marchés amont, aval ou connexes sur lesquels les parties sont actives, notamment ceux concernant ou l'exploitation de sites Internet, les chevauchements d'activités ou les parts de marché sont très limités et, en tout état de cause, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés, y compris par le biais de la coordination du comportement concurrentiel des sociétés mères.

9 Décision n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice.

10 Décision n° 14-DCC-160 précitée.

11 Décision de l'Arcep n° 2014-0734 du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché.

12 Avis de l'Arcep n° 2014-0815 du 22 juillet 2014 rendu à la demande de l'Autorité de la concurrence portant sur la concentration constituée par l'acquisition du contrôle exclusif de la Société Française du Radiotéléphone (SFR) par le groupe Altice et sa filiale Numericable Group.

13 Décision n° 14-DCC-15 du 10 février2014 relative à la prise de contrôle exclusif de Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique par Canal Plus Overseas.

14 Id.

15 L'éligibilité aux services de télévision sur IP est conditionnée aux caractéristiques techniques de la ligne téléphonique du client, notamment la longueur de la ligne. Au-delà d'une certaine longueur, le signal Internet sera trop faible pour permettre l'acheminement des contenus télévisuels.

16 Décisions n° 11-DCC-110 du 26 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Outremer Telecom par AXA Investment Managers Private Equity Europe SA et n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Compagnie Européenne de Téléphonie par la société France Télécom SA.

17 Les différents canaux de distribution peuvent être présentés selon la typologie suivante : (i) réseaux intégrés des opérateurs ; (ii) réseaux monomarques spécialisés liés, sans être intégrés, aux opérateurs par un partenariat exclusif ou quasi-exclusif ; (iii) réseaux multimarques spécialisés, qu'il s'agisse de spécialistes télécom ou de grandes surfaces spécialisées (tels que notamment The Phone House, FNAC, Darty), intégrés ou non à des groupes de distribution ; (iv) réseaux multimarques généralistes (grandes surfaces alimentaires) ; (v) réseaux de vente à distance (Internet, vente par téléphone, vente directe).

18 Décision n° 14-DCC-15 précitée.

19 Décision de l'Arcep n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011, portant sur la définition du marché de gros pertinent des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché.

20 Décision n° 14-DCC-15 précitée.

21 Décision n° 14-DCC-15 précitée.

22 Décision n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mobius SAS par Altice Blue Two SAS.

23 Décisions n° 09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cinq sur Cinq par la société SFR ou n° 11-DCC-118 précitée.

24 Décision n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013 précitée.

25 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 453.

26 La part de marché de Vitis sur le marché de détail de la fourniture d'accès Internet est inférieure à [0-5] %.