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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 22 mai 2014, n° 12-14377

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Espace Loggia Expansion (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gimonet

Conseillers :

Mmes Grasso, Lefevre

Avocats :

Mes Olivier, Aferiat, Braun

TI Paris 7e, du 26 juin 2012

26 juin 2012

Madame D. a acquis à Paris le 26 mai 2001 auprès du magasin du Bazar de l'hôtel de ville (BHV) un lit mezzanine de marque Espace loggia qui a été installé le 20 juillet 2001 par un professionnel mandaté par le BHV ;

A la fin de l'année 2003, la société Espace loggia expansion, venant aux droits de la société Espace loggia, est intervenue pour procéder au remplacement de la façade de plateau mobile avec deux axes de béquille ;

Le 23 février 2009, au moment où l'utilisateur a voulu remonter le lit au plafond, le câble de liaison entre le contrepoids et le lit a cédé et le lit est tombé, le desserrage du plateau mobile ayant conduit à sa destruction et cette chute ayant provoqué la détérioration du bâti en bois de la fenêtre de la chambre, d'une armoire ainsi que du papier peint, du fait de la projection d'éléments du lit ;

Par jugement du 26 juin 2012, le Tribunal d'instance du 7ème arrondissement de Paris a:

- condamné la société Espace loggia expansion à payer à madame D. la somme de 1 900 € en réparation de son préjudice ;

- condamné la société Espace loggia expansion à sous astreinte de 100 € par mois à compter de la signification du jugement à démonter et enlever le lit mezzanine ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Espace loggia expansion à payer à madame D. la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

La société Espace loggia expansion a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées le 2 avril 2014, a demandé à la cour :

- de déclarer irrecevable madame D. en l'ensemble de ses demandes, faute de justifier d'une atteinte d'un montant de 500 € ;

- d'écarter des débats la pièce n° 24 de la communication de madame D. ;

- d'infirmer le jugement ;

- de condamner madame D. à lui payer la somme de 1 900 € versée au titre de l'exécution provisoire et majorée des intérêts de droit à compter du règlement ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

- de condamner madame D. à lui payer la somme de 5 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

Madame D. a demandé à la cour par, conclusions n° 5 déposées le 21 mars 2014, de confirmer le jugement et de condamner la société Espace loggia expansion à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant que madame D. agit sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ; que selon les articles 1386 -2 du Code civil et 1er du décret du 11 février 2005, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage supérieur à 500 € qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ;

Considérant que la société Espace loggia expansion soutient que l'action formée par madame D. est irrecevable, au motif que l'évaluation du montant des dommages matériels résultant du sinistre du 23 février 2009 est inférieure à la somme de 500 € ;

Que toutefois, le montant du préjudice est une condition de fond d'application du principe de responsabilité et non une cause d'irrecevabilité ;

Considérant qu'aux termes des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le producteur, fabricant du tout ou d'une partie composante ou importateur d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on pourrait s'attendre est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ;

Que selon l'article 1386-8, en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables ;

Qu'enfin, selon l'article 1386-11, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve qu'il n'avait pas mis le produit en circulation et le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit ;

Considérant qu'il ressort de l'expertise amiable réalisée par monsieur C., expert de l'assureur de protection juridique de madame D., que l'accident est survenu parce que le câble sur la partie droite du lit de renvoi de force entre la structure du lit et le contrepoids est cassé par une rupture fragmentaire des brins de câble type acier, la rupture ayant été progressive ;

Que monsieur C. a relevé que l'ensemble des poulies ne présente aucun désordre particulier et que l'ensemble des axes sur lesquels sont positionnées les poulies ainsi que les tiges filetées ne présente pas de point d'usure ;

Que le contrôle réalisé sur le câble gauche n'ayant pas été rompu a permis de constater des ruptures sur un nombre de brins significatifs, ruptures préalables à la casse complète du câble situé à droite ;

Qu'il résulte du rapport de l'expert que la responsabilité de Espace loggia est pleinement démontrée et que madame D. demande la dépose du reste du lit et le remboursement des frais consécutifs à la casse du lit soit :

- Remboursement du lit selon facture n° 49630475

pour un montant total de 18 688 Francs soit 2 848,97 €

- dépréciation sur meuble penderie

VAN - 400,00 € Dépréciation 20 % 30,00 €

- reprise finition sur fenêtre - montant à réparer. Forfait: 120,00 €

- Papier peint chambre - 2,70 x 1,93 H. 2,6 M

VAN - 750,00 € Dépréciation 200/0 150,00 €

- Reprise papier peint dans chambre 2 - Forfait 150,00 €

Mais considérant qu'il n'est pas établi que la société Espace loggia expansion aurait procédé à la mise en circulation du lit mezzanine en cause vendu en 2001 par la société BHV à madame D. ;

Qu'en effet, le document émanant de la société BHV ne porte aucune mention de la société Espace loggia expansion ; que s'il figure une mention manuscrite portée à une date ignorée sur ce document libellée comme suit : Lit mezzanine d Emilien E. logia..., rien ne permet d'affirmer que cette mention a été portée par la société BHV ;

Que par ailleurs, il est constant que monsieur Wolfgang G., créateur et dessinateur du modèle, n'a cédé ce modèle que le 5 août 2003 à la société Espace loggia expansion ; qu'en outre, la société Espace loggia expansion expose que le lit mezzanine était commercialisé exclusivement par la Société Olonnaise du Nouvel Ameublement (SOLNA), dont le gérant était monsieur Wolfgang G., jusqu'en mars 2002, date de l'ouverture d'une procédure collective, ainsi qu'en atteste l'extrait du registre du commerce et des sociétés de la Roche-sur-Yon versé aux débats ;

Considérant par ailleurs qu'il est constant que la société Espace loggia expansion a procédé au remplacement de la façade de plateau mobile avec deux axes de béquilles selon facture du 30 décembre 2003 ; que le premier juge a retenu la responsabilité de cette société en sa qualité de producteur fabricant d'une partie composante du bien en cause ;

Considérant cependant que la société Espace loggia expansion n'est pas le producteur de la partie composante incorporée affectée d'un défaut au sens de l'article 1386-8 du Code civil ;

Qu'en effet, il n'apparaît pas que la façade de plateau mobile et les deux axes de béquilles soient en relation de cause à effet avec le dommage ;que ce dernier résulte au contraire de la rupture des brins du câble en acier situé à droite du lit ;que dès lors, la société Espace loggia expansion est en droit de faire valoir, en sa qualité de producteur d'une partie composante étrangère à l'accident, qu'elle n'est pas responsable du défaut imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ;

Considérant enfin que la cour relève à titre superfétatoire que, même en tenant compte du dommage au papier peint de la chambre dans laquelle ne se trouvait pas le lit en cause et dont il n'est pas établi qu'il résultait de l'accident et non pas du choix de faire démonter le lit, le propre expert de madame D. avait présenté la demande de cette dernière qui n'excédait pas la somme de 500 € ; que le montant retenu par le premier juge pour les dommages matériels résultant de l'accident et ne concernant pas le lit lui-même ne dépasse pas 500 € ;

Qu'il convient donc, en infirmant le jugement, de débouter madame D. de l'ensemble de ses demandes ;

Considérant que la société Espace loggia expansion demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal à compter du règlement et capitalisés ;

Considérant cependant que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ; que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de l'arrêt ouvrant droit à restitution ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Espace loggia expansion ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement ; Statuant à nouveau : Déboute madame D. de ses demandes ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ; Déboute la société Espace loggia expansion de toutes autres demandes ; Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne madame D. aux dépens de première instance et d'appel.