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Décisions

CA Papeete, ch. civ., 29 mars 2018, n° 15-00168

PAPEETE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Compagnie d'Assurances Gan

Défendeur :

Sopadep (Sté), Pimas (SAS), MGEN (Sté), Caisse Primaire d'Assurance Maladie, Océor Lease (Sté), Compagnie Qbe Insurance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

M. Ripoll, Mme Szklarz

Avocats :

Mes Bourion, Quinquis, Jourdainne, Cabouche, Toudji, Guedikian

TCPI Papeete, du 25 févr. 2015

25 février 2015

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Alain C. est atteint d'un handicap (privation partielle de l'usage des jambes) qui conditionne son aptitude à conduire les véhicules automobiles à l'installation de commandes au volant (frein et accélérateur). Il a souscrit le 19 juin 2008 avec la société Oceor Lease un contrat de location d'un véhicule avec option d'achat, qu'il a commandé à la société SOPADEP. Celle-ci lui a livré une Peugeot 206 XLine immatriculée 194 810 P, pré équipée par la société spécialisée PIMAS d'un dispositif de commandes adaptées pour les personnes à mobilité réduite.

Étant conducteur de ce véhicule, Alain C. a été victime, le 17 mai 2010 à 9 heures, d'un accident de la circulation qu'il a relaté en ces termes à la gendarmerie : " J'étais seul à bord de ma voiture. Je descendais des hauts de Pamatai à Faa'a vers la RDO à 9 heures du matin lorsque les freins de mon véhicule ont lâché. En effet, au début de la descente en ligne droite, au moment où j'actionnais la manette de freinage, l'ensemble du système de freinage s'est détaché du tableau de bord puis est tombé sur le plancher de la voiture. Cette voiture à boîte automatique, sans frein moteur, a rapidement atteint une certaine vitesse, puisque privée de frein. Des véhicules montaient en sens inverse. Je ne pouvais pas utiliser le frein à main sans risquer de percuter d'autres conducteurs de véhicules. Je ne pouvais pas non plus aller à droite car il y avait une pente et mon véhicule aurait fait des tonneaux, certainement mortels. J'ai dû choisir la solution la moins dangereuse pour les tiers, qui consistait à heurter par l'arrière un camion de chantier rempli de terre qui descendait dans le même sens que moi. Je savais qu'il existait une école primaire un peu plus bas et qu'il me fallait absolument immobiliser mon véhicule avant l'arrivée de celui-ci à proximité de ladite école. Le choc sur le camion a été violent. Les airbags et la ceinture de sécurité m'ont sauvé la vie. J'ai été transporté par les pompiers pour recevoir les soins nécessités par un traumatisme crânien et une section des tendons du pied gauche. Étant appareillé de la jambe droite depuis l'âge de 12 ans, je suis donc à l'heure actuelle réduit à une immobilité et à une dépendance totale. C'est une situation qui me cause un préjudice important à la fois en tant que professeur d'université et en tant qu'avocat. Je présente une ITT de 3 mois minimum. "

Alain C. a déposé plainte pour mise en danger de la vie d'autrui et pour atteinte à l'intégrité physique. Il produit des extraits d'une procédure pénale desquels il résulte qu'une réquisition judiciaire a été faite à l'expert C. aux fins de constater l'origine des dommages, que l'enquête a été poursuivie auprès de la société PIMAS à Lyon, que le Parquet de Papeete a alerté celui de Lyon sur le risque d'un défaut systémique de ce dispositif de conduite adaptée, qu'une information judiciaire a été ouverte contre X le 18 février 2011 au Tribunal de grande instance de Lyon dans laquelle Alain C. s'est constitué partie civile, et qu'une enquête sur commission rogatoire a été diligentée, notamment à l'égard de la société SOPADEP à Tahiti. L'issue de l'information n'est pas connue.

À la requête d'Alain C., l'expert médical Beaumont et l'expert automobile Barbier ont été désignés par ordonnance de référé du 10 octobre 2011.

Dans son rapport du 5 août 2012, le Dr B. a décrit les lésions subies par Alain C. du fait de l'accident de la circulation du 17 mai 2010 (traumatisme crânien sans perte de connaissance et luxation péri astragalienne gauche ouverte), a fixé la consolidation au 1er juin 2016, a déterminé une période de déficit fonctionnel temporaire total de 90 jours, une incapacité temporaire totale de travail de 27 jours et partielle de 63 jours, une incapacité permanente partielle de 12 %, un quantum doloris moyen, un préjudice esthétique léger, et un préjudice d'agrément.

Dans son rapport du 14 août 2012, l'expert Gilbert B. a conclu que :

" Le véhicule d'origine est fonctionnel et ne comporte pas de vices cachés. Ce véhicule bénéficie

d'un système de freinage et d'un accélérateur adapté pour personne à mobilité réduite, dont le montage a été effectué en métropole sur véhicule neuf, par une entreprise spécialisée, avant que le véhicule ne soit livré au concessionnaire polynésien.

" La cause de l'accident est due à la désolidarisation de cet équipement spécifique qui a privé le conducteur de son frein principal. La vis de fixation de la poignée de frein, servant à la fois d'axe de rotation, s'est desserrée jusqu'à la chute de l'ensemble du mécanisme, relié à la pédale de frein d'origine du véhicule, créant ainsi la mise en danger des occupants du véhicule.

" Nos investigations nous ont permis de constater que la vis frein, chargée de bloquer l'axe de fixation de la poignée de frein adaptée n'était plus en appui sur celui-ci. L'axe de fixation, n'étant plus sécurisé, a pu ainsi se desserrer progressivement.

" Nous avons relevé une seule empreinte de la vis frein sur l'axe de fixation qui nous permet d'affirmer que le montage d'origine a été réalisé dans les règles de l'art.

" Les travaux entrepris sur le véhicule par le concessionnaire le 17 novembre 2009 sont centrés sur une zone précise de l'accélérateur électronique ne nécessitant pas la dépose de la poignée de frein incriminée. L'hypothétique recherche de panne engageant la dépose du frein rapporté pour comprendre le fonctionnement de l'accélérateur électrique et remonter le circuit depuis sa source (envisagée, mais que nous ne pouvions affirmer dans notre pré rapport, avant l'examen d'échantillons neufs) se précise et il ne fait plus de doute que l'axe a été démonté par la main humaine. L'hypothèse d'une dépose repose de la poignée de frein adaptée, lors de la recherche de panne, avec oubli du blocage de la vis frein est probable. L'alésage de la partie filetée de la platine fixe en bronze occasionné par le démontage et le remontage de l'axe de fixation de la poignée a permis à cet axe (non freiné puisque nous n'avions relevé qu'une seule empreinte le jour de l'expertise) de se desserrer progressivement dans le temps. Le seul intervenant connu est le réparateur.

" Le ressort compensant le jeu au fil du desserrage de l'axe, le conducteur ne pouvait s'apercevoir d'un jeu anormal à sa poignée de frein rapportée.

" Le conducteur a perdu le contrôle de son véhicule peu avant la collision et n'a pas employé tous les moyens mis à sa disposition pour ralentir, voire arrêter, son véhicule.

" Les ceintures de sécurité du véhicule n'étaient pas fixées au moment de l'accident.

" Les déclarations confuses du conducteur, après accident, sont techniquement irréalistes et irrecevables.

" Quant à la détermination de la recherche de panne sur le véhicule de leur client, les déclarations du directeur technique et du chef d'atelier du concessionnaire sont contradictoires ".

Par requête du 11 janvier 2013, Alain C. et son assureur la compagnie Gan ont introduit la présente instance à l'égard des sociétés SOPADEP et PIMAS, de la mutuelle MGEN, de la CPAM et de la société Oceor Lease. La société QBE Insurance est intervenue aux côtés de son assurée la société SOPADEP.

Par jugement du 25 février 2015, le Tribunal de première instance de Papeete a :

Débouté Alain C. et la société d'assurances Gan de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamné Alain C. et la société d'assurances Gan à payer à la SOPADEP, la société PIMAS, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Paris et la société Oceor Lease Tahiti chacune la somme de 100 000 F CFP sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;

condamné Alain C. et la société d'assurances Gan aux dépens qui pourront être recouvrés comme il est prévu à l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Le tribunal a retenu qu'Alain C. n'est pas fondé à rechercher la responsabilité des sociétés SOPADEP et PIMAS au titre de la responsabilité quasi délictuelle du fait des produits défectueux, car l'expert B. a exclu toute défectuosité de l'accélérateur électronique et du système de freinage Guidosimplex installés par PIMAS dans les règles de l'art ; qu'A. C. n'est pas fondé à rechercher leur responsabilité au titre de la garantie des défauts cachés de la chose vendue, car, l'expert écartant expressément l'existence de tout vice caché, le demandeur n'en prouve pas la présence antérieurement à l'acquisition du 19 juin 2008 ; qu'A. C., qui multiplie les fondements juridiques, n'est pas non plus fondé à rechercher la responsabilité de la SOPADEP sur le fondement de son obligation de sécurité à l'occasion de la réparation du 17 novembre 2009, car la conclusion de l'expert relative à une intervention humaine sur la vis de blocage du frein n'est qu'une hypothèse, et que rien ne permet d'affirmer avec une absolue certitude qu'un autre intervenant inconnu de l'expert, mais peut être connu de quelqu'un d'autre, n'aurait pas été en mesure de desserrer la vis et d'omettre de la resserrer, par exemple un autre garagiste ou un proche ayant accès au véhicule de la victime ; qu'A. C. n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de SOPADEP ou de PIMAS en leur qualité de gardien de la structure du système de freinage, car lui-même a toujours eu la garde de son véhicule dont le système de freinage fait partie intégrante ; qu'il n'est ainsi pas nécessaire de rechercher si A. C. a commis un défaut de maîtrise qui aurait été la cause directe de ses blessures ; que la compagnie Gan doit être également déboutée de son recours subrogatoire.

Alain C. et la compagnie Gan Assurances ont relevé appel par requête enregistrée au greffe le 1er avril 2015 et par exploit portant signification de celle-ci délivré le 16 avril 2015 à la SA Oceor Lease Tahiti, à la SA SOPADEP et à la compagnie QBE Insurance, et le 21 avril 2015 à la SAS PIMAS, à la Mutuelle Générale de l'Education Nationaleet à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Paris.

Il est demandé :

1° par Alain C. et la compagnie Gan Assurances, appelants, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 25 octobre 2016, de :

réformant le jugement entrepris,

dire et juger solidairement responsables sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux les sociétés SOPADEP et PIMAS de son dommage survenu le 10 mai 2010, en vertu des articles 1386-1 et suivants du Code civil ;

dire et juger que l'absence de lien contractuel de l'utilisateur avec les sociétés PIMAS ou SOPADEP est indifférente dans ce type de responsabilité ;

dire la présence de la société Oceor Lease justifiée en la cause ;

dire et juger conséquence que l'acquisition du véhicule accidenté sous forme juridique de crédit-bail avec option d'achat ne prive pas la victime de sa faculté d'agir en réparation de son dommage ;

dire que l'absence de spécifications écrites particulières de la société PIMAS lors de la remise du véhicule après aménagement à la société SOPADEP relatives à d'éventuelles instructions ou précautions relatives au système installé lors des révisions du véhicule constitue une faute en relation avec la défectuosité du système de freinage ;

condamner en conséquence conjointement et solidairement les sociétés SOPADEP et PIMAS à la réparation de l'entier dommage ;

Dire et juger, subsidiairement, s'agissant de la garantie des vices cachés, que l'absence de lien contractuel direct avec la société SOPADEP est également indifférente à la responsabilité de cette dernière ; dire que la société SOPADEP est responsable du défaut caché du véhicule par elle mis en circulation et mis à disposition par Oceor Lease, l'organisme de crédit-bail ayant au demeurant contractuellement délégué au client l'exercice des droits résultant pour l'acheteur des garanties dues par le vendeur ;

réformant la décision entreprise, condamner la société SOPADEP à la réparation de l'entier dommage sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil ;

dire que la société SOPADEP, tenue d'une obligation de sécurité de résultat dans ses rapports contractuels avec le client qui lui confie son véhicule pour révision, ne saurait s'y soustraire en remettant au client un véhicule dont le système de freinage s'avère gravement défaillant ;

constater que l'expert commis, en page 18 de son rapport, énonce : " Nous pouvons affirmer que la cause principale du sinistre est due au desserrage progressif de l'axe de maintien de la commande manuelle principale du frein au volant, jusqu'à la désolidarisation de sa platine de fixation et la chute de la poignée sur le plancher du véhicule ;

constater que ces conclusions sont les mêmes que celles de l'expert Philippe C. commis dès après l'accident survenu sur réquisition du parquet ;

constater également que l'expert judiciaire commis, en page 17 de son rapport, évoque une dépose du système adapté de freinage par le garagiste qui avait à travailler sur le volant " d'autant que les heures de travail facturées ne correspondant pas à un simple échange de cet organe " ;

constater que la société SOPADEP ne s'est jamais expliquée sur cette facturation qui excède les travaux sur le seul accélérateur au volant ;

constater au demeurant que ce " desserrage progressif " survient peu après la demande de révision du client ;

dire qu'en attirant l'attention de la SOPADEP, à l'occasion de la révision pour les 10 000 km de son véhicule, sur une défectuosité du système de conduite aménagée par PIMAS, la société SOPADEP, amenée à travailler sur ce système, est à l'origine causale de la grave défectuosité survenue par dévissage progressif de la platine du système de freinage de son axe dont le conducteur ne pouvait se rendre compte ;

dire que lorsqu'il est relevé, comme en l'espèce, que le garagiste est intervenu sur une pièce dont la rupture est à l'origine du sinistre, le tribunal de première instance ne pouvait, sans inverser la charge de la preuve, retenir que la victime du dommage ne rapporte pas la preuve que cette rupture était en relation avec les interventions effectuées par le garagiste ;

En conséquence, réformer la décision entreprise et statuant de nouveau, dire que le garagiste étant tenu envers ses clients qui lui confient un véhicule en réparation ou révision d'une obligation de sécurité dont il ne peut s'exonérer en prouvant qu'il n'a pas commis de faute, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, doit répondre du dommage causé par son impéritie ;

Dire et juger, plus subsidiairement encore, que la responsabilité de la société SOPADEP doit être retenue sur le fondement de la garde de structure, par elle conservée, du système de freinage installé sur le véhicule délivré à M. C. et soumis chez elle à révision périodique, sur le fondement des articles 1384 alinéa 1 et suivants du Code civil ;

Dire que la victime n'a commis aucune faute en relation causale avec l'accident survenu susceptible de diminuer la réparation de son préjudice ; dire l'absence de ceinture attachée au moment du choc, pour des raisons majeures relevant de la volonté salvatrice du requérant, et relevant de l'état de nécessité, sans relation causale avec le type de blessures subies, ainsi que le reconnaissent les experts médicaux ;

Ayant tels égards que de droit au rapport de l'expert B., condamner in solidum les sociétés SOPADEP et PIMAS au paiement des sommes suivantes :

- au titre du retentissement professionnel du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 1 000 000 F CFP ;

- au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 418 000 F CFP ;

- au titre de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, la somme de 600 000 F CFP ;

- au titre des souffrances endurées, la somme de 120 000 F CFP ;

- au titre du préjudice esthétique, la somme de 265 000 F CFP ;

- au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de 1 992 000 F CFP ;

- au titre de l'incidence de carrière du déficit permanent, la somme de 8 000 000 F CFP ;

- au titre du préjudice d'agrément, la somme de 500 000 F CFP ;

condamner les intimées respectivement au paiement de la somme de 500 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ;

2° par la société SOPADEP, intimée, dans ses conclusions visées le 28 avril 2016, de :

Confirmer le jugement entrepris ;

lui donner acte de l'appel en garantie de son assureur la compagnie QBE ;

constater que les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux ne sont pas remplies à son égard ;

débouter l'appelant de ses prétentions dirigées contre elle sur ce principe de responsabilité ;

constater que les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés ne sont pas remplies à son égard ;

débouter l'appelant de ses prétentions fondées sur la garantie des vices cachés ;

constater qu'il n'est pas établi qu'elle soit intervenue en sa qualité de garage automobile sur le mécanisme de freinage qui s'est avéré défectueux ;

débouter l'appelant de ses prétentions fondées sur l'obligation contractuelle de la chose ;

constater qu'elle ne peut pas être regardée comme gardien du dispositif de freinage Guidosimplex équipant le véhicule de M. C. ;

débouter l'appelant de ses prétentions fondées sur la responsabilité du gardien du dispositif de freinage ;

débouter l'appelant de l'ensemble de ses prétentions et conclusions dirigées à son encontre ;

Subsidiairement, constater que le préjudice dont se prévaut M. C. résulte de son comportement fautif en tant que conducteur ;

dire et juger que la faute de la victime l'exonère de sa responsabilité ;

Plus subsidiairement, ordonner un partage de responsabilité avec la victime ;

condamner la société PIMAS à la relever et garantir indemne de toutes condamnations ;

lui donner acte de ce qu'elle est garantie par la compagnie d'assurances QBE ;

constater que les prétentions indemnitaires de M. C. sont manifestement excessives et les réduire à de plus justes proportions ;

condamner M. C. et la société Gan à lui verser la somme de 330 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

3° par la compagnie QBE Insurance LTD, intimée, dans ses conclusions visées le 3 juin 2016, de :

débouter Alain C. et la compagnie Gan de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

confirmer le jugement entrepris ;

condamner solidairement Alain C. et la compagnie Gan à lui payer la somme de 180 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens ;

4° par la société PIMAS, intimée, dans ses conclusions récapitulatives visées le 2 novembre 2016, de :

confirmer le jugement entrepris et la mettre hors de cause ;

débouter Alain C. et la compagnie Gan Assurances, la société SOPADEP, la compagnie QBE, la CPAM de toutes demandes de condamnation à titre principal ou en garantie dirigées contre elle ;

dire et juger que la garantie contractuelle de deux ans commençant à courir le 7 novembre 2006 était largement expirée le 10 mai 2010 ;

dire et juger qu'en l'absence de vice caché antérieur à la vente, aucune responsabilité ni imputabilité ne peut être retenue à son encontre eu égard à l'avis de l'expert de justice retenant exclusivement les fautes communes et indivisibles de la victime et de la société SOPADEP ;

dire et juger que la faute causale et imputable à la victime est exonératoire de toute éventuelle responsabilité de la société PIMAS ;

dire et juger qu'il n'est pas établi ni démontré qu'elle n'aurait pas remis à la société SOPADEP lors de la livraison du véhicule les spécifications techniques particulières relatives à son entretien ;

dire et juger que la faute causale de la société SOPADEP l'exonère également de toute éventuelle responsabilité ;

dire et juger que l'expert de justice Barbier a exclu toute faute technique, directe ou indirecte, partielle ou résiduelle, qui lui soit imputable ;

dire et juger, en l'absence de lien de causalité adéquat avec les préjudices allégués par M. C. et la compagnie Gan Assurances, que la responsabilité de la société PIMAS ne peut être engagée ni retenue au visa des articles 1386-1, 1147, 1382, 1384, 1641 et 1648 du Code civil ;

Déclarer en conséquence la société PIMAS hors de cause ;

Dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation solidaire ou in solidum à son encontre :

condamner solidairement ou in solidum Alain C., la compagnie Gan Assurances, la société SOPADEP et la société QBE à la relever et garantir indemne de toutes condamnations en principal, intérêts de droit, dommages et intérêts, frais de procédure et dépens, au visa des articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du Code civil ;

condamner solidairement ou in solidum Alain C., la compagnie Gan Assurances, la société SOPADEP et la société QBE au paiement d'une somme de 350 000 F CFP sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ainsi qu'aux dépens comprenant les frais et honoraires des experts de justice avec distraction ;

5° par la société Oceor Lease, intimée, dans ses conclusions visées le 3 juin 2016, de :

constater qu'aucune demande n'est formulée contre elle ;

prononcer sa mise hors de cause ;

condamner solidairement toutes parties succombantes au paiement d'une somme de 100 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ;

6° par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, intimée, dans ses conclusions visées le 16 juin 2016, de :

statuer ce que de droit sur les responsabilités des sociétés SOPADEP et PIMAS ;

condamner le tiers reconnu responsable à lui payer la somme de 1 251 201 F CFP au titre des prestations servies pour le compte d'Alain C. avec intérêt au taux légal à compter de sa demande ;

condamner la partie qui succombe au paiement d'une somme de 240 000 F CFP au titre des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ainsi qu'aux dépens.

La Mutuelle Générale de l'Education Nationale, intimée, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Les moyens des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé, ont été résumés dans l'énoncé de leurs demandes.

Il y a lieu d'homologuer le rapport de l'expert B. désigné en référé, dont les constatations ne sont pas, dans leur matérialité, sérieusement contestées. Elles sont au demeurant corroborées par celles de l'expert C. commis sur réquisition (" La rupture de la commande de freinage manuelle a pour origine le desserrage progressif de la vis de fixation de la poignée "), par celles de l'expert L. missionné par la compagnie QBE (" La vis de fixation du levier de commande du frein de service est dévissée (...) (Son) empreinte n'est pas très marquée, ceci certainement en raison d'un manque de serrage "), et par celles de l'expert P. missionné par Gan Assurances (" L'origine de l'accident est directement imputable à la désolidarisation de la poignée de frein principale ").

L'expert B., après avoir examiné les pièces du dispositif en cause, le carnet de garantie et le bon de travaux de l'installateur PIMAS, et les factures d'interventions du concessionnaire SOPADEP, a conclu que le marquage de la vis pointeau sur le filet de l'axe de fixation prouvait que le montage initial par PIMAS avait été réalisé dans les règles de l'art. Des essais avec des spécimens fournis par PIMAS lui ont permis de conclure que, pour pouvoir se desserrer, l'axe principal et la vis frein ont été manipulés par la main de l'homme après sa fixation d'origine. Aucun défaut de conception du dispositif installé par la société PIMAS n'a été relevé.

Le véhicule accidenté a été mis en circulation le 3 septembre 2008. Le jour du sinistre, le 17 mai 2010, il avait parcouru 13983 km. PIMAS a facturé à SOPADEP l'installation du système de conduite adapté le 30 novembre 2006. Un directeur de la société SOPADEP a déclaré durant l'enquête pénale : " Le véhicule (...) est arrivé en Polynésie le 19 janvier 2007 totalement équipé d'un système de freinage pour personne handicapée. Ce système a été commandé par notre société puis installé sur ledit véhicule par la société PIMAS (...) Entre le moment où le véhicule est arrivé en Polynésie et le moment où il a été vendu à M. C., aucune opération n'a donc été réalisée sur cette voiture. Cette dernière était entreposée dans un de nos entrepôts. " Alain C. a déclaré qu'il ignorait que le véhicule était resté en stock chez le concessionnaire près de deux ans avant de lui être vendu.

La commande de freinage à main installée sous le volant, associée à un accélérateur, est de marque Guidosimplex. Elle est fabriquée en Italie. La société PIMAS en a assuré le montage. À supposer, ce qui n'est pas établi, qu'Alain C. n'ait pas pu identifier le producteur de ce dispositif au sens de l'article 1386-6 du Code civil, il peut rechercher la responsabilité du vendeur ou de tout autre fournisseur professionnel, en l'espèce les sociétés PIMAS et SOPADEP, pour tout dommage causé par un défaut du produit (art. 1386-7), même si celui-ci a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative (art. 1386-10). La responsabilité de la société PIMAS sur ce fondement peut aussi être recherchée en sa qualité d'incorporateur d'un produit (système de conduite adaptée) à un autre (véhicule, art. 1386-8). Mais la société Oceor Lease Tahiti, crédit bailleresse, ne peut être déclarée responsable sur ce fondement (art. 1386-7).

Alain C. doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage (art. 1386-9). Les sociétés PIMAS et SOPADEP sont en ce cas responsables de plein droit, sauf exceptions prévues par l'article 1386-11 du Code civil, notamment lorsque, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par le producteur ou que ce défaut est né postérieurement. La faute de la victime peut aussi être une cause de limitation ou d'exonération de responsabilité (art. 1386-13).

En l'espèce, il résulte clairement des constatations et des conclusions contradictoirement établies par l'expert B. désigné en référé que le défaut dans la composante freinage du système de conduite adaptée qui est la cause de l'accident dont a été victime Alain C. le 17 mai 2010, à savoir le desserrage de la vis de fixation de la poignée de frein, n'existait pas avant la mise en circulation de ce produit par la société PIMAS, le 30 novembre 2006, et n'existait pas non plus avant la mise en circulation du véhicule incorporant ce produit par la société SOPADEP, le 3 septembre 2008.

En effet, l'expert a déterminé, non seulement que l'installation avait été faite dans les règles de l'art, mais, surtout, que la comparaison du dispositif accidenté avec des spécimens d'usine amène à conclure qu'au vu de l'absence de griffures sur le filetage et de déformations oblongues de l'empreinte de la vis frein sur l'axe, celle-ci avait été desserrée par la main de l'homme après sa fixation d'origine.

Le jugement dont appel a par conséquent à bon droit débouté Alain C. de ses demandes fondées sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil.

En application de la directive européenne du 25 juillet 1985 dont ces dispositions sont la transposition, Alain C. est recevable à rechercher la responsabilité des auteurs de son dommage sur le fondement d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle, dès lors qu'il établit que ce dommage résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit en cause.

En premier lieu, ainsi que l'a exactement retenu le jugement entrepris, Alain C. ne prouve pas que le vice caché du véhicule qu'il a acquis, ou d'un de ses éléments d'équipement, existait antérieurement à la location avec option d'achat qu'il a souscrite pour disposer de ce véhicule. Au contraire, les constatations et les conclusions précitées de l'expert B. montrent que tel n'a pas été le cas.

Il s'agit, ensuite, de rechercher si l'intervention humaine fautive postérieure à la fixation d'origine du dispositif de conduite adaptée qu'a décelée l'expert judiciaire Barbier est ou non imputable à la société SOPADEP en sa qualité de garagiste ayant réalisé des interventions d'entretien ou de réparation sur ce véhicule.

Le véhicule a été mis en circulation le 3 septembre 2008. La SOPADEP l'a réceptionné le 5 novembre 2009 pour vidange et révision annuelle (8647 km). Elle est intervenue le 17 novembre 2009 pour un contrôle de l'accélérateur, le remplacement de son potentiomètre, et la réfection du faisceau d'alimentation de l'avertisseur. Le 22 mars 2010, SOPADEP a changé quatre écrous antivol (10244 km). Le kilométrage du véhicule était de 13983 km le jour de l'accident, le 17 mai 2010. Il a ainsi parcouru 8647 km entre septembre 2008 et novembre 2009, 1597 km entre novembre 2009 et mars 2010, et 3739 km entre mars 2010 et le 17 mai 2010. Soit une moyenne quotidienne de 138 km pendant cette dernière période, contre environ 20 km par jour antérieurement.

L'expert B. a relevé que le seul intervenant connu sur le véhicule était la société SOPADEP. Il a indiqué que les travaux sur l'accélérateur électronique du 17 novembre 2009 ne nécessitaient pas la dépose de la poignée de frein incriminée, mais que celle-ci était néanmoins probable, lors de la recherche de la panne, avec oubli par le réparateur du blocage de la vis frein.

L'expert a aussi indiqué que le ressort compensant le jeu au fil du desserrage de l'axe, le conducteur ne pouvait s'apercevoir d'un jeu anormal à sa poignée de frein rapportée. Ce desserrage est survenu progressivement.

L'expert a relevé que le carnet de garantie PIMAS préconise un entretien régulier annuel de l'accélérateur électronique frein dans un atelier agréé. Il est constant que celui de SOPADEP ne l'était pas.

La responsabilité de la société SOPADEP, à titre délictuel, quasi délictuel ou contractuel, est évidemment engagée si le desserrage de la vis de fixation de la poignée de frein a été causé par une exécution fautive de la révision ou des réparations, comme l'envisage l'expert B..

Et la SOPADEP est responsable de plein droit comme loueur d'ouvrage, sauf si elle établit que le desserrage de la vis frein résulte d'une cause étrangère, comme une faute du client ou le fait d'un tiers, notamment après sa dernière intervention sur le véhicule.

Mais, dans la mesure où la responsabilité de plein droit ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement du garagiste réparateur à son obligation de son résultat, il doit être prouvé que les dysfonctionnements allégués par le client sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci.

Or, force est de constater, ainsi que l'a fait le premier juge, sans inverser la charge de la preuve, que rien ne permet d'affirmer avec une absolue certitude qu'une autre personne qu'un mécanicien de la SOPADEP, comme un autre garagiste, ou bien n'importe quel proche de la victime ayant accès à son véhicule, n'a pas été en mesure de desserrer la vis de fixation de la poignée de frein ou d'omettre de la resserrer.

Le véhicule a été utilisé bien plus intensivement qu'auparavant dans les semaines qui ont précédé l'accident. Surtout, six mois se sont écoulés entre l'intervention de SOPADEP, ayant uniquement pour objet la partie accélérateur du dispositif de conduite assistée, et l'accident.

Le jugement sera donc aussi confirmé de ce chef.

Enfin, par des motifs complets et pertinents que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour fait siens, le jugement entrepris a exactement débouté Alain C. de ses demandes en ce qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article 1384 du Code civil.

La compagnie d'assurances Gan qui intervient aux côtés de son assuré Alain C. a ainsi été également à bon droit déboutée de ses demandes, ainsi que la CPAM en sa qualité de tiers payeur agissant contre le responsable d'un dommage.

Le jugement sera par conséquent confirmé. Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice des intimées.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; Confirme le jugement rendu le 25 février 2015, Condamne Alain C. et la société d'assurances Gan à payer, en application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française : à la société SOPADEP et à la compagnie QBE Insurance LTD, ensemble, la somme supplémentaire de 100 000 F CFP ; à la société PIMAS, la somme supplémentaire de 100 000 F CFP ; à la société Oceor Lease Tahiti, la somme supplémentaire de 50 000 F CFP ; à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, la somme supplémentaire de 50 000 F CFP ; Met à la charge d'Alain C. les dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.