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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 20 avril 2018, n° 242-2018

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SIT La Precisa (Sté) ; SIT S.P.A. (Sté) (ès qual.)

Défendeur :

Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Bas-Rhin , TMC (Sté), Les Serres Tonneau (SAS), Allianz SPA (Sté), Compagnie d'Assurances Zurich Italia

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pollet

Conseillers :

M. Robin, Mme Garczynksi

Avocats :

Mes Crovisier, Barysheva, d'Ambra, Rohrbacher, Richard Frick, Harnist, Faure, Frick, Selarl Arthus, Me Kovalik, SCP Cahn & Associés, Me Bloch

TGI Strasbourg, du 3 févr. 2014

3 février 2014

FAITS ET PROCÉDURE

En janvier 2006, Mme Martine J., fleuriste à Neunhoffen, a acquis de la société des anciens établissements V & R Tonneau une serre horticole équipée d'un système de chauffage au gaz, de marque Thermibox, fabriqué par la société T.M.C., et muni d'une vanne thermique de sécurité fabriquée par la société S.I.T.

Le 18 mars 2006, M. Christophe L., concubin de Mme Martine J., a constaté l'arrêt de l'appareil de chauffage et a actionné le bouton poussoir permettant sa mise en route ; une explosion s'est alors produite, qui a occasionné des brûlures aux mains et au visage de M. Christophe L..

Une expertise amiable a conclu que l'explosion était due à une fuite de gaz consécutive au déplacement d'un joint de la vanne de sécurité.

Par acte d'huissier des 24 et 26 novembre et des 3, 5, 8 et 18 décembre 2008, la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord a fait assigner le fabricant du système de chauffage, celui de la vanne de sécurité et leurs assureurs devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg en sollicitant le remboursement de ses dépenses en faveur de M. Christophe L. ; celui-ci a été appelé en déclaration de jugement commun ; la société des anciens établissements V & R Tonneau a été appelée en intervention forcée.

Suivant jugement en date du 3 février 2014, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a :

1) déclaré la société S.I.T. et la société T.M.C. solidairement responsables de l'explosion de l'appareil de chauffage, survenue le 18 mars 2006,

2) condamné solidairement ces deux sociétés ainsi que la société Zürich Italia et la société Allianz, à réparer le préjudice subi par M. Christophe L. et par la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin,

3) mis hors de cause la société Generali et la société Zürich France,

4) débouté la société Zürich Italia de sa demande à l'encontre de la société des anciens établissements V & R Tonneau et alloué à celle-ci une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice subi par M. Christophe L., le tribunal a ordonné une expertise médicale de celui-ci.

Pour l'essentiel, le tribunal a considéré que le produit constitué par l'appareil de chauffage était défectueux au sens de l'article 1386-4 du Code civil, dans la mesure où il n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, que le problème était connu de la société S.I.T. plus d'un an avant l'accident litigieux pour s'être déjà produit et que cette société n'y avait pas remédié, que M. Christophe L. n'avait commis aucune faute en tentant de rallumer l'installation de chauffage, et que la société des anciens établissements V & R Tonneau n'avait été que le vendeur de l'appareil.

Le 22 janvier 2016, la société S.I.T. a interjeté appel de cette décision.

L'instruction a été clôturée par ordonnance en date du 5 décembre 2017, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 16 mars 2018, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

Par conclusions du 2 décembre 2016, la société S.I.T. demande à la cour d'écarter des débats la pièce produite par la société les Serres Tonneau sous le numéro 2, qui constituerait une correspondance confidentielle entre avocats, de déclarer irrecevables les conclusions déposées pour Mme Martine J. comme étant tardives, d'infirmer le jugement entrepris, de dire que la vanne de l'appareil ne présentait aucun défaut et qu'elle-même n'est pas responsable du dommage, de débouter M. Christophe L. et la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin de leurs demandes à son encontre, de débouter également la société les Serres Tonneau, la société T.M.C. et son assureur, la société Allianz, ainsi que Mme Martine J. de leurs demandes, et de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin au paiement d'une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; subsidiairement, elle demande d'être garantie par la société Zürich Italia, conformément aux dispositions de la police d'assurance souscrite auprès d'elle.

La société S.I.T. expose qu'elle a fourni à la société T.M.C. la vanne de sécurité intégrée à l'appareil de chauffage qui a ensuite été vendu à Mme Martine J..

Elle soutient, d'une part, que le défaut n'existait pas lorsqu'elle a vendu la vanne à la société T.M.C., et, d'autre part, que la vanne fabriquée par ses soins respectait les normes législatives et réglementaires applicables. Elle fait notamment valoir que la vanne a été vendue avec une documentation technique spécifiant que la pression maximum d'entrée du gaz était de 60 mbar, qu'il incombait à la société T.M.C. d'utiliser cet élément conformément à ses spécifications et en apportant à l'utilisateur des indications adaptées et que la seule origine possible du défaut constaté, à savoir le " déboutonnement " d'un joint, est un mauvais fonctionnement du régulateur de pression de l'appareil, à l'origine d'une surpression. En l'espèce, la société T.M.C. ne rapporterait pas la preuve des essais auxquels elle a soumis ses appareils, ni des contrôles qu'elle devait effectuer en application de la norme EN 449.

La société S.I.T. ajoute que la preuve d'un défaut et de l'implication de son produit dans la réalisation du dommage n'est pas rapportée. Au contraire, le " déboutonnement " du joint ne pourrait être que la conséquence d'un événement postérieur à la mise en circulation du produit, soit un montage incorrect, soit l'impulsion d'une pression supérieure à la valeur maximum admissible. Notamment, la vanne livrée à la société T.M.C. aurait nécessairement été contrôlée par celle-ci, et des essais effectués par la société S.I.T. elle même excluraient toute autre cause qu'une surpression de 2,5 bars au moins.

Par ailleurs, elle affirme que M. Christophe L. a commis une faute en ne se conformant pas à la notice d'utilisation de l'appareil qui lui avait été remise, laquelle invite l'utilisateur à fermer le robinet de la bouteille de gaz et à ne pas utiliser l'appareil lorsqu'il constate un problème de fonctionnement ou qu'il soupçonne une mauvaise combustion. Elle ajoute que le tribunal a mis à tort la société les Serres Tonneau hors de cause, alors que celle-ci est le vendeur de l'appareil litigieux et qu'il n'existe aucune preuve de la défectuosité du produit.

Par conclusions du 14 février 2017, la société Zürich Italia demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société S.I.T. et en ce qu'il les a condamnées solidairement à indemniser M. Christophe L. et la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin, de débouter la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin, la société T.M.C. et la société Allianz, la société les Serres Tonneau et Mme Martine J. de leurs demandes, et de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin au paiement d'une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Zürich Italia déclare faire siens les très longs développements de la société S.I.T. Elle relève que Mme Martine J. ne conclut pas à son encontre.

Par conclusions du 6 juin 2017, la société T.M.C. et la société Allianz demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une part de responsabilité à l'encontre de la première et en ce qu'il les a condamnées toutes les deux, de débouter toutes les parties de leurs demandes à leur encontre, subsidiairement de dire que d'éventuelles condamnations seront prononcées in solidum avec la société S.I.T. et la société Zürich Italia, de débouter M. Christophe L. de ses demandes additionnelles, et de leur allouer une indemnité de 8 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société T.M.C. et la société Allianz soutiennent qu'en l'absence d'expertise judiciaire, aucune investigation technique sérieuse, globale et contradictoire n'a été menée ; en particulier, il ne serait pas démontré que la position du joint de la vanne de sécurité n'était pas une conséquence de l'explosion. De même, les conditions d'utilisation de l'appareil de chauffage n'auraient pas été déterminées.

Elles invoquent par ailleurs les dispositions de l'article 1386-11 alinéa 2 2° du Code civil, selon lesquelles le producteur est exonéré de sa responsabilité lorsqu'il prouve que le défaut n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement, et soutiennent que l'appareil a fonctionné un certain temps avant d'exploser. Elles contestent l'analyse du tribunal, en qualifiant d'aberration son approche de la question technique d'une éventuelle surpression et en précisant que, conformément aux indications données par ses soins dans la documentation et rappelées sur l'appareil lui-même, celui-ci doit fonctionner à une pression nominale de 37 mbar, très inférieure au maximum fixé à 60 mbar pour la vanne de sécurité. La société S.I.T. affirmerait sans preuve suffisante que la mauvaise position du joint résulterait d'une surpression de 2,5 bars au moins.

Subsidiairement, la société T.M.C. et la société Allianz invoquent l'article 1386-8 du Code civil prévoyant une responsabilité solidaire du producteur de la partie composante et de celui qui a réalisé l'incorporation.

Par conclusions du 20 décembre 2016, la société les Serres Tonneau, venant aux droits de la société des anciens établissements V & R Tonneau, demande à la cour de dire que le jugement est devenu définitif dans ses rapports avec la société Zürich Italia, de déclarer irrecevables les demandes de M. Christophe L. à son encontre et de constater qu'aucune autre partie ne formule de demande à son encontre ; subsidiairement, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris ; en tout état de cause, elle réclame une indemnité de 3 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société les Serres Tonneau soutient que les demandes de M. Christophe L. à son encontre sont nouvelles en cause d'appel et, par conséquent, irrecevables. Elle ajoute qu'en première instance, seule la société Zürich Italia avait formé des demandes contre elle et que cette société a expressément acquiescé au jugement par lettre du 22 octobre 2014, et en s'acquittant sans réserve des sommes mises à sa charge. La lettre du 22 octobre 2014 ne serait pas un courrier couvert par la confidentialité des échanges entre avocats.

Quant au fond, elle fait valoir que sa responsabilité ne peut être retenue puisque le fabricant du produit a été identifié.

Par conclusions du 14 décembre 2016, la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin demande à la cour de réparer une omission de statuer du premier juge en mettant expressément Mme Martine J. hors de cause ; elle sollicite, pour le surplus, la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société T.M.C. et de la société Allianz d'une part, comme de la société S.I.T. et de la société Zürich Italia d'autre part, à lui payer une indemnité de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile. Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait que le défaut n'existait pas lors de la mise en circulation de l'appareil de chauffage, la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin demande que Mme Martine J. soit déclarée responsable de l'accident en sa qualité de gardienne de la chose et qu'elle soit condamnée à réparer le préjudice subi, ainsi qu'à lui payer une indemnité de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin soutient que l'accident est survenu en raison d'une explosion de gaz due à une défaillance de l'appareil de chauffage, dont la valve de gaz est restée bloquée. Le défaut du produit serait suffisamment caractérisé par le fait que la sécurité d'utilisation n'était plus assurée après une utilisation durant moins de deux mois dans des conditions normales.

Au soutien de ses demandes subsidiaires, elle invoque les dispositions de l'ancien article 1384, alinéa 1, du Code civil et affirme que Mme Martine J., propriétaire de l'installation, en avait la garde.

Par conclusions du 6 novembre 2017, M. Christophe L. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société S.I.T. et la société T.M.C. ainsi que leurs assureurs à lui payer une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, outre une indemnité de 10 000 euros et une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile. Le cas échéant, il sollicite la condamnation de la société les Serres Tonneau solidairement avec les quatre autres sociétés. Subsidiairement, il demande que Mme Martine J. soit condamnée à l'indemniser.

M. Christophe L. reprend à son compte les explications de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin et de Mme Martine J. concernant la responsabilité des produits défectueux. Subsidiairement, il invoque l'ancien article 1384 du Code civil.

Par conclusions du 30 novembre 2017, Mme Martine J. demande à la cour de rejeter les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin tendant à faire réparer une omission de statuer, de débouter cette caisse de sa demande subsidiaire et de la condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros. Elle demande également que la société S.I.T. soit déboutée de ses demandes, ainsi que M. Christophe L., sauf à déclarer irrecevable l'appel provoqué de celui-ci.

Elle conteste que ses conclusions puissent être déclarées irrecevables, en relevant que cette question ne relève pas de la compétence de la cour, que la société S.I.T. n'avait pris aucune conclusions à son encontre et que le délai de deux mois pour répliquer lui a été ouvert par les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin signifiées le 10 août 2016.

L'appel provoqué de M. Christophe L. serait tardif pour avoir été formé pour la première fois le 6 novembre 2017 et serait donc irrecevable.

Quant au fond du litige, la Mme Martine J. invoque l'existence d'une responsabilité du fait d'un produit défectueux, ce qui rendrait mal fondés les appels provoqués à son encontre. Elle ajoute que les conditions d'une responsabilité du fait de la chose n'étaient pas remplies à son égard.

MOTIFS

Sur la production de pièces

Attendu que, conformément à l'article 66-5, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les correspondances échangées entre un avocat et ses confrères, à l'exception de celles portant la mention " officielle ", sont couvertes par le secret professionnel ;

Attendu que l'article 3.2 du règlement intérieur national des avocats, qui ne peut déroger aux dispositions claires et précises de la loi du 31 décembre 1971 concernant le secret professionnel, prévoit seulement les cas dans lesquelles les lettres échangées entre avocats peuvent recevoir la mention " officielle " et, ainsi, ne pas être soumises au secret professionnel ;

Attendu, en l'espèce, que la société les Serres Tonneau verse aux débats, en pièce portant le numéro 2, une lettre adressée à son avocat de première instance par l'avocat de la société Zürich Italia ; que cette lettre ne porte pas la mention " officielle " ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'écarter cette lettre des débats, sans qu'il y ait lieu de violer le secret attaché à cette lettre pour rechercher s'il s'agissait d'un " simple échange de procédure " ainsi que le soutient la société les Serres Tonneau ;

Sur la procédure

Attendu que la société S.I.T. demande à la cour de dire que les conclusions de Mme Martine J. sont irrecevables pour avoir été déposées plus de deux mois après la notification, le 8 juillet 2016, des conclusions de cette société ;

Attendu que Mme Martine J. demande elle-même à la cour de déclarer irrecevable l'appel de M. Christophe L. à son encontre au motif que cet appel serait tardif ;

Attendu, cependant, que, conformément à l'article 914 du Code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910, et les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;

Attendu, en l'espèce, que le motif d'irrecevabilité des conclusions de Mme Martine J. allégué par la société S.I.T., et tiré de la tardiveté de leur dépôt, est antérieur au dessaisissement du conseiller de la mise en état ;

Attendu que la société S.I.T. est dès lors irrecevable à demander à la cour de déclarer ces conclusions irrecevables ;

Attendu que le motif d'irrecevabilité de l'appel de M. Christophe L. à l'encontre de Mme Martine J., tiré de la tardiveté de celui-ci, est également antérieur au dessaisissement du conseiller de la mise en état ;

Attendu que Mme Martine J. est dès lors irrecevable à demander à la cour de déclarer cet appel irrecevable ;

Attendu que, selon l'article 564 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;

Attendu, en l'espèce, que M. Christophe L. demande que la société les Serres Tonneau soit déclarée solidairement responsable du préjudice subi " dans l'hypothèse où la cour serait d'avis que [cette société] a participé aux dommages " ;

Attendu qu'en première instance, M. Christophe L. n'avait formé aucune demande à l'encontre de la société les Serres Tonneau ; qu'aucune évolution du litige en cause d'appel ne fait naître la question de la responsabilité de cette société, sur laquelle il n'appartient pas à la cour de formuler d'office un avis ;

Attendu que cette demande de M. Christophe L. sera donc déclarée irrecevable ;

Attendu, par ailleurs, que la société les Serres Tonneau fait valoir à bon droit que, nonobstant l'appel général interjeté contre le jugement entrepris, celui-ci n'est pas critiqué en ce qu'il a débouté la société Zürich Italia de sa demande à son encontre, et condamné cette société aux dépens de l'instance l'ayant opposée à la société les Serres Tonneau ainsi qu'au paiement d'une indemnité par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu, en outre, que la société Zürich Italia ne conteste pas avoir exécuté volontairement la décision de première instance et avoir ainsi acquiescé à ces dispositions ;

Attendu que la société les Serres Tonneau est dès lors fondée à demander à la cour de constater le caractère définitif de ces dispositions ;

Sur l'omission de statuer

Attendu que, conformément à l'article 561 du Code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, et qu'il est statué à nouveau en fait et en droit ;

Attendu que, selon l'article 462, alinéa 1, du Code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ;

Attendu que l'omission de statuer sur un chef de demande n'est pas une omission matérielle susceptible d'être réparée au sens des dispositions-ci dessus ;

Attendu, au surplus, qu'il résulte des propres explications de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin que celle-ci avait formé un appel en garantie contre Mme Martine J. " à titre infiniment subsidiaire " et " si par extraordinaire la juridiction devait juger que le défaut du produit n'existait pas lors de sa mise en circulation " ; qu'en l'espèce, le premier, juge, qui a retenu la responsabilité des fabricants du fait des produits défectueux invoquée à titre principal, n'avait pas à statuer de manière extraordinaire sur une demande située aux limites d'une subsidiarité infinie et dont il n'était plus saisi ;

Attendu qu'il n'y a dès lors pas lieu de réparer une éventuelle omission du premier juge ;

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Attendu que, selon l'ancien article 1386-1 du Code civil, aujourd'hui devenu l'article 1245 de ce Code, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ; que, conformément au premier alinéa de l'ancien article 1386-4 du même code, aujourd'hui devenu l'article 1245-3, un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ;

Attendu que l'appareil de chauffage acquis par Mme Martine J., qui constitue un bien meuble, est un produit au sens de ces dispositions ;

Attendu que cet appareil de chauffage, qui était présenté comme un appareil " sûr " et " fiable ", simple à utiliser, qu'il suffisait de raccorder sur une bouteille de gaz ou une citerne avant d'appuyer sur un bouton pour l'allumer et qui fonctionnait de façon entièrement automatique, a explosé deux mois seulement après sa vente à l'utilisateur, alors qu'il était utilisé dans des conditions normales et conformément à sa destination ; que, dans la mesure où aucun utilisateur n'est susceptible d'acquérir pour lui-même un produit présentant un tel risque, l'appareil de chauffage n'offrait manifestement pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ;

Attendu que la société T.M.C., fabricant de l'appareil de chauffage, a la qualité de producteur, conformément au premier alinéa de l'ancien article 1386-6 du Code civil, aujourd'hui devenu l'article 1245-5 ; que la société S.I.T., fabricant d'une partie composante, a également la qualité de producteur par application de ces dispositions ;

Attendu que, selon l'ancien article 1386-8 du Code civil, aujourd'hui devenu l'article 1245-7, en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables ;

Attendu, en l'espèce, qu'une expertise amiable a été diligentée en présence notamment d'un représentant de la société T.M.C., qui était assisté d'un expert du cabinet Seri RC, et de trois représentants de la société S.I.T., assistés d'un expert du cabinet Crawford France ; que, lors de la réunion d'expertise du 6 décembre 2006, dans les locaux du laboratoire Cetiat, les parties ont constaté que la vanne thermique de sécurité, normalement fermée à froid, présentait une fuite vers la sortie alimentation veilleuse ; que le démontage de la vanne a permis aux parties de constater que le joint du clapet du dispositif de sécurité était désolidarisé de la pièce désignée comme " bouchon magnétique ", que ce joint était marqué, du fait d'une pression sur son siège ; que les parties ont également constaté, après ouverture de la bouteille de gaz propane, que la pression d'alimentation gaz s'élevait à 40 millibars ;

Attendu que, lors de cette réunion d'expertise, la société S.I.T. n'a nullement contesté que le déboîtement du joint était la cause de la fuite de gaz à l'origine de l'explosion, mais, au contraire, a soutenu que l'appareil de chauffage avait été alimenté par une pression de gaz supérieure à 2,5 bars, en précisant que le déboîtement du joint du dispositif de sécurité est un cas classique, en cas d'alimentation en gaz à pression excessive, et en ajoutant que l'utilisateur aurait dû déceler la présence importante de gaz dans l'atmosphère ambiante ;

Attendu que les experts ont ainsi retenu deux causes possibles du déboîtement du joint : soit l'application d'une pression de gaz propane très supérieure à la pression maximum autorisée, soit un défaut de montage du joint sur le clapet du dispositif de sécurité lors de la fabrication de la vanne, voire lors de son essai au sein de la société S.I.T. ;

Attendu que la société T.M.C. ne verse aux débats aucun élément permettant de penser que, contrairement à l'opinion commune des participants aux opérations d'expertise, le déboîtement du joint serait en réalité une conséquence et non une cause de l'explosion ;

Attendu, au contraire, que le directeur général de la société Sovélor, ayant fourni à la société les Serres Tonneau l'appareil de chauffage litigieux après l'avoir acquis de la société T.M.C., a indiqué que, depuis le sinistre, la société Sovélor vérifiait systématiquement tous les appareils de chauffage Thermibox, et notamment l'existence de fuites éventuelles, et que, sur environ trois cents appareils testés, l'un s'était révélé défaillant et avait permis de constater un déboîtement du joint ; que les propres documents de la société S.I.T. démontrent que le problème de fuite affectant la valve était connu depuis le mois de mai 2005 au moins pour avoir donné lieu au signalement de 150 cas par un même client, la société T.M.C., alors que, de 2002 à 2005, 21 360 vannes similaires avaient été produites ;

Attendu qu'il est dès lors démontré que déboîtement du joint de la vanne thermique de sécurité équipant l'appareil de chauffage fabriqué par cette société était un phénomène connu affectant plus d'un appareil sur deux cents ;

Attendu qu'en ce qui concerne la victime du dommage, à laquelle il incombe seulement de prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la vanne de sécurité dont le déboîtement d'un joint a entraîné une fuite de gaz moins de deux mois après la mise en service de l'appareil qui en était équipé, n'offrait en tout état de cause pas la sécurité à laquelle on est en droit légitimement de s'attendre ; que la vanne de sécurité était dès lors défectueuse au sens de l'ancien article 1386-4 alinéa 1 du Code civil ;

Attendu que M. Christophe L. et la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin sont en conséquence fondés à invoquer la responsabilité solidaire de la société T.M.C., producteur de l'appareil de chauffage, et de la société S.I.T., producteur de la partie composante ;

Attendu, en revanche, que la société les Serres Tonneau, qui, conformément à l'ancien article 1386-7 du Code civil, aujourd'hui devenu l'article 1245-6, est responsable du fait des produits défectueux qu'elle a vendus seulement si le producteur ne peut être identifié, a été à bon droit mise hors de cause ;

Sur les causes d'exonération

Attendu que, selon l'ancien article 1386-10 du Code civil, aujourd'hui devenu l'article 1245-9, le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative ;

Attendu qu'il importe dès lors peu que l'appareil de chauffage ou sa vanne de sécurité aient été conformes aux normes existantes ;

Attendu que, conformément au 2° du premier alinéa de l'ancien article 1386-11 du Code civil, aujourd'hui devenu l'article 1245-10, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ; que, selon le second alinéa du même article, le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit ;

Attendu, en l'espèce, que la société S.I.T., qui se réfère uniquement à des documents établis par ses soins et à des présomptions tirées de l'existence d'opérations de contrôle qui auraient incombé à la société T.M.C., ne rapporte aucune preuve de ce que le déboîtement du joint de la vanne thermique de sécurité fabriquée par ses soins et incorporée dans l'appareil de chauffage fabriqué par cette société, est dû à un événement qui serait survenu après la fourniture de la vanne au fabriquant de l'appareil dans lequel elle a été intégrée ; que rien ne permet d'exclure un défaut de montage du joint sur le clapet du dispositif de sécurité lors de la fabrication de la vanne, voire lors de son essai au sein de la société S.I.T., alors qu'il résulte, au contraire, des explications données par la société Sovélor, tiers au présent litige, qu'un tel défaut a été constaté sur un autre appareil équipé d'une vanne de sécurité identique avant même sa mise en service ;

Attendu que les circonstances de l'espèce ne permettent donc pas d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation ou que ce défaut est né postérieurement ;

Attendu, par ailleurs, que la société S.I.T., qui se contente de se référer aux caractéristiques techniques de la vanne de sécurité fournie à la société T.M.C., ne rapporte pas la preuve d'un défaut de conception par celle-ci de l'appareil de chauffage dans lequel elle a été incorporée ;

Attendu, enfin, que la faute reprochée à M. Christophe L., dont il est soutenu qu'il aurait dû s'abstenir de remettre l'appareil de chauffage en marche, d'une part n'est pas une cause d'exonération, et d'autre part ne repose que sur de simples suppositions, dans la mesure où aucune preuve n'est rapportée des circonstances dans lesquelles l'appareil de chauffage s'était arrêté et a été rallumé ;

Attendu que la société S.I.T. et la société T.M.C. ne peuvent dès lors se prétendre exonérées de la responsabilité qu'elles encourent de plein droit, et que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il les a déclarées solidairement responsables des conséquences de l'explosion survenue le 18 mars 2006 et en ce qu'il les a condamnées solidairement, ainsi que leurs assureurs, à réparer le préjudice subi par M. Christophe L. et par la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin ;

Sur les demandes subsidiaires

Attendu que les demandes subsidiaires sont sans objet ;

Sur la provision

Attendu que M. Christophe L. n'invoque aucune circonstance au soutien de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, et ne verse aux débats aucune pièce permettant d'évaluer provisoirement les conséquences dommageables de l'explosion dont il a été victime ;

Attendu qu'il sera en conséquence débouté de sa demande de provision ;

Sur les dépens et autres frais de procédure

Attendu que la société S.I.T., la société T.M.C., la société Zürich Italia et la société Allianz, qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile ;

Attendu que, selon l'article 700 1° de ce Code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;

Attendu que les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société S.I.T., la société T.M.C., la société Zürich Italia et la société Allianz à payer à M. Christophe L., à la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin et à la société les Serres Tonneau une indemnité de 2 000 euros chacun au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; qu'elles seront elles-mêmes déboutées de leur demande à ce titre ;

Attendu que Mme Martine J. sera également déboutée de sa demande d'indemnité à l'encontre de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin, laquelle n'est pas condamnée aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, Ecarte des débats la pièce produite par la société les Serres Tonneau sous le numéro 2 ; Déclare irrecevable la demande de la société S.I.T. tendant à ce que les conclusions de Mme Martine J. soient déclarées irrecevables ; Déclare irrecevable la demande de Mme Martine J. tendant à ce que l'appel de M. Christophe L. soit déclaré irrecevable ; Déclare irrecevable la demande de M. Christophe L. tendant à ce que la société les Serres Tonneau soit déclarée solidairement responsable de l'explosion et du préjudice subi ; Constate que le jugement déféré est définitif en ce qu'il a débouté la société Zürich Italia de ses demandes à l'encontre de la société les Serres Tonneau, et condamné la première aux dépens de l'instance entre ces deux sociétés ainsi qu'au paiement d'une indemnité par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu de réparer une omission de statuer ;Confirme le jugement déféré ; Y ajoutant, Constate que les demandes subsidiaires sont sans objet ; Déboute M. Christophe L. de sa demande de provision ; Condamne la société S.I.T., la société T.M.C., la société Zürich Italia et la société Allianz in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. Christophe L., à la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin et à la société les Serres Tonneau une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) chacun par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et les déboute, ainsi que Mme Martine J., de leur demande à ce titre.