CA Versailles, premier président, 28 juin 2018, n° 5667-16
VERSAILLES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Neopost Services (Sté), Neopost France (Sté), Neopost (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Premier président :
Mme Grasso
Par note du 15 mars 2016, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a prescrit une enquête, sur proposition du rapporteur désigné, dans le secteur de la location entretien des machines d'affranchissement postal (dénommées également " machines à affranchir ").
Par requête du 29 mars 2016, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a demandé au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre l'autorisation de réaliser des opérations de visite et de saisie dans les locaux de Neopost Services et Neopost France [adresse] aux fins d'établir si lesdites sociétés se livrent à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2°, 3° et 4°, L. 420-2 du Code de commerce et 101-1 a), b) et c), 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Par ordonnance du 5 avril 2016, le JLD du TGI de Nanterre a autorisé les visites et saisies sollicitées.
A la suite de la requête orale d'un rapporteur de l'Autorité de la concurrence le jour des opérations, le juge des libertés et de la détention a autorisé par une ordonnance complémentaire du 14 avril 2016 la visite des locaux de la société Neopost [adresse].
Les opérations se sont déroulées du 14 au 15 avril 2016 et ont fait l'objet de procès-verbaux (PV) de notification des ordonnances, de PV de visite et saisie et d'inventaires.
Des scellés fermés provisoires ont été constitués s'agissant des fichiers informatiques sélectionnés au sein des sociétés Neopost Services et Neopost France dans le but de préserver le secret des correspondances avocat-client, comme le relatent les mentions figurant à chacun des PV.
Les opérations d'ouverture des scellés fermés provisoires afin de procéder à la saisie se sont déroulées le 10 mai 2016 dans les locaux des sociétés Neopost Services et Neopost France et ont fait l'objet chacune d'un PV et d'un inventaire.
Sur le fondement de l'article L. 450-4 alinéa 6 du Code de commerce qui autorise la contestation de l'autorisation de visite et de saisie devant le Premier président de la Cour d'appel (CA) de Versailles, les sociétés Neopost Services et Neopost France et Néopost ont interjeté appel pour obtenir l'annulation de l'ordonnance de visite et saisie du 5 avril 2016 et de l'ordonnance complémentaire du 14 avril 2016.
Elles ont également, le 22 avril 2016, contesté le déroulement des opérations de visite et de saisie.
I - Sur l'appel
Par leurs écritures déposées le 28 novembre 2016, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les appelantes demandent l'annulation de l'ordonnance de visite et saisie du 5 avril 2016 et de l'ordonnance complémentaire du 14 avril 2016, la restitution des pièces saisies les 14 et 15 avril dans leurs locaux défense étant faite à l'Administration de les utiliser en original ou en copie, et une indemnité de 20 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de leur demande d'annulation, les appelantes prétendent que les ordonnances ne feraient état d'aucun élément de nature à fonder une présomption d'infractions au droit de la concurrence, qu'elles s'appuieraient sur des éléments incomplets et/ou orientés en défaveur des appelantes, sur une présentation incomplète des faits et des infractions recherchées et sur des pièces dont la provenance et le contexte ne seraient pas identifiés et que le recours à des opérations de visite et saisie serait disproportionné au regard des éléments recherchés.
Par ses écritures déposées le 23 novembre 2017, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence demande de confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 5 avril 2016 et, par voie de conséquence, l'ordonnance complémentaire du 14 avril 2016 et de condamner les sociétés Neopost, Neopost France et Neopost Services au paiement de 20 000 chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
II - Sur le déroulement des opérations de visite et de saisie
Par leurs écritures déposées le 19 avril 2018, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les sociétés appelantes demandent :
- à titre principal, l'annulation des opérations de visite et de saisie effectuées dans leurs locaux et la restitution de l'intégralité des pièces saisies ;
- à titre subsidiaire, l'annulation de la saisie des scellés n° 7bis et 8 et la restitution de l'intégralité des pièces saisies placées dans lesdits scellés ;
- à titre plus subsidiaire, l'annulation des documents visés aux pièces n° 11 à 14 et en pièce n° 19 annexées à leurs conclusions ;
- la condamnation de l'Autorité de la concurrence au paiement de la somme de 20 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
A l'appui de leur demande d'annulation, les requérantes allèguent que l'Autorité de la concurrence aurait procédé à la prise de connaissance et à la saisie irrégulière de documents couverts par le secret qui s'attache aux correspondances entre un avocat et son client et de documents situés hors du champ de l'enquête.
Par ses écritures déposées le 23 novembre 2017, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence demande de :
- à titre principal et in limine litis, déclarer irrecevables les recours des sociétés Neopost Services et Neopost France contre les opérations de saisie informatique réalisées le 10 mai 2016 dans leurs locaux à Nanterre,
- à titre subsidiaire, rejeter les demandes d'annulation des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux des sociétés Neopost Services et Neopost France à Nanterre les 14-15 avril 2016 et 10 mai 2016 et dans ceux de Neopost à Bagneux le 14 avril 2016, et de restitution de l'intégralité des pièces saisies ;rejeter les demandes d'annulation et de restitution de la saisie de données informatiques placées sous scellés fermés provisoires n° 7 et n° 1 les 14-15 avril 2016 constitués respectivement dans les locaux de Neopost Services et Neopost France et devenus les scellés définitifs n° 7bis et n° 8 le 10 mai 2016 ; vérifier si les documents produits en pièces n° 11, 12, 13 et 14 annexées aux conclusions des requérantes relèvent véritablement de la protection de la correspondance avocat-client prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et prononcer, le cas échéant, l'annulation de la saisie des seuls courriels qui seraient couverts par le secret de la correspondance avocat-client en lien avec les droits de la défense dans un dossier de concurrence ;rejeter la demande d'annulation des documents numériques listés à la pièce n° 19 annexée aux conclusions des requérantes ;
-condamner les sociétés Neopost, Neopost France et Neopost Services au paiement de 20 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE
I - Sur la jonction des instances
Il existe entre les deux instances inscrites sous les numéros RG 16/056666 et RG 16/05667 un lien tel qu'il est d'une bonne justice de les juger ensemble.
Il convient par voie de conséquence d'en ordonner la jonction.
II - Sur l'appel formé contre de l'ordonnance de visite et saisie du 5 avril 2016 et de l'ordonnance complémentaire du 14 avril 2016.
Sur l'absence d'indices de nature à fonder une présomption d'infractions
Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite; par suite le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'Administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée; à cette fin le juge des libertés et de la détention, qui n'est pas le juge du fond mais celui de l'apparence, doit vérifier, en se référant aux éléments d'information fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soient caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques; les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées.
Seuls des indices permettant de présumer de la pratique suspectée et non des preuves matérielles de l'infraction doivent fonder la décision du juge.
Il ne s'agit donc pas de procéder à un examen éclaté de la requête en analysant un à un les indices et une à une les pièces, mais de déduire de l'ensemble des éléments produits pris dans leur globalité s'il existe des indices, qui pris isolément ne seraient pas suffisamment pertinents, mais laissant présumer, une fois rapprochés les uns des autres, que des pratiques prohibées étaient en train de se commettre.
Si la méthode du faisceau d'indices est utilisée pour apporter la ou les preuves de pratiques anticoncurrentielles, en l'absence de pièces se suffisant à elles-mêmes, elle est d'autant plus recevable pour établir l'existence d'une ou de plusieurs simples présomptions au stade de l'affaire où les investigations n'ont pas encore été réalisées en totalité, puisque par hypothèse, les participants à une entente ou les auteurs d'un abus de position dominante collective vont tenter de dissimiler leurs agissements prohibés.
En l'espèce, le juge des libertés et de la détention, tenu à une obligation de contrôle, s'est assuré de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits exposés par l'Autorité de la concurrence ayant conduit, après description et analyse, à des soupçons de comportements illicites dans le secteur de la location entretien des machines d'affranchissement postal (bien-fondé de la demande).
L'ordonnance entreprise, par sa motivation, montre que le juge des libertés et de la détention a estimé, au terme d'une analyse motivée, que les divers documents versés à l'appui de la requête de l'Autorité de la concurrence (extraits de réponses aux questionnaires envoyés par l'Autorité de la concurrence aux divers acteurs du secteur, extraits des conditions générales et des documents contractuels ou publicitaires des entreprises Neopost, Pitney Bowes et Doc'Up, courriels et plaintes de utilisateurs des machines à affranchir, procès-verbal de déclaration et de prise de documents, etc.) permettaient de retenir des présomptions de participation des appelantes à un abus de position dominante collective ou à une entente.
Après description et analyse des 29 annexes à la requête concernant le secteur de la location entretien des machines à affranchir, dont 20 mentionnaient les appelantes (annexes 1, 2, 3, 4, 6, 7, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 16bis, 17, 20, 21, 23, 24, 25 et 26), il a relevé l'existence possible de stratégies relevant d'un abus de position dominante collective ou d'une entente entre les sociétés dans les locaux desquelles les opérations de visite et de saisie ont été autorisées.
Le juge des libertés et de la détention a décrit et analysé l'existence possible d'un parallélisme de comportements des trois principaux concessionnaires de machines à affranchir, Neopost, Pitney Bowes et Doc'Up ;
- un comportement qui consisterait " à contraindre les utilisateurs de machines à affranchir à n'acheter que les cartouches d'encre qu'elles proposent à la vente, liant ainsi la vente de leurs cartouches à la location de leurs machines à affranchir ". Le constat de ce parallélisme de comportements est fondé sur la similarité des termes des contrats de location entretien des machines à affranchir proposés par les entreprises Neopost, Pitney Bowes et Doc'Up, les mentions figurant sur les modes d'emploi de leurs machines et les mentions exhortant les utilisateurs à se fournir exclusivement en cartouches distribuées par les concessionnaires des machines à affranchir contenues sur le site internet de ces concessionnaires ou dans les autres documents commerciaux ou publicitaires de ces entreprises.
- un autre comportement similaire aux entreprises Pitney Bowes et Neopost qui peut avoir pour objet ou pour effet de décourager les utilisateurs des machines à affranchir de leurs marques à acheter des cartouches d'encre tierces consistant en la diffusion d'un discours de nature anxiogène sur l'utilisation de ces cartouches tierces. Le constat de ce parallélisme de comportements est fondé sur la similarité des termes de l'argumentaire interne et du discours tenu par Pitney Bowes à l'égard des clients qui utiliseraient ou souhaiteraient utiliser des cartouches tierces et les indications des modes d'emploi des machines à affranchir Neopost France.
- un autre comportement similaire aux entreprises Pitney Bowes et Neopost qui peut avoir pour objet ou pour effet de décourager les utilisateurs des machines à affranchir de leurs marques à acheter des cartouches d'encre compatibles consistant en la facturation de la maintenance des machines à affranchir en cas de dysfonctionnements dus à l'utilisation des cartouches d'encre tierces. Le constat de ce parallélisme de comportements est fondé sur la similarité du discours tenu par Pitney Bowes, Neopost et Doc'Up à l'égard de leurs clients qui utiliseraient ou souhaiteraient utiliser des cartouches tierces qui se voient rappeler la perte de la garantie contractuelle, sur plusieurs fiches d'intervention sur des machines à affranchir défectueuses, sur des courriels adressés par des utilisateurs de cartouches tierces aux distributeurs de celles-ci leur annonçant la cessation de leurs relations contractuelles ou le remboursement des frais d'intervention facturés par les techniciens des concessionnaires intervenus en cas de dysfonctionnement des machines à affranchir, et sur des contacts directs entre les services commerciaux des concessionnaires des machines à affranchir demandant aux vendeurs de cartouches d'encre tierces de ne pas démarcher leurs clients.
La juridiction d'appel faisant sienne la description des faits visés dans l'ordonnance, il apparaît qu'ils sont de nature à constituer un indice d'une implication personnelle des sociétés appelantes dans les pratiques prohibées présumées puisqu'il suffit qu'elles paraissent impliquées dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée.
Le juge des libertés et de la détention a également constaté une pratique commune des contrats dits de " perfectionnement " par Neopost et Doc'Up, au sujet de laquelle l'Autorité a justifié avoir reçu de nombreuses plaintes entre 2012 et 2014.
Il se déduit donc des éléments ainsi relevés, en suivant le raisonnement hypothético déductif propre à la matière, une présomption sérieuse de pratiques anticoncurrentielles.
Malgré l'interprétation divergente des faits relevés que font les appelantes, ceux-ci constituent des indices suffisamment sérieux au stade de l'enquête, dès lors que l'analyse de l'Autorité de la concurrence apparaît plausible et que seule l'instruction ultérieure peut révéler s'il existe ou non, au fond, des pratiques prohibées dans le secteur de la location entretien de machines à affranchir.
Enfin, sur la prétendue absence d'analyse des " caractéristiques du marché " sur lequel existerait la position dominante collective, le juge des libertés et de la détention a seulement l'obligation de préciser le secteur économique concerné par son autorisation conformément à l'article L. 450-4 du Code de commerce, au cas d'espèce, celui relatif à " la location entretien des machines d'affranchissement postal ", et il en a en l'espèce analysé les caractéristiques puisque l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents, zone plus restreinte.
Le grief n'est donc pas fondé.
Sur le caractère parcellaire et orienté des informations et des documents communiqués par l'Autorité de la concurrence à l'appui de la requête
L'article L. 450-4 alinéa 2 du Code de commerce dispose que " Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite ".
Les sociétés appelantes font grief à l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir communiqué au juge des libertés et de la détention tous les éléments d'information en sa possession, mais uniquement des éléments à charge contre Neopost, en passant sous silence des éléments à décharge.
En autorisant les opérations de visite et de saisie au vu des seules pièces produites par l'Administration, le juge des libertés et de la détention fait une exacte application de l'article L. 450-4 du Code de commerce dès lors qu'il apprécie souverainement et de manière concrète que l'ensemble des informations communiquées par l'Autorité de la concurrence permettent de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée, l'Administration disposant du choix de ne transmettre au juge que les seules informations qu'elle estime utiles à étayer les présomptions qui justifient la demande.
Le juge des libertés et de la détention a en l'espèce vérifié qu'il y avait dans le dossier annexé à la requête une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce, ce qui précisait le contexte procédural de la demande.
L'autorisation a été fondée sur des éléments d'information d'ancienneté variable mais également sur des indices postérieurs à 2014, après l'arrêt des " actes d'instruction " à l'égard des appelantes en juin 2014.
Si seuls des extraits des réponses aux questionnaires envoyés par le rapporteur de l'Autorité de la concurrence à La Poste, à Neopost France et à E-Print ont été produits, le juge des libertés et de la détention n'a pas fondé ses présomptions sur ces seuls extraits et a estimé les documents suffisants pour fonder ses présomptions sans avoir à demander des documents complémentaires ou plus complets de sorte qu'aucune atteinte aux droits des appelantes n'a été portée.
Le grief n'est donc pas fondé.
Sur la présentation tronquée de la situation par l'Autorité de la concurrence
Les appelantes font valoir que l'Autorité de la concurrence aurait présenté la situation sur le marché de la location entretien de machines à affranchir de manière inexacte et que cette présentation aurait été reprise in extenso par le juge des libertés et de la détention.
D'une part les motifs et le dispositif d'une ordonnance sur requête sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée, d'autre part le nombre de pièces produites et la technicité du dossier ne peuvent à eux seuls laisser présumer que le juge des libertés et de la détention s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de pratiques prohibées.
Aucun élément ne permet à Neopost de soutenir qu'il n'y a pas eu un examen attentif par le juge des 29 annexes utiles jointes à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de l'ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer quant à l'existence d'une présomption d'abus de position dominante collective ou d'entente.
Il a déjà été répondu ci-dessus d'un part à l'inanité d'analyser les indices un à un ou les pièces annexées à la requête une à une, d'autres part au grief de production par la requérante d'informations estimées parcellaires par les appelantes.
En tout état de cause, le juge des libertés et de la détention a :
- relevé la nature potentiellement coercitive des conditions générales du contrat Néopost recommandant d'utiliser ses fournitures sur ses machines à affranchir, corroborées notamment par les indications contenues dans les modes d'emploi des machines à affranchir Neopost France de 2004 et de 2013
- vérifié le caractère illimité de l'offre de cartouches " Zen-Ink " mise en place par Neopost
- considéré que les conditions générales de Neopost France n'étaient pas de nature à écarter la facturation de frais de maintenance en cas d'utilisation de cartouches tierces au visa de l'article 5.2, ce qui pouvait avoir des effets anticoncurrentiels
- considéré dans son appréciation souveraine que la pratique de l'avenant de perfectionnement pouvait permettre à Neopost France de " contourner son engagement de supprimer tout renouvellement de contrat pour des périodes successives excédant une année ", notamment au vu des plaintes d'utilisateurs de machines à affranchir, analysant le caractère potentiellement illicite de la pratique de l'avenant de perfectionnement non pas dans le cadre du respect des engagements souscrits par Neopost mais dans celui d'un faisceau d'indices conduisant à une simple présomption de pratique anticoncurrentielle.
Le grief n'est donc pas fondé.
Sur les éléments dont la provenance ou le contexte ne seraient pas précisés et vérifiés par le juge
Le juge doit vérifier l'origine apparemment licite des pièces fournies par l'Administration avant d'ordonner toute visite domiciliaire et ensuite, il appartient au juge, qui en a relevé l'origine apparemment licite, d'apprécier souverainement si les documents produits présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Le juge des libertés a en l'espèce satisfait à cette obligation en relevant : " les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanent de la consultation de sites internet et de banques de données électroniques accessibles au public, de l'exercice respectif par la DGCCRF et l'Autorité de la concurrence de leur droit de communication, dont elles semblent avoir usé de manière régulière, mais également de la possibilité pour l'Autorité de la concurrence de se voir communiquer les informations ou les documents que la DGCCRF détient ou recueille. "
Néanmoins, les appelantes prétendent que le juge des libertés et de la détention n'aurait pas contrôlé l'origine de l'annexe 14 à la requête dont elles contestent la pertinence et l'authenticité, ni de l'annexe 20 à la requête dont la provenance et le contexte ne seraient pas précisés.
S'agissant de l'annexe 14, le juge a énuméré les quatre documents produits destinés à étayer la volonté d'interdire l'utilisation des cartouches compatibles sur les machines à affranchir Neopost, dont deux font expressément référence à Neopost, à savoir le courriel du 18 mai 2015 adressé par un client à la société E-Print et la télécopie du 11 janvier 2013 adressée par un client à la société E-Print.
D'une part si le nom de certains clients est occulté, c'est dans le respect du secret des affaires, dont la protection est prévue par les articles L. 463-4 et R. 463-13 à R. 463-15 du Code de commerce, qu'il ne saurait être reproché à l'Administration de s'y être pliée, et dont le juge des libertés est garant sauf à estimer nécessaire de demander une communication plus large des pièces.
D'autre part, le dossier soumis au juge de l'autorisation contenait un document laissant apparaître que l'interlocuteur du rapporteur en charge du dossier était le conseil de la société E-Print, auxiliaire de justice, dont le nom et la qualité apparaissent au moins une fois, répondant aux demandes de communication de pièces ou en transmettant spontanément pour étayer sa plainte.
Dans de telles conditions, l'apparence de licéité ne pouvait donc qu'être acquise.
S'agissant de l'annexe 20, elle comprend un courriel du 13 novembre 2015 de Mme Virginie R., ingénieur commercial de Neopost, adressé à la société E-Print, joint à une transmission d'éléments complémentaires à l'Autorité de la concurrence du 20 novembre 2015 par l'avocat de la société plaignante E-Print qui demandait la protection du secret des affaires, et un modèle de contrat Zen-Ink, joint à la réponse du 19 juin 2015 de l'avocat de la société E-Print à la demande d'information de l'Autorité de la concurrence du 28 mai 2015.
La provenance et le contexte de ces pièces sont donc précis et le juge des libertés n'avait pas, à ce stade de la procédure, à s'interroger sur leur caractère probant mais seulement à estimer si, au regard des autres éléments soumis à son examen, existait une simple présomption de pratiques anticoncurrentielles.
En outre, sont produits devant la juridiction de céans le courriel et le courrier de transmission, en date des 20 novembre 2015 et 19 juin 2015, par lesquels le conseil de la société E-Print a aussi fourni au rapporteur en charge du dossier les documents contenus dans l'annexe 20 à la requête de l'Autorité.
Le moyen sera écarté.
Sur le caractère disproportionné des mesures de visites et de saisies
L'Administration n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure de l'article 450-4 du Code de commerce, qui ne présente pas un caractère subsidiaire, plutôt qu'à à l'enquête dite " simple " prévue à l'article L. 450-3 dudit code.
La présomption de pratique prohibée doit être suffisante pour que l'atteinte aux droits fondamentaux que constitue une visite domiciliaire soit proportionnée aux craintes objectives de l'Administration et à l'ampleur ou la complexité du processus et l'article 8 de la CEDH impose un contrôle de proportionnalité de la mesure.
Pour être admissible, l'ingérence de l'autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 de la CEDH est subordonnée à une triple condition: être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique.
En l'espèce, la mesure sollicitée tendait à vérifier si les comportements suspectés de Neopost étaient motivés par la volonté d'empêcher ou limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, de limiter ou contrôler les débouchés ou le progrès technique et se répartir les utilisateurs sur le marché des cartouches d'encre compatibles avec les machines à affranchir et sur celui de la location entretien des machines d'affranchissement postal ou d'abuser de la position dominante collective qu'elle détient avec Pitney Bowes et Doc'Up, et ce, en violation des dispositions des articles L. 420-1 1°, 2°, 3° et 4°, L. 420-2 du Code de commerce et 101- 1 a), b) et c), 102 du TFUE.
Par suite, l'autorisation de visite inopinée des bureaux et de saisie des notes, documents et le cas échéant des messageries électroniques des principaux responsables de Neopost, en charge notamment des questions de location des machines à affranchir et de vente de consommables était proportionnée à la nécessité légitime de trouver les modalités d'organisation des pratiques anti-concurrentielles suspectées et de contrôler la volonté de Neopost de lier la location de ses machines à affranchir à l'achat des cartouches distribuées par elle et de verrouiller le secteur de la location entretien des machines à affranchir en limitant la possibilité pour certains utilisateurs de changer de prestataire, le tout en concertation avec les autres concessionnaires de machines à affranchir par l'échange d'informations commerciales sensibles entre eux.
Le grief n'est donc pas fondé.
L'ordonnance de visite et saisie du 5 avril 2016 et l'ordonnance complémentaire du 14 avril 2016 seront donc confirmées.
III - Sur le déroulement des opérations de visite et de saisie
Sur la recevabilité du recours
Aux termes de l'article l'article L. 450-4 alinéa 12 du Code de commerce :
" Le déroulement des opérations de visite ou saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé ces dernières, suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale. Le ministère public, la personne à l'encontre de laquelle a été prise l'ordonnance mentionnée au premier alinéa et les personnes mises en cause au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations peuvent former ce recours. Ce dernier est formalisé par déclaration au greffe du tribunal de grande instance dans un délai de dix jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l'inventaire, ou, pour les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisie et qui sont mises en cause, à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire et, au plus tard à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2. Le recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale. Les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive ".
Lors de la saisie intervenue le 10 mai 2016 des fichiers informatiques sélectionnés expurgés des documents relevant de la protection de la correspondance avocat-client, il a été remis à la représentante des occupants des lieux d'une copie de chaque PV et de son inventaire. Des scellés fermés provisoires ont été constitués s'agissant des fichiers informatiques sélectionnés au sein des sociétés Neopost Services et Neopost France dans le but de préserver le secret des correspondances avocat-client, comme le relatent les mentions figurant à chacun des PV.
Les opérations d'ouverture des scellés fermés provisoires afin de procéder à la saisie se sont déroulées le 10 mai 2016 dans les locaux des sociétés Neopost Services et Neopost France à Nanterre et ont fait l'objet chacune d'un PV et d'un inventaire.
L'Autorité, au motif que le recours des appelantes, selon leur déclaration, ne porte que sur les PV et inventaires réalisés les 14-15 avril 2016, estime irrecevable la demande relative aux deux procès-verbaux et inventaires du 10 mai 2016.
Néanmoins, le texte n'opère aucune distinction entre les PV de saisie provisoire et les PV de saisie définitive après que le documents confidentiels aient été expurgés.
Les sociétés Neopost Services et Neopost France ont exercé leur recours le 22 avril 2016 dans les dix jours de la remise des PV des 14-15 avril 2016 et ne pouvaient être contraintes à exercer un second recours après la remise des PV du 10 mai 2016, non plus qu'à attendre le 10 mai pour exercer leur recours qui dans cette hypothèse aurait été à coup sûr irrecevable.
Au surplus, les pièces comprises dans la saisie définitive du 10 mai sont nécessairement incluses dans la saisie provisoire initiale, quand bien même elles auraient fait l'objet d'une numérotation " bis " ou d'une nouvelle numérotation.
En conséquence, le recours contre les opérations de visite et saisie sera dit recevable
Sur la saisie irrégulière de documents qui seraient couverts par le secret de la correspondance avocat-client
L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. "
La saisie d'un document couvert par cette confidentialité doit être annulée et le document restitué.
Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de visite et de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire des opérations, la régularité de ces dernières et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu'il estime appréhendés irrégulièrement ou en violation des droits de la défense.
Les appelantes demandent, à titre principal, l'annulation de l'ensemble des saisies, au motif qu'auraient été saisies 4 pièces annexées à leurs conclusions numérotées de 11 à 14 qu'elles considèrent comme relevant de la protection de la correspondance avocat-client et dont les enquêteurs ont délibérément pris connaissance.
* l'annulation de l'ensemble des saisies
La procédure des scellés provisoires mise en place protège précisément la confidentialité des correspondances avocat-client puisqu'elle permet à l'entreprise de faire connaître aux enquêteurs les pièces qui, d'après elle, pourraient bénéficier de la protection liée à la confidentialité des correspondances avocat-client et qu'ainsi, ces documents peuvent être rapidement supprimés des fichiers de messagerie dans lesquels ils figurent, étant précisé que la société visitée peut refuser d'utiliser cette procédure qui lui est proposée.
Cette procédure du scellé provisoire ne porte aucune atteinte aux droits fondamentaux, et notamment aux droits de la défense.
Au stade de la mise sous scellé provisoire, la saisie n'est par hypothèse pas définitive et il n'existe que la copie mise sous scellé fermé provisoire en vue d'un examen contradictoire ultérieur.
L'argument selon lequel la prise de connaissance par les enquêteurs des documents relevant du privilège légal entraînerait l'annulation des opérations, n'est pas pertinent.
En effet, les enquêteurs sont amenés, lors des opérations de visite et de saisies, à visualiser des documents " papiers " ou informatiques pour pouvoir apprécier leur caractère éventuellement couvert par le secret et décider ou non de les appréhender et ensuite la pratique des scellés provisoires offre une seconde garantie pour les sociétés visitées.
La prise de connaissance éventuelle par un enquêteur d'un document protégé par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 n'a pour effet que l'annulation de ce document et l'interdiction pour l'Administration d'en faire état de quelque manière que ce soit, ainsi que le rappelle de manière constante la Haute Juridiction et la CEDH, la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents étant sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies.
La demande tendant à l'annulation des opérations de visite et saisie et à la restitution de l'ensemble des pièces saisies ne peut donc qu'être rejetée.
* l'annulation de la saisie des documents contenus aux scellés n° 7 bis et n° 8
Subsidiairement, les requérantes demandent l'annulation de la saisie des documents contenus aux scellés n° 7 bis qui est le scellé définitif de la saisie informatique effectuée chez Néopost Services et n° 8 qui est le scellé définitif de la saisie informatique effectuée chez Néopost France.
Pour les mêmes motifs, cette demande doit être écartée en ce qu'un fichier informatique peut être regardé comme indivisible et saisi dans son entier s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête et que concernant l'éventuelle saisie de documents personnels, étrangers à l'objet de l'autorisation, ou couverts par le secret professionnel, il incombe aux requérantes d'identifier les documents dont elle sollicite que leur appréhension soit annulée et d'en préciser le contenu, afin de mettre le premier président de la cour d'appel en mesure de se prononcer sur le caractère irrégulier ou non de la mesure.
S'agissant notamment des fichiers de messagerie, il difficilement envisageable, même si cela est techniquement possible, d'individualiser sur place au cours des opérations les seuls messages pertinents en les analysant un à un, au risque de paralyser le fonctionnement de l'entreprise et de réduire l'efficacité de l'enquête et il est nécessaire de préserver l'intégrité et l'authenticité des éléments de preuve, ce que garantit davantage la saisie globale des messageries dans lesquelles a été constatée la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation évitant ainsi de créer sur l'ordinateur des éléments qui n'existaient pas ou d'altérer des métadonnées des fichiers.
La copie intégrale des fichiers de messageries, sans individualisation de chaque message, leur saisie dans leur globalité dès lors qu'ils contiennent des éléments pour partie utiles à la preuve des agissements est conforme aux mesures prévues par la loi qui permet aux enquêteurs de saisir tous documents ou supports d'information en rapport avec les agissements prohibés visés par l'autorisation et où elles demeurent proportionnées, étant observé que la messagerie électronique doit être dite " insécable " dès lors que les documents de messagerie litigieux, issus d'un logiciel de messagerie électronique, sont stockés dans un fichier unique pour l'ensemble des services fournis à l'utilisateur et que la sélection message par message aurait pour effet de modifier les références électroniques des fichiers déplacés et d'en affecter l'authenticité.
* l'annulation de la saisie des documents visés aux pièces 11 à 14
Plus subsidiairement les requérantes demandent l'annulation de la saisie des documents visés aux pièces 11 à 14
Il convient donc d'examiner ces pièces pour savoir si elles entrent véritablement dans le cadre de la protection de la correspondance avocat-client
- la pièce n° 11
Le courriel du 16 juillet 2013 à 21h10 de maître Laure G. à Mme Isabelle V., juriste de Neopost et la réponse de celle-ci à Maître Laure G. daté du 17 juillet 2013 à 13h13, sont produits à trois reprises dans la pièce n° 11 et doivent être considérés comme relevant de la protection de la correspondance avocat-client en ce qu'ils comportent un avis juridique du conseil de Néopost sur la licéité des pratiques envisagées au regard du droit de la concurrence.
Les autres courriels produits à la pièce n° 11 n'entrent pas dans le cadre de la protection de la correspondance avocat-client puisqu'aucun avocat indépendant n'en est destinataire ou expéditeur et qu'ils ne se limitent pas à reprendre le texte ou le contenu d'une communication avocat-client mais font état de commentaires de salariés de Neopost et évoquent même des points étrangers aux droits de la défense dans un dossier de concurrence.
- la pièce n° 12
Elle contient un échange de courriels sur la réponse au questionnaire de l'Autorité de la concurrence et Mme Isabelle V., juriste de Neopost, dans le dernier de la chaîne de ces courriels du 4 février 2013 à 16h36 a indiqué : " Je ne vois pas pourquoi on se priverait de signaler ces clauses des Specs au rapporteur ".
Il s'ensuit que les éléments d'information contenus dans ces échanges de courriels intervenus entre le 31 janvier 2013 et le 4 février 2013 ont bien été communiqués au rapporteur de l'Autorité de la concurrence en charge du questionnaire le 5 février 2013 comme le confirme le courriel du 4 février 2013 à 15h52 de M. Jérôme V., salarié de Neopost, qui précède le courriel précité de Mme Isabelle V. de la même date à 16h36.
Elle contient également :
* un courriel du 28 mai 2014 à 8h52 échangé entre salariés de Neopost où aucun avocat indépendant n'est le destinataire ou l'expéditeur et qui ne se borne pas à reprendre le texte ou le contenu d'une communication avocat-client mais fait état de la mise à jour d'un tableau qui précise les chiffres de la maintenance des machines en fonction des cartouches pour 2007 à 2013 avec une mise à jour pour 2014, étant observé que ces chiffres ont été communiqués à l'Autorité de la concurrence puisque dans le cadre du contentieux de la légalité de l'ordonnance d'autorisation, les requérantes reprochent à l'Autorité de la concurrence d'en avoir fait une analyse biaisée.
* un courriel du 4 juin 2014 à 8h58, qui est le simple transfert de celui du 28 mai 2014 précité réalisé par Mme Isabelle V. à destination de Maître Laure G. ne suffisant pas à lui donner dès lors le caractère d'une correspondance avocat-client et en tout état de cause le contenu en a été communiqué à l'Autorité.
Par conséquent, les courriels de la pièce n° 12 ne relèvent pas de la protection de la correspondance avocat-client.
- la pièce n° 13
Il s'agit d'un courriel adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à Maître Laure G. et autres du 1er avril 2010 à 12h52 et de ses pièces jointes réalisées en préparation de la procédure ayant débouché sur la décision n° 10-D-21 du 30 juin 2010 relative au respect par les sociétés Neopost France et Satas, des engagements pris dans la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-49 du 25 juillet 2005, ces deux décisions ayant été jointes à l'annexe n° 2 de la requête de l'Administration pour l'obtention de l'autorisation judiciaire du JLD du TGI de Nanterre du 5 avril 2016.
La lecture de ces pièces jointes montre qu'elles ont fait l'objet d'un envoi au rapporteur de l'Autorité de la concurrence par les requérantes le 10 juillet 2009 et que les informations qu'elles contiennent se retrouvent même dans la décision précitée du 30 juin 2010, notamment dans les tableaux qui figurent en page 10, 13, 15, 24 et 25 de ladite décision qui a prononcé une sanction pécuniaire de 100 000 euros pour chacune de ces deux sociétés pour violation de leur engagement respectif relatif à l'indemnité due en cas de résiliation anticipée souscrit par elles et rendu obligatoire par la décision du conseil de la concurrence du 25 juillet 2005.
Ces éléments d'information transmis à l'Autorité en 2009 ayant fait l'objet d'une décision du 30 juin 2010 devenue définitive ne sauraient altérer les droits de la défense relatifs à l'opération de visite et saisie intervenue en 2016.
Par conséquent, les pièces jointes du courriel du 1er avril 2010 contenues dans la pièce n° 13 ne relèvent pas de la protection de la correspondance avocat-client.
- la pièce n° 14
Elle contient un premier courriel du 14 novembre 2014 à 2h26 adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à différents salariés de l'entreprise et à Maître Valérie L. qui concerne la réponse à un contrat publicitaire en cours de passation avec La Poste, notamment les blocs publicitaires et un second courriel du 16 juin 2015 à 14h37 adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à différents salariés de l'entreprise et à Maître Valérie L. qui concerne le contrat de machines à affranchir avec La Poste dans son volet pénalités prévues par celle-ci et dans son volet responsabilité des affranchissements non payés par le client.
Ces éléments relèvent de la protection de la correspondance avocat-client en ce qu'ils portent sur des négociations contractuelles.
Les autres courriels contenus à la pièce n° 14 n'entrent pas dans le cadre de la protection de la correspondance avocat-client puisqu'aucun avocat indépendant n'en est destinataire ou expéditeur et qu'ils ne se limitent pas à reprendre le texte ou le contenu d'une communication avocat-client mais sont des échanges entre salariés de Neopost.
Le moyen sera rejeté sauf en ce qui concerne le courriel du 16 juillet 2013 à 21h10 de Maître Laure G. à Mme Isabelle V., juriste de Neopost et la réponse de celle-ci à Maître Laure G. daté du 17 juillet 2013 à 13h13, le courriel du 14 novembre 2014 à 2h26 adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à différents salariés de l'entreprise et à Maître Valérie L. et le courriel du 16 juin 2015 à 14h37 adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à différents salariés de l'entreprise et à Maître Valérie L.
Sur l'absence de respect du champ de l'ordonnance
Les requérantes soutiennent que 355 documents numériques saisis dans les fichiers de messagerie, sur un CD-R, contenus en pièce n° 19 annexée à leurs conclusions, sont hors du champ de l'autorisation judiciaire en ce qu'ils sont relatifs à la politique de ressources humaines de Néopost et non au comportement commercial de l'entreprise sur le marché des machines à affranchir.
Il leur appartient d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, la saisie n'a porté que sur les messageries électroniques professionnelles, de type Microsoft Outlook ou Lotus Notes, mises à la disposition des salariés par les requérantes pour envoyer et recevoir, à titre principal, des correspondances d'ordre professionnel.
Ainsi qu'il a déjà été dit, un fichier de messagerie doit être regardé comme étant un fichier informatique indivisible qui peut être saisi dans son entier s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête.
Il est en effet difficilement envisageable, même si cela est techniquement possible, d'individualiser sur place au cours des opérations les seuls messages pertinents en les analysant un à un, au risque de paralyser le fonctionnement de l'entreprise et de réduire l'efficacité de l'enquête et il est nécessaire de préserver l'intégrité et l'authenticité des éléments de preuve, ce que garantit davantage la saisie globale des messageries dans lesquelles a été constatée la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation évitant ainsi de créer sur l'ordinateur des éléments qui n'existaient pas ou d'altérer des métadonnées des fichiers.
La copie intégrale des fichiers de messageries, sans individualisation de chaque message, leur saisie dans leur globalité dès lors qu'ils contiennent des éléments pour partie utiles à la preuve des agissements est conforme aux mesures prévues par la loi qui permet aux enquêteurs de saisir tous documents ou supports d'information en rapport avec les agissements prohibés visés par l'autorisation et où elles demeurent proportionnées.
Ainsi, s'il ne peut être exclu que des messageries électroniques par nature composite puissent contenir à la fois des messages entrant dans le champ des investigations et des messages sans rapport avec l'objet de l'enquête, le mode opératoire de saisie globale de fichiers de messagerie électronique ne peut qu'être validé dès lors que la preuve n'est pas rapportée que les documents incriminés sont couverts par le secret professionnel et les droits de la défense ou qu'une demande a été faite pour qu'ils soient classés sous la protection du secret des affaires, que leur saisie ne cause donc pas grief, et qu'ils ont été saisis selon les modalités ci-dessus exposées, parmi d'autres documents qui rentraient dans le champ de l'enquête en conformité avec les articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale puisque chaque fichier informatique et document papier saisi a été inventorié et qu'une copie intégrale de cet inventaire, ainsi qu'une copie intégrale des documents papier et des fichiers informatiques saisis a été laissée aux requérantes.
Le moyen sera donc écarté.
Sur les demandes accessoires
Aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Partie perdante, les sociétés Neopost Services et Neopost France et Néopost doivent supporter les dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, Ordonnons la jonction des affaires inscrites sous les numéros RG 16/005566 et 16/05667 Confirmons l'ordonnance de visite et saisie du 5 avril 2016 et l'ordonnance complémentaire du 14 avril 2016 ; Déclarons recevable le recours des sociétés Neopost Services et Neopost France contre les opérations de visite et saisie ; Annulons la saisie du courriel du 16 juillet 2013 à 21h10 de Maître Laure G. à Mme Isabelle V., juriste de Neopost et de la réponse de celle-ci à Maître Laure G. daté du 17 juillet 2013 à 13h13, du courriel du 14 novembre 2014 à 2h26 adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à différents salariés de l'entreprise et à Maître Valérie L. et du courriel du 16 juin 2015 à 14h37 adressé par Mme Isabelle V., juriste de Neopost, à différents salariés de l'entreprise et à Maître Valérie L. ; Ordonnons la restitution de ces correspondances et messages et interdisons à l'Autorité de la concurrence de les utiliser en original ou en copie ; Rejetons le recours contre des opérations de visite et de saisie pour le surplus ; Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejetons toutes autres demandes ; Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés Neopost Services et Neopost France et Néopost.