CA Versailles, 12e ch., 26 juin 2018, n° 17-05261
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
WE Financements Professionnels (SARL)
Défendeur :
OG Conseils Services (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leplat
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Muller
Avocats :
Mes Sibille, Minault, Marion
EXPOSÉ DU LITIGE
La société FIPARC, spécialisée dans la commercialisation de solutions de financement locatif pour du matériel informatique, a recours à des agents commerciaux parmi lesquels la société OG Conseils Services (ci-après société OG Conseils).
Selon contrat d'apporteur d'affaires du 20 mai 2011, la société OG Conseils a chargé la société WE Financements Professionnels (ci-après société WEFP) de prospecter des clients susceptibles d'être intéressés par les prestations de la société FIPARC, en contrepartie de quoi elle devait lui régler des commissions variant de 30 à 45 % (selon que l'affaire apportée était ensuite gérée par l'apporteur ou par la société OG conseils) de la marge versée par la société FIPARC sur les contrats signés.
La société WEFP a réussi à obtenir la signature de 5 contrats sur les mois d'avril à août 2011, puis un litige est survenu avec la société OG Conseils qui a finalement résilié le contrat le 29 mai 2013, avec effet au 29 novembre 2013.
Par acte du 26 juin 2015, la société WEFP a fait assigner la société OG Conseils en paiement de commissions, d'une indemnité de rupture, outre diverses sommes à titre de dommages et intérêts, demandant au tribunal de dire que le contrat souscrit est un contrat d'agent commercial.
Par jugement du 4 juillet 2017, le Tribunal de commerce de Nanterre a :
- dit que le contrat conclu le 20 mai 2011 n'est pas un contrat d'agent commercial, déboutant la société WEFP de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société WEFP au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 10 juillet 2017 par la société WEFP.
Vu l'ordonnance d'incident du 22 mars 2018 par laquelle le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de communication de pièces formée par la société WEFP.
Vu les dernières écritures signifiées le 7 février 2018 par lesquelles la société WEFP demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre,
Et, statuant à nouveau :
A titre principal :
- dire que le contrat est en réalité un contrat d'agent commercial, et que le mandant n'a pas respecté ses obligations,
En conséquence :
- condamner la société OG Conseils à payer à la société WEFP la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société OG Conseils à payer à la société WEFP la somme de 14 723,67 euros TTC au titre de l'indemnité de rupture,
A titre subsidiaire :
- dire qu'il existe un mandat d'intérêt commun entre les parties et que la rupture de celui-ci ouvre droit à dédommagement,
En conséquence :
- condamner la société OG Conseils à payer à la société WEFP les sommes de :
- 14 723,67 euros TTC
- 6 924,23 euros TTC au titre des commissions non versées et des pénalités de retard y afférentes (contrat BETOM 4),
- 4 179,60 euros TTC au titre des commissions non versées et (cessions de contrats BETOM 1, 2 et 3),
- 437,40 euros TTC au titre des commissions non versées et (relais Beauceron),
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Le cas échéant, et conformément à l'article 910-4 du Code de procédure civile, en fonction de l'éventuelle production de pièces à intervenir, condamner la société OG Conseils à payer à la société WEFP une somme non encore déterminée, au regard du solde de commissions sur les contrats apportés.
- condamner la société OG Conseils aux dépens,
- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de l'assignation.
Vu les dernières écritures signifiées le 30 mars 2018 au terme desquelles la société OG Conseils demande pour l'essentiel à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre,
- juger que le contrat conclu est un contrat d'apporteur d'affaires, qu'elle a réglé l'intégralité des factures et qu'il n'existe aucun abus dans le droit de rompre le contrat,
- en conséquence, rejeter toutes demandes de la société WEFP,
- condamner la société WEFP au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande principale tendant à la requalification de la convention en contrat d'agent commercial
Il résulte de l'article L. 134-1 du Code de commerce que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.
Le premier juge a estimé que les termes du contrat limitaient la mission de la société WEFP à une mission de prospection de clientèle, sans possibilité de négociation des contrats, de sorte que la demande de requalification du contrat n'était pas fondée.
La société WEFP soutient que les conditions d'application du statut d'agent commercial sont réunies, en ce qu'elle est une société indépendante, que le contrat est conclu pour une action permanente et qu'elle disposait d'un pouvoir de négociation des contrats dès lors qu'elle en établissait les conditions particulières, et faisait signer le contrat au client, ajoutant que les différents taux de rémunération démontrent que sa mission ne correspondait pas à une simple mise en relation. La société WEFP ajoute que la société OG Conseils a reconnu son statut d'agent commercial dans deux courriels des 1er et 3 février 2012 dans lesquels elle la considère comme "agent".
La société OG Conseils soutient que la société WEFP n'avait pas pour mission d'agir au nom et pour son compte, mais uniquement de prospecter des clients, ce qui correspond à une simple mise en relation. La société OG Conseils ajoute que le contrat prévoit que la clientèle apportée reste la propriété exclusive de l'apporteur d'affaires, ce qui permet de distinguer cette convention avec un contrat d'agent commercial dans lequel la clientèle est commune au mandant et mandataire. Elle soutient enfin que la société WEFP n'a pas exécuté le contrat, les seules mises en relation dont il est justifié (contrat relais Beauceron et Betom 1) étant antérieures à la signature du contrat d'apporteur d'affaires.
Le pouvoir de négociation qui caractérise la fonction d'agent commercial suppose un minimum de marge de manœuvre sur l'opération qui doit être conclue.
En l'espèce, le contrat intitulé "apporteur d'affaires" définit l'objet du contrat, à l'article 1, de la manière suivante : "le donneur d'ordres charge l'apporteur d'affaires de prospecter pour son compte des clients en vue de lui permettre de réaliser toutes opérations commerciales ayant trait à son activité".
Il est prévu au paragraphe 2 "définitions" que : "l'expression proposition de contrat signifie un document composé de deux parties : les conditions générales définies par OG Conseils, qui se réserve le droit de les modifier sur simple notification donnée à l'apporteur d'affaires, les conditions particulières qui sont proposées par l'apporteur d'affaires au client, avec l'accord écrit et préalable d'OG Conseils (...)".
L'article 3.2 du contrat énumère les prestations fournies par l'apporteur d'affaires, et notamment l'ensemble des relations avec la clientèle, les visites régulières avec la clientèle, la prise des commandes : "étant entendu que chaque commande devra être sollicitée par écrit sur un formulaire agréé par OG Conseils, les conditions particulières (...) de chaque commande prise par l'apporteur d'affaires devront avoir été préalablement agréées par OG Conseils par écrit..."
Ces éléments démontrent que la société WEFP ne dispose en fait d'aucune marge de manœuvre et qu'elle ne peut agir qu'après accord écrit et préalable de la société OG Conseils. Cette absence de marge de manœuvre est encore renforcée par la clause selon laquelle "l'apporteur d'affaires ne peut engager, sous sa seule signature, le donneur d'ordres et s'interdit par conséquent toute démarche susceptible de faire croire aux tiers qu'il détient le pouvoir de l'obliger."
Contrairement à ce qui est soutenu, la société WEFP ne justifie ainsi d'aucun pouvoir de négociation.
Il convient d'ajouter que les termes du contrat sont sans équivoque quant à la propriété de la clientèle qui reste celle, exclusive, de l'apporteur d'affaires, ce qui est incompatible avec la qualification de contrat d'agent commercial dans lequel l'agent n'est pas propriétaire de la clientèle.
La différence de rémunération entre les affaires trouvées puis gérées par l'apporteur (45 % de la marge) et les contrats simplement trouvés par l'apporteur mais gérés par le donneur d'ordre (30 % de la marge) ne permet pas de remettre en cause la qualification du contrat, la seule différence de gestion n'impliquant nullement un pouvoir de négociation qui fait toujours défaut en l'espèce au moment de la conclusion du contrat.
Enfin, les énonciations ambiguës d'un courriel de février 2012 relative à une simple "proposition de devenir un agent" ne peuvent en aucune manière prévaloir sur les termes tout à fait clairs du contrat.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a dit que la demande de requalification de la convention en contrat d'agent commercial n'était pas fondée. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande subsidiaire d'indemnisation sur le fondement d'une résiliation abusive du contrat
Il résulte de l'article 5 du contrat d'apporteur d'affaires que le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties pouvant y mettre fin : "en informant l'autre partie par courrier recommandé avec accusé de réception, et en respectant un délai de préavis de 6 mois".
La société WEFP soutient, à titre subsidiaire, que la résiliation du contrat - qui n'est justifiée par aucune faute qui lui soit imputable - est abusive, ouvrant ainsi droit à son profit, s'agissant selon elle d'un mandat d'intérêt commun, à une indemnité compensatrice du préjudice subi. Elle sollicite à ce titre le versement d'une indemnité de 14 723,67 euros, correspondant à deux années de commissions brutes, indiquant que cette indemnisation doit être calculée dans les mêmes conditions que celle s'appliquant habituellement à un agent commercial.
La société OG Conseils répond qu'elle était en droit de mettre un terme au contrat - sans avoir à justifier d'une faute de son cocontractant - et que les formes prévues par le contrat (article 5) ont été respectées, notamment quant au préavis de 6 mois, de sorte que la rupture n'a aucun caractère abusif. Elle ajoute qu'il n'est justifié d'aucun préjudice en lien de causalité avec une prétendue rupture abusive.
Les dispositions du contrat prévoient clairement deux possibilités de résiliation, l'une à la convenance de chacune des parties, sous réserve du respect d'un préavis de 6 mois, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un quelconque manquement, l'autre pouvant intervenir de plein droit après mise en demeure préalable mais sans aucun préavis, en cas d'inexécution des obligations de l'une des parties.
En l'espèce, la société OG Conseils s'est placée dans la première hypothèse, en respectant le préavis de 6 mois, de sorte qu'elle n'avait pas à justifier d'un manquement de la société WEFP, cette rupture n'ayant dès lors aucun caractère abusif, comme l'a retenu le premier juge.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée à ce titre.
Sur la demande en paiement de commissions
La société WEFP soutient que la société OG Conseils reste redevable, après résiliation du contrat, des commissions sur les contrats conclus durant la période contractuelle, s'agissant notamment des contrats qui ne sont pas refinancés pour lesquels les commissions sont payées dans les 15 jours suivant la réception, par FIPARC, du paiement de chaque loyer.
La société OG Conseils soutient au contraire qu'elle n'est redevable d'aucune somme, dès lors que le contrat prévoit uniquement le versement de commissions "pendant la durée du présent contrat", cette clause parfaitement claire ne souffrant aucune interprétation.
Il résulte de l'article 4.1 du contrat que : "en rémunération des services rendus par l'apporteur d'affaires (...) celui-ci percevra pendant la durée du présent contrat des commissions définies, calculées et payées selon des modalités prévues à l'annexe 4".
L'annexe 4 E intitulée "règlement des commissions et avances sur commissions futures" prévoit, pour les contrats de location non refinancés (seuls contrats posant difficulté) que les commissions seront payés "dans les 15 jours suivant la réception par FIPARC du paiement de chaque loyer par le client".
L'interprétation de l'article 4.1 du contrat, telle que suggérée par la société OG Conseils, limitant le paiement des commissions à la durée du contrat, aboutirait à priver l'apporteur d'affaires - du seul fait que le contrat est à exécution successive, à la différence des contrats refinancés qui sont à exécution immédiate - de toutes les commissions postérieures à la résiliation alors que son droit à commission est bien né pendant la durée du contrat. Cela ferait en outre dépendre le versement des commissions dans le temps de la bonne volonté du donneur d'ordres qui pourrait mettre fin au contrat dès le lendemain de sa conclusion afin d'échapper au paiement de toute commission, ce qui priverait le contrat de tout sens.
Il convient donc de faire droit à la demande en paiement des commissions sur des contrats signés durant la période contractuelle, dont l'exécution s'est poursuivie postérieurement au contrat d'apporteur d'affaires. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
* Sur le contrat Betom n° 4
La société WEFP sollicite à ce titre paiement d'une somme de 6 924,23 euros HT, précisant que le terme du contrat est le 22 août 2015, et qu'elle reste ainsi créancière de 7 trimestres de commissions.
La société OG Conseils soutient pour sa part n'avoir perçu de la société FIPARC - en raison d'une part, d'une diminution de la commission allouée par celle-ci à compter de 2013, d'autre part des difficultés financières de la société Betom - qu'une somme globale de 9 820 euros HT au titre de l'ensemble des commissions sur tous les contrats WEFP de sorte que celle-ci ne pourrait tout au plus prétendre qu'au paiement de 4 910 euros, soit 50 % de la marge facturée à FIPARC. La société OG Conseils ajoute que les contrats de cession de matériel ont été annulés, de sorte qu'elle a remboursé les sommes qu'elle avait perçues, ce qui a fait l'objet de divers avoirs.
La diminution de la commission allouée par la société FIPARC à la société OG Conseils n'est pas opposable à la société WEFP.
La demande en paiement présentée par la société WEFP est ainsi fondée à hauteur de la somme de 6 778,80 euros, outre 145,43 euros au titre des pénalités contractuelles, soit un total de 6 924,23 euros, étant observé qu'aucun avoir n'a été émis sur le contrat Betom 4.
Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef, la société OG Conseils étant condamnée au paiement de la somme de 6 924,23 euros.
* Sur les autres contrats
La société WEFP sollicite paiement de commissions sur des cessions pour les contrats Betom n° 1, 2, et 3, à hauteur de la somme de 4 617 euros.
Dans un premier temps, la société OG Conseils a facturé la société FIPARC au titre de sa commission sur la cession de ces contrats. Elle justifie toutefois avoir émis des avoirs de même montant du fait que les contrats n'ont finalement pas été cédés, en sorte qu'aucune facture ne reste due, notamment par la société Betom et qu'elle n'avait ainsi aucun motif de déclarer une créance, contrairement à ce qui est soutenu.
La société OG Conseils justifiant qu'elle n'a finalement facturé aucune commission au titre de la cession des contrats, la demande en paiement formée par la société WEFP sera rejetée.
S'agissant du contrat "Relais Beauceron", il n'est pas contesté qu'il a fait l'objet d'une cession et que la société OG Conseils a été commissionnée par la société FIPARC, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande en paiement de la commission à hauteur de la somme de 437,40 euros.
La demande en paiement d'une "somme non encore déterminée" au titre d'un solde de commissions sera rejetée, dès lors précisément que cette somme n'est ni déterminée ni déterminable.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à la société WEFP une indemnité de procédure de 3 000 euros.
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le contrat du 20 mai 2011 n'était pas un contrat d'agent commercial, et en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire du fait de la résiliation du contrat, Le Réforme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Condamne la société OG Conseils à payer à la société WE Financements Professionnels les sommes de : - 6 924,23 euros au titre d'un solde de commissions sur le contrat Betom 4, - 437,40 euros au titre d'un solde de commissions sur le contrat Relais Beauceron, Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 26 juin 2015, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société OG Conseils à payer à la société WE Financements Professionnels la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société OG Conseils aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.