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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 juin 2018, n° 15-24833

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Roussillon Conflent Automobiles (SARL)

Défendeur :

Perpignan Avenir Automobile (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Junqua Lamarque, Marty

T. com. Marseille, du 19 nov. 2015

19 novembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Roussillon Conflent Automobiles (ci-après RCA), est spécialisée dans le commerce de voitures et de véhicules automobiles légers. Elle est agent automobile, distribue notamment des pièces détachées et est active sur le marché de la réparation de véhicules automobiles.

La société Perpignan Avenir Automobile exerce l'activité de commerce de voitures et de véhicules automobiles légers. Elle est concessionnaire automobile.

Le 29 septembre 2009, la société RCA est devenue agent Renault, après l'acquisition d'un fonds de commerce d'agence Renault pour un prix de 152 000 euros, financé à hauteur de 120 000 euros au moyen d'un prêt remboursable sur 7 ans (dernière échéance le 5 octobre 2016) ainsi que par un prêt d'installation régional de 50 000 euros (dernière échéance le 1er mai 2015).

Cet achat a été agréé par la société Renault France et par le concessionnaire Renault de l'époque, la société Renault Retail Groupe Perpignan, succursale de la société Renault France.

En décembre 2010, la société Perpignan Avenir Automobile a acheté à la société Renault France sa succursale, la société Renault Retail Groupe Perpignan et est devenue, le 1er décembre 2010, concessionnaire exclusif Renault et Dacia sur le département des Pyrénées orientales.

Ayant de ce fait acquis le droit de se constituer un réseau secondaire d'agents, elle a, le 3 janvier 2011, conclu avec la société RCA deux nouveaux contrats d'agent Renault Service et Dacia, revêtant la forme de contrats de distribution sélective.

A partir du 8 février 2011 la société Perpignan Avenir Automobile a envoyé divers courriers à la société RCA, soulevant plusieurs griefs, sans pour autant lui retirer son agrément. Le 12 mai 2011, la société Perpignan Avenir Automobile a adressé une lettre à la société RCA, constatant que cette dernière n'avait plus de technicien agent, suite à la démission le 26 avril de celui-ci, contrairement aux dispositions du contrat d'agent. Le 9 septembre 2011, la société RCA a pris acte, s'agissant de l'application des critères de sélection, que la société Perpignan Avenir Automobile confirmait ses intentions de l'évincer du réseau.

Le 15 décembre 2011, la société Renault France a résilié les contrats la liant à ses concessionnaires en matière de ventes de véhicules neufs. En conséquence, le 22 décembre 2011, le concessionnaire Perpignan Avenir Automobile a résilié ses contrats auprès de ses agents Renault Service, dont ceux signés avec la société RCA le 3 janvier 2011, avec le préavis usuel de 24 mois, prévu dans le secteur automobile, soit le 20 décembre 2013.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 4 avril 2012, la société RCA a accusé réception de l'annonce de la résiliation des contrats d'agents service Renault et Dacia, se disant étonnée de ne pas avoir reçu de proposition de nouveaux contrats : " Il m'est donc annoncé, contrairement à tous mes collègues, la résiliation de mes contrats Dacia et Renault sans aucune perspective de signature d'un nouveau contrat ".

Le 11 mai 2012, la société RCA a envoyé à la société Perpignan Avenir Automobile un courrier recommandé avec avis de réception sollicitant à nouveau un renouvellement du contrat, au même titre que d'autres agents Renault, à l'issue du préavis.

Le 20 décembre 2013, le contrat liant la société Perpignan Avenir Automobile et la RCA a ainsi été résilié et aucun autre accord n'a été signé après cette date.

Le 27 janvier 2014, la société Perpignan Avenir Automobile a mis en demeure la société RCA de cesser toute utilisation des signes distinctifs et documents afin d'éviter toute confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'appartenance de la société RCA au réseau commercial Renault/Dacia.

Par exploit du 4 mars 2014, la société Perpignan Avenir Automobile a fait assigner la société RCA devant le juge des référés à fin de lui faire interdiction d'utiliser la marque et certains signes distinctifs Renault. Par ordonnance du 26 mai 2014, le président du Tribunal de commerce de Perpignan a débouté la société Perpignan Avenir Automobile de sa demande, aux motifs de diverses contestations sérieuses inhérentes aux conditions de la rupture des relations commerciales et des troubles post contractuels invoqués.

Par acte du 9 mai 2014, la société Roussillon Conflent Automobiles (RCA) a fait assigner la société Perpignan Avenir Automobile devant le Tribunal de commerce de Marseille, afin que cette dernière soit condamnée pour avoir rompu brusquement et abusivement les relations commerciales existantes entre les deux sociétés et pour avoir violé son engagement de non-discrimination.

Par jugement du 19 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- déclaré être territorialement compétent,

- condamné la société Perpignan Avenir Automobile à payer à la société Roussillon Conflent Automobiles la somme de 2 966,08 euros TTC au titre du reliquat de ristourne de 2013,

- débouté la société Roussillon Conflent Automobiles de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Roussillon Conflent Automobiles à cesser toute utilisation du sigle " Renault " ou sa qualité d'agent Renault dans le mois suivant la signification du présent jugement et à défaut de ce faire dans ledit délai sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée,

- condamné la société Roussillon Conflent Automobiles à payer à la société Perpignan Avenir Automobile la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles occasionnés par la présente procédure,

- laissé à la charge de la société Roussillon Conflent Automobiles les dépens toutes taxes comprises de la présente instance liquidés à la somme de 82,08 euros,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement,

- ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de commerce de Marseille, le 19 novembre 2015.

LA COUR

Vu l'appel de la société Roussillon Conflent Automobiles et ses dernières conclusions du 11 mai 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu les articles 1121, 1134, 1147 et 1382 anciens du Code civil,

vu les articles L. 420-1, L. 442-6, I, 5° et D. 442-3 du Code de commerce,

vu l'article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE),

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Perpignan Avenir Automobile à payer à la société Roussillon Conflent Automobiles la somme de 2 966,08 euros au titre de la ristourne 2013,

et jugeant à nouveau,

- débouter purement et simplement la société Perpignan Avenir Automobile de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- constater la reconnaissance, par la société Perpignan Avenir Automobile, de la résiliation du contrat de la société RCA aux motifs d'avoir entretenu des relations commerciales avec un autre membre du réseau de distribution sélectif Renault en matière de revente de véhicules d'occasion, produits non visés par les contrats d'agent Renault/Dacia,

- constater le traitement discriminatoire dont a fait l'objet la société Roussillon Conflent Automobiles par la société Perpignan Avenir Automobile au regard des autres agents,

- dire le refus d'agrément de la société Roussillon Conflent Automobiles par la société Perpignan Avenir Automobile abusif et discriminatoire,

- dire que l'article 7.3 du contrat de concession interdit à la société Perpignan Avenir Automobile d'effectuer toute discrimination à l'égard des agents services Renault/Dacia situés sur son territoire,

- dire que la société Perpignan Avenir Automobile a violé son engagement contractuel de ne pas discriminer la société Roussillon Conflent Automobiles,

- dire la rupture abusive et subsidiairement brusque des relations commerciales liant la société Roussillon Conflent Automobiles à la société Perpignan Avenir Automobile aux torts exclusifs de cette dernière à effet du 18 décembre 2013,

- dire que la société Perpignan Avenir Automobile a violé son engagement contractuel de rembourser les primes prévues au contrat,

en conséquence,

- condamner la société Perpignan Avenir Automobile à payer à la société Roussillon Conflent Automobiles :

* la somme de 950 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et déloyale des contrats Agents Renault et Dacia, et subsidiairement celle de 769 356 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture des relations commerciales,

* la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires au titre des investissements non amortis et de la dépréciation de son fonds,

* la somme de 2 684,41 euros au titre des dépenses engagées consécutivement à la dépose des signes distinctifs Renault,

en tout état de cause,

- condamner la société Perpignan Avenir Automobile à payer à la société Roussillon Conflent Automobiles la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions de la société Perpignan Avenir Automobile, intimée, notifiées le 2 mai 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

- confirmer en tous points le jugement entrepris, sauf à porter à 5 000 euros par infraction constatée la condamnation sous astreinte à cesser de faire état de la signalétique Renault et subsidiairement de la qualité d'agent Renault,

- condamner l'appelante au paiement d'une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

SUR CE

Sur la résiliation et le manquement à la bonne foi contractuelle

La société Roussillon Conflent Automobiles expose que la résiliation de son contrat est la conséquence de la résiliation du contrat de concession de la société Perpignan Avenir Automobile et que cette résiliation était effectuée à titre conservatoire, la société Renault ayant assuré ses concessionnaires que de nouveaux contrats leur seraient proposés fin 2013 et leur ayant demandé d'engager une démarche identique auprès de leurs agents. Or, la société RCA est le seul agent à ne pas avoir bénéficié d'un renouvellement de son contrat d'agent, le concessionnaire ayant profité de la réorganisation du réseau Renault pour l'évincer de façon discriminatoire, alors qu'elle était entretenue dans la croyance légitime du renouvellement de son contrat. Elle ajoute que la lettre de résiliation ne fait pas état des incidents ayant précédé la résiliation. Elle prétend qu'elle n'aurait pas investi dans le fonds de commerce d'agence Renault si elle avait su que son contrat serait résilié.

La société Perpignan Avenir Automobile réplique que la résiliation du contrat d'agent de la société RCA, agent du réseau secondaire, résulte de la résiliation de son propre contrat de concessionnaire et est donc régulière. Elle expose que, même si elle n'avait pas à motiver la résiliation du contrat de la société RCA, sous réserve d'octroi d'un préavis raisonnable, et le refus de renouvellement de ce contrat, elle était en tout état de cause fondée à refuser ce renouvellement, compte tenu des agissements fautifs de l'agent au cours de l'année 2011. Elle prétend par exemple que la société RCA a préféré travailler avec la succursale Renault de Montpellier plutôt qu'avec elle en matière d'achats de véhicules d'occasion et qu'elle n'a pas rempli un critère de sélectivité imposé par le réseau en ne disposant pas durablement d'un technicien agent dans sa structure. Elle expose enfin que la société RCA n'a pas été maintenue dans l'illusion d'un renouvellement de son contrat.

Il résulte de l'instruction que la société Perpignan Avenir Automobile, devenue concessionnaire exclusif Renault Dacia sur le département des Pyrénées orientales par contrat 1er décembre 2010 et disposant à ce titre sur ce département du droit exclusif de se constituer un réseau secondaire sur cette zone, a conclu deux contrats d'agent Renault et Dacia avec la société RCA, permettant notamment à cette dernière de faire état des deux marques. Selon l'article 1.2 des contrats, dans son activité au sein du réseau secondaire Renault, l'agent Renault Service était, à titre principal, un commerçant indépendant qui agissait en son nom et pour son propre compte, afin d'assurer au sein de l'espace économique européen, principalement : la prestation des services de réparation et d'entretien pour les véhicules de marque Renault, la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par Renault achetées notamment auprès de son concessionnaire, la vente de véhicules d'occasion Renault et la promotion de la marque.

Il était précisé à l'article 9.7 des conventions précitées : " les droits de l'agent Renault Service ne pouvant excéder ceux consentis au concessionnaire par le constructeur, le contrat d'agent Renault Service sera résilié de plein droit sans formalité préalable à la date de cessation du contrat de concession, quelle qu'en soit la cause ". La même stipulation figurait à l'article 16.7 du contrat de concession.

C'est dans ce contexte que, la société Renault France a notifié à la société Perpignan Avenir Automobile, par lettres du 15 décembre 2011, la résiliation de ses contrats de concession Renault et Dacia, moyennant un préavis de 2 années : " Compte tenu de l'expiration du règlement 1400/2002 en juin 2013, les contrats automobiles seront à cette date soumis à deux règlements européens, les règlements 330/210 et 461/2010. À cette occasion, nous souhaitons adapter nos contrats réseaux aux évolutions de notre environnement et de nos métiers ainsi que prendre en compte certaines dispositions de la nouvelle Réglementation européenne. Le nouveau cadre contractuel mettra en valeur les fondamentaux de notre système de distribution reposant sur un réseau fort, vecteur de notre image de marque, permettant d'offrir aux clients une qualité de service au meilleur niveau. (...) Nous vous informons par la présente de la résiliation de votre contrat de distribution conformément à l'article 16.1.1 de ce dernier avec un préavis de deux ans et (...) nous vous proposerons un nouveau contrat qui entrera en vigueur à l'expiration de votre contrat actuel à savoir le 20 décembre 2013. (...). Nous vous remercions d'engager une démarche identique auprès de vos agents conformément à l'article 16.1 de votre contrat ".

La société RCA ne conteste pas la régularité de cette résiliation, conforme au point 16.1.1 du contrat de concession, qui prévoit la faculté pour l'une ou l'autre des parties de résilier le contrat à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au moins 24 mois à l'avance, le concédant devant seulement spécifier les raisons objectives et transparentes de sa décision afin qu'il puisse être vérifié que la résiliation n'est pas intervenue à cause de pratiques anticoncurrentielles.

La société Perpignan Avenir Automobile a alors notifié à la société RCA la résiliation de ses contrats d'agent Renault et Dacia par lettres du 22 décembre 2011, à effet au 20 décembre 2013, soit moyennant un préavis de deux années. Ce courrier était rédigé en ces termes : " (...) Renault a procédé à la résiliation de l'ensemble de ses accords de distribution avec ses concessionnaires en France. Nous avons reçu notification de cette résiliation le 15 décembre 2011 avec préavis de 2 ans et nous vous en informons conformément à l'article 9.7 du contrat d'agent service. Votre contrat actuel prendra donc fin le 20 décembre 2013 ".

Cette résiliation ne revêt pas de caractère irrégulier, le préavis octroyé étant quatre fois plus long que le préavis contractuel, l'article 9.1 du contrat d'agent Renault Service prévoyant que la partie qui désire mettre fin au contrat devra en prévenir l'autre par lettre recommandée, en respectant un préavis de six mois et en spécifiant les raisons objectives de sa décision.

La société Perpignan Avenir Automobile rappelle à juste titre qu'elle n'a pas résilié le contrat pour faute, ce qui l'aurait dispensée du respect de tout préavis, selon l'article 9.2 du contrat d'agent.

Mais si la société Perpignan Avenir Automobile, en prononçant la résiliation des contrats d'agent la liant à l'appelante, n'a fait que mettre en œuvre les stipulations de ces contrats, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil, dans sa version applicable au moment des faits, aux termes desquelles les conventions légalement formées " doivent être exécutées de bonne foi ", que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le partenaire d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues.

Or, la société RCA prétend qu'elle a été entretenue dans l'assurance du renouvellement de ses contrats et en veut pour preuve les termes utilisés dans les courriers de résiliation adressés par la société Renault France à la société Perpignan Avenir Automobile.

La société Renault France a en effet promis à la société Perpignan Avenir Automobile de conclure avec elle un nouveau contrat de concession à compter du 20 décembre 2013 et a engagé cette société à en faire de même avec son réseau secondaire : " Nous vous remercions d'engager une démarche identique auprès de vos agents conformément à l'article 16.1 de votre contrat ". Parallèlement, la société Perpignan Avenir Automobile aurait laissé croire à la société RCA qu'elle allait renouveler semblablement le contrat d'agent en se référant au fait que "'Votre contrat actuel prendra donc fin le 20 décembre 2013 ", le terme " actuel " utilisé lui laissant augurer un renouvellement.

Mais la société RCA ne démontre à aucun moment que la société Perpignan Avenir Automobile l'aurait entretenue dans l'espérance du renouvellement de ses contrats, ces arguments textuels étant inopérants : la société Renault France n'avait pas le pouvoir de contraindre son concessionnaire à contracter avec des agents et s'était contentée de lui adresser un conseil général de renouvellement du réseau secondaire. Par ailleurs, l'utilisation du terme " actuel " par la société Perpignan Avenir Automobile, dans le courrier du 22 décembre 2011, ne pouvait en soi démontrer qu'elle promettait qu'un nouveau contrat d'agent Renault serait signé avec la société RCA.

Il résulte au contraire des pièces versées aux débats par la société concessionnaire que de multiples griefs ont été notifiés à la société RCA au cours de l'année 2011, rendant tout à fait improbable un éventuel renouvellement des contrats :

- réception d'une plainte d'un client mécontent (lettre du 31 janvier 2011 ; pièces 6 et 7),

- absence totale d'acquisition de véhicules d'occasion auprès du concessionnaire,

- résultats commerciaux de vente très bas,

- non-respect des critères de sélectivité de l'article 4.1.1 de l'annexe III des contrats d'agent résultant de l'absence durable de technicien agent (courrier du 12 mai 2011 ; pièce 8).

Dans un courrier du 9 septembre 2011, la société RCA a pris acte, " s'agissant de l'application des critères de sélectivité ", que la société Perpignan Avenir Automobile avait confirmé ses intentions de l'évincer du réseau (pièce 7 de la société RCA). Elle ne peut donc feindre avoir été surprise par le refus de renouvellement de son agrément.

Par ailleurs, la société RCA ne rapporte aucunement la preuve d'avoir effectivement réalisé des investissements irrécupérables, ni d'en avoir reçu la demande de la part de la société Perpignan Avenir Automobile. Elle ne peut davantage prétendre que l'achat de son fonds de commerce aurait dépendu de la pérennité des relations, la société Perpignan Avenir Automobile étant étrangère à cette acquisition, l'octroi de l'agrément en qualité d'agent Renault n'étant pas une condition déterminante de cette acquisition, ainsi que l'atteste la levée, par la société RCA, de la condition suspensive (page 4 du contrat de vente de fonds de commerce ; pièce 4 de la société RCA) et enfin, ce fonds pouvant être exploité sous une autre forme et reconverti dans une autre activité. En définitive, la société RCA ne démontre pas la mauvaise foi de la société Perpignan Avenir Automobile dans l'exercice de son droit de résilier les contrats d'agent.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur la violation de l'engagement de non-discrimination

La société RCA soutient que la société Perpignan Avenir Automobile a violé son engagement contractuel de non-discrimination envers ses agents, engagement résultant de l'article 7.3 du contrat de concession, en excluant la seule société RCA de son réseau le 22 décembre 2011.

La société Perpignan Avenir Automobile ne conclut pas sur ce point.

L'article 7.3 du contrat de concession dispose : " le concessionnaire s'engage à ne pas adopter de traitement discriminatoire à l'égard des membres de son réseau secondaire ".

Mais la société RCA ne démontre pas avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire durant l'exécution du contrat d'agent ou durant l'exécution du préavis de résiliation, son seul grief étant relatif au non-renouvellement de l'agrément, qui serait discriminatoire. Cette demande sera donc rejetée et le jugement confirmé.

Sur le refus d'agrément

La société RCA soutient que la société Perpignan Avenir Automobile l'a exclue de façon discriminatoire des réseaux Renault Dacia et qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité en application des articles L. 420-1, L. 420-2 du Code de commerce, 101 et 102 du TFUE et 1382 du Code civil. En effet, l'appelante soutient qu'elle est le seul agent à n'avoir pas été reconduit au terme du préavis par la société Perpignan Avenir Automobile, alors qu'elle disposait d'un droit à être agréée, dès lors qu'elle remplissait les critères de sélection objectifs préalablement définis.

Mais la société Perpignan Avenir Automobile soutient que le seul fait de résilier un contrat à durée indéterminée ne constitue pas une pratique discriminatoire et ne saurait avoir pour effet de contraindre un constructeur, après une résiliation, à proposer spontanément un nouveau contrat au distributeur évincé. Elle expose au surplus que la société RCA ne remplissait pas les critères de sélection.

En droit de la concurrence, le refus d'agréer un candidat remplissant les critères de sélection est exonéré au titre de l'article L. 420-4 du Code de commerce ou de l'article 101 § 3 du TFUE si les parts de marché des sociétés sur leur marché respectif sont inférieures à 30 %.

Si la part de marché de l'une des parties excède ce seuil, l'exonération automatique du règlement d'exemption tombe, mais il appartient alors à la victime de démontrer que le refus d'agrément discriminatoire enfreint l'article L. 420-1 du Code de commerce ou l'alinéa 1 de l'article 101 du TFUE. Or, la société RCA ne tente même pas cette démonstration, et ne produit aucune preuve matérielle à l'appui de ses longs développements doctrinaux.

En droit des contrats, il appartient à la victime du refus de démontrer la faute civile de son partenaire. En l'espèce, la société RCA ne démontre pas l'existence d'une discrimination abusive, la seule circonstance qu'elle ait été le seul agent du réseau de la société Perpignan Avenir Automobile exclu du renouvellement, ne suffisant pas à rapporter cette preuve, d'autant qu'il lui a été fait grief de ne pas remplir un des critères de sélection des contrats résiliés, celui exigeant la présence d'un technicien agent.

Le refus d'agrément n'est donc pas fautif, ni au regard du droit des pratiques anticoncurrentielles, ni au regard du droit des contrats.

Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

Sur la rupture des relations commerciales

Si, aux termes de l'article L. 442-6- I-5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer. Par ailleurs, " les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Les parties s'opposent sur l'effectivité du préavis.

Sur la durée des relations commerciales

La société Roussillon Conflent Automobiles fait valoir que la durée des relations commerciales est indépendante de la personnalité juridique des parties au contrat. Il importe peu que la société Perpignan Avenir Automobile ait succédé à la succursale Renault en 2011. Seule doit être prise en compte l'existence d'un fonds de commerce Renault. Elle estime ainsi que la relation commerciale entre les parties a duré 23 ans.

La société Perpignan Avenir Automobile ne conteste pas ce point.

Sur l'effectivité du préavis

La société Roussillon Conflent Automobiles fait valoir qu'en vertu de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la société Perpignan Avenir Automobile a manqué à son obligation de lui octroyer un préavis effectif. Elle estime que durant le préavis de 24 mois qui lui a été octroyé, elle se trouvait dans une situation d'incertitude, ne sachant pas si les relations commerciales existant entre elle et la société Perpignan Avenir Automobiles allaient réellement cesser au terme du préavis. Selon elle, rien ne lui laisser penser que la résiliation du contrat entraînerait la fin des relations commerciales. Ainsi, pendant le préavis de 24 mois, la société Perpignan Avenir Automobile a entretenu une ambiguïté fautive sur le sort de leur relation. En outre, la société RCA fait valoir qu'au regard de la nature des contrats concernés, ses facultés de reconversion étaient très réduites. En conséquence, elle estime que le préavis n'a commencé à courir que le 3 octobre 2013, date à laquelle la société intimée a évoqué pour la 1ère fois une fin définitive des relations commerciales, et a ainsi duré 3 mois, ce qui est insuffisant.

La société Perpignan Avenir Automobile soutient qu'elle a respecté les exigences de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en ayant octroyé à l'appelante, le 22 décembre 2011, un préavis de 24 mois. Elle estime que l'appelante ne démontre pas qu'elle lui aurait fait croire que le contrat allait se poursuivre et qu'elle l'aurait incitée à réaliser des investissements avant la résiliation.

Il a été vu plus haut qu'il n'existait aucune ambiguïté quant à la cessation définitive des relations contractuelles entre les parties, de sorte qu'il y a lieu de considérer ce préavis comme effectif.

Plusieurs courriers versés aux débats démontrent que la société RCA savait qu'elle ne serait pas renouvelée dans son agrément.

Dès le 9 septembre 2011, elle savait qu'elle ne satisfaisait pas aux critères de sélection, ce qui rendait ainsi extrêmement improbable le renouvellement de son agrément. Par ailleurs, par un courrier recommandé avec avis de réception du 4 avril 2012, la société RCA a accusé réception de la résiliation des contrats d'agents service Renault et Dacia, se disant étonnée de ne pas avoir reçu de proposition de nouveaux contrats. Elle formule clairement, dans ce courrier, sa connaissance du refus, aucun espoir ne lui étant permis :" Il m'est donc annoncé, contrairement à tous mes collègues, la résiliation de mes contrats Dacia et Renault sans aucune perspective de signature d'un nouveau contrat ".

Par ailleurs, si la société RCA estime que la société Perpignan Avenir Automobile n'a pas attendu le terme du préavis pour rompre les relations commerciales et qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité, notamment en coupant les accès internet de la société RCA quelques jours avant le terme du préavis, la société Perpignan Avenir Automobile soutient à juste titre sur ce point que l'appelante n'apporte aucun justificatif à ces allégations et que seuls les services centraux du siège constructeur pouvaient procéder à ce genre d'opération.

Il a donc lieu de juger que la rupture, notifiée par écrit et intervenue au terme d'un préavis effectif et suffisant de 24 mois, n'a pas été brutale.

Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

Sur les primes non remboursées

Si la société Roussillon Conflent Automobiles demande à la cour de confirmer la condamnation de la société Perpignan Avenir Automobile à lui payer la somme de 2 966, 08 euros correspondant à ses ristournes sur pièces détachées, la société intimée demande également la confirmation.

Il résulte des pièces du dossier que la société Roussillon Conflent Automobiles a respecté les objectifs qui lui étaient fixés pour bénéficier de ces ristournes. Le jugement déféré sera donc également confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Perpignan Avenir Automobile

La société Perpignan Avenir Automobile estime que la société appelante doit être condamnée sous astreinte à cesser de faire état de la signalétique Renault et subsidiairement de la qualité d'agent Renault sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée.

La société Roussillon Conflent Automobiles estime qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations contractuelles et qu'elle n'est pas responsables de ce que lui reproche la société Perpignan Avenir Automobile.

Il résulte des pièces du dossier que la société RCA apparaissait encore sur Internet en qualité d'agent Renault, le 2 mars 2014 et qu'à cette même date des panonceaux mentionnant la signalétique Renault figuraient encore aux alentours de son garage, comme en février 2014, ainsi qu'il ressort d'un constat d'huissier (pièce 20 de la société intimée).

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société RCA à cesser toute utilisation du sigle Renault ou sa qualité d'agent Renault, sans qu'il y ait lieu de porter à 5 000 euros par infraction constatée la condamnation sous astreinte de la société RCA.

La société intimée sera déboutée de cette demande.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Roussillon Conflent Automobiles, qui succombe au principal, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à payer à la société Perpignan Avenir Automobile la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Rejette la demande de la société Perpignan Avenir Automobile tendant à voir porter à 5 000 euros par infraction constatée la condamnation sous astreinte de la société Roussillon Conflent Automobiles, y ajoutant, Condamne la société Roussillon Conflent Automobiles aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne la société Roussillon Conflent Automobiles à payer à la société Perpignan Avenir Automobile la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.