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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 juillet 2018, n° 15-20409

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

T. com. Lille Métropole, du 1er oct. 201…

1 octobre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

A compter de 2004, sur présentation d'échantillons et de prototypes lors de rendez-vous de présentation de collection, la SAS X, qui commercialise des vêtements de prêt-à-porter en magasin spécialisé, sélectionnait et passait commande, pour chaque saison (Printemps/Eté, Automne/Hiver) de l'année suivante, de produits textiles à la SAS Y qui conçoit et fabrique des vêtements.

Aucune commande n'a été passée entre 2006 et 2007. Les commandes ont repris à compter de 2008 jusqu'aux 18 et 25 juillet 2012.

Constatant qu'aucune commande n'avait été passée par la société X pour la saison Printemps/Été 2012, la société Y a fait part à celle-ci, par courriel du 10 novembre 2011, d'une diminution de 80 % de son chiffre d'affaires entre 2010 et 2011, et de sa surprise quant à son déréférencement que rien ne laissait présager surtout après l'importante progression du chiffre d'affaires en 2010.

Le 16 décembre 2011, la société X lui a répondu que l'usage du terme " déréférencement " n'était pas opportun puisque des commandes étaient encore envisageables en 2012, précisant que les parties auraient l'occasion d'aborder leurs relations futures, ainsi qu'une première étude Été 2012, lors de la réunion prévue le 20 décembre 2011.

Lors de cette réunion qui s'est tenue dans les locaux de la société X, celle-ci a fait savoir à la société Y qu'elle ne souhaitait plus organiser de rendez-vous de collection.

Selon les dires de la société X, contestés par la société Y, elle lui aurait adressé un courriel le 6 janvier 2012, par lequel elle lui indiquait qu'avec son intégration dans le groupe Happy Chic, un changement de stratégie pour mieux " coller à la demande du marché " la conduisait à passer ses commandes le plus tard possible, ce qui expliquerait le fait que pour l'année 2012 et début 2013, la société Y n'aurait encore enregistré aucune commande, et que la gamme de costumes qu'elle proposait à ses clients était en forte réduction depuis 3 saisons, de l'ordre de 30 %, le marché étant fortement à la baisse pour ce type de produits. Elle aurait également indiqué que le chiffre d'affaires prévisionnel raisonnable pour l'année 2012 serait de l'ordre de 200 000 euros et nul pour l'année 2013.

Considérant être victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies, la société Y a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 2014, demandé à la société X de lui verser la somme de 863 009,54 euros se décomposant ainsi :

- 513 009,54 euros, représentant 24 mois de marge brute sur les produits déréférencés,

- 350 000 euros au titre du préjudice de désorganisation et du préjudice occasionné par la déloyauté de la société X.

Par un courrier du 2 avril 2014, le conseil de X a contesté les reproches et demandes formulés par la société Y, lui indiquant qu'elle savait ne pas pouvoir espérer maintenir un chiffre d'affaires d'une année sur l'autre puisqu'elle était chaque année mise en concurrence avec d'autres fournisseurs pour répondre aux tendances et besoins du moment. Elle a rappelé l'avoir informée en janvier 2012 que son chiffre d'affaires pour l'année 2013 serait nul de sorte qu'un préavis de 12 mois aurait été respecté.

Par exploit du 16 avril 2014, la société Y a assigné la société X devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole, en indemnisation.

Par jugement du 1er octobre 2015, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté la société Y de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté la société X de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Y à payer à la société X la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Y aux entiers frais et dépens de la présente instance, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros en ce qui concerne les frais de greffe.

Les premiers juges ont considéré que la relation commerciale établie n'était pas avérée au motif essentiel que le processus de passation de commandes, qui se traduit par la mise en compétition des fournisseurs, la prive de toutes garanties de maintien et place l'entreprise fournisseur dans une situation de précarité qui ne pouvait lui permettre de considérer que ces relations puissent avoir un avenir certain dès lors que cette procédure comporte, par essence pour celui qui s'y soumet, un aléa.

LA COUR

Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 mai 2018 par lesquelles la société Y invite la cour, au visa de l'annexe 4-2-1 de la partie réglementaire du Code de commerce, du décret n° 2012-1047 du 13 septembre 2012 portant suppression des Tribunaux de commerce de Lille et de Roubaix-Tourcoing et création du Tribunal de commerce de Lille Métropole, et des articles 561 et 700 du Code de procédure civile, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et R. 412-47 al. 2 du Code de la consommation, à :

- déclarer la société Y recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

sur la procédure,

- juger que le Tribunal de commerce de Lille Métropole est compétent pour connaître des litiges mettant en jeu l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

en conséquence,

- juger que le jugement rendu le 1er octobre 2015 par ledit tribunal n'est pas nul,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait prononcer la nullité du jugement,

- statuer au fond, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel,

sur le fond,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu'il a constaté que rien ne démontre l'existence et la notification d'un courrier de préavis informant l'appelante de la fin des relations entre les parties,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole, en date du 1er octobre 2015, en ce qu'il a jugé que le caractère établi de la relation commerciale entre la société X et la société Y n'était pas avéré et a débouté la société Y de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusion,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole, en date du 1er octobre 2015, en ce qu'il a débouté la société X de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

statuant à nouveau,

- déclarer la société Y recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- débouter la société X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que la relation commerciale entre la société X et la société Y a commencé en 2004,

- juger que la relation commerciale entre les parties était établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- constater que la société Y n'a été destinataire d'aucun préavis de rupture et en conséquence juger que la rupture des relations commerciales entre les parties a été brutale,

- juger que le délai de préavis qu'aurait dû respecter la société X est de 24 mois,

en conséquence :

- condamner la société X à payer à la société Y :

* la somme de 513 009,54 euros, représentant 24 mois de marge brute sur les produits déréférencés,

* la somme de 350 000 euros, à parfaire, au titre du préjudice de désorganisation et du préjudice occasionné par la déloyauté de la société X,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans les revues suivantes, aussi bien dans leurs versions physiques que dans leurs versions électroniques LSA, Linéaires et Point de vente, et aux frais intégraux et avancés de la société X,

- dire que cette publication devra reprendre l'essentiel du dispositif de la décision à intervenir,

- dire qu'elle devra être reproduite en deuxième page recto des journaux considérés et dans un encadré occupant au moins la moitié de la page,

- dire que cette publication devra être précédée de la mention " Publication Judiciaire " et devra être imprimée dans des caractères noirs sur fond blanc d'au moins 0,5 cm de hauteur,

- condamner la société X à payer à la société Y la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de l'AARPI JRF Avocats représentée par Maître A conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société X, intimée et ayant formé appel incident, déposées et notifiées le 2 mai 2018 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le caractère établi de la relation commerciale entre la société X et la société Y n'est pas avéré,

- dire que la société X n'a commis aucune faute au regard des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

en conséquence,

- débouter la société Y de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- dire que le préavis de 24 mois réclamé par la société Y est en tout état de cause disproportionné eu égard aux circonstances de l'espèce et à la jurisprudence rendue sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- dire que la société Y ne rapporte pas la preuve des préjudices dont elle réclame réparation,

en conséquence,

- débouter la société Y de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause, à titre reconventionnel,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société X de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

statuant à nouveau,

- constater que l'action de la société Y à l'encontre de la société X fondée sur une prétendue rupture brutale d'une relation commerciale établie est manifestement abusive,

en conséquence,

- condamner la société Y au versement d'une provision de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Y au paiement d'une amende civile en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile dont la cour déterminera le montant,

- condamner la société Y au paiement à la société X d'une somme complémentaire de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Y aux entiers frais et dépens et admettre Maître Matthieu Z (Selarl Lexavoué Paris-Versailles) au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Sur la validité du jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole

Les parties s'accordent à reconnaître qu'il entrait effectivement bien dans les pouvoirs du Tribunal de commerce de Lille Métropole, juridiction spécialisée, de connaître des demandes d'indemnisation formées par la société Y pour rupture brutale des relations commerciales établies, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation du jugement.

Sur l'existence de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

La société Y soutient avoir approvisionné la société X de manière régulière en produits vestimentaires à partir de 2004 et pendant près de 8 ans, jusqu'en 2012. Elle considère que cette relation commerciale, par sa durée, sa récurrence et son importance, doit être considérée comme établie au sens de la loi, et ce malgré une interruption d'approvisionnement de 2 ans (années 2006 et 2007). Elle précise que bien que se sachant en concurrence avec d'autres industriels du secteur de l'habillement, pour autant elle n'a jamais été soumise à un processus de mise en concurrence directe avec ces mêmes fournisseurs et notamment à des procédures d'appel d'offres. Elle indique, qu'en tout état de cause, sa " mise en compétition " avec d'autres industriels du textile ne peut pas l'exclure du bénéfice de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Elle réfute l'argument selon lequel la relation commerciale était telle qu'elle ne pouvait pas, raisonnablement, espérer pour l'avenir une certaine continuité, puisque la société X lui a adressé un courriel le 16 décembre 2011 faisant mention de " nos relations commerciales futures ". Elle considère donc qu'elle était en mesure de s'attendre légitimement à la poursuite de la relation. Elle ajoute qu'en décidant de respecter un préavis de rupture d'une durée de 12 mois, lequel aurait été notifié le 6 janvier 2012, ce qu'elle-même conteste, et aurait expiré au début de l'année 2013, la société X reconnaît explicitement le caractère établi de la relation commerciale.

La société X réplique que la relation commerciale entre les sociétés Y et X n'est pas établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Elle considère que l'article est applicable au cas où la relation commerciale entre les parties revêt, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l'interruption peut raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial. Elle souligne que la société Y était, pour chaque saison, mise en concurrence avec d'autres fournisseurs pour répondre aux tendances et besoins du moment, de sorte que la relation était précaire et que la société Y ne pouvait, raisonnablement, anticiper pour l'avenir une certaine continuité ou un maintien du flux d'affaires.

Si aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : ...5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer, compte tenu des circonstances, que cette relation avait vocation à perdurer. C'est à l'aune de cette condition liée à la croyance légitime dans la pérennité des relations commerciales du partenaire qui se prétend évincé, qu'il convient d'apprécier si la relation était ou non "établie" au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Or, en l'espèce, il ressort de l'instruction du dossier que la société Y n'est pas en mesure de justifier de cette "croyance légitime" dès lors que les relations commerciales qu'elle avait nouées avec la société X revêtaient un caractère précaire et que leur poursuite était aléatoire, du fait, d'une part, de la mise en concurrence par la société X de ses fournisseurs potentiels et d'autre part, de la nature même des produits développés par la société Y, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la relation commerciale établie n'était pas avérée.

En premier lieu, il n'est pas contesté que durant les années de relation, la société X a confié à divers fournisseurs, dont la société Y, la fabrication de produits textiles pour chaque saison (saison Printemps/Été et saison Automne/Hiver) et que dans ce cadre, lors de rendez-vous de collection, sur présentation de propositions (dossiers techniques, échantillons et prototypes des produits) du fournisseur, la société X sélectionnait certains produits puis procédait aux commandes. Cette mise en concurrence régulière n'est pas discutée par la société Y, qui aux termes de ses dernières écritures, reconnaît avoir été effectivement " en concurrence permanente avec d'autres industriels du secteur de l'habillement ", considérant toutefois que n'ayant pas été soumise à un processus de mise en concurrence directe ou " frontale " avec ces mêmes fournisseurs et notamment pas à des procédures formelles d'appel d'offres, la mise en concurrence à laquelle elle était soumise, n'était pas exclusive d'une relation commerciale établie.

Mais, du fait de cette mise en concurrence permanente avec d'autres fournisseurs, la société Y, qui s'y soumettait en présentant ses articles en pleine connaissance de cause, ne pouvait raisonnablement escompter que cette relation se poursuivrait nécessairement dans l'avenir, peu important à cet égard les formes de cette mise en concurrence et notamment l'absence de recours à une procédure d'appel d'offres ou à l'organisation de rencontres " physiques " entre fournisseurs, dès lors que cette mise en compétition existait. Il en ressort que ce processus adopté par les parties et usuel dans ce secteur particulier de la vente de vêtements comportait, par essence, un aléa pour la société Y.

En second lieu, il doit être également considéré qu'une société, telle que la société Y, dont l'activité est notamment, selon l'extrait Kbis qu'elle produit, la fabrication et la vente en gros d'articles textiles, et qui travaille avec des enseignes de la grande distribution, comme la société X, est inévitablement exposée, par la nature même de son activité, à des fluctuations liées aux tendances éphémères de la mode. De même, il doit être souligné que s'agissant des programmes d'actualisation en cours de saison de gammes liées aux tendances de la mode, ils sont aléatoires puisque fonction du succès que rencontre chacun des produits afin de s'adapter aux attentes des consommateurs.

Par ailleurs, c'est vainement que la société Y soutient qu'elle a travaillé de manière régulière avec la société X pendant huit années. En effet, il ressort du tableau produit par la société X (pièce n° 5), non contesté par la société Y, que le chiffre d'affaires développé par la société Y auprès de la société X durant la relation, n'a été ni stable, ni régulier mais fluctuant. S'il a été d'une importance faible mais approximativement égale en 2004 et 2005, il a été nul en 2006 et en 2007, soit pendant huit saisons, puis a augmenté de 2008 à 2010 pour redescendre très nettement en 2011 de sorte qu'il ressort une variation du montant des commandes particulièrement significative d'une année sur l'autre.

Enfin, la société Y ne saurait utilement déduire de la seule organisation d'un rendez-vous le 20 décembre 2011 par la société X afin d'envisager leurs relations commerciales futures et/ou de l'octroi d'un préavis par la société X, l'existence voire la reconnaissance de relations commerciales établies.

Il en résulte en définitive que la société Y n'est pas en mesure de justifier de sa croyance légitime dans la pérennité des relations commerciales qu'elle a nouées avec la société X dès lors que celles-ci revêtaient un caractère précaire ne générant pas la réalisation d'un chiffre d'affaires régulier et que leur poursuite était aléatoire, du fait d'un double aléa lié à la mise en concurrence pour chaque saison, par la société X de ses fournisseurs potentiels, et à la nature particulière des produits concernés.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a exclu l'existence de relations commerciales établies entre les parties, et, par voie de conséquence, débouté la société Y de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Sur les autres demandes

La société Y sollicite la réparation de l'important préjudice qu'elle aurait subi qui ne serait pas seulement consécutif à la brutalité de la rupture mais du fait du comportement déloyal et fallacieux de la société X qui lui aurait laissé croire à la pérennité de la relation commerciale et ne l'a pas informée de sa volonté d'y mettre fin.

Compte tenu de la précarité de la relation commerciale examinée ci-dessus, le seul fait pour la société X d'évoquer des " relations commerciales futures " est insuffisant à établir le comportement déloyal fustigé par la société Y. Par ailleurs, il ressort des diverses pièces produites aux débats dont notamment le courriel du 6 janvier 2012, des expertises informatiques Kodia (pour la société X) et Moreau (pour la société Y) qui confirment toutes deux, à tout le moins, que le courriel a bien été expédié par la société X et correctement acheminé à une adresse valide de la société Y et que les pannes classiques (erreur, dysfonctionnement...) sont à exclure, et le courriel du 6 mars 2012 adressé à la même adresse que celui du 6 janvier 2012, que la société Y reconnaît avoir reçu et qui reprend directement à sa suite le courriel du 6 janvier 2012, que la société Y a bien reçu le courriel du 6 janvier 2012, l'informant qu'aucune commande ne serait passée en 2013 et lui conseillant de rechercher d'autres débouchés commerciaux. Faute d'établir les manquements reprochés, la société Y sera déboutée de la demande d'indemnisation formée à ce titre.

Par ailleurs, la société Y ne démontrant pas de faute génératrice de préjudice, qui pourrait être réparée par une mesure de publication de l'arrêt à intervenir, sa demande dépublication sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles au titre de l'abus du droit d'agir

La société X considère que l'action de la société Y sur le fondement d'une prétendue rupture brutale d'une relation commerciale établie, constitue une manœuvre caractérisant une faute dans l'abus du droit d'agir en justice. Elle sollicite la condamnation de la société Y à lui verser la somme provisionnelle de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Y conteste tout abus du droit d'agir en justice, considérant n'avoir fait qu'exercer un droit élémentaire à la défense de ses intérêts face à un comportement délibérément fautif.

Etant rappelé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne caractérise pas à elle seule l'abus du droit d'agir et ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'intenter une action en justice est susceptible de constituer un abus, l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, il n'apparaît nullement en l'espèce que l'action en justice exercée par la société Y à l'encontre de la société X ait dégénéré en abus de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle tendant au prononcé d'une amende civile formées par cette dernière seront rejetées, le jugement entrepris étant confirmé à ce titre.

Sur les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Y aux dépens et à verser à la société X la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La société Y qui succombe essentiellement en appel, en supportera les dépens et devra verser à la société X la somme supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; et y ajoutant, Condamne la société Y aux dépens de l'appel ; Autorise Maître Z (Selarl Lexavoué Paris-Versailles), avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne la société Y à verser à la société X la somme supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.