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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 2 juillet 2018, n° 16-00666

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Golf des Portes du Midi (EURL)

Défendeur :

Carré Golf Développement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

T. com. Bergerac, du 18 déc. 2015

18 décembre 2015

EXPOSE DU LITIGE :

La société Carré Golf Développement a pour activité le développement d'un réseau de magasins en franchise spécialisés dans le commerce d'articles de golf sous l'enseigne " Carré Golf ". Elle a été cédée en 2016 à la société JFB Finance.

M. X a signé le 11 juillet 2011 un contrat de franchise avec la société Carré Golf Développement et a créé la société Golf des Portes du Midi pour exploiter son magasin situé dans une commune proche de Brive.

A partir de 2013, la société Golf des Portes du Midi a eu des difficultés pour régler ses redevances au franchiseur qui l'a mise en demeure de régler les sommes dues par courrier en date du 5 septembre 2014. Lui faisant par ailleurs grief de ne plus respecter les obligations lui incombant au titre de son contrat de franchise, par courrier en date du 1er décembre 2014, la société Carré Golf Développement a résilié le contrat de franchise et mis en demeure la société Golf des Portes du Midi de cesser toute utilisation de la marque et de l'enseigne et de lui verser, au titre des pénalités, la somme de 13 431 euros correspondant au total des redevances facturées pendant les 24 mois précédant la rupture.

Par exploit d'huissier en date du 20 janvier 2015, la société Golf des Portes du Midi et son gérant M. X ont assigné la société Carré Golf Développement devant le Tribunal de commerce de Bergerac en sollicitant la nullité du contrat de franchise et le règlement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire en date du 18 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Bergerac a :

- débouté la société Golf des Portes du Midi et M. X de l'ensemble de leurs demandes,

- constaté la résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Golf des Portes du Midi et de M. X,

- condamné la société Golf des Portes du Midi au paiement de la somme de 13 431 euros au titre de la pénalité irréductible,

- débouté la société Carré Golf Développement de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Golf des Portes du Midi et M. X au paiement d'une indemnité de 1 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Golf des Portes du Midi et M. X aux entiers dépens.

La société Golf des Portes du Midi et M. X ont relevé appel du jugement par déclaration en date du 2 février 2016.

Les appelants ont par ailleurs saisi le premier président de la Cour d'appel de Bordeaux d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire à laquelle il a été fait droit par ordonnance en date du 7 avril 2016.

La société Golf des Portes du Midi ayant été placée en liquidation judiciaire le 21 novembre 2017, Me Y est intervenu volontairement à la procédure en qualité de mandataire liquidateur.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 7 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments, Me Y en qualité de mandataire liquidateur de la société Golf des Portes du Midi et M. X demandent à la cour de :

- vu les articles 1108, 1109 et 1116 du Code civil (1128, 1130 et 1137 selon la numérotation issue de l'ordonnance du 10 février 2016),

- vu l'article 1382 du Code civil (1240 selon la numérotation issue de l'ordonnance du 10 février 2016),

- vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement ;

- statuant à nouveau,

- à titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de franchise ;

- condamner la société Carré Golf Développement à régler à la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur, Me Y et à M. X une somme de 229 915,46 euros au titre des restitutions subséquentes ;

- à titre subsidiaire,

- la condamner à régler à la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur, Me Y, et à M. X une somme de 229 915,46 euros à titre de dommages et intérêts ;

en toutes hypothèses,

- débouter la société Carré Golf Développement de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

- condamner la société Carré Golf Développement à régler à M. X la somme de 43 200 euros à titre de dommages et intérêts ;

- la condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Les appelants font valoir notamment que la société Carré Golf Développement a intentionnellement laissé s'implanter un magasin dans une zone géographique inadaptée sans potentiel sérieux de clientèle et a transmis à la société Golf des Portes du Midi et à M. X des éléments comptables prévisionnels irréalistes et insincères dans le but de la conduire à contracter. Ils soutiennent à titre principal que le consentement de la société Golf des Portes du Midi et de M. X a été surpris par réticence dolosive et dol, ou qu'à tout le moins les agissements du franchiseur ont provoqué chez le franchisé une erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise, ce qui justifie la nullité du contrat de franchise et la restitution subséquente des sommes versées (229 915,46 euros) ; à titre subsidiaire, que les agissements de la société Carré Golf Développement sont de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle, ce qui justifie sa condamnation au paiement de la même somme de 229 915,46 euros à titre de dommages et intérêts ; en toutes hypothèses, que les fautes commises par la société Carré Golf Développement ont causé un préjudice à M. X, ancien gérant de la société Golf des Portes du Midi, qui s'est vu privé de toute rémunération pendant les deux années, ce qui le fonde à réclamer la somme de 43 200 euros à titre de dommages et intérêts.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 4 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Carré Golf Développement demande à la cour de :

- vu le contrat de franchise conclu entre les parties,

- vu les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 et suivants du Code de commerce,

- vu les dispositions des anciens articles 1134, 1147, 1152 du Code civil (articles 1103 et suivants, article 1231-1, article 1231-5 du Code civil),

- rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- lui adjuger l'entier bénéfice de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- en conséquence,

- débouter purement et simplement la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me Y et M. X de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté la résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Golf des Portes du Midi et de M. X,

- condamné la société Golf des Portes du Midi au paiement de la somme de 13 431 euros au titre de la pénalité irréductible,

- constater la validité de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de franchise en date du 1er juillet 2011,

- condamner la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me Y et M. X au règlement de la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me Y et M. X à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Carré Golf Développement fait valoir en substance qu'elle s'est parfaitement conformée à ses obligations de franchiseur au visa des articles L. 330-3 et R. 330-1 et suivants du Code de commerce ; qu'à partir du moment où le franchisé a une bonne connaissance du marché local, la responsabilité du franchiseur au titre d'un manquement précontractuel ne peut être engagée ; qu'en l'espèce, M. X connaissait bien le marché local pour avoir réalisé l'étude marché lui-même de manière complète et détaillée ; que le prévisionnel a été réalisé en concertation avec lui simplement à titre indicatif avec une présentation de chiffres réalisables sous condition que la gérant exploite le magasin en respect de l'ensemble de ses obligations de franchisé; que l'appelant avance en outre des chiffres erronés concernant le nombre de licenciés (1 100), alors que dans sa propre étude de marché il avançait les chiffres suivants : 2 650 licenciés autour de Brive, 6 735 licenciés dans la zone de chalandise outre la Dordogne et le Lot ; que si elle a accepté sa candidature, c'est parce qu'elle croyait vraiment au potentiel d'un magasin sur le secteur de Brive ; qu'il est d'ailleurs intéressant de constater que la société Golf des Portes du Midi, qui avait donc une zone de chalandise très intéressante, avec un large territoire sans concurrence, est toujours implantée dans cette zone de chalandise et exploite un magasin " Golf & Vous " au sein du golf communal de Brive Planchetorte ; que l'échec de la franchise incombe à l'appelant qui n'a pas respecté l'implantation des éléments du magasin lors de l'ouverture, a refusé de participer aux opérations commerciales, a payé tardivement ses redevances et ses fournisseurs ; que de son côté elle s'est acquittée de l'ensemble des obligations lui incombant ; que la mise en place d'un site internet ne vient pas concurrencer l'activité des franchisés mais leur offre au contraire un service supplémentaire pour leur développement auquel tous ont eu recours sauf la société Golf des Portes du Midi qui, pendant toute l'exécution du contrat, a refusé d'appliquer les consignes pour lui permettre de développer son activité, en violation totale de l'article 6.3 du son contrat de franchise ; que le contrat de franchise est donc parfaitement valable entre les parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2018.

MOTIFS :

Sur les demandes principales :

Les appelants, devant la cour comme devant le tribunal, soutiennent :

à titre principal, la nullité du contrat de franchise pour dol ou à tout le moins erreur sur les qualités substantielles ;

à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité de l'intimée justifiant l'octroi de dommages et intérêts.

Sur la nullité du contrat :

Aux termes des dispositions de l'article 1109 du Code civil applicable ici, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Selon l'article 1110, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

L'article 1116 dispose quant à lui que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par une partie sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

Les appelants, au visa des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, font valoir que le fait, pour la société Carré Golf Développement, d'avoir intentionnellement laissé s'implanter un magasin dans une zone géographique inadaptée sans potentiel sérieux de clientèle, et d'avoir transmis à la société Golf des Portes du Midi et à M. X des éléments comptables prévisionnels irréalistes et insincères dans le but de la conduire à contracter, est constitutif d'un dol, qu'à tout le moins, les agissements du franchiseur ont provoqué chez le franchisé une erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise qui commande que soit prononcée la nullité du contrat.

Aux termes des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par décret (cf article R. 330-1), précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

En l'espèce cependant, c'est à bon droit, et sans être sérieusement contredite sur ce point, que l'intimée oppose que le prévisionnel adressé à M. X a été réalisé en concertation avec lui et sur la base d'une étude de marché réalisée par ses soins, portant sur le nombre de licenciés et l'état de la concurrence dans la région pour évaluer la pertinence d'une création de franchise. Cette considération, si elle ne peut suffire à exonérer le franchiseur de toutes ses obligations telles qu'elles ressortent de l'article L. 330-3, ne permet de caractériser ni une erreur sur la substance de l'objet du contrat, à l'élaboration duquel les appelants ont largement contribué, ni, de la part du franchiseur, des manœuvres dolosives telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, dont la démonstration est exigeante, la société Golf des Portes du Midi et M. X n'aurait pas contracté.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat.

Sur la responsabilité de la société Carré Golf Développement :

En revanche, c'est à bon droit que les appelants soutiennent que la responsabilité de l'intimée est susceptible d'être engagée sur le fondement de l'article L. 330-3.

En effet, si, au visa de ce texte, le franchiseur n'a pas l'obligation de remettre un compte d'exploitation prévisionnel ou de prévision d'un chiffre d'affaires, il doit, lorsqu'il en prend tout de même l'initiative, établir ce compte de façon sincère, sur des bases sérieuses. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il existe des écarts considérables entre les chiffres d'affaires prévus (300 000 euros en 2012, 400 000 en 2013, et 480 000 euros en 2014) et ceux réalisés (231 373,40 euros en 2012 (résultat - 27 866,98 euros), 223 587,79 euros en 2013 (résultat - 41 725,48 euros), et 184 047 euros en 2014 (résultat - 42 323 euros)), et que la marge prévue n'a pas été atteinte, sans que l'appelante s'explique sur les bases d'élaboration des comptes prévisionnels qui lui ont permis d'avancer de tels chiffres. Car même si elle dit s'être appuyée sur l'étude de marché établie par M. X (dont les appelants soulignent sans être contredits qu'il n'avait aucune connaissance du monde du golf), c'est à bon droit que les appelants soulignent l'incohérence des chiffres annoncés à M. X par rapport aux chiffres promis à d'autres candidats à la franchise (chiffres notamment équivalents à ceux de Quimper qui disposait pourtant de plus de 3 000 licenciés contre 1 186 licenciés en 2010 dans la zone litigieuse) et s'interrogent même sur la pertinence du critère du nombre de franchisés, observant justement qu'une licence peut être acquise en dehors de la région d'origine et qu'il vaut mieux se baser sur le nombre de personnes inscrites à un club de golf ; que compte tenu de ce nombre (750 en Corrèze en 2010) le franchiseur aurait dû refuser le projet d'ouverture d'une franchise pour un magasin de 200 m2 sur une petite commune en périphérie de Brive.

Par ailleurs, alors même qu'elle se devait de fournir un historique de la franchise précisant notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, l'intimée semble avoir occulté les difficultés rencontrées par certaines franchises en province dont beaucoup depuis lors ont fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire.

Ces constatations suffisent à établir que le compte prévisionnel présenté à M. X avant la signature du contrat, déterminé sur des bases générales et des critères inadaptés, n'a pas été établi sur des bases sérieuses. L'intimée ne peut sérieusement opposer que le prévisionnel n'a été établi qu'à titre simplement indicatif avec une présentation de chiffres réalisables sous condition que le gérant exploite le magasin en respect de l'ensemble de ses obligations de franchisé alors que compte tenu de son inexpérience dans un domaine très spécifique, M. X ne disposait pas, contrairement à elle, d'une connaissance suffisante du marché pour en apprécier les perspectives et les mérites. Elle peut d'autant moins contester le caractère exagérément optimiste voire fantaisiste du prévisionnel qu'il est très vite apparu, dès le premier exercice, qu'il était totalement irréalisable. Le manquement de la société Carré Golf Développement à son obligation précontractuelle d'information sincère et loyale est donc établi.

Parallèlement, les allégations de l'intimée, selon lesquelles les mauvais résultats réalisés par la société Golf des Portes du Midi seraient seulement imputables à la mauvaise gestion de son gérant et aux manquements de la société à ses engagements contractuels (non-respect des préconisations du franchiseur, refus de participer aux opérations commerciales proposées, mauvaise gestion des stocks, retard de paiement des redevances et des fournisseurs), soit ne sont pas confirmées par les pièces versées aux débats, soit sont inopérantes : il apparaît ainsi que si, lors de la première visite de contrôle du 10 novembre 2011, cinq jours seulement après l'ouverture, il manquait quelques aménagements, la société Golf des Portes du Midi, qui justifie avoir répondu presque aussitôt au message le lui signalant, affirme sans être contredite qu'elle s'est empressée de se conformer aux préconisations ; les appelantes justifient par ailleurs avoir participé à 27 publicités nationales (moyennant la somme de 200 euros chaque fois) entre novembre 2011 et août 2014, ajoutant que les refus de participation ponctuels étaient liés à un manque de trésorerie, tout comme le manque de stock et les retards de paiement qui ne témoignent pas nécessairement d'une mauvaise gestion, mais peuvent aussi bien résulter, comme le soutiennent les appelantes, de l'irréalisme du projet qui a très vite placé la société Golf des Portes du Midi dans une situation critique qui a finalement abouti à sa liquidation judiciaire.

C'est donc à tort, les manquements allégués de la société franchisée étant insuffisamment caractérisés, que le tribunal a constaté la résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Golf des Portes du Midi et de M. X. Le jugement sera donc infirmé, et la résiliation du contrat prononcée aux torts exclusifs de la société Carré Golf Développement.

Sur les demandes d'indemnisation des appelants :

Les appelants sollicitent la condamnation de l'intimée au paiement de deux sommes :

- une somme de 229 915,46 euros à la société Golf des Portes du Midi au titre des restitutions subséquentes ou subsidiairement à titre de dommages et intérêts ;

- une somme de 43 200 euros à M. X au titre de la rémunération dont il a été privé pendant deux ans.

La demande de nullité du contrat ayant été rejetée, l'indemnisation de la société ne peut s'envisager que sous la forme de dommages et intérêts.

La somme de 229 915,46 euros (229 914,48 euros en fait) se décompose ainsi :

- 93 000 euros correspondant aux dépenses d'installation engagées par la société, comprenant notamment le droit d'entrée dans la franchise d'un montant de 25 000 euros ;

- 25 000 euros au titre des frais de publicité et de redevance sur le chiffre d'affaires engagés au cours des trois années d'exploitation ;

- 111 914,48 euros correspondant aux pertes enregistrées (27 866 en 2012, 41 725,48 en 2013 et 42 323 euros en 2014).

Seule la somme de 25 000 euros correspondant au droit d'entrée dans la franchise s'apparente à un préjudice matériel certain directement causé par la faute retenue à l'encontre de la société Carré Golf Développement. Il y a donc lieu de condamner l'intimée au paiement de cette somme.

Les autres préjudices allégués ne présentent en revanche aucun lien de causalité direct et certain avec la faute. Il n'est en effet établi ni que les appelants ont perdu irrémédiablement le bénéfice des dépenses d'installation, ni qu'ils n'ont retiré aucun avantage de ces dépenses ou des frais de publicité exposés, ni enfin que les chiffres annoncés initialement, à partir desquels ils chiffrent leurs pertes, auraient été exactement atteints. Leur préjudice ne saurait donc s'estimer autrement qu'au titre d'une perte de chance sur laquelle la cour ne peut néanmoins se prononcer faute de demande sur ce fondement.

Les mêmes motifs doivent conduire à rejeter la demande formée par M. X à titre personnel pour les salaires qu'il " était susceptible de pouvoir se verser dès la 2e année sur la base de 1 800 euros bruts mensuels sur 2 ans ", dont le principe comme le montant restent incertains.

Sur les demandes d'indemnisation de l'intimée :

L'intimée quant à elle sollicite la condamnation des appelants au paiement des sommes suivantes :

- la somme de 13 431 euros au titre de la pénalité irréductible ;

- celle de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de la violation de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de franchise.

Les appelantes ont été condamnées par le tribunal au paiement de la pénalité irréductible sur la base de l'article 12.2.3 du contrat qui prévoit : " dans le cas où le franchisé est responsable de la rupture anticipée, il devra à titre de pénalité irréductible (...) une somme égale au total des redevances à lui facturées durant les 24 mois précédant la rupture. "

La responsabilité des appelants n'étant pas retenue par la cour dans la rupture du contrat, il n'y a pas lieu de faire application de cette stipulation. La demande de paiement formulée à ce titre leur encontre sera donc rejetée, et le jugement infirmé sur ce point.

L'intimée sollicite en outre l'octroi d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de la violation des clauses de non-concurrence insérées dans les article 9 et 13.2 du contrat de franchise, violation principalement caractérisée selon elle par l'utilisation de son enseigne et de sa marque sans contrepartie pendant plusieurs mois, et la poursuite de l'activité dans le rayon défini par la clause.

L'article 9 du contrat de franchise prévoit qu'" en cas de résiliation ou d'expiration du présent contrat pour quelque raison que ce soit, le franchisé s'interdira pour une période de 36 mois suivant cette expiration ou résiliation, dans un rayon de 100 km autour du point de vente défini au présent contrat, de s'affilier à un autre réseau de franchise concurrent ou de commercialiser sous la forme de franchise ou autrement, en usant du savoir-faire du franchiseur, des produits identiques ou semblables aux produits ".

L'article 13.2 est quant à lui rédigé en ces termes : " en cas de rupture du contrat, et quelle qu'en soit la cause, le franchisé s'engage à restituer l'enseigne ainsi que tous les matériels publicitaires ou autres... Il procédera immédiatement au dépôt de l'enseigne ' le franchisé devra immédiatement cesser de faire usage des marques, nom commercial et de toute documentation faisant référence au franchiseur... ".

L'intimée fait grief au tribunal, qui a pourtant retenu la violation de la clause, d'avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un préjudice, alors que s'agissant du non-respect d'une obligation contractuelle de ne pas faire, elle est fondée à obtenir une indemnisation sans avoir à prouver de préjudice, dont l'appréciation relève du pouvoir d'appréciation du juge.

Il résulte des pièces produites et notamment du constat d'huissier versé aux débats qu'à la date du 31 mars 2015, soit après la résiliation signifiée à l'intimée par courrier recommandé en date du 1er décembre 2014, en dépit de la demande de restitution formulée par le franchiseur, un panneau et un véhicule au nom du franchiseur étaient toujours présents sur le site du magasin.

Les appelantes ne contestent pas par ailleurs avoir poursuivi la même activité à Brive, soit sur le même secteur, sous la nouvelle enseigne " Golf & Vous "

Ces clauses, limitées dans le temps et dans l'espace ainsi que quant au type d'activité concerné, ne présentent aucune irrégularité qui mérite qu'elles soient déclarées nulles.

En revanche, les fautes alléguées, formellement constituées, apparaissent de faible gravité dans la mesure où d'une part, les appelants justifient avoir informé les clients dès janvier 2015, cependant que le constat du 20 mars 2015, établi sans aucune mise en demeure préalable, confirme certes la présence d'un panneau et d'un véhicule au nom du franchiseur, mais en façade d'un local manifestement inexploité et proposé à la location ; d'autre part, la société a exercé son activité dans une période assez brève puisqu'après une tentative de poursuite d'exploitation, elle a été placée en liquidation judiciaire le 21 novembre 2017.

En considération de ces éléments, il y a lieu de chiffrer à 2 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à la société Carré Golf Développement.

Sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge des appelants les sommes exposées par eux dans le cadre de l'instance et non comprises dans les dépens. La société Carré Golf Développement sera condamnée à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Carré Golf Développement sera par ailleurs condamnée aux entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Bergerac en date du 18 décembre 2015 ; Statuant à nouveau, Prononce la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Carré Golf Développement, Condamne la société Carré Golf Développement à payer à la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur, Me Y une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur, Me Y à payer à la société Carré Golf Développement une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation des clauses de non-concurrence, Ordonne la compensation entre les créances réciproques, Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires, Condamne la société Carré Golf Développement à payer à la société Golf des Portes du Midi prise en la personne de son liquidateur, Me Y et à M. X une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Carré Golf Développement aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.