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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 3 juillet 2018, n° 17-00009

LYON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

R'Bike (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Carrier

Conseillers :

M. Ficagna, Mme Papin

TGI Bourg-en-Bresse, du 5 déc. 2016

5 décembre 2016

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Le 13 décembre 2013, M. C. a fait acquisition d'une moto d'occasion de marque KTM dont le kilométrage mentionné sur la facture était de 2 428 km auprès de la SARL W. V., concessionnaire Kawasaki, pour un montant de 12 800 €.

Ce véhicule avait été cédé à la SARL W. V. par M. Alain C. le 28 juin 2013 lequel l'avait achetée neuve le 21 avril 2012.

Le 17 avril 2014, M. C. souscrivait une extension de garantie, la garantie CAR, auprès du concessionnaire spécialisé KTM à Clermont-Ferrand.

Le 18 juillet 2014, la roue arrière de la moto se bloquait soudainement au cours d'un trajet faisant chuter le pilote.

Par acte en date du 11 mars 2015, M. C. a fait citer la SARL W. V. devant le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse au visa des articles 1641, 1644 et 1645 du Code civil pour obtenir notamment la résolution de la vente en raison de vices cachés ou d'un manquement de la société à son obligation de délivrance conforme.

Par jugement en date du 5 décembre 2016, le tribunal l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, a dit n'y avoir lieu expertise judiciaire, et l'a condamné à payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il retient que :

- concernant l'obligation de délivrance, il ne résulte pas des éléments de la cause la démonstration de ce que le débridage de la moto soit le fait du vendeur,

- concernant la garantie des vices cachés, il n'est pas possible aux termes des expertises amiables, de déterminer l'origine de la panne.

M. C. a interjeté appel total de cette décision par déclaration au greffe de la cour reçue le 2 janvier 2017.

Il demande à la cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 28 mars 2017, de :

- infirmer la décision déférée,

- constater que la moto vendue a subi en dehors de sa vue et de sa volonté une modification de sa puissance rendant le véhicule impropre à son utilisation,

- constater que cette moto n'était donc pas conforme à la réglementation, qu'elle n'avait pas été bridée et en conséquence qu'elle n'était pas autorisée pour la circulation routière en France,

- constater qu'il est démontré que cette modification de caractéristiques d'homologation et des indications du certificat d'immatriculation (débridage) est intervenue avant la vente,

- constater que le vendeur professionnel n'apporte pas la preuve que son acquéreur ait été informé de cette modification rendant le véhicule non conforme à la réglementation française,

- en conséquence sur l'opportunité d'une expertise judiciaire :

- dire n'y avoir lieu à expertise judiciaire,

- subsidiairement dire que l'intimée fera l'avance des frais d'expertise,

- constater le manquement de l'intimée à son obligation de délivrance conforme,

- en conséquence ordonner la résolution de la vente, condamner le vendeur à lui restituer le prix de vente à charge pour lui de restituer le véhicule

- condamner l'intimée à réparer les préjudices qu'il a subis à savoir à lui payer la somme de 326,40 € correspondant à l'extension de garantie KTM Clermont, et la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice jouissance,

- constater que les deux actions en garantie de conformité du bien au contrat et en garantie des vices cachés peuvent être invoquées au visa des articles L. 2111-1 et suivants du Code de la consommation,

en conséquence subsidiairement, constater la réunion des conditions nécessaires à la démonstration d'un vice caché, et qu'il opte pour l'exercice de l'action rédhibitoire,

- en conséquence, ordonner la résolution de la vente, et prononcer les mêmes condamnations que précédemment énoncées,

subsidiairement, s'il était considéré que les deux actions ne peuvent se cumuler,

-constater qu'il fonde son action sur le manquement de l'intimée à son obligation de délivrance conforme,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir,

- condamner l'intimé à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise de M. R..

Il fait valoir :

- qu'il n'est pas contesté que la moto acquise était débridée et ne pouvait être utilisée que sur circuit,

- que la non-conformité existait dès l'origine et qu'en application de l'article L. 211-7 du Code de la consommation, il bénéficie d'une présomption simple qui laisse la charge de la preuve au vendeur,

- qu'il n'a jamais reçu le manuel constructeur, contrairement à ce qu'indique un salarié du vendeur,

- que le vendeur, ancien pilote, propose des motos préparées pour la compétition et s'il ne dispose pas lui-même des équipements pour augmenter la puissance du moteur, il a les contacts suffisants pour qu'il y soit procédé,

- que lui-même n'est pas un motard aguerri ni un ancien pilote n'ayant passé son permis moto qu'en 2000 alors qu'il avait plus de 40 ans,

- que l'expert R. conclut que la programmation du calculateur a été faite un mois avant la vente et que la moto vendue n'était pas conforme à la réglementation.

La SARL W. V. demande à la cour aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 23 mai 2017 :

- à titre principal, de confirmer le jugement déféré,

- à titre subsidiaire d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire,

en tout état de cause de condamner l'appelant à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés directement par son conseil.

Elle fait valoir :

- que l'acquéreur savait parfaitement que la moto était débridée et qu'il a fait lui-même procéder au débridage,

- qu'il est un motard aguerri qui pratique de façon très habituelle la conduite moto sur circuit spécialisé,

- que la moto a été vendue avec deux boîtiers l'un bridé, monté sur la moto et l'autre permettant le débridage (version full), comme l'indique l'ancien propriétaire de la moto,

-que M. B. atteste avoir acquis une moto ayant appartenu à M. C. qui était très modifiée,

- qu'elle est dans l'impossibilité matérielle absolue de procéder à un débridage n'étant pas spécialiste de la marque et ne disposant pas du matériel spécifique nécessaire pour avoir accès aux programmes de gestion du moteur,

- que le 23 novembre, il y a eu une intervention sur la moto par la société KTM Macon pour réparer des voyants lumineux qui s'allumaient de façon intempestive, d'où l'effacement du Code panne,

- qu'il ne peut soutenir l'existence d'une présomption de non-conformité alors que l'accident est intervenu 7 mois après la prise de possession de la moto,

- qu'il est de jurisprudence constante le principe d'interdiction du cumul des actions,

- que c'est le blocage moteur qui est le révélateur d'un désordre grave et non le débridage, qui n'était pas caché.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine :

Attendu qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du Code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ;

Sur le fond :

Attendu qu'il résulte de l'article L. 211-7 du Code de la consommation dans sa version alors en vigueur issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 que :

Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.

Attendu que cependant M. C. allègue d'un défaut de conformité qui serait apparu après son accident survenu le 18 juillet 2014, que dès lors plus de 6 mois se sont écoulés depuis la vente intervenue le 13 décembre 2013, et que la charge de la preuve lui incombe donc,

Attendu que M. C. soutient que la moto lui aurait été vendue débridée au lieu de bridée, sans l'en informer, ce dont il ne se serait pas rendu compte et ne lui aurait été révélé que par les experts suite à l'accident,

que la cour observe que le certificat d'extension de garantie souscrit par lui le 17 avril 2014 auprès de KTM Clermont Ferrand mentionne expressément que la moto est configurée en 125 KW (au lieu de 72 KW),

Attendu qu'au soutien de son argumentation, il verse le rapport de M. R. qui a procédé à une expertise le 1 octobre 2014, à la demande de M. C., qui conclut que la programmation du calculateur, dans une version libre qui ne limite pas la puissance à 100 CV, a été faite le 13 novembre 2013, avant la vente,

Attendu que cependant pour sa part, M. C. du cabinet CAEA, mandaté par Axa pour le compte de la SARL W. V., ne relève pas d'intervention sur le calculateur de la moto visant à la débrider et conclut que seul le constructeur est à même d'indiquer si la moto est conforme à son type de mine déclaré,

Attendu en outre que :

- M. B., concessionnaire KTM, atteste que seul un concessionnaire de cette marque pouvait faire une modification de programmation du calculateur, un équipement spécifique étant nécessaire,

- l'intimée n'est pas un concessionnaire KTM,

- M. C., précédent propriétaire du véhicule, atteste qu'il a cédé la moto le 11 juillet 2013 à R'Bike en version bridée et que M. C. envisageait de rouler sur circuit,

- M. B., atteste avoir acheté une moto Ducati 900 SS ayant appartenu à M. C. qui avait été modifiée et ne correspondait plus à son type de mine, en vue d'en améliorer ses performances, (factures produites à l'appui),

- M. L., vendeur au magasin R'Bike, atteste que son patron a remis la pochette KTM qui contenait le 2ème boîtier CDI ainsi que les manuels constructeurs, permettant de procéder au débridage, et que les pneus étaient, au moment de la vente, quasiment neufs avec un visuel d'utilisation routière, alors que l'expert R. relève sur les pneus des caractéristiques d'une utilisation de la moto sur circuit,

Attendu qu'aucune de ces attestations n'a fait l'objet d'une plainte pour faux témoignage de la part de l'appelant,

que l'attestation de M. L. ne peut être écartée du seul fait qu'il existe un lien de subordination avec l'intimée alors qu'en qualité de vendeur, il est le seul à même d'attester des conditions dans lesquelles la vente est intervenue,

Attendu que ces attestations viennent notamment contredire les conclusions de l'appelant selon lesquelles il serait un motard peu expérimenté et qu'il n'aurait eu ni la possibilité ni la capacité de procéder ou de faire procéder au débridage,

Attendu que dès lors, au vu des éléments précités, il ne rapporte pas la preuve, dont il a la charge, du défaut de conformité qu'il allègue,

Attendu qu'à titre subsidiaire, il demande une expertise non à ses frais mais à ceux de l'intimée,

Attendu que d'une part l'expertise n'est pas destinée à suppléer la carence de preuve des parties, d'autre part la moto étant accidentée depuis 4 ans une expertise judiciaire aurait pu être sollicitée dès le début de la procédure ou en référé,

Attendu que dès lors, il n'est pas fait droit à sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire,

Attendu que la décision déférée, qui l'a débouté de sa demande de résolution de la vente pour non-conformité, est dès lors confirmée,

Attendu que la non-conformité de la chose vendue aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance dont il résulte l'interdiction de cumul des actions,

que dès lors la décision déférée est confirmée en ce qu'elle a débouté M. C. de son action en garantie des vices cachés,

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que la décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens, que M. C. est condamné aux dépens d'appel et à payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la SARL W. V..

Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise, Y ajoutant, Condamne M. C. à verser à la SARL W. V. une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. C. aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.