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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 3 juillet 2018, n° 15-08744

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Felor (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Jeorger le Gac

Avocats :

Mes Tessier, Michel, de la Taste

T. com. Rennes, du 5 nov. 2015

5 novembre 2015

La société Felor, ayant pour activité la fabrication de peintures et de vernis, a conclu avec M. X, immatriculé à titre personnel comme agent commercial et exerçant sous l'enseigne Synthez un contrat d'agent commercial le 1er octobre 2012, portant sur la vente de produits, gammes ou services commercialisés sous la gamme Algo ou marque dérivée des peintures à base d'algues sur toute la France, dans les centrales d'achat grand public.

M. X bénéficiait ainsi d'un contrat d'exclusivité avec une commission hors taxe de 6 % sur le CA HT, la rémunération de l'équipe de vente étant fixée à 7 % supplémentaire au minimum.

Les relations se sont détériorées entre les parties et par mail du 14 mai 2014, M. X a indiqué aux agents commerciaux ne plus être en mesure d'assurer le suivi commercial de terrain de la société Felor pour la gamme Algo.

Par courrier recommandé du 16 juin 2014, la société Felor a résilié le contrat d'agent commercial pour faute grave.

Par acte du 18 septembre 2014, M. X a assigné la société Felor aux fins de la voir condamner à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

- la somme de 240 000 euros HT ou 288 000 euros TTC d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial,

- celle de 12 000 euros HT ou de 14 400 euros TTC d'indemnité de préavis,

- des frais irrépétibles.

La société Felor a alors opposé que son contrat d'agent commercial aurait été conclu avec la société Synthez, dont M. X est le gérant, et qu'ainsi ses demandes émises à titre personnel seraient irrecevables.

Par jugement du 05 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- jugé l'action de M. X irrecevable,

- condamné M. X aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Appelant de ce jugement, M. X, par conclusions du 03 juin 2016, a rappelé que la société Synthez n'existait pas lors de la signature du contrat et a contesté avoir été radié du registre du commerce en janvier 2013. Il a demandé que la Cour :

- infirme le jugement déféré,

- condamne la société Felor à lui payer :

- la somme de 240 000 euros HT ou 280 000 euros TTC d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial,

- celle de 12 000 euros HT ou de 14 400 euros TTC d'indemnité de préavis,

- des frais irrépétibles à hauteur de 3 000 euros,

- condamne la société Felor aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Par conclusions du 04 avril 2016, la société Felor a maintenu que M. X avait signé le contrat en tant que mandataire de la société en création Synthez et que par la suite, il avait émis toutes ses factures au nom de cette dernière. Elle a demandé que la Cour:

- confirme le jugement déféré,

- subsidiairement, déboute M. X de ses demandes,

- le condamne au paiement de la somme de 30 000 euros réparant le préjudice commercial subi de son fait,

- le condamne au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- le condamne au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamne aux dépens de première instance et d'appel;

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité des prétentions de M. X :

La société Felor soutient avoir signé et exécuté le contrat d'agent commercial du 1er octobre 2012 avec la société Synthez représentée par M. X, ce que conteste celui-ci, plaidant avoir toujours été agent commercial à titre personnel.

Le contrat du 1er octobre 2012 a été signé avec Synthez X et y figure le numéro SIREN personnel de M. X au RCS de Créteil.

Les seules factures versées aux débats, soit celles de mai et juin 2014, ont comme en tête : Synthez X avec un numéro de SIREN qui est le même que celui du contrat, soit un numéro personnel à M. X.

Si la société Synthez a été immatriculée le 27 décembre 2012 avec une fin d'activité le 13 décembre 2013, à aucun moment son numéro de SIREN ne figure dans les échanges entre les parties.

Par conséquent, les pièces contractuelles ne font mention du terme Synthez que comme une enseigne, peu important que dans ses mails M. X invoque " sa société ".

Enfin, M. X démontre n'avoir jamais cessé d'être inscrit à un registre du commerce puisque de 2012 à 2015, il bénéficiait d'une immatriculation au registre du commerce de Melun, avec le même numéro de SIREN et un numéro de SIRET différent.

Consécutivement, M. X démontre son intérêt à agir et ses prétentions sont recevables.

Sur l'imputabilité de la rupture :

Le contrat d'agent commercial de M. X lui assurait l'exclusivité sur la France entière de la négociation des produits Felor pour les centrales d'achat grand public, avec une rémunération de l'agent de 6 % sur le CA HT et la présence dans certains magasins d'une équipe de vente dont le niveau de rémunération serait de 7 % complémentaire au minimum.

L'examen des pièces démontre que M. X a eu M. Lionel B. comme principal interlocuteur au sein de la société Felor.

Il n'apparaît pas d'écrit de Monsieur B. formulant des reproches à l'encontre de M. X avant un courriel du 30 avril 2014, présenté comme la synthèse d'un rendez-vous intervenu entre eux la veille.

Ce courriel fait état de certains objectifs atteints mais d'autres aux résultats plus disparates et donne un certain nombre d'instructions pour les semaines à venir, en précisant "il est décidé d'établir un contrat spécifique par enseigne. Le contrat MB (Monsieur Bricolage) est à nous retourner signé ". Etait joint à ce courriel un contrat prévoyant que M. X avait désormais pour seul marché la négociation des produits Felor auprès des Magasins Monsieur Bricolage et affiliés, avec exclusivité.

En d'autres termes, M. X voyait son contrat d'agent commercial se réduire de l'ensemble des centrales d'achat grand public aux seules enseignes M. Bricolage.

Un échange de courriels du 12 mai démontre que M. X a refusé de signer le contrat, acceptant seulement de voir sa propre rémunération baisser de 6 % à 4 % du CA HT, sans voir diminuer celle des sous agents et sans voir modifier son secteur d'activité ni son exclusivité sur toute la grande distribution.

Par ailleurs un échange de mails du 16 mai démontre que la société Felor avait commencé à négocier directement avec l'enseigne Leroy Merlin nonobstant le contrat initial.

Monsieur V. refusait de signer ce contrat et le 14 mai suivant, adressait à tous ses sous agents commerciaux un courriel leur spécifiant que " compte tenu de l'évolution de ma société, je ne suis plus en mesure d'assurer le suivi commercial terrain de la société Felor pour la gamme Algo mais uniquement centrales d'achat. De ce fait et en vertu de l'article L. 134-11 alinéa 3 du Code de commerce, je vais rompre par lettre recommandée le contrat de sous agent qui nous lie sous un délai de un mois de préavis. Cette rupture prendra effet au 15 juin 2014 ".

Le 16 juin 2014, la société Felor adressait un courrier recommandé à M. X déplorant l'inexécution de l'ensemble de ses obligations du contrat conclu le 1er octobre 2012, relevant que M. Lionel B., dirigeant de la société, avait dû assumer la quasi-totalité des négociations commerciales, y compris avec l'enseigne Monsieur Bricolage, du fait de la " passivité " de M. X. Le courrier reprochait ensuite à M. X de s'être borné à mettre en relations les enseignes et la société Felor et d'avoir recruté des sous agents inefficaces dont l'incompétence aurait été soulignée par certaines enseignes. Le courrier reprochait cependant à M. X de s'être séparée de cette équipe de vente le 14 mai sans en informer la société Felor, réduisant à néant l'intégralité de l'équipe de vente constituée, et notifiait la résiliation du contrat du 1er octobre 2012 pour faute grave, sans préavis ni indemnité de résiliation.

Il résulte de l'énumération de ces circonstances de fait que la rupture est imputable à la société Felor, qui le 02 mai 2014 a signifié à M. X son refus de la poursuite du contrat en lui adressant un contrat modifié réduisant son champ d'intervention en exigeant qu'il soit signé dans les meilleurs délais. La résiliation par M. X de ses contrats avec ses sous agents n'en est qu'une conséquence.

D'autre part, s'il est possible que l'action de M. X se soit révélée décevante, la société Felor se devait, préalablement à toute modification du contrat initial ou à toute résiliation, de lui notifier ses griefs et de le mettre en demeure d'y remédier dans les plus brefs délais. A défaut, les griefs contenus dans le courrier du 06 juin ne peuvent fonder un motif de résiliation, étant apparus postérieurement à une résiliation intervenue unilatéralement dès le 02 mai 2014.

Par conséquent, la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la société Felor, qui est débitrice envers M. X de l'indemnité de préavis (trois mois) et de l'indemnité compensatrice prévues à l'article 7 du contrat, l'indemnité compensatrice étant définie comme devant être " conforme aux usages et à la loi ".

M. X réclame à ce titre un préjudice fondé sur les commissions calculées sur les objectifs de vente de la société Felor. Ce préjudice n'apparaît pas certain, dans la mesure où un objectif n'est pas toujours réalisé, ni conforme aux usages, qui fixent à deux années de commissions l'indemnité compensatrice due à un agent commercial dont le contrat est résolu.

Or, la clause contractuelle prévoyant l'indemnité de préavis en fixe le montant conformément aux usages.

M. X ayant perçu entre le 09 février 2014 et le 21 juin 2015 un montant de commissions égal à 10 655,40 euros hors taxe, l'indemnité compensatrice mise à la charge de la société Felor est fixée à 22 000 euros, auquel sera rajoutée une indemnité de 2 700 euros (un quart des sommes perçues pour un préavis de trois mois) au titre de l'indemnité de préavis.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Felor :

Les motifs qui précèdent conduisent à constater que la procédure intentée par M. X n'est

pas abusive et la demande est rejetée.

De la même façon, M. X ne peut être tenu de réparer les conséquences dommageables d'une rupture qui ne lui est pas imputable et la demande émise au titre d'un préjudice commercial est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société Felor, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et paiera à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré. Condamne la SA Felor à payer à M. X les sommes de 22 000 euros hors taxe et 2 700 euros hors taxe. Déboute les parties du solde de leurs prétentions. Condamne la société Felor aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la société Felor à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.