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Décisions

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-422/14

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Viscas Corp., Furukawa Electric Co. Ltd

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Collins

Juges :

Mme Kancheva, M. Barents

Avocats :

Mes Bellis, Pouncey, Luke, Geary

TUE n° T-422/14

12 juillet 2018

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

Antécédents du litige

Requérante et secteur concerné

1 La requérante, Viscas Corp., est une société détenue à parts égales par Furukawa Electric Co. Ltd (ci-après " Furukawa ") et Fujikura Ltd, à laquelle ces dernières ont transféré leurs activités de conception et de vente de câbles électriques souterrains et sous-marins pour des projets hors du Japon, lors de sa création le 1er octobre 2001, tout en conservant leurs capacités de production et les ventes, tant au Japon qu'à l'étranger, à des clients japonais. Au début de l'année 2005, Furukawa et Fujikura ont cédé leurs installations respectives de fabrication de câbles et certaines ventes à la requérante, mais elles ont cependant conservé les ventes au Japon à certains clients réservés. Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l'eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d'électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d'autres entreprises d'électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.

Procédure administrative

2 Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d'une demande d'immunité au sens de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la " communication sur la clémence ").

3 Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d'ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de sociétés italiennes, à savoir Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, ainsi que de sociétés françaises, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.

4 Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J-Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d'immunité d'amende, conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence, ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d'autres déclarations orales et d'autres documents.

5 Au cours de l'enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d'informations, conformément à l'article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

6 Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l'encontre des entités juridiques suivantes : Pirelli & C. SpA, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, Prysmian, The Goldman Sachs Group, Inc., Nexans, Nexans France, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J-Power Systems, Furukawa, Fujikura, SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, Brugg Kabel AG, Kabelwerke Brugg AG Holding, nkt cables GmbH, NKT Holding A/S, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et la requérante.

7 Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l'exception de Furukawa, ont participé à une audience administrative devant la Commission.

8 Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T-135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T-140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d'inspection adressées, d'une part, à Nexans et Nexans France et, d'autre part, à Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia, pour autant qu'elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l'encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C-37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.

9 Le 2 avril 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 2139 final, relative à une procédure d'application de l'article 101 [TFUE] et de l'article 53 de l'accord [EEE] (affaire AT.39610 - Câbles électriques) (ci-après la " décision attaquée ").

Décision attaquée

Infraction en cause

10 L'article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé, au cours des différentes périodes, à une infraction unique et continue à l'article 101 TFUE, dans le " secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ". En substance, la Commission a constaté que, à partir de février 1999 et jusqu'à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains avaient participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).

11 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l'entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l'entente se composait de deux volets, à savoir :

- la " configuration A/R de l'entente ", qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées " membres R ", les entreprises japonaises, désignées en tant que " membres A ", et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que " membres K ". Ladite configuration permettait de réaliser l'objectif d'attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le " territoire national ", en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s'abstenaient d'entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le " territoire national " des producteurs européens, tandis que ces derniers s'engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du sud. S'ajoutait à cela l'attribution de projets dans les " territoires d'exportation ", à savoir le reste du monde à l'exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respectait un " quota 60/40 ", signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restants pour les producteurs asiatiques ;

- la " configuration européenne de l'entente ", qui impliquait l'attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser à l'intérieur du territoire " national " européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier, considérants 73 et 74 de cette décision).

12 La Commission a constaté que les participants à l'entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).

13 En tenant compte du rôle joué par différents participants à l'entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d'abord, elle a défini le noyau dur de l'entente, auquel appartenaient, d'une part, les entreprises européennes Nexans France, les entreprises filiales de Pirelli & C., anciennement Pirelli SpA, ayant successivement participé à l'entente (ci-après " Pirelli "), et Prysmian Cavi e Sistemi Energia et, d'autre part, les entreprises japonaises Furukawa, Fujikura et leur entreprise commune, à savoir la requérante, ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J-Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d'entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l'entente, et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l'entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l'entente (considérants 576 à 594 de cette décision).

Responsabilité de la requérante

14 La responsabilité de la requérante a été retenue en raison de sa participation à l'entente du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009 (considérants 811 à 853 et 955 de la décision attaquée).

Amende infligée

15 L'article 2, sous p), de la décision attaquée inflige à la requérante une amende de 34 992 000 euros, " conjointement et solidairement " avec Furukawa et Fujikura, pour sa participation à l'entente au cours de la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009.

16 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application [dudit article] (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les " lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ").

17 En premier lieu, s'agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes appropriée, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l'infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l'infraction, par sa nature, constituait l'une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l'ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l'entente, couvrant notamment l'ensemble du territoire de l'Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la " configuration A/R de l'entente ", les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles dans le cadre de la " configuration européenne de l'entente ". Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l'infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).

18 S'agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l'infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne la requérante, un coefficient de 7,25 pour la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009. Le montant de base de l'amende ainsi déterminé s'élevait à 34 992 000 euros pour la requérante (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).

19 En second lieu, s'agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n'a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l'amende établi à l'égard de chacun des participants à l'entente, à l'exception d'ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter dans le montant de l'amende le rôle joué par différentes entreprises dans la mise en œuvre de l'entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l'amende à infliger pour les acteurs marginaux de l'entente et de 5 % le montant de base de l'amende à infliger pour les entreprises dont l'implication dans l'entente était moyenne. En outre, elle a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings pour la période précédant la création d'Exsym, ainsi qu'à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire, une réduction supplémentaire de 1 % pour n'avoir pas eu connaissance de certains aspects de l'infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l'amende n'a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l'entente, y compris à la requérante (considérants 1017 à 1020 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la clémence (considérant 1041 de ladite décision).

20 En outre, la Commission a décidé d'accorder l'immunité des amendes à ABB et de réduire le montant de l'amende imposée à J-Power Systems, à Sumitomo Electric Industries et à Hitachi Cable de 45 % afin de tenir compte de la coopération de ces entreprises dans le cadre de la communication sur la clémence.

Procédure et conclusions des parties

21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2014, la requérante a introduit le présent recours.

22 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2014, Furukawa a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante.

23 Par lettre du 22 décembre 2014, la Commission a demandé le traitement confidentiel de certains documents à l'égard de Furukawa, en application de l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

24 Par ordonnances du 25 juin 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l'intervention demandée par Furukawa et a ordonné que lui soit transmise une version confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

25 L'intervenante a déposé son mémoire en intervention le 24 septembre 2015. Par lettres du 31 mars et du 8 avril 2016, la requérante et la Commission ont respectivement présenté leurs observations sur le mémoire en intervention de l'intervenante.

26 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l'article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle composition), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

27 Le 12 janvier 2017, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission. Celle-ci a déféré à la demande du Tribunal par lettre du 23 janvier 2017.

28 Le 13 février 2017, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la requérante à prendre position par écrit sur la réponse de la Commission à la question posée par le Tribunal le 12 janvier 2017. La requérante a déféré à la demande du Tribunal par lettre du 24 février 2017.

29 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d'ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 5 mai 2017.

30 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée en ce qu'elle constate une infraction s'étendant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009 ;

- annuler ou réduire le montant de l'amende infligée ;

- condamner la Commission aux dépens.

31 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

32 Dans son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions visant à la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée.

Sur les conclusions en annulation

33 À l'appui de ses conclusions en annulation, la requérante avance sept moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation des principes régissant la charge de la preuve, du principe d'égalité de traitement et du principe de responsabilité personnelle dans la détermination de la date du début de la participation de la requérante à l'entente. Le deuxième moyen est tiré d'une violation des principes régissant la charge de la preuve et du principe d'égalité de traitement dans la détermination de la date de la fin de la participation de la requérante à l'entente. Le troisième moyen est pris de la violation du principe de proportionnalité et du principe d'égalité de traitement en ce que la Commission n'a pas appliqué une réduction de la valeur hypothétique des ventes de la requérante semblable à la réduction du montant des amendes normalement encourues par les participants européens à l'entente, dont ceux-ci ont bénéficié en raison de l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Le quatrième moyen est tiré d'une violation du principe de proportionnalité et du principe d'égalité de traitement en ce que la Commission n'a pas réduit la part fictive du marché de l'EEE qui a été attribué à la requérante pour tenir compte de son poids réel dans l'entente. Le cinquième moyen est tiré d'une violation des principes fondamentaux de responsabilité personnelle et de faute personnelle ainsi que du principe d'égalité de traitement en ce que la Commission a erronément retenu les chiffres des ventes de Fujikura et de Furukawa pour calculer la part de marché mondiale hypothétique de la requérante. Le sixième moyen est tiré d'une erreur de la Commission dans l'appréciation de la gravité de l'infraction en ce qu'elle a considéré, sans éléments de preuve à cet égard, que la part de marché cumulée des destinataires de la décision attaquée dans l'EEE justifiait d'augmenter la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte de 2 %. Enfin, le septième moyen est tiré d'une violation du principe de responsabilité personnelle et du principe d'égalité de traitement en ce que la Commission a erronément considéré que la requérante faisait partie du noyau dur de l'entente et a, en conséquence, refusé de lui accorder une réduction du montant de l'amende au titre du paragraphe 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

Sur les moyens relatifs à la constatation de l'infraction

- Sur le premier moyen, tiré d'une violation des principes régissant la charge de la preuve, du principe d'égalité de traitement et du principe de responsabilité personnelle dans la détermination de la date du début de la participation de la requérante à l'entente

34 La requérante fait grief à la Commission d'avoir fixé le début de sa participation à l'entente au jour de sa création, soit le 1er octobre 2001. Elle soutient que le début de sa participation à l'entente doit être fixé au 12 novembre 2001, date de la première réunion de l'entente à laquelle un de ses employés, M. T., a participé. La Commission n'aurait, en effet, pas de preuve qu'elle eût participé à l'entente avant cette date. En particulier, la requérante fait valoir que la Commission ne peut pas prétendre qu'elle a repris les prétendues pratiques collusoires de ses sociétés mères dès sa création sans apporter de preuve à cet égard. Or, il n'existerait pas de preuve que les sociétés mères de la requérante eussent pris part à des réunions de l'entente ou discuté des infractions alléguées avec la requérante avant que celle-ci participe à la réunion du 12 novembre 2001.

35 Par ailleurs, la requérante fait valoir, en réponse à l'argumentation de la Commission, que la circonstance que son salarié, qui a participé à la réunion A/R du 12 novembre 2001, avait participé à une réunion A/R précédente le 7 septembre 2001 pour le compte d'une de ses sociétés mères ne suffit pas, en elle-même, à établir qu'elle a participé à l'entente avant le 12 novembre 2001. À cet égard, la requérante soutient que, conformément à la jurisprudence, il ne peut être déduit du fait qu'une entreprise emploie un salarié ayant précédemment participé à une entente pour le compte d'une autre entreprise que celle-ci participe ipso facto à cette entente.

36 Selon la requérante, la thèse de la Commission, selon laquelle elle a repris les pratiques prétendument collusoires de ses sociétés mères à partir du 1er octobre 2001, est également battue en brèche par les affirmations de l'intervenante, qui se trouve être l'une de ses sociétés mères, cette dernière ayant précisé dans ses observations que sa participation directe à l'entente avait pris fin avant le 30 septembre 2001.

37 L'intervenante soutient que la décision attaquée ne démontre pas qu'une entente avait été conclue au cours de la période entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001. En particulier, la Commission n'aurait pas démontré que l'intervenante eût pris part au cours de cette période à l'accord sur le " territoire national ". Il n'aurait donc existé aucune entente impliquant l'intervenante à laquelle la requérante aurait pu continuer à participer à partir du 1er octobre 2001. En outre, selon l'intervenante, la dernière réunion à laquelle elle a participé a eu lieu le 11 juin 2001, de sorte que, en tout état de cause, il ne saurait être soutenu que la requérante a continué à participer à partir du 1er octobre 2001 à une entente à laquelle l'intervenante avait elle-même cessé de participer plusieurs mois auparavant.

38 La Commission conteste les arguments de la requérante ainsi que ceux de l'intervenante. Par ailleurs, elle fait valoir que les observations de l'intervenante par lesquelles celle-ci remet en cause les constatations de la décision attaquée relatives à sa participation à l'infraction sont irrecevables en ce qu'elles ne viennent pas au soutien des conclusions de la requérante, qui visent à obtenir l'annulation de la décision attaquée dans la mesure où celle-ci a constaté la participation de la requérante à l'infraction du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009.

39 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 101, paragraphe 1, TFUE interdit des accords et des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur, notamment ceux et celles consistant à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

40 Pour qu'il y ait accord au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée. Il peut être considéré qu'un accord au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE est conclu dès lors qu'il y a une concordance des volontés sur le principe même d'une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l'objet de négociations (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T-186/06, EU:T:2011:276, points 85 et 86 et jurisprudence citée). Il est sans pertinence, à cet égard, d'examiner si les entreprises se sont considérées tenues - juridiquement, factuellement ou moralement - d'adopter le comportement convenu entre elles (arrêt du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, EU:T:1998:101, point 65).

41 La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T-186/06, EU:T:2011:276, point 87 et jurisprudence citée).

42 En ce sens, l'article 101, paragraphe 1, TFUE s'oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l'on envisage d'adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence. Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l'existence d'une pratique concertée au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T-186/06, EU:T:2011:276, points 88 et 89 et jurisprudence citée).

43 Les notions d'accord et de pratique concertée, au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent, d'un point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Il suffit, dès lors, que la preuve des éléments constitutifs de l'une ou de l'autre de ces formes d'infraction visées à cette disposition ait été établie pour que, en toute hypothèse, cette dernière s'applique (arrêt du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C-455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 53).

44 Il ressort de la jurisprudence qu'il appartient à la Commission de prouver non seulement l'existence de l'entente, mais aussi sa durée (arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C-65/02 P et C-73/02 P, EU:C:2005:454, point 31).

45 Toutefois, si la Commission est tenue de faire état de preuves précises et concordantes pour établir l'existence d'une infraction à l'article 101, paragraphe 1, TFUE, chacune des preuves qu'elle apporte ne doit pas nécessairement satisfaire à ces critères pour chaque élément de l'infraction. Il suffit que le faisceau d'indices invoqué par l'institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence. Ainsi, les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l'existence d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêts du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T-147/09 et T-148/09, EU:T:2013:259, point 50 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2014, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T-562/08, non publié, EU:T:2014:1078, points 152 et 153 et jurisprudence citée).

46 Dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de la concurrence (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C-634/13 P, EU:C:2015:614, point 26).

47 Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d'égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T-409/12, EU:T:2016:17, point 108 et jurisprudence citée).

48 En l'espèce, il convient de relever que, ainsi qu'il ressort du considérant 909 de la décision attaquée, dans la majorité des cas, la Commission a fixé le début de la participation à l'entente des destinataires de la décision attaquée à la date de leur première participation à une réunion de l'entente. Pour les entreprises destinataires de la décision attaquée qui ont été jugées responsables de l'infraction en qualité de société mère, la Commission a fixé le début de leur participation à l'entente à la date à laquelle elles sont devenues " conjointement et solidairement " responsables avec leur filiale ou leur entreprise commune. Pour ce qui est des entreprises communes, la Commission a fixé comme début de leur participation à l'entente la date à laquelle leurs sociétés mères leur ont attribué des opérations.

49 En conséquence, ainsi qu'il ressort du considérant 914 de la décision attaquée, la Commission a fixé le début de la participation de la requérante à l'entente au 1er octobre 2001, date à laquelle ses sociétés mères, Furukawa et Fujikura, lui ont attribué des activités.

50 La Commission a justifié cette différence de traitement, s'agissant des entreprises communes, et plus particulièrement de la requérante, au considérant 917 de la décision attaquée, dans lequel elle a indiqué que celle-ci ne se trouvait pas dans la même situation que certaines autres entreprises destinataires de la décision attaquée, car, comme il est expliqué au point 5 de ladite décision, ses sociétés mères avaient continué de participer à travers elle à l'entente qui avait commencé le 18 février 1999. La Commission précise, d'une part, qu'un employé de la requérante, M. T., qui a pris part à la réunion A/R de l'entente du 12 novembre 2001 au nom de la requérante, avait précédemment pris part à la réunion A/R de l'entente du 5 septembre 2001 au nom de Fujikura et, d'autre part, que la requérante a repris les activités de câbles électriques de Furukawa et de Fujikura.

51 Le raisonnement de la Commission repose sur le constat, aux points 3 et 5 de la décision attaquée, que, d'une part, Furukawa et Fujikura, qui ont participé directement à l'entente à compter du 18 février 1999, ont transféré à la requérante certaines activités couvertes par l'entente dès le début de son fonctionnement et, d'autre part, la requérante a elle-même pris part à l'entente sous l'influence déterminante de Furukawa et de Fujikura dès sa création et jusqu'au 28 janvier 2009.

52 Or, il convient de relever que la requérante soutient qu'il n'existe pas de preuve qu'elle ait participé à l'entente avant le 12 novembre 2001, la circonstance qu'un de ses employés avait précédemment participé à une réunion A/R de l'entente pour le compte de Fujikura n'étant pas, en soi, suffisante à cet égard. Dans ces conditions, selon la requérante, si la Commission entendait se fonder sur le fait que ses sociétés mères avaient prétendument continué de participer à l'entente à travers elle à partir du 1er octobre 2001, elle aurait dû rapporter la preuve que les employés de ces sociétés avaient participé à des réunions de l'entente durant cette période ou qu'ils s'étaient entretenus avec elle au sujet de l'infraction. L'absence de preuve quant à la reprise par la requérante des activités collusoires de ses sociétés mères dès sa création expliquerait le fait que la Commission avait reconnu aux considérants 811 et 818 de la décision attaquée que la participation directe de Furukawa et de Fujikura à l'entente avait pris fin le 30 septembre 2001, soit le jour précédant la création de la requérante.

53 L'argumentation de la requérante ne saurait convaincre.

54 Certes, conformément à la jurisprudence, il ne saurait être déduit du fait qu'une entreprise emploie un salarié ayant précédemment participé à une entente pour le compte d'une autre entreprise que la première entreprise participe à cette même entente (arrêt du 13 juillet 2011, Dow Chemical e.a./Commission, T-42/07, EU:T:2011:357, point 93). Dès lors, la circonstance que M. T., alors employé de Fujikura, a participé à la réunion A/R de Kuala Lumpur du 5 septembre 2001 et qu'il a été transféré chez la requérante à partir du 1er octobre 2001 ne démontre pas, en soi, la participation de la requérante à l'entente.

55 Toutefois, il convient de relever que, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, M. T., qui était alors directeur général de la " 1st International Trade Division, Overseas Marketing and Projects " de Fujikura, a participé à la réunion A/R du 5 septembre 2001 en vue de réaliser la transition entre Fujikura et la requérante et en sa qualité de futur représentant de cette dernière dans l'entente (voir note en bas de page 1199 et annexe II, page 8 de la décision attaquée).

56 Il convient également de relever que, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, M. T., qui avait été transféré chez la requérante dès la création de celle-ci pour y occuper les fonctions de directeur général du " Overseas Marketing and Project Department ", a participé à une réunion trilatérale de l'entente avec des représentants de Sagem et un représentant de J-Power Systems à Londres (Royaume-Uni) le 12 novembre 2001 ainsi qu'à une réunion A/R, qui s'est tenue également à Londres, le 13 novembre 2001, en qualité de représentant de la requérante (voir annexe I, page 7, et annexe II, page 9, de la décision attaquée).

57 Il convient encore de relever qu'aucune autre réunion de l'entente impliquant les producteurs japonais ne s'est tenue entre le 1er octobre 2001 et le 12 novembre 2001.

58 En outre, la Commission a certes précisé au considérant 811 de la décision attaquée qu'elle considérait que la participation directe de Furukawa et de Fujikura à l'entente avait pris fin le 30 octobre 2001 et elle a ajouté au considérant 818 de ladite décision qu'il n'existait pas de preuve de la participation directe de ces sociétés à l'infraction au-delà de cette date. Toutefois, il importe de relever que la Commission a également indiqué dans ce dernier considérant que, à partir du 1er octobre 2001, tous les contacts relatifs à l'entente étaient assurés par la requérante et que ceux-ci concernaient également la protection des territoires et incluaient par conséquent la protection des ventes réalisées par Furukawa et Fujikura au Japon. C'est au regard de ces circonstances que la Commission a estimé, au même considérant, qu'il était très improbable que Furukawa et Fujikura n'aient pas été au courant de la poursuite de l'entente et du rôle que la requérante y a joué au-delà de la période de leur propre participation directe.

59 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Commission a correctement établi que la requérante avait succédé dès sa création à ses sociétés mères dans les contacts collusoires avec les autres membres de l'entente.

60 La requérante fait toutefois valoir, en renvoyant aux arguments de l'intervenante, que les activités de câbles électriques qui lui ont été transférées par cette dernière lors de sa création le 1er octobre 2001 n'étaient plus couvertes par l'entente, la Commission ne pouvant prouver la participation de l'intervenante à l'entente après le 11 juin 2001.

61 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, les arguments de l'intervenante sont recevables.

62 En effet, aux termes de l'article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure, " l'intervention ne peut avoir d'autre objet que le soutien, en tout ou partie, des conclusions de l'une des parties principales ". En outre, aux termes de l'article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, " l'intervenant accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention ". Une partie intervenante a le droit d'exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d'une des parties principales et ne soient pas d'une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu'il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l'objet. Il revient donc au Tribunal, pour décider de la recevabilité des moyens et des arguments invoqués par un intervenant, de vérifier s'ils se rattachent à l'objet du litige tel qu'il a été défini par les parties principales (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Doux/Commission, T-434/13, non publié, EU:T:2016:7, points 73 et 74 et jurisprudence citée). En l'espèce, la requérante vise à obtenir l'annulation de l'article 1er, paragraphe 9, sous c), de la décision attaquée, par lequel la Commission a constaté qu'elle avait participé à l'entente du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, ainsi que l'annulation de l'article 2, sous p), de la décision attaquée, par lequel la Commission lui a infligé, " conjointement et solidairement " avec Furukawa et Fujikura, une amende au titre de sa participation à l'entente. La requérante vise également à obtenir la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par l'article 2, sous p), de la décision attaquée au titre de sa participation à l'infraction.

63 L'intervenante soutient que la Commission n'a pas démontré sa participation directe à l'infraction et que, en tout état de cause, sa dernière participation à une réunion remonte au 11 juin 2001. La Commission n'aurait ainsi pas été fondée à conclure qu'elle avait continué de participer à l'infraction à travers la requérante à compter du 1er octobre 2001, puisque toute participation de sa part avait pris fin au plus tard le 11 juin 2001. Il s'ensuivrait que la Commission ne pouvait pas fixer le début de la participation de la requérante à l'entente au 1er octobre 2001.

64 Il ressort donc de l'argumentation de l'intervenante que celle-ci remet en cause le constat opéré par la Commission dans la décision attaquée quant à sa participation directe à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001. Il convient d'ailleurs de relever que l'intervenante a joint en annexe à son mémoire en intervention sa requête dans l'affaire T-444/14, dans laquelle elle demande l'annulation de la décision attaquée, notamment en ce qu'elle a constaté sa participation directe à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001. Cependant, il convient également de relever que, dans la présente affaire, l'argumentation de l'intervenante vise à démontrer que la prémisse sur laquelle repose le raisonnement utilisé par la Commission pour fixer le début de la participation de la requérante à l'entente est erronée.

65 À cet égard, il y a lieu de considérer que, dès lors que la Commission a justifié sa décision de fixer le début de la participation de la requérante à l'entente à la date à laquelle ses sociétés mères lui ont transféré des activités couvertes par l'entente par l'affirmation que celles-ci ont ainsi continué de façon indirecte leur participation à l'entente, qui avait débuté le 18 février 1999, l'intervenante, qui se trouve être l'une de ces sociétés mères, est fondée à contester cette affirmation.

66 Il reste que l'argumentation de l'intervenante concernant uniquement sa participation directe à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 n'est pas de nature à remettre en cause le constat opéré par la Commission dans la décision attaquée quant au fait que l'autre société mère de la requérante, Fujikura, a directement participé à l'entente au cours de la même période et qu'elle a, par la suite, continué de participer indirectement à cette entente au travers de la requérante. Dès lors, à supposer même que la Commission ait commis une erreur en constatant que l'intervenante avait participé directement à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001, cette erreur ne remettrait pas en cause le raisonnement suivi par la Commission pour fixer le début de la participation de la requérante à l'entente.

67 Il s'ensuit que les arguments de l'intervenante relatifs à sa participation directe à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 doivent être rejetés comme inopérants.

68 Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission n'a pas commis d'erreur en fixant la date du début de la participation de la requérante à l'entente au 1er octobre 2001.

69 Eu égard aux considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté.

- Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des principes régissant la charge de la preuve et du principe d'égalité de traitement dans la détermination de la date de la fin de la participation de la requérante à l'entente

70 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir rapporté la preuve que sa participation à l'entente avait pris fin le 28 janvier 2009 et d'avoir violé le principe d'égalité de traitement en choisissant cette date plutôt que celle du dernier élément de preuve figurant dans son dossier.

71 Elle soutient en effet que le dernier élément de preuve susceptible d'établir un lien entre elle et l'infraction est un courriel daté du 2 août 2007, soit 17 mois avant la date à laquelle la Commission a fixé la fin de sa participation à l'entente, à savoir le 28 janvier 2009. Les autres éléments de preuve présentés dans la décision attaquée comme démontrant son implication postérieure dans l'entente devraient être écartés. Ainsi, l'échange de courriels entre M. I., d'Exsym, et M. J., de Nexans France, daté du 9 décembre 2008, montrerait que la requérante ne participait plus à l'entente à cette date. De même, le courriel adressé par M. Y. I., employé de la requérante, à M. R., de Nexans France, daté du 9 juin 2008, ne serait pas pertinent dès lors qu'il concernait des pratiques relatives aux " territoires d'exportation ", qui ne relèveraient pas du champ d'application territorial de l'article 101 TFUE. Il ne pourrait pas non plus être tenu compte du courriel daté du 7 mars 2008 par lequel M. J. demandait à M. Y. I. d'expliquer pourquoi J-Power Systems participait à un projet de câbles sous-marins au Royaume-Uni, au motif que le second n'aurait pas répondu au premier. La Commission ne pourrait pas davantage tenir compte des notes internes de Nexans France faisant état d'une réunion avec la requérante le 3 décembre 2007, dans la mesure où il ressortirait de ces notes que les projets discutés avaient déjà été attribués.

72 Selon la requérante, la Commission ne pouvait pas non plus justifier la fixation de la fin de sa participation à l'entente au 28 janvier 2009 en soutenant que les prétendus effets de son comportement collusoire antérieur s'étaient poursuivis au moins jusqu'au jour des inspections sans apporter de preuve à cet égard ou que l'absence d'éléments de preuve postérieurs au 2 août 2007 s'expliquait par la circonstance que, durant cette période, Exsym assumait le rôle de coordinateur du côté des entreprises japonaises.

73 Ainsi, selon la requérante, compte tenu du laps de temps important écoulé entre le dernier élément de preuve susceptible de démontrer sa participation à l'infraction et la fin de celle-ci, la Commission aurait dû, comme elle l'avait fait pour d'autres destinataires de la décision attaquée, notamment LS Cable & System et Taihan Electric Wire, retenir la date de ce dernier élément de preuve comme date de fin de sa participation à l'entente.

74 La Commission conteste les arguments de la requérante et de l'intervenante.

75 À cet égard, il convient de rappeler qu'il incombe à la Commission de prouver la durée de la participation de chacun des participants à une entente (voir point 44 ci-dessus).

76 Cela implique que soient connues la date du début et celle de la cessation de cette participation (arrêt du 24 mars 2011, Tomkins/Commission, T-382/06, EU:T:2011:112, point 49).

77 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il suffit à la Commission de démontrer que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s'y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l'entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C-373/14 P, EU:C:2016:26, point 61 et jurisprudence citée).

78 Afin d'apprécier si une entreprise s'est effectivement distanciée, c'est bien la compréhension qu'ont les autres participants à une entente de l'intention de l'entreprise concernée qui est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l'accord illicite (arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C-373/14 P, EU:C:2016:26, point 62).

79 Dès lors, le simple fait pour une entreprise dont la participation à des réunions collusoires est établie de ne plus participer à de telles réunions ne peut, en soi, être considéré comme une distanciation publique de l'entente en cause et il appartient à cette entreprise d'apporter les indices de ce que les participants à l'entente ont considéré qu'elle mettait fin à sa participation (arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C-510/06 P, EU:C:2009:166, points 119 et 120).

80 Toutefois, une entreprise dont la participation à des réunions collusoires a été établie ne saurait être tenue de démontrer qu'elle s'est publiquement distanciée de l'entente en cause lorsqu'un temps suffisamment long s'est écoulé entre le dernier contact collusoire et la fin de l'entente telle qu'elle a été établie par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Tomkins/Commission, T-382/06, EU:T:2011:112, point 49).

81 En l'espèce, il ressort du considérant 946 de la décision attaquée que la Commission a fixé la date de fin de participation de la requérante à l'entente au 28 janvier 2009 au motif que " les effets du comportement collusoire antérieur se sont poursuivis au moins jusqu'au jour des inspections [...] ".

82 Au considérant 948 de la décision attaquée, la Commission précise, en réponse à un argument de la requérante et d'Exsym selon lequel elles ont mis fin à leur participation à l'infraction en ce qui concerne les projets dans l'EEE à la suite de la réunion du 9 juin 2004 à Tokyo (Japon), qu'il est suffisamment établi que, si les contacts entre les parties à l'entente ont pris différentes formes à partir de la seconde moitié de l'année 2004, celles-ci continuaient d'adhérer aux principaux piliers de l'entente, dont l'accord sur le " territoire national ", et que la requérante et Exsym ne fournissaient par ailleurs aucune preuve concluante qu'elles s'étaient distanciées publiquement de l'entente. La Commission indique au même considérant qu'il a été démontré, au contraire, que la requérante et Exsym avaient continué de donner aux autres participants l'impression qu'elles restaient membres de l'entente pendant toute la durée de l'infraction et renvoie à cet égard à plusieurs passages de la décision attaquée, notamment, s'agissant de la requérante, aux considérants 374, 394, 401, 410, 428, 434, 438 et 445.

83 Au considérant 950 de la décision attaquée, la Commission indique, en réponse à l'argument de la requérante selon lequel la date de fin de sa participation à l'infraction devrait être fixée au 9 avril 2008, date de la dernière réunion anticoncurrentielle à laquelle elle a participé, ou au 9 juin 2008, date du dernier courriel à caractère anticoncurrentiel qu'elle a envoyé, que, eu égard aux particularités de l'entente, l'absence de communication de la requérante entre le 9 juin 2008 et le 28 janvier 2009 ne signifiait pas qu'elle s'était retirée de l'entente. Premièrement, la Commission rappelle que l'accord sur le " territoire national " ne nécessitait pas de communications fréquentes. Deuxièmement, elle observe que les contacts bilatéraux et multilatéraux concernant des projets dans les " territoires d'exportation " ont eu lieu à intervalles réguliers lorsqu'il était nécessaire d'attribuer les projets. Elle souligne que, jusqu'à la fin de l'infraction, les parties ont respecté les décisions d'attribution relatives à ces projets prises lors de la réunion de Tokyo en juin 2007. Troisièmement, la Commission relève que ce n'est pas la requérante, mais Exsym, qui agissait comme coordinateur principal du côté des membres A pour l'attribution de ces projets et en conclut qu'il est logique qu'il existe moins de preuves directes concernant la requérante. Quatrièmement, la Commission indique qu'il ressort clairement des preuves disponibles que la requérante a restreint sa participation directe au cours des dernières années de l'entente et s'est appuyée sur Exsym en tant que coordinateur par crainte d'une enquête antitrust.

84 Aux considérants 952 et 953 de la décision attaquée, en réponse à l'argument de la requérante selon lequel elle violerait le principe d'égalité de traitement en ne retenant pas la date du dernier élément de preuve dans le dossier pour fixer la fin de sa participation à l'entente, la Commission explique que, dès lors qu'il existait des preuves de l'implication continue de la requérante dans l'entente le 9 juin 2008 et que cette entente avait été mise en œuvre au moins jusqu'au 9 décembre 2008, le laps de temps écoulé entre la date du dernier élément de preuve dans le dossier et la fin de l'entente le 28 janvier 2009 n'était pas suffisamment long, au sens de la jurisprudence du Tribunal, pour qu'elle retienne la date du dernier élément de preuve dans le dossier comme fin de la participation de la requérante à l'entente, comme elle l'avait fait pour d'autres destinataires de la décision attaquée.

85 En premier lieu, s'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle le dernier élément de preuve relatif à son implication dans l'entente remonterait au 2 août 2007, il convient d'observer que celle-ci est contredite par l'examen des éléments de preuve postérieurs mentionnés dans la décision attaquée.

86 Ainsi, tout d'abord, il ressort du considérant 434 de la décision attaquée que, d'après les notes internes de Nexans France, deux employés de celle-ci, MM. R. et J., ont rencontré deux employés de la requérante, MM. Y. I. et C., à Paris (France), le 3 décembre 2007, et ont discuté avec eux des commandes passées et de projets en cours.

87 La requérante soutient que ce document n'a pas valeur de preuve de son implication dans l'entente, car les participants à la réunion n'auraient pas attribué de projets. Il aurait seulement été fait état de la disqualification de Prysmian Cavi e Sistemi Energia dans le cadre d'un projet pour lequel celle-ci et Nexans France avaient soumissionné.

88 Toutefois, il ressort des notes en question que l'employé de Nexans France qui les a rédigées a explicitement indiqué qu'il s'agissait d'une réunion " A/R ", ce qui correspond à la désignation habituelle des réunions entre les représentants des membres R et des membres A de l'entente. Il ressort également de ces notes que plusieurs projets non encore attribués et, pour certains, dont l'appel à soumissionner n'avait pas encore été publié ont fait l'objet de discussions. Ainsi, sous le titre " Current projects " (projets en cours), il est noté, notamment, ce qui suit :

" Grèce Evia Attique : Prysmian et Nexans : offre de Prysmian disqualifiée.

Abou Dhabi : Ile AL yassat repoussé au mois de janvier : 33kV V[iscas] pas intéressée J[-Power Systems] ??? Occupée avec [...] traversant Exsym probablement pas intéressée

Java Sumatra : Prysmian + Marubeni + V[iscas] sur ce projet + Siemens doit être annoncé début 2008

Corée : V[iscas] et J[-Power Systems] essaient de pousser Extrudé, LS [Cable] essaie mais ??? Au début Nexans

Qatar 220 kV 7km 2 cctt Attribution R

Australie : [...] Olex agent pour V[iscas], V[iscas] intéressée à ce que la formation demeure Exsym J[-Power Systems] et V[iscas]. Assisté à la réunion de pré soumission. Appel d'offre mi-décembre.

Maracaibo : Établissement du budget par V[iscas], N[exans] et LS [Cable]. "

89 Il s'ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce document doit être considéré comme un élément de preuve de son implication dans l'entente postérieurement au 2 août 2007.

90 Ensuite, il est indiqué au considérant 437 de la décision attaquée que, dans un courriel du 3 mars 2008, M. J., de Nexans France, a demandé à M. Y. I., employé de la requérante, ce qui suit :

" Nous avons noté avec surprise l'implication de A [J-Power Systems] via une société appelée Eclipse dans un projet SM Ormonde (Royaume-Uni) [...] Veuillez clarifier. "

91 Il importe de relever que, dans ce courriel, l'employé de Nexans France fait expressément référence à l'implication du côté des membres A de l'entente au travers de J-Power Systems, une autre entreprise japonaise, dans un projet sur le territoire européen. Il ressort donc de ce courriel que, à cette date, la requérante était sans aucune ambiguïté perçue par Nexans France comme un membre de l'entente. Il est indifférent à cet égard que M. Y. I. n'ait pas souvenir d'avoir répondu au courriel en question.

92 Dès lors, un tel document doit également être considéré comme un élément de preuve de nature à démontrer l'implication de la requérante dans l'entente postérieurement au 2 août 2007.

93 Enfin, la requérante soutient, en substance, que la Commission ne pouvait pas tenir compte du courriel adressé à M. R., de Nexans France, par son employé, M. Y. I., le 9 juin 2008, mentionné au considérant 440 de la décision attaquée, au motif que celui-ci concernait l'accord sur les " territoires d'exportation ", qui ne relevaient pas du champ d'application de l'article 101 TFUE. Selon la requérante, dès lors que les arrangements relatifs aux " territoires d'exportation " ne concernaient pas des ventes dans l'EEE, ils ne pouvaient pas être considérés comme étant " mis en œuvre " dans l'EEE au sens de la jurisprudence. Au demeurant, même si le critère des " effets " appliqué par le Tribunal dans l'arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission (T-102/96, EU:T:1999:65), pour l'interprétation du règlement relatif au contrôle des concentrations, était applicable pour interpréter le champ d'application de l'article 101 TFUE, la Commission aurait dû établir dans la décision attaquée qu'il était prévisible que l'accord sur les ventes dans les " territoires d'exportation " produirait un effet immédiat et substantiel dans l'Union européenne. Selon la requérante, la Commission n'a pas satisfait à cette obligation et a d'ailleurs souligné à plusieurs reprises dans la décision attaquée qu'elle n'examinait pas si l'infraction produisait des effets sur le marché.

94 À cet égard, il convient de relever que, dans ce courriel, mentionné au considérant 440 de la décision attaquée, l'employé de la requérante, M. Y. I., écrit à M. R., de Nexans France, ce qui suit :

" Nous considérons que le travail mentionné ci-dessus est un cas exclu et ne fait pas partie des arrangements. [Exsym] a confirmé qu'ils sont du même avis à cet égard, ceci est pour votre information. "

95 Or, d'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de ce courriel que le projet auquel il est fait référence était situé dans un " territoire d'exportation ", mais uniquement qu'il s'agissait d'un cas exclu des " arrangements ", cette dernière expression pouvant renvoyer aussi bien à l'accord sur le " territoire national " et à l'accord sur les " territoires d'exportation " d'une façon générale qu'à des engagements spécifiques dans le cadre de l'accord sur les " territoires d'exportation ".

96 D'autre part, il y a lieu de rappeler que, conformément aux articles 4, 7 et 23 du règlement no 1/2003, la Commission est compétente pour constater et réprimer les infractions à l'article 101 TFUE.

97 Or, la requérante conteste, en substance, que certaines des pratiques constatées par la Commission dans la décision attaquée puissent constituer des infractions à l'article 101 TFUE dans la mesure où elles n'ont pas été mises en œuvre dans l'EEE et où la Commission n'a, en outre, pas rapporté la preuve qu'elles avaient produit des effets dans l'EEE. Dès lors, la requérante ne conteste pas la compétence de la Commission, mais l'applicabilité territoriale de l'article 101 TFUE en l'espèce.

98 S'agissant de l'applicabilité territoriale de l'article 101 TFUE et de l'article 53 de l'accord EEE, il convient de rappeler que la règle de concurrence de l'Union énoncée à l'article 101 TFUE interdit les accords et les pratiques qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence " à l'intérieur du marché intérieur ".

99 Il convient également de relever que les conditions de l'application territoriale de l'article 101 TFUE peuvent être réunies dans deux hypothèses.

100 Premièrement, l'application de l'article 101 TFUE est justifiée dès lors que les pratiques qu'il vise sont mises en œuvre sur le territoire du marché intérieur, et ce indépendamment du lieu de leur formation. En effet, faire dépendre l'applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de la formation d'une entente aboutirait à l'évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions (arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, points 16 et 17).

101 Deuxièmement, ainsi qu'il a déjà été jugé par la Cour, l'application de l'article 101 TFUE est également justifiée au regard du droit international public lorsqu'il est prévisible que les pratiques qu'il vise produisent un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur (arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11). À cet égard, il importe de relever que cette approche poursuit le même objectif que celle s'appuyant sur la mise en œuvre d'un accord sur le territoire de l'Union, à savoir appréhender des comportements qui n'ont certes pas été adoptés sur ce territoire, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir sur le marché de l'Union.

102 Il convient également de relever que les conditions de l'application de l'article 101 TFUE rappelées respectivement aux points 100 et 101 ci-dessus constituent des voies alternatives et non cumulatives afin d'établir la compétence de la Commission pour constater et réprimer une infraction à cette disposition.

103 Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la condition tenant à la mise en œuvre de l'entente dans l'EEE ainsi que celle relative aux effets qualifiés produits par celle-ci dans l'EEE étaient en l'espèce toutes les deux réunies (considérants 467 à 469 de la décision attaquée).

104 Or, la requérante soutient que, dès lors que l'accord sur les " territoires d'exportation " n'était pas mis en œuvre dans l'EEE, la Commission aurait dû démontrer que celui-ci avait une incidence suffisante dans l'EEE pour justifier, au sens de la jurisprudence, l'applicabilité territoriale de l'article 101 TFUE à cette partie de l'infraction en cause, ce qu'elle aurait omis de faire en l'espèce.

105 Une telle argumentation ne saurait prospérer.

106 S'agissant de la mise en œuvre de l'accord sur les " territoires d'exportation ", il convient de relever que celui-ci a été mis en œuvre sur le territoire de l'EEE. Ainsi, il ressort du considérant 79 de la décision attaquée et de son considérant 247, auquel renvoie le considérant 468 de la décision attaquée, que la Grèce ne faisait pas partie du " territoire national européen " au sens de l'accord sur le " territoire national " et que les projets implantés en Grèce s'inscrivaient dans l'attribution des projets dans le respect du " quota 60/40 " en application de l'accord sur les " territoires d'exportation ". En outre, il ressort également des considérants 81 et 82 de la décision attaquée que les membres A de l'entente considéraient que les projets liant un État membre de l'Union à un État tiers devaient s'inscrire dans le quota des 60 % attribués aux membres R de l'entente, à l'instar du projet reliant l'Espagne au Maroc cité au considérant 232 de la décision attaquée.

107 Par ailleurs, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée au point 101 ci-dessus, la Commission pouvait fonder l'applicabilité de l'article 101 TFUE à l'infraction unique et continue telle qu'elle a été constatée dans la décision attaquée sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur.

108 À cet égard, il importe de relever que l'article 101 TFUE est susceptible de s'appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu'il est prévisible que, pris ensemble, ces pratiques et accords aient des effets immédiats et substantiels dans l'EEE. En effet, il ne saurait être permis aux entreprises de se soustraire à l'application des règles de concurrence de l'Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n'est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans l'EEE, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet.

109 En l'espèce, il convient de relever que l'objectif unique de l'entente consistait à restreindre la concurrence pour les projets de câbles électriques sous-marins et souterrains à (très) haute tension à réaliser dans des territoires spécifiques en convenant de l'attribution de marchés et de clients et, ainsi, en faussant le processus concurrentiel normal.

110 Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, c'est au regard des effets, pris ensemble, des différentes pratiques décrites au considérant 493 de la décision attaquée, y compris l'accord sur " les territoires d'exportation ", qu'il convenait d'apprécier si l'article 101 TFUE était applicable en l'espèce.

111 Or, il y a lieu de relever que la Commission n'a pas commis d'erreur en constatant, au considérant 469 de la décision attaquée, que les effets sur la concurrence dans l'EEE des pratiques et des accords auxquels les membres de l'entente ont participé étaient prévisibles, substantiels et immédiats.

112 À cet égard, il suffit de tenir compte des effets probables d'un comportement sur la concurrence pour que la condition tenant à l'exigence de prévisibilité soit remplie.

113 S'agissant du caractère immédiat des effets des pratiques en cause sur le territoire de l'EEE, il convient d'observer que celles-ci ont nécessairement eu une influence directe sur la fourniture de câbles électriques à haute et très haute tension dans l'EEE, puisque tel était l'objet des différentes réunions et contacts entre les participants à l'entente (considérant 66 de la décision attaquée). En outre, la répartition effectuée entre les parties à l'entente, à la fois directement au sein de l'EEE et à l'extérieur de ce territoire, a eu des effets prévisibles sur la concurrence au sein de l'EEE, ainsi que l'a justement relevé la Commission.

114 Quant au caractère substantiel des effets dans l'Union, il convient de relever le nombre et l'importance des producteurs ayant participé à l'entente, qui représentait la quasi-totalité du marché, ainsi que la large gamme de produits touchés par les différents accords et la gravité des pratiques en cause. Il convient également de relever la durée importante de l'infraction unique et continue qui s'est poursuivie durant dix ans. Tous ces éléments, appréciés dans leur ensemble, concourent à démontrer le caractère substantiel des effets des pratiques en cause sur le territoire de l'Union (considérants 66, 492, 493 et 620 de la décision attaquée).

115 Il y a donc lieu de conclure que l'infraction unique et continue telle que définie par la Commission dans la décision attaquée relevait du champ d'application de l'article 101, paragraphe 1, TFUE.

116 Il s'ensuit que la Commission pouvait tenir compte du courriel adressé par l'employé de la requérante, M. Y. I., à M. R. le 9 juin 2008, relatif à l'accord sur les " territoires d'exportation ", pour rapporter la preuve de la participation de la requérante à l'entente. En tout état de cause, les pouvoirs d'enquête de la Commission quant à l'existence et à l'étendue d'une infraction ne sont pas soumis aux mêmes limitations géographiques que les pouvoirs dont elle dispose pour sanctionner ces infractions au titre de l'article 101 TFUE. En l'absence de toute autre allégation d'illégalité touchant l'enquête menée par la Commission, l'argument selon lequel cette dernière ne peut tenir compte du courriel daté du 9 juin 2008 doit être rejeté.

117 Il y a donc lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, le dernier élément de preuve dans le dossier de la Commission de nature à démontrer son implication dans l'entente ne date pas du 2 août 2007, mais bien du 9 juin 2008.

118 En deuxième lieu, s'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle il ressortirait de courriels échangés les 8 et 9 décembre 2008 entre M. I., d'Exsym, et M. J., de Nexans France, qu'elle ne participait plus à l'entente à cette date, il y a lieu de constater que celle-ci n'est pas étayée par les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission.

119 À cet égard, il convient de relever que, dans un courriel du 8 décembre 2008, M. I., d'Exsym, a indiqué à M. J., de Nexans France, ce qui suit :

" Je regrette que nous ne puissions pas vous donner la moindre idée concrète au sujet de la compensation pour le 3ème tour du projet CCT au Q[ata]r en raison d'une implication d'autres comme V[iscas], J-P[ower Systems], etc et surtout en raison de l'accord selon lequel ce projet CCT est un supplément au projet Ph8 et est naturellement considéré comme devant revenir à A de façon inconditionnelle.

Notre accord précédant est le suivant :

Q[ata]r Ph8 : 132 km : A

Abu d'Abi Mussafah-SAN : 156 km : R

Nous maintiendrons ce qui précède comme convenu. "

120 Il ressort de ce courriel que, interrogé sur la possibilité de fournir une compensation pour un projet de câbles situé au Qatar qu'il considérait comme un complément d'un autre projet de câbles initialement attribué aux membres A de l'entente, l'employé d'Exsym a indiqué ne pas être en mesure de répondre concrètement en raison de l'implication dans ce dernier projet d'autres entreprises comme la requérante et J-Power Systems.

121 Selon la requérante, il serait logique d'en déduire qu'elle ne participait plus à l'entente à cette époque de la même façon que J-Power Systems, qui avait cessé de participer à l'entente le 10 avril 2008. Ainsi, la mention de J-Power Systems et de la requérante indiquerait que l'employé d'Exsym ne pouvait pas donner d'indication sur une éventuelle compensation au motif que ces membres de l'entente avaient mis fin à leur participation à celle-ci.

122 Toutefois, il peut tout aussi bien être déduit de ce courriel que l'employé d'Exsym ne pouvait pas donner d'indications concrètes quant à une éventuelle compensation, car Exsym n'était pas la seule entreprise impliquée dans le projet de câbles en cause et la position des autres entreprises à cet égard n'était pas connue. Il importe de souligner que l'employé d'Exsym fait référence à " l'implication d'autres tels que [la requérante], [J-Power Systems,] etc. ", et non uniquement à ces deux entreprises. En outre, le fait que J-Power Systems se soit retirée de l'entente le 10 avril 2008 n'est pas nécessairement pertinent dans la mesure où la discussion concerne un projet qui, dans l'esprit de l'employé d'Exsym, avait déjà été attribué aux membres A de l'entente. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait donc être déduit de ce courriel que, dans l'esprit des autres membres de l'entente, elle avait cessé de participer à celle-ci.

123 La thèse de la requérante n'est pas davantage renforcée par le contenu d'un second courriel adressé par M. I. à M. J., le 9 décembre 2008, en réponse à un courriel du même jour de M. J. Dans ce courriel, mentionné au considérant 445 de la décision attaquée, M. I. indique ce qui suit :

" Votre objection est assez compréhensible, car vous avez considéré ce nouvel [appel à soumissionner] comme un complément de Ph7 alors que nous l'avons considéré comme un complément de Ph8.

Cependant, il est à noter que ce complément a été originellement considéré et traité comme une variation de commande de Ph8 et que nous étions en train de travailler sur celui-ci depuis plus de 4 mois. Il est à noter que ce nouvel RFQ a été lancé pour communiquer les formalités de passation de marché du [comité des appels d'offres généraux d'un acheteur potentiel], et c'est la raison pour laquelle nous plaidons en faveur de notre position même si la coopération de [la requérante] ne peut être garantie.

D'autre part, les inconvénients causés au cours du stade des négociations de Ph7 et Ph8 étaient dus à l'intervention d'autres qui était originellement prévisible et totalement hors de notre contrôle et une répétition du même accident ne peut pas être évitée. Au vu de la position forte d'autres membres et de la surveillance étroite de notre contrôle interne, un arrangement parfait n'est plus faisable et nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés et à de nombreux risques. Nous nous voyons donc contraints de vous informer que nous nous retirons du plan, à l'exception des cas pour lesquels nous nous sommes déjà engagés. Sachez que nous n'avons pas l'intention de faire s'effondrer la situation du marché, mais de procéder avec toute la solennité due. "

124 Ainsi, deux informations ressortent assez clairement de ce courriel. D'une part, M. I. demandait à conserver le bénéfice du projet de câbles en question, et ce même s'il ne pouvait pas garantir à M. J. que la requérante se montrerait coopérative pour lui accorder une compensation, compte tenu du fait que ce projet avait initialement été considéré comme un complément d'un projet attribué aux membres A de l'entente. D'autre part, M. I. faisait part à M. J. de l'intention d'Exsym de mettre fin à sa participation à l'entente tout en lui assurant que tous les engagements pris jusque-là par Exsym seraient respectés et qu'il n'avait pas l'intention de faire s'écrouler le marché.

125 Eu égard au contenu des courriels exposés ci-dessus, il ne saurait être déduit de ceux-ci que, du point de vue des autres participants à l'entente, à cette date, la requérante avait cessé de participer à celle-ci.

126 Il convient donc de rejeter l'affirmation de la requérante selon laquelle sa participation à l'entente avait pris fin au plus tard le 9 décembre 2008.

127 En troisième lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû démontrer que les effets du comportement collusoire s'étaient poursuivis jusqu'à la date choisie pour fixer la fin de sa participation à l'infraction, il convient de relever que, la Commission ayant indiqué, au considérant 644 de la décision attaquée, que les pratiques reprochées à la requérante avaient pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, sans être contredite à cet égard par la requérante, elle n'était pas tenue, conformément à la jurisprudence, de rapporter la preuve des effets concrets de celle-ci sur le marché (voir arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C-226/11, EU:C:2012:795, point 35 et jurisprudence citée).

128 Il est vrai que, en l'espèce, la Commission a indiqué au considérant 947 de la décision attaquée qu'elle avait décidé de fixer la fin de la participation de la requérante au 28 janvier 2009, jour des inspections, au motif que les effets de son comportement collusoire antérieur s'étaient poursuivis jusqu'à cette date.

129 Toutefois, il ressort clairement des considérants 948 à 953 de la décision attaquée que la Commission a décidé de fixer la fin de la participation de la requérante à la date des inspections compte tenu de ce que, d'une part, il existait des preuves de sa participation continue à une collusion jusqu'au 9 juin 2008, dont la mise en œuvre avait perduré au moins jusqu'au 9 décembre 2008, et, d'autre part, les particularités de l'entente permettaient d'expliquer l'absence de communication de la requérante entre le 9 juin 2008 et le 28 janvier 2009.

130 En ce sens, la référence, au considérant 947 de la décision attaquée, au fait que les effets du comportement collusoire antérieur de la requérante se sont poursuivis jusqu'au 28 janvier 2009, jour des inspections menées par la Commission, doit être comprise comme l'affirmation que l'entente, à laquelle il est établi que la requérante a participé de façon continue, a continué à être mise en œuvre jusqu'aux inspections de la Commission.

131 Il importe de souligner que la Commission n'a pas considéré que la mise en œuvre de l'entente avait pris fin le 9 décembre 2008, mais que le dernier élément de preuve de la mise en œuvre de l'entente était daté du 9 décembre 2008. Il convient d'ailleurs de rappeler que, ainsi qu'il ressort du courriel adressé par M. I. à M. J. le 9 décembre 2008, Exsym a uniquement annoncé à cette occasion qu'elle se retirait de l'entente pour le futur, sans remettre en cause les engagements pris jusqu'alors.

132 Il s'ensuit que l'argument de la requérante selon lequel la Commission n'a pas rapporté la preuve que les arrangements collusoires auxquels elle avait participé produisaient encore des effets, au sens où ils étaient encore mis en œuvre, manque en fait.

133 En outre, pour autant que cet argument doive être interprété comme faisant grief à la Commission de ne pas avoir démontré que les arrangements qui lui ont directement bénéficié étaient encore mis en œuvre au 28 janvier 2008, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence, pour démontrer la participation d'une entreprise à une entente, la Commission n'est pas tenue de rapporter la preuve de l'intérêt commercial que celle-ci retirait de cette participation (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, EU:T:2004:221, point 185, et du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T-370/09, EU:T:2012:333, point 70).

134 En quatrième lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel le choix de la Commission de fixer la fin de sa participation à l'entente au 28 janvier 2009, alors que sa situation ne différait pas de celle d'autres entreprises destinataires de la décision attaquée pour lesquelles la Commission aurait retenu la date du dernier élément de preuve contenu dans le dossier, constitue une violation du principe d'égalité de traitement, il suffit de constater que celui-ci repose sur une prémisse erronée.

135 En effet, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, il convient de relever que la Commission a constaté qu'il s'était écoulé une période considérablement longue entre la date du dernier élément de preuve de la participation continue de certains participants à l'entente et la fin de l'entente, mais que, en revanche, la période entre la date du dernier élément de preuve de la participation de la requérante à l'entente et la fin de celle-ci était bien plus courte, cette différence objective justifiant une différence de traitement dans la méthode de fixation de la fin de la participation à l'entente (considérant 953 de la décision attaquée).

136 Ainsi, la Commission ayant considéré que, eu égard à la jurisprudence, la période qui s'était écoulée entre la date du dernier élément de preuve de la participation de Taihan Electric Wire et de LS Cable & System à l'entente était suffisamment longue pour lui imposer de démontrer que ces entreprises avaient continué de participer à l'entente jusqu'à la fin de celle-ci, elle a choisi, en l'absence d'autres éléments de preuve concluant à cet égard, de fixer la fin de la participation à l'entente de ces entreprises à la date du dernier élément de preuve de leur participation.

137 En revanche, la Commission a considéré que, eu égard à la durée de l'entente, à la fréquence réduite des contacts entre les participants durant les dernières années de son existence et à leur attitude particulièrement prudente quant aux preuves potentiellement à charge, la période séparant la date du dernier élément de preuve de la participation de la requérante à l'entente et la fin de celle-ci ne pouvait pas être qualifiée de suffisamment longue au sens de cette même jurisprudence.

138 C'est au regard de ce constat que la Commission a estimé, au considérant 954 de la décision attaquée, que, en l'absence de toute preuve ou de tout élément de preuve susceptible d'être interprété comme une intention déclarée de la requérante de se distancier de l'objet de l'entente, elle était fondée à conclure qu'il existait des preuves suffisantes de sa participation continue à l'entente jusqu'à la date des inspections.

139 À cet égard, ainsi qu'il a été constaté au point 117 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que le dernier élément de preuve de la participation de la requérante à l'entente remonte au 9 juin 2008, soit plus de sept mois avant les inspections qui ont mis fin à l'entente le 28 janvier 2009.

140 Force est de constater que, à cet égard, la requérante se trouvait dans une situation objectivement différente de celle de LS Cable & System et de Taihan Electric Wire, pour lesquelles le dernier élément de preuve au dossier remontait, respectivement, au 1er juillet 2005 et au 1er juillet 2004, de sorte qu'elle ne saurait faire valoir une violation du principe d'égalité de traitement.

141 En cinquième lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la Commission a considéré à tort que la période entre la date du dernier élément de preuve relatif à sa participation à l'entente et la fin de celle-ci était suffisamment courte pour qu'elle puisse exiger d'elle qu'elle démontrât qu'elle s'était publiquement distanciée de l'entente, il convient de relever que la Commission n'a pas procédé à cette appréciation in abstracto, mais en tenant compte des particularités de l'entente et de l'attitude de la requérante.

142 La Commission a ainsi indiqué que les particularités de l'entente, notamment le principe du " territoire national " et l'attribution irrégulière des projets dans les " territoires d'exportation ", réduisaient la nécessité pour les participants d'avoir des contacts fréquents. La Commission a également relevé que les participants à l'entente avaient adopté une attitude particulièrement prudente à l'égard des preuves potentiellement à charge.

143 Cette attitude peut être illustrée, s'agissant de la requérante, par le témoignage de M. Y. I., cité par la requérante elle-même, selon lequel, le 9 avril 2008, il avait à nouveau informé les concurrents de la requérante qu'il ne les rencontrerait même plus (considérant 949 de la décision attaquée).

144 La circonstance que la requérante avait adopté une attitude de prudence dans les dernières années du fonctionnement de l'entente peut également être attestée par un courriel, cité au considérant 427 de la décision attaquée et adressé le 24 juillet 2007 à M. J., de Nexans France, dans lequel M. I., d'Exsym, a déclaré à propos de la requérante :

" Nous ressentons la même frustration que vous. Ils ont décliné toutes nos précédentes invitations [relatives à des projets dans les territoires d'exportation] au motif de risques élevés de divulgation, dissolution du plan, implication de K, que c'était démodé ? etc., tous ayant pour but d'obtenir ces projets soumis indépendamment du niveau de prix [...] "

145 Il ressort de ce courriel que le refus de la requérante d'assister aux réunions relatives à l'attribution de projets dans les " territoires d'exportation " était motivé non par sa volonté de quitter l'entente, mais par sa crainte que sa participation à l'entente soit découverte.

146 Compte tenu de ces circonstances particulières à l'entente ainsi que de la durée relativement courte de la période séparant la date du dernier élément de preuve de la participation de la requérante à l'entente et la fin de celle-ci, par rapport à la durée totale de sa participation à l'entente, il y a lieu de considérer que, eu égard à la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus, la Commission n'a pas commis d'erreur en considérant qu'il appartenait à la requérante de démontrer qu'elle s'était publiquement distanciée de l'entente.

147 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que c'est sans commettre d'erreur que la Commission a fixé la date de la fin de la participation de la requérante à l'entente au 28 janvier 2009.

148 Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur les moyens relatifs au montant de l'amende

149 La requérante soulève cinq moyens à l'appui de sa demande d'annulation de l'article 2, sous p), de la décision attaquée, par lequel la Commission lui a infligé, " conjointement et solidairement " avec Furukawa et Fujikura, une amende au titre de sa participation à l'entente. Il conviendra d'examiner les troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens du recours, relatifs au calcul du montant de base de l'amende, avant le septième moyen, qui concerne l'aménagement dudit montant.

- Observations liminaires

150 Par ses troisième, quatrième et cinquième moyens, la requérante conteste, en substance, l'application par la Commission du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et, plus particulièrement, la façon dont la Commission a déterminé la valeur des ventes en application dudit paragraphe. Par son sixième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur d'appréciation dans la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité de l'infraction.

151 Avant d'examiner les moyens en question, il importe de rappeler les principes qui régissent le calcul de l'amende ainsi que la façon dont la Commission a procédé en l'espèce.

152 Selon la jurisprudence, il ressort de l'article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction poursuivie et que, en vertu de l'article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération la gravité de l'infraction et la durée de celle-ci. Les principes de proportionnalité et d'adéquation de la peine à l'infraction prévoient également que le montant de l'amende infligée doive être proportionnel à la gravité et à la durée de l'infraction (voir, arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T-551/08, EU:T:2014:1081, point 308 et jurisprudence citée).

153 En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doive fixer le montant de l'amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction et qu'elle doive à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T-551/08, EU:T:2014:1081, point 309 et jurisprudence citée).

154 En outre, lors de la détermination du montant de l'amende, selon la jurisprudence, des éléments objectifs tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l'étendue du marché affecté et la détérioration subie par l'ordre public économique doivent être pris en compte. L'analyse doit également prendre en considération l'importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu'une éventuelle récidive. Dans un souci de transparence, la Commission a adopté les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, dans lesquelles elle indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l'infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l'amende (voir arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T-551/08, EU:T:2014:1081, point 310 et jurisprudence citée).

155 Il ressort des paragraphes 19 à 26 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 que le montant de base de l'amende se compose d'un montant variable pouvant aller jusqu'à 30 % des ventes concernées d'une entreprise donnée dans l'EEE, déterminé en fonction du degré de gravité de l'infraction et multiplié par le nombre d'années de participation de cette entreprise à l'infraction, et, s'il y a lieu, d'un montant additionnel, à savoir le " droit d'entrée ", compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes concernées de cette entreprise, quelle que soit la durée.

156 Selon le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l'amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l'entreprise, en relation directe ou indirecte avec l'infraction. À cette fin, la Commission utilise normalement les ventes de l'entreprise réalisées durant la dernière année complète de sa participation à l'infraction.

157 Le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoit toutefois ce qui suit :

" Lorsque l'étendue géographique d'une infraction dépasse le territoire de l'[EEE] (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l'entreprise à l'intérieur de l'EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l'infraction. Tel peut en particulier être le cas d'accords mondiaux de répartition de marchés.

Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l'EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l'infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou services en relation avec l'infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l'EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l'infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l'intérieur de l'EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l'amende. "

158 Le montant de base de l'amende ainsi calculé peut faire l'objet d'aménagements. Il peut ainsi être augmenté s'il existe des circonstances aggravantes, telles que celles prévues au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, ou réduit lorsque la Commission constate l'existence de circonstances atténuantes, telles que celles mentionnées au paragraphe 29 de ces mêmes lignes directrices.

159 La Commission peut également, en vertu du paragraphe 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, augmenter le montant de l'amende à imposer aux entreprises dont le chiffre d'affaires, au-delà des biens et des services auxquels l'infraction se réfère, est particulièrement important afin d'assurer son caractère dissuasif.

160 En toute hypothèse, pour chaque entreprise, le montant total de l'amende ne peut excéder 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent, conformément à l'article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

161 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que, afin de déterminer la valeur des ventes, qui constitue le point de départ du calcul du montant de base de l'amende, la Commission a décidé de se départir de la méthode qui découle du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et d'appliquer la méthode prévue par le paragraphe 18 desdites lignes directrices au motif que les ventes réalisées par certaines entreprises membres de l'entente à l'intérieur de l'EEE ne reflétaient pas de manière adéquate leur poids dans l'infraction, que le territoire couvert par l'entente était plus vaste que l'EEE et que toutes les parties à l'entente étaient des producteurs de premier plan présents dans le monde entier (considérant 968 de la décision attaquée).

162 Par ailleurs, la Commission a également décidé d'utiliser la valeur des ventes réalisées par les entreprises concernées durant l'année 2004, et non la valeur de celles réalisées durant la dernière année complète de la participation de chacune des entreprises. Pour justifier cette approche, premièrement, la Commission a indiqué que les ventes de câbles électriques réalisées à l'échelle de l'EEE et sur le plan mondial avaient sensiblement augmenté à compter de l'année 2006. Dès lors, les ventes réalisées au cours du dernier exercice complet n'étaient pas suffisamment représentatives de la période infractionnelle, notamment pour les entreprises qui ont cessé toute participation à l'entente après 2006. Selon la Commission, le fait de se fonder sur les ventes réalisées en 2004 permet d'obtenir une estimation plus précise de l'importance économique de l'infraction pendant toute sa durée ainsi que du poids relatif des entreprises concernées dans l'infraction. Deuxièmement, la Commission a précisé que le recours aux ventes de l'année 2004 permettait d'éviter un traitement discriminatoire entre les entreprises qui ont mis fin plus tôt à leur participation directe à l'entente et celles qui l'ont poursuivie. Selon la Commission, il ressort du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 que, dans de telles circonstances, elle peut décider de ne pas se fonder sur les ventes de l'année précédente. La Commission a ajouté que le choix d'une seule année de référence était préférable aux fins de l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Selon la Commission, la prise en compte d'années de référence différentes pour l'ensemble des participants pouvait compromettre gravement, en l'espèce, la finalité et l'application dudit paragraphe 18 (considérants 965 et 966 de la décision attaquée).

163 En conséquence, conformément à la méthode décrite au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, tout d'abord, la Commission a déterminé la valeur des ventes de câbles électriques sous-marins et la valeur des ventes de câbles électriques souterrains concernés réalisées ensemble par les membres de l'entente en 2004 dans le monde entier à l'exclusion des États-Unis. Ensuite, elle a vérifié quelles étaient les parts de ces ventes réalisées par chacune des entreprises participant à l'entente (considérant 991 et tableau 4 de la décision attaquée). Enfin, elle a appliqué les pourcentages de parts ainsi établis à la valeur des ventes de câbles électriques sous-marins et à la valeur des ventes de câbles électriques souterrains réalisées par les membres de l'entente en 2004 dans l'EEE. À cette dernière étape, afin de tenir compte de l'évolution territoriale de l'EEE, la Commission a décidé d'établir trois valeurs de ventes : une première pour l'EEE composé de 18 membres, une deuxième pour l'EEE composé de 28 membres et une troisième pour l'EEE composé de 30 membres (considérants 967 et 990 et tableaux 5 à 7 de la décision attaquée).

164 La Commission a dès lors appliqué à chacune de ces trois valeurs de ventes un coefficient correspondant à la gravité de l'infraction. Ce dernier s'élevait à 15 % pour toutes les entreprises ayant pris part à l'entente, auxquels s'ajoutaient 2 % au titre de la part de marché cumulée détenue par ces entreprises et de la portée géographique de l'entente. Les entreprises européennes ayant pris part à la " configuration A/R de l'entente " ainsi qu'à la " configuration européenne de l'entente " se sont vu infliger un coefficient de 2 % supplémentaires. Puis, la Commission a appliqué au chiffre obtenu pour chacune de ces périodes le coefficient multiplicateur correspondant à la durée de l'infraction commise dans l'EEE à 18 membres (du 18 février 1999 au 30 avril 2004), à 28 membres (du 1er mai 2004 au 31 décembre 2006) et à 30 membres (du 1er janvier 2007 au 28 janvier 2009).

165 Pour déterminer le montant de base de l'amende de chaque participant à l'entente, en application du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission a encore ajouté au chiffre obtenu après application du coefficient multiplicateur le " droit d'entrée ", correspondant à une proportion de la valeur des ventes de 17 à 19 %. Ce montant additionnel n'a toutefois pas été appliqué aux entreprises communes, dont fait partie la requérante.

166 Pour finir, après avoir constaté l'absence de circonstances aggravantes, la Commission a tenu compte, à titre de circonstances atténuantes, de la participation limitée de plusieurs entreprises à l'entente ainsi que, pour certaines, de leur méconnaissance d'aspects particuliers de l'entente, en réduisant le montant total de leur amende de 5 % à 10 %. La Commission n'a constaté aucune circonstance atténuante en ce qui concernait la requérante. Par ailleurs, la Commission n'a pas estimé nécessaire d'augmenter le montant des amendes infligées pour leur conférer un effet dissuasif au sens du paragraphe 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

167 S'agissant plus particulièrement de la détermination de la valeur des ventes des entreprises japonaises aux fins de l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, premièrement, la Commission a relevé que la participation de ces entreprises à l'entente se divisait en deux périodes, à savoir une première période de participation directe à l'entente de Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, Furukawa, Fujikura, SWCC Showa Holdings et Mitsubishi Cable Industries, et une seconde période pendant laquelle ces sociétés ont participé à l'entente par le biais de leurs entreprises communes respectives, J-Power Systems, la requérante et Exsym. La Commission a considéré que, dès lors que les sociétés mères ont poursuivi leur participation à l'entente par l'intermédiaire de leurs entreprises communes respectives, il serait artificiel d'utiliser une année de référence différente pour établir la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de l'amende pour la première période et pour la seconde période. La prise en compte d'une année de référence différente conduirait à opérer une discrimination entre des entreprises japonaises et les autres destinataires de la décision attaquée, du seul fait que les entreprises japonaises avaient décidé de constituer des entreprises communes (considérants 977 et 978 de la décision attaquée).

168 Deuxièmement, la Commission a indiqué, en se référant à cet égard aux observations qu'elle a faites dans la communication des griefs, que les ventes à prendre en compte, pour ce qui était des entreprises communes et de leurs sociétés mères, incluaient non seulement les ventes à des tiers réalisées par chaque entreprise commune en 2004, mais aussi les ventes des sociétés mères aux tiers conservés en tant que clients propres pendant la durée de l'entreprise commune. La Commission a relevé, à cet égard, que, au cours de la procédure administrative, Furukawa, Fujikura et la requérante avaient soutenu que cette approche allait à l'encontre du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, dans la mesure où les ventes de Furukawa et de Fujikura réalisées après la création de la requérante ne seraient ni en relation directe ni en relation indirecte avec l'infraction. La Commission a rejeté leurs arguments en indiquant, au considérant 980 de la décision attaquée, que les ventes qui étaient couvertes par l'entente avant la constitution des entreprises communes avaient par la suite été réparties entre les sociétés mères et les entreprises communes selon des critères clairs fondés sur le type de clientèle et sur la portée géographique. La Commission a ajouté que, en application de l'accord sur le " territoire national ", toutes les ventes réalisées par les sociétés mères après la constitution de leurs entreprises communes étaient également protégées par les accords collusoires du fait de la participation desdites entreprises communes à l'entente.

169 Troisièmement, afin de refléter la puissance économique de chaque société mère et son poids dans l'infraction au cours de la période ayant précédé la constitution des entreprises communes, la Commission a décidé de répartir les ventes réalisées pour chaque entreprise commune entre les sociétés mères proportionnellement aux ventes individuelles réalisées par chacune des sociétés mères au cours de l'exercice complet ayant précédé la constitution de leur entreprise commune (considérants 981 et 982 de la décision attaquée).

- Sur les troisième et quatrième moyens, tirés de la violation du principe de proportionnalité et du principe d'égalité de traitement dans la détermination du montant de base de l'amende

170 Dans le cadre des troisième et quatrième moyens, qu'il convient d'examiner ensemble, la requérante fait grief à la Commission d'avoir appliqué en l'espèce la méthode prévue au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 en vue de déterminer le montant des ventes réalisées dans l'EEE par les participants à l'entente, montant qui a servi de base au calcul des amendes qui leur ont été infligées par la décision attaquée.

171 La requérante fait valoir que l'application en l'espèce de cette méthode ne permet pas de refléter correctement le poids relatif des producteurs européens et asiatiques dans l'infraction et viole, par conséquent, le principe d'égalité de traitement dans la fixation du montant de l'amende.

172 Ainsi, premièrement, la requérante soutient que, compte tenu des barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE établies par les producteurs européens dès 1962 et maintenues depuis lors ainsi que de la position de faiblesse dans laquelle se trouvaient les producteurs japonais à cet égard, sa part des ventes sur ce marché serait restée très faible, et ce même en l'absence de l'infraction. Le préjudice causé par la requérante aurait donc été adéquatement reflété par la part des ventes réalisées par celle-ci dans l'EEE. En revanche, la part des ventes mondiales hors États-Unis de la requérante, qui était bien supérieure à la part des ventes dans l'EEE même en l'absence d'infraction, n'aurait pas reflété adéquatement le préjudice causé par la requérante.

173 En conséquence, la requérante considère que sa part des ventes dans l'EEE aurait dû être réduite à 5 % ou moins pour refléter correctement le préjudice causé par les entreprises qui se sont abstenues de toute concurrence dans l'EEE.

174 Par ailleurs, la requérante conteste l'argument avancé par la Commission au considérant 971 de la décision attaquée selon lequel elle ne pouvait pas modifier son approche consistant à se baser sur les parts des ventes mondiales hors États-Unis, car elle devrait alors, contrairement à la jurisprudence établie, démontrer les effets réels de l'entente pour chacune des entreprises destinataires " et/ou " pour les ventes individuelles effectives affectées par l'entente. Selon la requérante, la jurisprudence ne s'oppose pas à ce que la Commission tienne compte des effets d'une infraction si elle décide de le faire. Or la Commission aurait précisément justifié le recours à la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 par la nécessité de tenir compte de tels effets.

175 Deuxièmement, la requérante soutient que l'application par la Commission de la méthode prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 a conduit à sous-évaluer le poids des producteurs européens dans l'entente et à surévaluer, en conséquence, le poids relatif des producteurs asiatiques.

176 En particulier, la requérante soutient que l'application de cette méthode a eu pour effet, par l'utilisation des parts de marché mondiales des participants à l'entente, d'attribuer aux producteurs européens 56 % de la valeur des ventes effectivement réalisées dans l'EEE au lieu de la quasi-totalité de ces ventes comme cela aurait été le cas si la Commission avait appliqué la méthode prévue au paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Cela aurait conduit à réduire d'environ 44 % les amendes imposées aux producteurs européens par rapport à celles qui leur auraient été imposées s'il avait été fait application du paragraphe 13 desdites lignes directrices, alors même que la Commission a reconnu qu'ils avaient participé à la " configuration européenne de l'entente " ainsi qu'à la " configuration A/R de l'entente ". Or, dans le même temps, l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 aurait eu pour effet d'attribuer aux producteurs asiatiques 44 % de la valeur des ventes effectivement réalisées dans l'EEE et aurait entraîné une forte augmentation de leurs amendes par rapport à celles qui leur auraient été infligées s'il avait été fait application du paragraphe 13 desdites lignes directrices, alors même que la Commission aurait reconnu qu'ils n'avaient pris part qu'à la " configuration A/R de l'entente ".

177 En conséquence, la requérante estime que la Commission aurait dû réduire la valeur des ventes effectivement réalisées dans l'EEE attribuées aux producteurs asiatiques dans une proportion égale à la réduction de la valeur des ventes effectivement réalisées dans l'EEE dont ont bénéficié les producteurs européens, soit 44 %.

178 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

179 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 précise que, " [l]orsque l'étendue géographique d'une infraction dépasse le territoire de l'"EEE" (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l'entreprise à l'intérieur de l'EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l'infraction " et que " [t]el peut, en particulier, être le cas d'accords mondiaux de répartition de marchés ".

180 Or, tout d'abord, il y a lieu de considérer que, en l'espèce, la requérante ayant participé à un accord de partage de marché visant, notamment, à réserver l'accès à l'EEE aux producteurs européens, c'est à juste titre que la Commission a estimé qu'il ne serait pas approprié d'appliquer une méthodologie qui se fonde sur ses ventes réelles dans l'EEE. En effet, comme la Commission l'a retenu, cela reviendrait à ne pas sanctionner la requérante à la hauteur de sa participation à l'entente.

181 Ensuite, eu égard à la nature de l'infraction en cause, une méthodologie qui prend en compte les parts du marché mondial est adéquate pour refléter le poids des participants à l'entente dans l'infraction (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 282).

182 Enfin, ainsi que le Tribunal l'a déjà constaté, s'agissant d'un accord de partage de marché entre des entreprises qui se faisaient concurrence à l'échelle mondiale, ce sont les parts du marché mondial qui donnent la représentation la plus adaptée de la capacité desdites entreprises à nuire gravement aux autres opérateurs sur le marché européen et qui fournissent une indication de leur contribution à l'efficacité de l'entente dans son ensemble ou, à l'inverse, de l'instabilité qui aurait régné au sein de l'entente si elles n'y avaient pas participé (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, EU:T:2004:118, point 198, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 186).

183 En effet, eu égard au caractère extrêmement nocif d'un accord de répartition de marchés, qui constitue une des violations les plus graves de l'article 101 TFUE, il est justifié d'imposer des sanctions suffisamment dissuasives à l'égard de producteurs non européens qui s'engagent à ne pas faire concurrence aux producteurs européens sur leur territoire (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 284).

184 Le caractère approprié de la méthodologie utilisée par la Commission en l'espèce pour calculer le montant des ventes réalisées dans l'EEE attribuées aux différents participants de l'entente ne saurait être remis en cause par les arguments de la requérante.

185 En premier lieu, s'agissant de la thèse de la requérante selon laquelle, dès lors que la Commission avait entendu se départir de la méthodologie prévue par le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 pour refléter le poids approprié des entreprises dans l'infraction, elle aurait dû s'attacher aux effets réels de l'infraction sur le marché de l'EEE et, partant, tenir compte du fait que, en raison des barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE, la requérante eût disposé d'une part de marché très faible dans l'EEE même en l'absence d'accord sur le " territoire national ", force est de constater qu'elle ne saurait prospérer.

186 En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, l'affirmation par la Commission, au considérant 971 de la décision attaquée, que la prise en compte des seules ventes individuelles réalisées dans l'EEE par chacune des entreprises destinataires de la décision attaquée " ne refléterait pas correctement le préjudice causé par les entreprises qui se sont abstenues de toute concurrence dans l'EEE " ne signifie pas que celle-ci avait l'intention de s'écarter de l'application habituelle de cette méthodologie pour tenir compte des effets réels de l'entente sur le marché de l'EEE. Au contraire, la Commission a précisé au même considérant qu'il serait artificiel de s'écarter de la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 pour prendre en compte la capacité effective ou l'intérêt commercial à exercer une concurrence pour des projets individuels dans l'EEE et que cela exigerait, en outre, contrairement à la jurisprudence établie, qu'elle démontre les effets réels de l'entente pour chacune des entreprises destinataires " et/ou " pour les ventes individuelles affectées par l'entente.

187 Au demeurant, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence, en participant à un accord de répartition de marchés, qui avait comme objectif, notamment, de restreindre l'accès des producteurs japonais à l'EEE, la requérante a elle-même contribué à une situation dans laquelle ses ventes réelles dans l'EEE ne pouvaient pas être utilisées comme élément reflétant son poids relatif dans l'infraction (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 286).

188 En outre, il convient de relever que, ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé, une approche qui repose sur les parts du marché mondial de la requérante prend en compte, même si ce n'est que de manière agrégée, les éventuelles barrières à l'entrée pouvant exister dans les différents segments géographiques du marché mondial (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 288). Or, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été exposé au point 163 ci-dessus, en l'espèce, la Commission a utilisé, en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une approche fondée sur les parts du marché mondial de l'entreprise, au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, formée par Furukawa, Fujikura et la requérante.

189 Dès lors, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a suffisamment pris en compte l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE dans la détermination de la valeur des ventes.

190 En second lieu, s'agissant de la thèse de la requérante selon laquelle, en appliquant la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission aurait sous-estimé le poids des producteurs européens dans l'infraction, il y a lieu de relever que celle-ci ne saurait davantage prospérer.

191 En effet, il convient de relever que, ainsi que la requérante l'a précisé à l'audience, elle ne conteste pas la possibilité pour la Commission de faire application de la méthode prévue au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 afin de refléter le poids relatif des participants à une entente lorsque, comme c'était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission (T-519/09, non publié, EU:T:2014:263), les producteurs européens, d'une part, et les producteurs asiatiques, d'autre part, se sont engagés à ne pas pénétrer sur leurs marchés domestiques respectifs. Elle fait toutefois valoir que l'application de cette méthode ne permet pas de refléter correctement le poids relatif des participants à l'entente lorsque, comme en l'espèce, les producteurs européens ne se sont pas contentés de s'abstenir d'entrer sur le marché domestique des producteurs asiatiques, mais se sont également partagé le marché dans l'EEE. Selon la thèse de la requérante, dans une telle hypothèse, l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 conduirait à sous-évaluer le poids des producteurs européens dans l'entente et, partant, à surévaluer le poids des producteurs japonais, ce qui constituerait, conformément à la position exprimée par la Cour dans l'arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C-580/12 P, EU:C:2014:2363), une violation du principe d'égalité de traitement dans la détermination du montant de l'amende.

192 Or, premièrement, il convient d'observer que la thèse de la requérante repose sur la prémisse que l'application de la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 aurait favorisé les producteurs européens en réduisant la part des ventes effectivement réalisées dans l'EEE qui leur ont été attribuée en application du paragraphe 13 de ces lignes directrices. Toutefois, force est de constater qu'une telle prémisse est erronée dès lors que, eu égard à la nature de l'infraction, qui consistait, notamment, à restreindre l'accès des producteurs japonais au marché de l'EEE, la part des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l'EEE ne pouvait servir de base pour apprécier leur poids dans l'infraction comme le prévoit le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. En effet, l'utilisation de la part des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l'EEE aurait conduit, en l'espèce, à surévaluer leur poids dans l'entente et à les sanctionner au-delà de leur participation à celle-ci. Il ne saurait donc être considéré, comme le soutient la requérante, que l'écart entre le montant des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l'EEE et celui qui leur a été attribué en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 témoigne d'un avantage qui leur aurait été accordé par la Commission.

193 Deuxièmement, il convient également de rejeter l'argument de la requérante selon lequel l'utilisation de la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, en conduisant à infliger aux producteurs européens des amendes moins élevées que celles qui leur auraient été infligées en application du paragraphe 13 desdites lignes directrices, ne tient pas compte de la plus grande gravité de leur comportement. En effet, ainsi qu'il ressort des paragraphes 13 à 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la détermination de la valeur des ventes à utiliser pour le calcul du montant de base de l'amende ne tient pas compte de la gravité du comportement des participants à l'entente. En effet, ainsi qu'il ressort des paragraphes 19 à 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, c'est la gravité de ce comportement, tel qu'appréciée par la Commission, qui détermine la proportion de la valeur des ventes qui sera retenue pour le calcul du montant de base de l'amende.

194 Partant, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, en appliquant la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 pour déterminer la valeur des ventes à prendre compte pour le calcul de l'amende, la Commission n'a pas violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

195 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les troisième et quatrième moyens du recours comme non fondés.

- Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation des principes fondamentaux de responsabilité personnelle et de faute personnelle ainsi que du principe d'égalité de traitement en ce que la Commission a erronément retenu les chiffres des ventes de Fujikura et de Furukawa pour calculer la part de marché mondiale hypothétique de la requérante

196 La requérante fait grief à la Commission d'avoir tenu compte des ventes réalisées par ses sociétés mères, à savoir Fujikura et Furukawa, pour déterminer sa part des ventes mondiales hors États-Unis en 2004.

197 Premièrement, la requérante soutient que la Commission n'a pas allégué dans la décision attaquée que les ventes réalisées par ses sociétés mères après sa création étaient liées à l'entente. L'absence de lien entre lesdites ventes et l'entente serait d'ailleurs confirmée par le fait que la Commission a distingué dans la décision attaquée la période antérieure à la création de la requérante, pour laquelle les sociétés mères sont tenues pour responsables de leur propre participation à l'entente, et la période postérieure à la création de la requérante, lors de laquelle la Commission a estimé qu'elles avaient continué de prendre part à l'entente à travers la requérante, et pour laquelle elle les a tenues, en conséquence, pour " solidairement et conjointement " responsables du comportement de cette dernière. Dès lors, ni la requérante ni ses sociétés mères ne pourraient être sanctionnées pour les ventes réalisées par ces dernières après la création de la requérante et en dehors de celle-ci.

198 Deuxièmement, la requérante fait observer que, si, conformément à la jurisprudence relative à l'imputation à une entreprise de la responsabilité d'une infraction à l'article 101 TFUE, le principe de responsabilité personnelle ne s'oppose pas à ce que le comportement d'une filiale soit, dans certaines conditions, imputé à sa société mère et à ce que cette dernière puisse, en conséquence, se voir adresser une décision lui imposant une amende, il ne ressort pas de cette jurisprudence que le comportement d'une société mère puisse, en l'absence desdites conditions, être imputé à sa filiale. Ces conditions n'étant pas remplies en l'espèce, la requérante ne pourrait pas se voir imputer les ventes réalisées par Fujikura et Furukawa au Japon après sa création.

199 Troisièmement, la requérante fait également observer que, dès lors que la Commission a tenu compte des ventes de Fujikura et de Furukawa pour calculer le montant de l'amende à laquelle elle a été condamnée, la condamnation " conjointe et solidaire " de celles-ci au paiement de cette amende a eu pour conséquence de les rendre responsables de ventes qu'elles n'avaient pas réalisées, ce qui est également contraire au principe de responsabilité personnelle, ce que la Commission aurait admis dans la décision du 5 décembre 2012 relative à une procédure d'application de l'article 101 [TFUE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/39.437 - Tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d'ordinateur).

200 Quatrièmement, la requérante fait valoir, en réponse à l'argument avancé par la Commission au considérant 980 de la décision attaquée selon lequel il devait être tenu compte des ventes en question au motif que celles-ci étaient protégées par l'accord sur le " territoire national " du fait de sa propre participation à l'entente, que, d'une part, cette protection n'ayant eu d'effet qu'à l'égard des ventes réalisées au Japon, la Commission n'était pas compétente pour connaître d'un tel comportement et, d'autre part, cette protection ayant été rendue possible par l'application de l'accord sur le " territoire national " par tous les participants à l'entente, il serait contraire au principe d'égalité de traitement d'imputer les ventes en question à elle seule.

201 Cinquièmement, la requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur le comportement de Fujikura et de Furukawa relatif aux ventes de celles-ci qui lui sont imputées, ni d'examiner et de confirmer les chiffres des ventes en question.

202 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet du cinquième moyen.

203 À cet égard, premièrement, il importe de souligner que l'argument de la requérante selon lequel la Commission n'aurait pas estimé dans la décision attaquée que les ventes de câbles électriques à haute tension réalisées par Fujikura et Furukawa au Japon après sa création faisaient partie de l'entente manque en fait. La Commission a en effet indiqué au considérant 980 de la décision attaquée ce qui suit :

" Les ventes qui étaient couvertes par l'entente avant la constitution des entreprises communes ont ensuite été réparties entre les sociétés mères et les entreprises communes selon des critères clairs fondés sur le type de clientèle et la portée géographique. Par l'application du principe de territoire national, toutes les ventes réalisées par les sociétés mères après la constitution de leurs entreprises communes étaient également protégées par les accords collusoires du fait de la participation des entreprises communes à l'entente. En conséquence, les ventes étaient en relation directe avec l'infraction et doivent être considérées comme étant couvertes par l'entente pour ce qui est de chaque entreprise comprenant l'entreprise commune et sa société mère aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger à ces entreprises. "

204 Deuxièmement, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence, dans le cas où deux sociétés mères détiennent chacune 50 % de l'entreprise commune ayant commis une infraction aux règles du droit de la concurrence, c'est uniquement aux fins de la constatation de la responsabilité pour la participation à l'infraction à ce droit et seulement dans la mesure où la Commission a démontré, sur la base d'un ensemble d'éléments factuels, l'exercice effectif de l'influence déterminante des deux sociétés mères sur l'entreprise commune, que ces trois entités peuvent être considérées comme faisant partie d'une unité économique formant ainsi une seule entreprise au sens de l'article 101 TFUE (arrêts du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C-179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 58 ; du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, EU:T:2006:266, points 137 et 138, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T-343/06, EU:T:2012:478, point 45).

205 En l'espèce, la Commission ayant constaté que Fujikura et Furukawa avaient exercé effectivement une influence déterminante sur le comportement de la requérante sur le marché, sans que cela soit contesté par la requérante, ces trois sociétés pouvaient être regardées comme faisant partie d'une unité économique formant une seule entreprise, aux fins de la constatation de leur responsabilité pour la participation à une infraction à l'article 101 TFUE. C'est sur cette base que la Commission a tenu Furukawa, Fujikura et la requérante pour " conjointement et solidairement " responsables de l'amende infligée à cette dernière.

206 Dans une telle situation, il ne saurait être considéré que, par principe, la Commission ne pouvait pas tenir compte des ventes réalisées par Furukawa et Fujikura pour calculer la valeur des ventes hypothétiques réalisées par la requérante dans l'EEE en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

207 Il convient en effet de relever que le paragraphe 6 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 précise que " la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l'infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l'importance économique de l'infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l'infraction ". Or, conformément au paragraphe 13 desdites lignes directrices, il doit être tenu compte de la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l'entreprise en relation directe ou indirecte avec l'infraction.

208 Il est vrai que, généralement, la Commission tient compte seulement des ventes réalisées par l'entreprise commune aux fins de calculer l'amende à laquelle sont, in fine, condamnées " conjointement et solidairement " les sociétés mères, pour autant qu'il soit démontré qu'elles ont exercé une influence déterminante sur leur filiale.

209 Toutefois, en l'espèce, Furukawa et Fujikura n'ont pas transféré à leur filiale la totalité des activités couvertes par l'entente, mais elles ont conservé pour elles-mêmes une partie de ces activités.

210 En effet, la Commission a relevé que la requérante avait été créée sur la base d'un accord d'entreprise commune conclu en 2001 (ci-après l'" AEC 2001 "), modifié en 2004 par un nouvel accord (ci-après l'" AEC 2004 "), entré en vigueur le 1er janvier 2005. Selon l'AEC 2001, la requérante fonctionnait en tant qu'agent des ventes à l'étranger pour ses sociétés mères, et non en tant que société ayant une présence autonome sur le marché. L'AEC 2004, entré en vigueur le 1er janvier 2005, a prévu un élargissement de l'étendue des activités de la requérante, comprenant désormais la fabrication et la vente des câbles à tous les clients des sociétés mères à l'exception des sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d'électricité, qui étaient réservées aux sociétés mères (considérant 828 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué que l'AEC 2004 avait relâché les relations entre la requérante et ses sociétés mères, sans que, pour autant, ces dernières aient cessé d'exercer une influence déterminante sur la première (considérant 850 de la décision attaquée).

211 La Commission a indiqué que, pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2004, la requérante était un agent des ventes à l'étranger agissant pour ses sociétés mères. Il ressort du considérant 825 de la décision attaquée, non contesté par la requérante, que, pendant cette période, Fujikura et Furukawa ont transféré à la requérante leurs ventes respectives de câbles électriques sous-marins et souterrains en dehors du Japon à des entreprises non japonaises. Les installations de production et les activités de vente au Japon ainsi qu'à des sociétés japonaises hors du Japon ont été conservées par les sociétés mères. Il ressort du considérant 828 de la décision attaquée que, à la suite des modifications apportées par l'AEC 2004, à partir du 1er janvier 2005, les activités de la requérante englobaient la fabrication et la vente de câbles à tous les clients des sociétés mères à l'exception des sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d'électricité, qui étaient réservées aux sociétés mères.

212 Ainsi, les ventes réalisées par Furukawa et Fujikura à leurs clients réservés couvraient, d'une part, pendant la période de validité de l'AEC 2001, les ventes aux sociétés japonaises effectuées tant à l'intérieur que hors du Japon et, d'autre part, pendant la période de validité de l'AEC 2004, les ventes aux sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d'électricité. De plus, ces ventes portaient bien sur les câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension fabriqués initialement par Furukawa et Fujikura puis par la requérante elle-même. Ainsi, durant la période d'activité de l'entreprise commune, les ventes étaient partagées entre les sociétés mères et l'entreprise commune sur la base de critères clairement définis fondés sur les types de clients et la portée géographique (considérant 980 de la décision attaquée).

213 Or, conformément à la jurisprudence, la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction. Ainsi, la Commission pouvait légitimement tenir compte des ventes des sociétés mères, car elles avaient été réalisées sur un marché affecté par l'entente (arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, EU:C:2015:258, points 55 et 56) et étaient par ailleurs des ventes de l'entreprise à laquelle la requérante appartenait (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C-286/13 P, EU:C:2015:184, points 149 et 150).

214 Troisièmement, il convient de rejeter l'argument de la requérante tiré de ce que les ventes réalisées au Japon ne relèveraient pas du champ d'application territorial de l'article 101 TFUE. En effet, ainsi que le fait observer la Commission, la valeur des ventes au Japon n'a été prise en considération que pour déterminer la part des ventes de chaque entreprise concernée sur le plan mondial hors États-Unis. Les seules ventes sur la base desquelles les amendes ont été infligées sont celles réalisées dans l'EEE, redistribuées en fonction de ces parts des ventes mondiales.

215 Quatrièmement, il a lieu également d'écarter l'argument de la requérante selon lequel, la protection des ventes réalisées par Fujikura et Furukawa au Japon ayant été rendue possible par la participation à l'entente des autres producteurs japonais, ceux-ci auraient également dû, sauf à porter atteinte au principe d'égalité de traitement, se voir imputer les ventes en question. En effet, la requérante méconnaît ici le fait que la Commission a procédé de la même manière pour calculer la valeur des ventes des deux autres entreprises communes japonaises, à savoir Exsym et J-Power Systems, de sorte que chaque entreprise commune japonaise s'est vu imputer les ventes réalisées par ses sociétés mères au Japon.

216 Cinquièmement, il convient de rejeter les affirmations de la requérante selon lesquelles elle n'était pas en mesure d'examiner et de confirmer le comportement de ses sociétés mères relatif aux ventes qui lui sont imputées et n'a pas non plus pu examiner ni confirmer les données relatives à ces ventes sur lesquelles Furukawa et Fujikura se sont appuyées pour communiquer leurs chiffres de ventes à la Commission. En effet, il ressort du dossier que, le 25 octobre 2013, la Commission a permis à la requérante de consulter les chiffres de ventes de ses sociétés mères dont elle disposait, c'est-à-dire ceux fournis par Furukawa et Fujikura en réponse à la demande d'information de la Commission du 17 mai 2013.

217 Sixièmement, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'inclusion dans l'entente des ventes de câbles électriques à haute tension réalisées par Fujikura et Furukawa au Japon après sa création n'est pas contradictoire avec le constat de la Commission aux considérants 817, 977 et 978 de la décision attaquée selon lequel, durant cette période, Fujikura et Furukawa ont participé indirectement à l'entente au travers de leur entreprise commune. En effet, ainsi qu'il a été relevé au point 51 ci-dessus, la Commission a constaté à cet égard, dans la décision attaquée, que Fujikura et Furukawa avaient transféré à la requérante dès le début du fonctionnement de celle-ci certaines des activités couvertes par l'entente qu'elles réalisaient jusque-là par leurs propres moyens et qu'elles avaient exercé sur la requérante une influence déterminante relativement à ces activités. Il ne saurait en être déduit que, à partir de la création de la requérante, les activités jusque-là considérées comme couvertes par l'entente, mais qui ne lui avaient pas été transférées par Fujikura et Furukawa, à savoir les ventes au Japon, n'étaient plus ipso facto couvertes par l'entente. C'est précisément parce que la requérante, à laquelle avaient été transférées les activités de vente de câbles électriques en dehors du Japon et sur laquelle Fujikura et Furukawa exerçaient une influence déterminante, respectait l'accord sur le " territoire national " que Fujikura et Furukawa bénéficiaient de cet accord pour les ventes qu'elles réalisaient au Japon. C'est en ce sens que la Commission a considéré que Fujikura et Furukawa avaient continué de participer à l'entente à compter de la création de la requérante de façon indirecte. En outre, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, une personne juridique qui n'est pas l'auteur d'une infraction au droit de la concurrence peut néanmoins être sanctionnée pour le comportement infractionnel d'une autre personne juridique, dès lors que ces personnes font toutes deux partie de la même entité économique et forment ainsi l'entreprise ayant enfreint l'article 101 TFUE (arrêt du 17 septembre 2015, Total/Commission, C-597/13 P, EU:C:2015:613, point 34).

218 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen du recours comme étant non fondé.

- Sur le sixième moyen, tiré d'une erreur de la Commission dans l'appréciation de la gravité de l'infraction en ce qu'elle a considéré, sans éléments de preuve à cet égard, que la part de marché cumulée des destinataires de la décision attaquée dans l'EEE justifiait d'augmenter la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte de 2 %

219 La requérante fait valoir, en substance, que la justification d'une augmentation de 2 % de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte pour le calcul de l'amende, à savoir le fait que les destinataires de la décision attaquée constituaient presque l'intégralité du marché de câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension de l'EEE, ne reposait sur aucun élément de preuve.

220 Ainsi, la requérante fait observer que la Commission a indiqué dans la décision attaquée que, bien que les entreprises participant à l'entente n'avaient pas été à même de fournir des informations fiables et cohérentes pour estimer leur part de marché des produits en cause dans l'EEE, il existait d'autres indications pouvant offrir des informations utiles à cet égard. Toutefois, selon la requérante, s'il est vrai que peu d'entreprises avaient fourni des informations sur leurs parts de marché, il n'en reste pas moins qu'ABB avait fourni des estimations dont il ressortait que les destinataires de la décision attaquée détenaient ensemble une part de marché cumulée inférieure à 50 % dans l'EEE. Or, la Commission n'aurait pas expliqué pourquoi elle ne pouvait pas tenir compte de ces estimations. La requérante fait également grief à la Commission de ne pas avoir, dès lors qu'elle ne disposait pas, prétendument, d'informations fiables et cohérentes, fait usage de ses propres pouvoirs d'investigation pour obtenir les parts de marché des entreprises participant à l'entente.

221 En outre, la requérante conteste que les autres indications auxquelles la Commission s'est référée dans la décision attaquée permettent d'établir que la part de marché cumulée des entreprises participant à l'entente couvrait presque l'intégralité du marché de l'EEE des produits en cause.

222 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

223 À cet égard, premièrement, s'agissant de l'argument selon lequel la Commission aurait ignoré les estimations des parts de marché fournies par ABB, il convient de relever qu'il ressort de la lecture de la demande de renseignements adressée à ABB par la Commission le 29 novembre 2010 ainsi que de la réponse d'ABB à cette demande que les chiffres mentionnés par ABB dans ladite réponse se réfèrent aux produits tels que définis dans la demande de renseignements, à savoir les câbles électriques souterrains de 33 kV ou plus et les câbles électriques sous-marins de 1 kV ou plus. Or, la Commission ayant finalement défini la portée de l'entente dans la décision attaquée comme s'étendant aux câbles électriques souterrains de 110 kV ou plus et aux câbles électriques sous-marins de 33 kV ou plus, il y a lieu de constater que les chiffres fournis par ABB n'étaient pas pertinents. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir considéré que les estimations fournies par ABB ne pouvaient être regardées comme des données suffisamment fiables au regard des produits tels que décrits dans la décision attaquée.

224 Deuxièmement, s'agissant du grief de la requérante relatif au fait que la Commission n'a pas utilisé ses pouvoirs d'investigation pour connaître la part de marché dans l'EEE des différents destinataires de la décision attaquée, il suffit de relever que, conformément au paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission peut tenir compte, dans le cadre de l'appréciation de la gravité de l'infraction, de la " part de marché cumulée " de toutes les parties concernées. Or, il convient de relever que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, la détermination de cette part de marché cumulée ne nécessite pas de connaître précisément la part de marché de chacune des parties intéressées. L'importance de la part de marché cumulée des parties concernées peut également se déduire de l'absence d'autres concurrents connus sur le marché. Ainsi, dès lors que la Commission avait constaté que les parties concernées représentaient la quasi-intégralité des producteurs sur le marché des câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension dans l'EEE, elle était fondée à présumer qu'elles possédaient une part de marché très étendue. Il est d'ailleurs notable à cet égard que, alors que la requérante soutient que la Commission n'a pas établi que les parties concernées représentaient presque l'intégralité du marché, elle n'est pas en mesure de citer un seul producteur qui n'aurait pas participé à l'entente et dont la présence sur le marché aurait limité la part de marché des parties concernées. La requérante ne saurait à cet égard s'abriter derrière la répartition de la charge de la preuve ou une méconnaissance du marché comme elle le fait valoir. En effet, la Commission ayant expliqué de manière pertinente (considérant 1003 de la décision attaquée) les raisons pour lesquelles elle estimait que les parties concernées représentaient presque l'intégralité du marché, il revient à la requérante, lorsqu'elle conteste le bien-fondé de cette explication, de rapporter la preuve de ses propres allégations. À cet égard, ainsi que le relève la Commission, il est établi que la requérante assistait aux réunions A/R durant lesquelles l'état général du marché était discuté, comme en témoignent les notes de la réunion du 3 décembre 2007 qui débutent par une section intitulée " Questions d'ordre général ", et qu'elle connaissait suffisamment le marché de l'EEE pour créer une entreprise commune avec Nexans France en 2006 (considérants 402 et 403 de la décision attaquée).

225 Troisièmement, s'agissant de la thèse de la requérante selon laquelle la Commission ne pouvait pas fonder la présomption que les destinataires de la décision attaquée représentaient presque l'intégralité du marché dans l'EEE sur les constatations exposées au considérant 1003 de la décision attaquée, force est de constater qu'elle ne saurait davantage prospérer.

226 En effet, il ressort du considérant 1003 de la décision attaquée que la Commission a fondé la présomption en question sur l'affirmation que les destinataires de ladite décision étaient les fournisseurs principaux dans le secteur des câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension dans l'EEE, voire les fournisseurs exclusifs pour certains des produits visés par cette décision, ainsi que sur l'affirmation qu'ils se considéraient et étaient considérés comme tels. La requérante soutient que les documents mentionnés dans les notes en bas de pages 38 et 39 sous le considérant 35 de la décision attaquée, auquel renvoie le considérant 1003, ne démontrent pas la première affirmation et que la seconde affirmation est dénuée de pertinence pour apprécier la part de marché cumulée des destinataires de ladite décision.

227 Or, d'une part, s'il y a lieu de considérer que le fait que les destinataires de la décision attaquée se considèrent comme les leaders européens et mondiaux dans le secteur des câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension et sont considérés comme tels ne peut, à lui seul, rapporter une preuve de l'étendue de leur part de marché, il convient de relever qu'il constitue une indication dont il peut être tenu compte dans le cadre d'une appréciation globale du critère de la part de marché cumulée dans l'EEE mentionné au paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

228 D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de considérer que le rapport réalisé pour le compte de la Commission par le cabinet d'expertise-conseil Laboratorio di economia, antitrust, regolamentazione (LEAR, laboratoire d'économie, d'antitrust et de régulation), pour rendre compte de la situation sur le marché des câbles électriques à haute tension après la concentration entre Pirelli et BICC en 1999, mentionné dans les notes en bas de page sous le considérant 35 de la décision attaquée, démontre à suffisance de droit l'affirmation selon laquelle les destinataires de ladite décision sont les fournisseurs principaux dans le secteur des câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension dans l'EEE. Il ressort ainsi de la page 107 de ce rapport que, au cours des années 1999 à 2003, deux des destinataires de la décision attaquée, à savoir Pirelli et Nexans France, détenaient les deux tiers des parts de marché des câbles électriques à haute tension dans l'Union. Il ressort également des pages 107 et 108 de ce même rapport que, au cours de la même période, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni, trois ou quatre des destinataires de la décision attaquée disposaient chacun de 70 %, 60 % et 95 % des parts de marché cumulées. La circonstance que les chiffres utilisés pour rédiger ce rapport proviennent de Prysmian Cavi e Sistemi Energia tend, en outre, à démontrer le bien-fondé de l'affirmation selon laquelle les destinataires de la décision attaquée se considéraient comme les principaux producteurs de câbles électriques à haute tension.

229 Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas le caractère probant des autres documents cités par la Commission, notamment dans les notes en bas de pages 37 et 40 de la décision attaquée, pour démontrer que les destinataires de ladite décision étaient les principaux producteurs de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension au monde. La requérante se borne, en effet, à faire valoir que le rapport du groupe bancaire Crédit Suisse daté du 12 septembre 2013 ainsi que le rapport annuel de Prysmian Cavi e Sistemi Energia de 2008 ne faisaient pas partie du dossier de la Commission et qu'elle n'a donc pas pu prendre position à leur égard. Toutefois, il convient de relever que, ces informations étant disponibles sur Internet à l'adresse indiquée par la Commission dans la décision attaquée, la requérante a, depuis l'adoption de cette décision, eu l'occasion de prendre connaissance de ces informations. Or, force est de constater qu'elle n'a formulé aucun grief spécifique à leur égard. Par ailleurs, pour autant que la requérante souhaiterait faire valoir ici une violation de ses droits de la défense, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, celle-ci ne serait pas de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée, dans la mesure où la requérante reste en défaut d'expliquer en quoi l'absence d'une telle violation aurait conduit la Commission à ne pas adopter ladite décision ou à en modifier le contenu [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T-31/07, non publié, EU:T:2013:167, points 294 et 295].

230 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le sixième moyen du recours comme non fondé.

- Sur le septième moyen, tiré d'une violation du principe de responsabilité personnelle et du principe d'égalité de traitement en ce que la Commission a erronément considéré que la requérante faisait partie du noyau dur de l'entente et a, en conséquence, refusé de lui accorder une réduction du montant de l'amende au titre du paragraphe 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006

231 En premier lieu, la requérante soutient qu'elle ne satisfaisait pas aux critères établis par la Commission au considérant 545 de la décision attaquée pour être classée parmi les destinataires de cette décision appartenant au noyau dur de l'entente et qu'elle aurait dû, en conséquence, bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre du paragraphe 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

232 En particulier, premièrement, la requérante fait valoir qu'elle n'a pas participé à la création de l'entente et que la Commission ne saurait, conformément au principe de responsabilité personnelle, lui imputer le comportement de ses sociétés mères à cet égard, ce que d'ailleurs la Commission n'aurait pas fait concernant un autre participant à l'entente, à savoir Silec Cable. L'affirmation de la Commission selon laquelle la requérante a permis à ses sociétés mères de perpétuer leurs activités collusoires dès sa création serait non seulement infondée, mais également dénuée de pertinence en ce qui concerne sa participation à la création de l'entente.

233 Deuxièmement, la requérante n'aurait été qu'un simple participant à l'entente. Ainsi, il n'existerait pas de preuve qu'elle ait joué un rôle de coordinateur du côté des membres A de l'entente. Elle n'aurait pas surveillé le respect des accords, ni activement mis en œuvre l'accord sur le " territoire national " ou contribué aux accords conclus dans le cadre de l'entente comme le prétend la Commission. Au contraire, elle aurait joué un rôle perturbateur dans l'application de ceux-ci.

234 En second lieu, la requérante fait valoir que, dès lors qu'elle se trouvait en réalité dans la même situation qu'Exsym, conformément au principe d'égalité de traitement, elle aurait dû obtenir, à l'instar de celle-ci, une réduction du montant de l'amende de 5 %.

235 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

236 À cet égard, il convient de relever que, au considérant 545 de la décision attaquée, la Commission a justifié la composition du noyau dur de l'entente comme suit :

" Nexans, Pirelli/Prysmian, Sumitomo, Hitachi et J-Power Systems, Furukawa, Fujikura et Viscas étaient impliquées dans pratiquement toutes les activités de l'entente décrites au considérant 493. Ces dernières (ou leurs prédécesseurs) ont pris part aux négociations qui ont mené à l'entente et elles ont été impliquées dès le début de l'entente. De plus, les représentants de ces participants étaient impliqués dans la plupart des communications et des réunions de l'entente malgré l'existence de leurs coordonnateurs respectifs. En assistant aux réunions A/R, tous les membres constitutifs du noyau dur des participants à l'entente étaient capables d'établir les paramètres de l'entente. À l'exception de [J-Power Systems], tous les participants sont restés actifs dans l'entente jusqu'à la fin. En raison de leur participation clé dans l'établissement et la mise en œuvre d[e] [l'accord sur le territoire national] et (pour Nexans et Pirelli/Prysmian) leur rôle dans la " configuration européenne de l'entente ", ces parties sont dès lors considérées comme le noyau dur des participants à l'entente. "

237 Aux considérants 560 et 561 de la décision attaquée, la Commission a décrit, plus particulièrement, la situation de la requérante à cet égard. Elle a ainsi indiqué que " [d]es employés de [la requérante] [avaie]nt assisté à un grand nombre de réunions bilatérales et multilatérales avec les concurrents européens et asiatiques entre octobre 2001 et janvier 2009 " et qu'ils étaient " profondément impliqués dans d'autres contacts anticoncurrentiels ", en renvoyant à plusieurs exemples cités dans la décision attaquée. La Commission a également relevé que " [l]es éléments de preuve indiqu[aient] que les réunions anticoncurrentielles et d'autres contacts entre [la requérante] et les autres parties concernaient les câbles électriques tant [souterrains] que [sous-marins] " et que, " [a]u cours de ces contacts, [la requérante] a[vait] non seulement activement respecté le territoire national européen [...] mais était également impliquée dans l'attribution de projets dans les territoires d'exportation concernant les câbles électriques tant [souterrains] que [sous-marins] ", en renvoyant là aussi à plusieurs exemples cités dans la décision attaquée.

238 Dans le cadre de l'application du paragraphe 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission a décidé de tenir compte, à titre de circonstances atténuantes, du rôle substantiellement limité joué par certains participants à l'entente n'appartenant pas au noyau dur. Elle a ainsi accordé une réduction de 5 % du montant de l'amende aux participants qui n'appartenaient pas au noyau dur, mais qui ne pouvaient pas pour autant être qualifiés de marginaux, ainsi qu'une réduction de 10 % aux membres marginaux de l'entente. La Commission a, en outre, accordé une réduction supplémentaire de 1 % à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings, pour la période précédant la création d'Exsym, ainsi qu'à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire, pour n'avoir pas eu connaissance de certains aspects de l'infraction et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci (considérants 1026 à 1033 de la décision attaquée).

239 Premièrement, s'agissant, de l'argument de la requérante selon lequel la Commission l'aurait, à tort, classée dans le noyau dur de l'entente, tout d'abord, il convient de rappeler que Furukawa et Fujikura ont effectivement pris part aux négociations qui ont conduit à l'entente en cause dont le point de départ a été fixé au 18 février 1999 et que, ainsi que cela a été constaté dans le cadre de l'examen du premier moyen du recours, celles-ci ont continué de participer à l'entente par l'intermédiaire de la requérante à compter de la création de celle-ci, avec laquelle elles formaient une unité économique au sens de l'article 101 TFUE. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur en considérant que les prédécesseurs de la requérante avaient pris part aux négociations qui ont conduit à l'entente. Ce constat est sans préjudice de la question de savoir si un tel critère permettait, en lui-même, d'identifier correctement les participants à l'entente les plus actifs.

240 Pour autant que l'argumentation de la requérante doive être interprétée comme visant le bien-fondé d'un tel critère, au regard du principe de responsabilité personnelle, il convient de relever que ce critère ne vise pas à imputer à la société filiale, ici la requérante, le comportement de sa ou de ses sociétés mères, ici Furukawa et Fujikura, antérieur à sa création, mais simplement à tenir compte d'une différence de situation objective entre les participants à l'entente qui n'ont eu aucun rapport avec l'élaboration de celle-ci et ceux dont les prédécesseurs ont fondé l'entente en question.

241 Ensuite, force est de constater que la Commission n'a pas fondé l'appartenance de la requérante au noyau dur de l'entente sur le constat qu'elle aurait joué un rôle de coordinateur du côté des membres A de l'entente ou qu'elle aurait surveillé la mise en œuvre de l'entente. Par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les nombreux arguments échangés par les parties dans leurs écritures à cet égard, en particulier concernant la preuve du rôle de coordinateur joué par la requérante.

242 En outre, il convient de rejeter les allégations générales de la requérante selon lesquelles elle n'aurait pas respecté activement le " territoire national " européen. Le considérant 561 de la décision attaquée renvoie en effet à de nombreux exemples à l'égard desquels la requérante ne formule pas de griefs spécifiques.

243 Enfin, il convient également de rejeter les allégations de la requérante selon lesquelles sa participation à l'entente aurait été substantiellement réduite, car elle aurait joué un rôle perturbateur.

244 En effet, la requérante renvoie ici à un certain nombre d'allégations factuelles présentées dans la partie introductive de son recours. La requérante y fait valoir que, à de nombreuses occasions, entre 2005 et 2008, elle avait refusé d'attribuer des projets ou des clients et avait, ainsi, " perturbé " les efforts d'attribution de projets des autres membres de l'entente. En réalité, comme le souligne la Commission dans le mémoire en défense, les exemples cités par la requérante semblent concerner des cas dans lesquels celle-ci s'est montrée réticente à participer aux discussions par crainte que l'entente soit découverte, et non parce qu'elle s'opposait par principe à celle-ci. Les situations évoquées par la requérante témoignent certes de tensions entre les membres, mais ne démontrent pas que la requérante refusait de participer à l'entente. En outre, les exemples donnés par la requérante portent pratiquement tous sur l'attribution de projets individuels dans les " territoires d'exportation ". Pour ce qui est de l'ensemble des accords, la requérante a continué de participer à l'entente au cours de cette période en pleine connaissance de cause, comme en témoignent plusieurs passages de la décision attaquée qui n'ont pas été remis en cause par la requérante.

245 Ainsi, le 20 octobre 2005, la requérante a organisé un dîner pour d'autres membres de l'entente, au cours duquel il a été suggéré de rétablir le niveau de coopération précédent (considérant 369 de la décision attaquée). Le 13 janvier 2006, la requérante a été représentée lors d'une réunion A/R, ce qui montre, comme le souligne la Commission, qu'elle avait surmonté toute réticence, exprimée en 2005, à rencontrer les autres membres de l'entente (considérant 374 de la décision attaquée). La requérante a pris part à une autre réunion A/R le 27 avril 2006 (considérant 394 de la décision attaquée). Le 6 juillet 2006, des représentants de la requérante ont rencontré des employés de J-Power Systems, de Nexans France et de Prysmian Cavi e Sistemi Energia (considérant 398 de la décision attaquée). Le 25 juillet 2006, un employé de la requérante, M. T., a annoncé que son collègue, M. Y. I., représenterait à l'avenir la requérante dans " le plan " (considérant 401 de la décision attaquée). La requérante a été représentée à une autre réunion, le 6 octobre 2006, lors de laquelle J-Power Systems a déclaré qu'elle ne prendrait pas part aux réunions futures (considérant 410 de la décision attaquée). Le 9 mai 2007, un employé de la requérante, M. C., a souligné la difficulté croissante de parvenir à un accord sur les projets concernant les câbles électriques souterrains dans les " territoires d'exportation ", ajoutant que l'accent serait dès lors placé sur l'attribution des projets concernant les câbles électriques sous-marins (considérant 421 de la décision attaquée). Le 2 août 2007, M. C. a confirmé à un employé de Nexans France, M. J., que personne n'avait soumis d'offre pour un projet de parc éolien en Allemagne (considérant 428 de la décision attaquée). Le 3 décembre 2007, MM. Y. I. et C. ont eu d'autres contacts avec M. J., qui a fait remarquer que J-Power Systems faisait des difficultés, sans ajouter de commentaire similaire à propos de la requérante (considérant 434 de la décision attaquée). Les 9 et 10 avril 2008, des représentants de la requérante ont rencontré des représentants de Nexans France dans le cadre d'une série de réunions bilatérales entre Nexans France et les producteurs japonais (considérant 438 de la décision attaquée).

246 Par ailleurs, il importe de souligner que la requérante ne conteste pas que ses représentants ont, à l'instar de ceux de tous les membres du noyau dur, été impliqués dans la plupart des communications et des réunions de l'entente malgré l'existence des coordonnateurs respectifs et qu'ils étaient capables, en assistant aux réunions A/R, d'établir les paramètres de l'entente. La requérante ne conteste pas non plus qu'elle est restée active dans l'entente jusqu'à la fin de celle-ci.

247 Il convient dès lors de conclure que c'est sans commettre d'erreur que la Commission a estimé que la requérante satisfaisait aux critères d'appartenance au noyau dur de l'entente.

248 Deuxièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement en ne lui accordant pas une réduction du montant de l'amende équivalente à celle octroyée à Exsym alors qu'elle se trouvait dans la même situation, il y a lieu de relever que, eu égard à la conclusion formulée au point ci-dessus, si le Tribunal devait constater que la situation d'Exsym était semblable à celle de la requérante, il ne pourrait que constater que la Commission a commis une erreur en estimant qu'Exsym n'appartenait pas au noyau dur de l'entente. Toutefois, un tel constat serait dépourvu de pertinence quant à l'absence de réduction du montant de l'amende accordée à la requérante au titre des circonstances atténuantes, dès lors que le principe d'égalité de traitement ne saurait fonder aucun droit à l'application non discriminatoire d'un traitement illégal (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99, EU:T:2002:209, point 479).

249 Au demeurant, il convient de relever que, si les représentants d'Exsym ont régulièrement participé aux réunions A/R et pouvaient, ainsi, déterminer les paramètres de l'entente (considérant 565 de la décision attaquée), il n'en reste pas moins que cette société se trouvait dans une situation différente de celle de la requérante, dès lors que, d'une part, ni elle ni ses sociétés mères n'avaient participé à l'élaboration de l'entente, qu'elles avaient été instamment invitées à rejoindre par d'autres participants (considérant 538 de la décision attaquée), et, d'autre part, sa participation était limitée dans le secteur des câbles électriques souterrains à haute tension (considérant 565 de la décision attaquée).

250 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le septième moyen comme non fondé.

251 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n'a pas réussi à démontrer l'existence d'illégalités de la part de la Commission justifiant l'annulation de la décision attaquée en ce qui la concerne.

Sur les conclusions en réduction du montant de l'amende infligée à la requérante

252 Il convient de relever que le moyen spécifique soulevé par la requérante à l'appui de ses conclusions en réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée est tiré du caractère disproportionné de l'amende et d'une violation du principe d'égalité de traitement à l'égard des producteurs européens. Or, force est de constater que les arguments invoqués à l'appui de ce moyen se trouvent être les mêmes que ceux que la requérante a déjà fait valoir dans le cadre des troisième et quatrième moyens soulevés à l'appui de la demande en annulation. Ces moyens ayant été rejetés, il n'y a pas lieu d'examiner le huitième moyen de façon autonome ni, par conséquent, de donner suite aux conclusions en réduction du montant de l'amende infligée à la requérante.

253 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

254 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. L'intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Viscas Corp. est condamnée à payer, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.

3) Furukawa Electric Co. Ltd supportera ses propres dépens.