TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-444/14
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Furukawa Electric Co. Ltd, Viscas Corp.
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Collins
Juges :
Mme Kancheva, M. Barents
Avocats :
Mes Pouncey, Luke, Geary, Bellis
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
Antécédents du litige
Requérante et secteur concerné
1 La requérante, Furukawa Electric Co. Ltd, est une société japonaise active dans le secteur de la fabrication et de la vente de câbles électriques souterrains et sous-marins. À partir du 1er octobre 2001, elle a transféré une partie de ses activités dans le secteur des câbles électriques à une entreprise commune dénommée Viscas Corp., détenue à parts égales avec une autre société japonaise du secteur, à savoir Fujikura Ltd.
2 Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l'eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d'électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d'autres entreprises d'électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.
Procédure administrative
3 Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d'une demande d'immunité au sens de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la " communication sur la clémence ").
4 Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d'ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de sociétés italiennes, à savoir Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, ainsi que de sociétés françaises, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.
5 Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J-Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d'immunité d'amende, conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence, ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d'autres déclarations orales et d'autres documents.
6 Au cours de l'enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d'informations, conformément à l'article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œoeuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.
7 Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l'encontre des entités juridiques suivantes : Pirelli & C. SpA, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, Prysmian, The Goldman Sachs Group, Inc., Nexans, Nexans France, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J-Power Systems, Fujikura, Viscas, SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, Brugg Kabel AG, Kabelwerke Brugg AG Holding, nkt cables GmbH, NKT Holding A/S, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et la requérante.
8 Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l'exception de la requérante, ont participé à une audience administrative devant la Commission.
9 Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T-135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T-140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d'inspection adressées, d'une part, à Nexans et Nexans France et, d'autre part, à Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia, pour autant qu'elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l'encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C-37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.
10 Le 2 avril 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 2139 final, relative à une procédure d'application de l'article 101 [TFUE] et de l'article 53 de l'accord [EEE] (affaire AT.39610 - Câbles électriques) (ci-après la " décision attaquée ").
Décision attaquée
Infraction en cause
11 L'article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé, au cours des différentes périodes, à une infraction unique et continue à l'article 101 TFUE, dans le " secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ". En substance, la Commission a constaté que, à partir de février 1999 et jusqu'à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains avaient participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).
12 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l'entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l'entente se composait de deux volets, à savoir :
- la " configuration A/R de l'entente ", qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées " membres R ", les entreprises japonaises, désignées en tant que " membres A ", et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que " membres K ". Ladite configuration permettait de réaliser l'objectif d'attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le " territoire national ", en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s'abstenaient d'entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le " territoire national " des producteurs européens, tandis que ces derniers s'engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S'ajoutait à cela l'attribution de projets dans les " territoires d'exportation ", à savoir le reste du monde à l'exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respectait un " quota 60/40 ", signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restants pour les producteurs asiatiques ;
- la " configuration européenne de l'entente ", qui impliquait l'attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser à l'intérieur du territoire " national " européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier, considérants 73 et 74 de cette décision).
13 La Commission a constaté que les participants à l'entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).
14 En tenant compte du rôle joué par différents participants à l'entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d'abord, elle a défini le noyau dur de l'entente, auquel appartenaient, d'une part, les entreprises européennes Nexans France et les entreprises filiales de Pirelli & C., anciennement Pirelli SpA, ayant successivement participé à l'entente (ci-après " Pirelli "), et Prysmian Cavi e Sistemi Energia et, d'autre part, la requérante et les entreprises japonaises Fujikura et Viscas ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J-Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d'entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l'entente, et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l'entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l'entente (considérants 576 à 594 de cette décision).
Responsabilité de la requérante
15 La Commission a constaté que la requérante avait participé à l'entente du 18 février 1999 au 28 janvier 2009. Pendant une période initiale, allant du 18 février 1999 au 30 septembre 2001, cette participation avait eu un caractère direct. Depuis le 1er octobre 2001 et jusqu'au 28 janvier 2009, selon la Commission, la requérante avait participé à l'entente indirectement, au travers de Viscas, sur laquelle elle exerçait une influence déterminante (considérants 811 à 853 et 955 de la décision attaquée).
Amende infligée
16 L'article 2, sous n), de la décision attaquée inflige à la requérante une amende de 8 858 000 euros, au titre de sa participation directe à l'entente. L'article 2, sous p), de la décision attaquée inflige à la requérante, " conjointement et solidairement " avec Viscas et Fujikura, une amende de 34 992 000 euros, au titre de sa participation à l'entente au cours de la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009.
17 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application [dudit article] (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les " lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ").
18 En premier lieu, s'agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes appropriée, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l'infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l'infraction, par sa nature, constituait l'une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l'ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l'entente, couvrant notamment l'ensemble du territoire de l'Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la " configuration A/R de l'entente ", les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles dans le cadre de la " configuration européenne de l'entente ". Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l'infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).
19 S'agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l'infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne la requérante, un coefficient de 2,58 pour la période comprise entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001 et un coefficient de 7,25 pour la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009. Elle a, en outre, inclus, pour la requérante, dans le montant de base de l'amende un montant additionnel, à savoir le " droit d'entrée ", correspondant à 17 % de la valeur des ventes. Ledit montant ainsi déterminé s'élevait à 8 858 000 euros. Parallèlement, en ce qui concerne Viscas, la Commission a retenu, s'agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l'infraction, un coefficient de 7,25 pour la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009. Le montant de base de l'amende de Viscas, auquel aucun montant additionnel n'a été ajouté, s'élevait ainsi à 34 992 000 euros (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).
20 En second lieu, s'agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n'a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l'amende établi à l'égard de chacun des participants à l'entente, à l'exception d'ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter dans le montant de l'amende le rôle joué par différentes entreprises dans la mise en œuvre de l'entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l'amende à infliger pour les acteurs marginaux de l'entente et de 5 % le montant de base de l'amende à infliger pour les entreprises dont l'implication dans l'entente était moyenne. En outre, elle a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings pour la période précédant la création d'Exsym, ainsi qu'à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire, une réduction supplémentaire de 1 % pour n'avoir pas eu connaissance de certains aspects de l'infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l'amende n'a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l'entente, y compris à la requérante (considérants 1017 à 1020 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la clémence (considérant 1041 de ladite décision).
Procédure et conclusions de parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2014, la requérante a introduit le présent recours.
22 Le 29 octobre 2014, Viscas a demandé à intervenir dans le litige au soutien des conclusions de la requérante.
23 Par lettres des 8 décembre 2014, 9 janvier et 25 février 2015, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certains passages de la requête, de la défense et de la réplique.
24 Par ordonnance du 25 juin 2015, le président de la huitième chambre à fait droit à la demande d'intervention de Viscas et a ordonné que lui soient transmises les versions non confidentielles des mémoires de la requérante et de la Commission.
25 Viscas a déposé son mémoire en intervention le 18 septembre 2015. Par lettres du 27 octobre et du 2 novembre 2015, la Commission et la requérante ont présenté leurs observations sur le mémoire en intervention de Viscas.
26 Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a demandé aux parties la production de documents.
27 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l'article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle composition), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
28 Le 5 octobre 2016, la Commission a sollicité l'adoption d'une mesure d'instruction en vue de produire certains documents demandés par le Tribunal, à savoir des transcripts des déclarations orales fournies par J-Power Systems dans le cadre de sa demande conjointe d'immunité avec Hitachi Cable et Sumitomo Electric Industries. Le 24 octobre 2016, la Commission a produit un document demandé par le Tribunal pour lequel elle n'avait pas sollicité l'adoption d'une mesure d'instruction.
29 Par ordonnance du 10 février 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal a adopté une mesure d'instruction visant à obtenir de la Commission que celle-ci produise les documents initialement demandés par la voie d'une mesure d'organisation de la procédure, à l'exception de celui qu'elle avait produit le 24 octobre 2016. La Commission a déféré à cette mesure d'instruction le 16 février 2017.
30 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 3 mai 2017.
31 Lors de l'audience, Viscas a demandé l'adoption d'une mesure d'organisation de la procédure. Le Tribunal a recueilli les observations des parties principales sur cette demande. La Commission a fait valoir l'irrecevabilité de la demande de mesure d'organisation de la procédure de Viscas. En application de l'article 88, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal a, après avoir entendu les observations de Viscas sur la recevabilité de sa demande de mesure d'organisation de la procédure, d'une part, rejeté ladite demande comme étant irrecevable et, d'autre part, estimé qu'il n'y avait pas lieu d'adopter la mesure en question d'office.
32 La requérante, soutenue par Viscas, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler l'article 1er, paragraphe 9, sous a), de la décision attaquée en ce qu'il constate que la requérante a directement participé à une infraction à l'article 101 TFUE et à l'article 53 de l'accord EEE du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 ;
- à titre subsidiaire, annuler l'article 1er, paragraphe 9, sous a), de la décision attaquée en ce qu'il constate que la requérante a pris part à l'infraction à partir du 18 février 1999 et a continué d'y participer, directement, après le 11 juin 2001, puis au travers de Viscas, après le 30 septembre 2001 ;
- annuler l'article 2, sous n), de la décision attaquée ;
- à titre subsidiaire, réduire considérablement le montant de l'amende qui a été infligée à la requérante par l'article 2, sous n), de la décision attaquée ;
- déclarer que la requérante a droit à une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée " conjointement et solidairement " avec Viscas et Fujikura par l'article 2, sous p), de la décision attaquée équivalente à celle obtenue, le cas échant, par Viscas dans le cadre du recours introduit par cette dernière devant le Tribunal à l'encontre de la décision attaquée ;
- condamner la Commission aux dépens.
33 La Commission demande à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
34 La requérante soulève tant des conclusions en annulation que des conclusions tendant à la réduction du montant des amendes.
Sur les conclusions en annulation
35 À l'appui de ses conclusions en annulation, la requérante avance cinq moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, de l'article 53 de l'accord EEE et du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission aurait erronément apprécié son comportement ainsi que le comportement des autres membres de l'entente durant la période initiale de sa participation à l'entente. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, de l'article 53 de l'accord EEE et du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission n'aurait pas rapporté la preuve que la requérante avait continué à participer à l'entente, d'abord directement, après le 11 juin 2001, puis par le biais de Viscas, après le 30 septembre 2001. Le troisième moyen, invoqué, à titre principal, à l'appui des premier, deuxième et troisième chefs de conclusions et, à titre subsidiaire, à l'appui du quatrième chef de conclusions, est tiré d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, de l'article 53 de l'accord EEE et du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission aurait erronément apprécié le degré de la participation de la requérante à l'entente. Le quatrième moyen est tiré d'une violation de l'article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003 en ce que l'amende infligée à la requérante par l'article 2, sous n), de la décision attaquée sur le fondement de cette disposition serait prescrite. Enfin, le cinquième moyen, soulevé à l'appui des troisième et quatrième chefs de conclusions, est tiré d'une violation des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 en ce que la Commission aurait commis diverses erreurs dans le calcul du montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 2, sous n), de la décision attaquée.
Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, de l'article 53 de l'accord EEE et du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission a erronément apprécié le comportement de la requérante ainsi que celui des autres membres de l'entente durant la période initiale de sa prétendue participation à l'entente
36 Le premier moyen s'articule en deux branches.
37 Dans la première branche, la requérante soutient que la Commission n'a pas établi l'existence, durant la période initiale de sa prétendue participation à l'entente, à savoir du 18 février 1999 au 30 septembre 2001, de l'engagement des producteurs asiatiques à ne pas entrer en concurrence pour des projets situés dans l'EEE, seul élément de la " configuration A/R de l'entente ", à la différence de l'attribution des projets dans les " territoires d'exportation ", qui relevait de l'application territoriale de l'article 101 TFUE.
38 Ainsi, la requérante fait valoir non seulement que la Commission n'a pas rapporté de preuve directe de l'existence d'un engagement des producteurs asiatiques à ne pas entrer en concurrence pour les projets situés dans l'EEE pendant la première période de sa participation à l'entente, mais, en outre, qu'elle a omis de tenir compte de l'existence d'une autre explication cohérente à l'absence de concurrence livrée par les producteurs asiatiques dans l'EEE, à savoir l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE héritées de la mise en œuvre des régimes d'exportation antérieurs.
39 S'agissant des éléments de preuve quant à l'existence d'un engagement des producteurs asiatiques à ne pas entrer en concurrence pour des projets situés dans l'EEE, la requérante relève que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l'application de l'accord sur le " territoire national " impliquait à la fois la mise en œuvre d'une " règle du marché national " et des discussions concernant des projets particuliers.
40 Or, premièrement, la requérante conteste que les projets de câbles cités dans la décision attaquée soient de nature à démontrer la mise en œuvre d'une règle du marché national.
41 En effet, tout d'abord, la requérante soutient que les projets de câbles visés au considérant 141 de la décision attaquée étaient localisés à Chypre et à Taïwan et que, aucun de ces pays ne faisant partie de l'EEE à l'époque, la Commission ne pouvait pas les invoquer pour confirmer l'existence d'un accord visant le territoire de l'EEE. Ensuite, en ce qui concerne les projets mentionnés aux considérants 145 et 147 de la décision attaquée, la requérante soutient que, d'une part, elle n'était pas concernée par les projets Moyle Interconnector et le projet Euro-Kabel, parce qu'elle n'avait pas été invitée à y soumissionner, et, d'autre part, son refus de soumissionner au projet NorNed était légitime. Enfin, elle fait valoir, en ce qui concerne le considérant 177 de la décision attaquée, que le courriel qui y est mentionné a certes été adressé à un de ses employés, mais qu'il porte une date postérieure à l'implication de cet employé dans toute activité liée aux câbles électriques en son sein.
42 Deuxièmement, la requérante soutient que, contrairement à ce qu'il ressort de la décision attaquée, les discussions concernant des projets particuliers localisés en périphérie de l'EEE, des projets pour lesquels les fournisseurs japonais ont été invités par des clients européens à soumettre des offres ou des projets pour lesquels les membres européens de l'entente ont explicitement demandé aux entreprises asiatiques de ne pas soumettre d'offre ne corroborent pas l'affirmation de la Commission selon laquelle un accord sur le " territoire national " impliquant la requérante existait déjà pendant la période initiale de sa prétendue participation à l'entente. En effet, toutes ces discussions auraient eu lieu après cette période et auraient visé des projets ne concernant pas la requérante.
43 S'agissant de l'omission de la Commission de tenir compte de l'existence d'une autre explication cohérente à l'absence de concurrence livrée par les producteurs asiatiques dans l'EEE, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir examiné le potentiel concurrentiel des producteurs asiatiques après l'expiration en 1997 de l'accord sur l'exportation de câbles à très haute tension (ci-après l'" accord STEA ") et de l'association pour l'exportation des câbles sous-marins (ci-après la " SMEA "), qui avaient été établis par les principaux fournisseurs européens de câbles dans les années 1970, dans le cadre de la Société internationale pour le développement des câbles, et d'avoir simplement supposé qu'ils représentaient des concurrents potentiels viables. Selon la requérante, la mise en œuvre des différents régimes d'exportation établis par les producteurs européens à partir du début des années 1960 et qui avaient pour objet de protéger le marché européen des producteurs japonais aurait donné lieu à la création de monopoles territoriaux. Ces monopoles territoriaux auraient eu pour conséquence la constitution de barrières techniques, pratiques et commerciales à l'entrée sur le marché de l'EEE qui auraient continué d'exister après l'expiration de l'accord STEA et de la SMEA et au moins tout au long de la période durant laquelle la requérante aurait directement participé à l'entente.
44 Ainsi, la requérante soutient qu'elle ne pouvait pas participer à des projets nécessitant une pose de câbles sous-marins sur de longues distances et de grandes profondeurs ou de câbles XLPE tripolaires, qui étaient les plus répandus dans le marché de l'EEE, puisqu'elle ne produisait que des câbles dont la technologie ne permettait une installation que sur de courtes distances et dans des eaux peu profondes. La requérante relève encore qu'elle était soumise à d'autres barrières, telles que les droits de douane, la distance augmentant les risques et les coûts de livraison ainsi que le manque de main-d'œuvre spécialisée. Ces barrières expliqueraient, notamment, pourquoi la requérante avait décidé de ne pas soumissionner pour le projet NorNed.
45 La requérante relève que, malgré ces barrières [confidentiel](1).
46 Dans la seconde branche, la requérante fait valoir que la Commission n'a pas rapporté la preuve que sa participation à l'entente avait effectivement commencé le 18 février 1999.
47 Premièrement, la requérante soutient que les preuves invoquées par la Commission dans la décision attaquée ne confirment pas que, à la date du 18 février 1999, il existait une volonté commune définitive des entreprises japonaises et européennes de restreindre la concurrence sur le marché de l'EEE. Tout d'abord, la note de la réunion du 18 février 1999 à Zurich (Suisse), rédigée par M. Y., alors employé de Sumitomo Electric Industries, serait très sommaire. L'utilisation du mode conditionnel, du temps futur ainsi que des expressions telles que " un nouvel arrangement éventuel " indiquerait qu'aucun accord n'a été conclu lors de cette réunion. Ensuite, dans les déclarations accompagnant cette note, déposées dans le cadre de la demande conjointe d'immunité, M. Y. aurait dit que, à l'époque de la réunion de Zurich, voire à l'époque de la réunion de Kuala Lumpur (Malaisie), organisée le 19 octobre 1999, il n'existait pas d'accord entre les fournisseurs japonais et européens. En outre, il ressortirait du recto de la note que, lors de la réunion de Zurich, la requérante a discuté des amendes infligées pour une entente dans l'affaire dite des " conduites de chaleur ". Il résulterait de ce fait ainsi que du langage utilisé dans la note que, au cours de cette réunion, les participants ont examiné si une certaine forme de coopération pouvait être établie à l'avenir. Enfin, la note établie par M. Y. ne concernerait que les câbles sous-marins et ne pourrait donc pas servir de preuve d'un quelconque accord relatif aux câbles souterrains.
48 Deuxièmement, si la requérante ne conteste pas la présence de son représentant, M. O., à la réunion de Zurich du 18 février 1999, elle soutient que cette présence seule ne peut pas confirmer que M. O. a conclu un arrangement avec les autres membres à ce moment-là, eu égard au fait qu'il n'avait pas participé antérieurement aux réunions relatives à l'accord STEA et à la SMEA et que, lors des réunions du début de l'année 1999 avec d'autres fabricants japonais, la requérante ait exprimé une claire réticence à l'égard de tout arrangement futur avec les fournisseurs européens.
49 Troisièmement, la requérante soutient que la Commission tente de renverser la charge de la preuve lorsqu'elle affirme que la requérante n'a pas fourni d'indices tendant à démontrer que, en réalité, elle n'avait pas adhéré à l'accord sur les " territoires nationaux " ou que sa participation aux réunions postérieures à la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA était dépourvue de tout esprit concurrentiel.
50 Quatrièmement, enfin, la requérante relève que la Commission elle-même indique au considérant 497 de la décision attaquée que, lors de la réunion du 18 février 1999, les discussions n'ont pas débouché sur un accord pour ce qui concerne la détermination des " territoires nationaux " et les attributions des quotas pour les projets localisés en dehors de ces territoires. Ainsi, la Commission ne saurait soutenir que, le 18 février 1999, il existait une entente ou que les participants avaient éliminé ou réduit substantiellement l'incertitude quant à leur comportement sur le marché.
51 La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet de l'ensemble du premier moyen.
52 À cet égard, il y a lieu de relever que, par les deux branches du premier moyen, qu'il convient d'examiner ensemble, la requérante soutient, en substance, que la Commission n'a pas établi que, le 18 février 1999, il existait une volonté commune ou une entente commune en vertu de laquelle les fournisseurs japonais de câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension se seraient engagés, à l'égard des fournisseurs européens des mêmes câbles, à ne pas entrer sur le marché européen. L'absence des fournisseurs japonais sur le marché européen des câbles en cause s'expliquerait non par l'existence d'un tel accord, mais par l'existence des barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE.
53 Or, il convient de rappeler que l'article 101, paragraphe 1, TFUE interdit des accords et des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur, notamment ceux et celles consistant à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
54 Pour qu'il y ait accord au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée. Il peut être considéré qu'un accord au sens de ladite disposition est conclu dès lors qu'il y a une concordance des volontés sur le principe même d'une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l'objet de négociations (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T-186/06, EU:T:2011:276, points 85 et 86 et jurisprudence citée). Il est sans pertinence, à cet égard, d'examiner si les entreprises se sont considérées tenues - juridiquement, factuellement ou moralement - d'adopter le comportement convenu entre elles (voir arrêts du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, EU:T:1998:101, point 65, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54/03, non publié, EU:T:2008:255, point 219 et jurisprudence citée).
55 La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T-186/06, EU:T:2011:276, point 87 et jurisprudence citée).
56 L'article 101, paragraphe 1, TFUE s'oppose ainsi à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l'on envisage d'adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence. Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l'existence d'une pratique concertée au sens de ladite disposition (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T-186/06, EU:T:2011:276, points 88 et 89 et jurisprudence citée).
57 Les notions d'accord et de pratique concertée, au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent, d'un point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Il suffit, dès lors, que la preuve des éléments constitutifs de l'une ou de l'autre de ces formes d'infraction visées à cette disposition ait été établie pour que, en toute hypothèse, cette dernière s'applique (arrêt du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C-455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 53).
58 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu'il appartient à la Commission de prouver non seulement l'existence de l'entente, mais aussi sa durée (arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C-65/02 P et C-73/02 P, EU:C:2005:454, point 31).
59 Si la Commission est tenue de faire état de preuves précises et concordantes pour établir l'existence d'une infraction à l'article 101, paragraphe 1, TFUE, chacune des preuves qu'elle apporte ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l'infraction. Il suffit que le faisceau d'indices invoqué par l'institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence. Ainsi, les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l'existence d'une violation de cette disposition par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du 12 décembre 2014, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T-562/08, non publié, EU:T:2014:1078, points 152 et 153 et jurisprudence citée).
60 Dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de la concurrence (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C-634/13 P, EU:C:2015:614, point 26).
61 En l'espèce, la Commission a constaté, notamment aux considérants 138 et 506 de la décision attaquée, que l'entente visée par ladite décision avait débuté le 18 février 1999, au moment où les représentants de quatre fournisseurs japonais de câbles électriques, à savoir la requérante, Fujikura, Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable, et les représentants de deux fournisseurs européens de câbles électriques, dont Pirelli, s'étaient réunis dans un hôtel à Zurich.
62 La Commission fonde le constat énoncé au point 61 ci-dessus sur plusieurs éléments de fait qui peuvent être résumés comme suit.
63 Tout d'abord, la Commission a relevé que l'entente visée par la décision attaquée prenait son origine dans deux régimes d'exportation découlant de l'accord STEA et de la SMEA, conclus par les principaux fournisseurs européens de câbles électriques dans les années 1970, dans le cadre de la Société internationale pour le développement des câbles. Selon le considérant 64 de ladite décision, l'accord STEA et la SMEA prévoyaient le cadre initial pour la soumission et l'attribution de marchés et de projets portant sur des câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension en dehors des " territoires nationaux " des sociétés participantes. La Commission indique dans ce même considérant, sans que cela soit contredit par la requérante, que l'enquête avait révélé que, en plus de l'accord STEA et de la SMEA, il existait une convention non écrite entre les producteurs européens, japonais, y compris la requérante, et sud-coréens par laquelle les trois groupes de producteurs s'engageaient à ne pas se faire concurrence dans leurs " territoires nationaux " respectifs. Dans d'autres régions, l'objectif des producteurs était de répartir les projets entre eux, les producteurs européens obtenant une part d'environ 60 % des projets et les producteurs japonais une part d'environ 40 % des projets. Un président et un secrétaire (ou coordinateur) étaient désignés pour chaque groupe afin d'organiser l'attribution. Les membres parties à l'accord STEA, à la SMEA et à ladite convention non écrite qui recevaient des demandes de clients à propos de projets éventuels de câbles électriques souterrains et sous-marins étaient tenus de signaler ces demandes au secrétaire japonais ou européen si le type et la longueur des câbles électriques satisfaisaient à certains critères. Les secrétaires (ou coordinateurs) discutaient alors et convenaient du groupe de producteurs auquel le projet serait attribué.
64 Il est constant entre les parties que l'entente visée par la décision attaquée reproduit le schéma décrit au point 63 ci-dessus.
65 Ensuite, l'accord STEA, la SMEA et la convention non écrite les accompagnant ont été dissouts, selon le considérant 117 de la décision attaquée, à la fin de l'année 1997. La Commission fournit des preuves, non contestées par des éléments concrets par la requérante, desquelles il ressort, d'une part, que les sociétés participantes étaient conscientes de leur caractère illégal et, d'autre part, qu'elles ont envisagé la conclusion d'un nouvel accord à l'avenir. Elle a également fourni des preuves, aux considérants 119 et 121 à 136 de la décision attaquée et aux points 3 à 15 de l'annexe I de cette décision, confirmant que lesdites sociétés avaient continué à se réunir et à discuter des conséquences de la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA et de la possibilité de conclure un nouvel accord. À cet égard, la requérante ne conteste pas avoir participé à onze réunions avec les autres fournisseurs japonais organisées au cours de l'année 1998 et à une réunion organisée en octobre 1998 à Kuala Lumpur, à laquelle ont participé, notamment, Pirelli, [confidentiel], Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et Fujikura.
66 Il est à noter que, au cours de ces réunions, mentionnées au point 65 ci-dessus, a eu lieu une discussion, rapportée par la Commission au considérant 129 de la décision attaquée et non contestée par la requérante. Lors de cette discussion, relative à un projet de câbles localisé à Singapour (Singapour) et attribué initialement aux entreprises européennes avant la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA, la requérante a fait l'objet de critiques de la part de Sumitomo Electric Industries pour avoir soumis une offre à bas prix pour ce projet, dans les termes suivants :
" Nous sommes vraiment mécontentes que Furukawa [Electric] ait fait une remise sur le projet qui était supposé revenir à R, unilatéralement, sans consulter les entreprises japonaises concernées [...] c'est un acte qui peut faire capoter le projet futur de discussions entre A et R. "
67 En outre, la Commission a noté une série de six réunions régulières organisées en 1999 entre les représentants de Pirelli, de Fujikura, de la requérante, d'Hitachi Cable et de Sumitomo Electric Industries ainsi que d'[confidentiel], devenue par la suite Nexans France. Ces réunions ont été suivies de cinq autres réunions entre fournisseurs japonais et européens et de plusieurs réunions bilatérales organisées en 2000. Il ressort des notes de ces réunions, citées par la Commission, notamment, aux considérants 137, 141, 143, 144 et 154 de la décision attaquée, qu'elles avaient un contenu clairement anticoncurrentiel, puisqu'elles concernaient l'établissement et le fonctionnement d'un accord sur le partage des marchés, reprenant la structure de l'accord STEA et de la SMEA. Les participants à ces réunions discutaient de règles de partage des marchés, de la définition des " territoires nationaux " respectifs, des quotas selon lesquels devaient être partagés les projets localisés dans les " territoires d'exportation ", du voltage des câbles couverts par l'accord et des nouvelles entreprises qui devraient être impliquées dans les discussions afin d'assurer un fonctionnement le plus efficace possible du nouvel accord.
68 Enfin, la Commission a noté au considérant 145 de la décision attaquée que, dans leur demande conjointe d'immunité, J-Power Systems, Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable avaient confirmé que, au cours de la période initiale de la participation de la requérante à l'entente, au moins Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable avaient respecté l'accord sur le " territoire national " en veillant à ce que certains projets localisés dans le " territoire national " européen ne leur soient pas proposés, mais qu'ils soient au contraire proposés à des entreprises européennes.
69 De même, la Commission a précisé, au considérant 147 de la décision attaquée, qu'une note dans l'agenda d'un employé d'Hitachi Cable, M. M., datant du début de l'année 2000, indiquait que le projet NorNed, localisé en Europe, ainsi que deux autres projets localisés en Europe seraient attribués aux fournisseurs européens et que la requérante allait refuser de soumissionner pour le projet NorNed.
70 C'est dans ce contexte que, selon la décision attaquée, a eu lieu la réunion du 18 février 1999 à Zurich, au cours de laquelle M. Y., employé de Sumitomo Electric Industries, a pris des notes reproduites par la Commission dans le considérant 137 de ladite décision. Il ressort de ces notes, qui exposent sans ambiguïté la date et le lieu de ladite réunion, et dont la nature contemporaine ne saurait dès lors être mise en cause par les requérantes, que cette réunion a concerné des conditions régissant l'entente relative aux projets de câbles électriques sous-marins, à savoir les quotas à attribuer aux groupes européens et japonais, l'attribution des " territoires nationaux " en fonction de l'emplacement des installations de production des entreprises ainsi que le suivi et la surveillance des quotas dans les " territoires d'exportation " au moyen des feuilles de position. Les participants ont également discuté de l'intégration d'ABB et des entreprises japonaises SWCC Showa Holdings et Mitsubishi Cable Industries à l'accord et ont abordé la question de l'amende qui avait été imposée à ABB pour sa participation à l'entente relative aux conduites de chaleur, confirmant ainsi qu'ils avaient dès lors clairement conscience de certains risques à cet égard.
71 Concernant la réunion du 18 février 1999 à Zurich, la Commission a indiqué, au considérant 497 de décision attaquée, que certains aspects qui y avaient été discutés n'avaient pas débouché sur un accord. En effet, il ressort de la transcription de la déclaration orale de J-Power Systems et de la note écrite de ladite réunion que les parties ne sont pas convenues du quota à appliquer (un quota 60/40 ou un quota 70/30) pour les " territoires d'exportation " et n'ont pas définitivement décidé si les " territoires nationaux " devaient couvrir la Suède, siège des activités de production d'ABB, la Corée du Sud et Taïwan. Toutefois, la Commission a considéré que cette réunion marquait le début de l'infraction. À cet égard, au considérant 506 de ladite décision, elle a indiqué ce qui suit :
" [A]u vu [...] du comportement adopté avant la réunion du 18 février 1999, lorsque les parties planifiaient incontestablement une remise en application de leurs précédents accords et [...] de leur comportement adopté par après lorsqu'elles attribuaient ouvertement des projets dans les territoires d'exportation, respectaient leurs territoires nationaux respectifs et envisageaient d'inviter d'autres sociétés à adhérer au "plan" [...], il est raisonnable de conclure que la réunion du 18 février 1999 prouve l'existence d'une volonté commune, à l'époque, d'attribuer des marchés et des clients et de fausser le processus normal de concurrence dans le cadre de projets concernant tant les câbles [souterrains] que les câbles [sous-marins]. À compter au moins de cette date, il existait un concours de volonté sur le principe même de restriction de la concurrence parmi les participants. Les parties ont dès lors conclu un accord ou ont appliqué une pratique concertée au sens de l'article 101, paragraphe 1, [TFUE] même si certaines modalités de l'entente étaient encore en cours de discussion à cette époque. "
72 Le Tribunal estime que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 54 à 60 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la conclusion de la Commission relative à la portée de la réunion du 18 février 1999 de Zurich, exposée au considérant 506 de la décision attaquée, est dépourvue d'erreur de droit ou d'appréciation.
73 En effet, en premier lieu, la Commission a établi, à suffisance de droit et en tenant compte, à juste titre, du contexte de la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA, auxquels la requérante avait participé, que, à partir de l'année 1998, les membres de ces accords, à savoir les principaux fournisseurs européens et japonais de câbles électriques sous-marins et souterrains, avaient repris des négociations visant à établir un nouvel accord et que, au fil du temps, ils étaient arrivés à mettre en œuvre ce nouvel accord. La note écrite de la réunion du 18 février 1999 à Zurich, première note présentant de façon complète les fondements de ce nouvel accord, confirme que, au moment où ladite note a été rédigée, les entreprises présentes à cette réunion sont convenues du principe même de partage des marchés, en ce qui concerne tant les " territoires d'exportation " que les " territoires nationaux ". L'existence de ce principe, ainsi que le fait que les sociétés qui étaient parties à l'accord STEA et à la SMEA y tenaient, est corroborée par la discussion impliquant la requérante, reproduite au point 66 ci-dessus.
74 À cet égard, d'une part, il y a lieu de rappeler que rien n'empêche la Commission de tenir compte des étapes préparatoires à la création proprement dite de l'entente, pour constater la situation économique ayant précédé et expliqué la création de l'entente ou afin d'établir et d'évaluer le rôle respectif que les membres de l'entente ont joué dans la conception, la création et la mise en œuvre de celle-ci (arrêt du 27 juin 2012, Coats Holdings/Commission, T-439/07, EU:T:2012:320, point 60).
75 D'autre part, il importe de noter, comme le fait à juste titre la Commission, au considérant 498 de la décision attaquée, que la question décisive pour l'appréciation de la portée de la réunion du 18 février 1999 à Zurich n'est pas celle de savoir si, à cette date, les six sociétés ayant participé à ladite réunion sont définitivement convenues de tous les éléments de l'accord, mais celle de savoir si les discussions menées lors de cette réunion ont permis à ces six sociétés, par leur participation, d'éliminer ou, à tout le moins, de réduire substantiellement l'incertitude quant au comportement à attendre de leur part sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T-53/03, EU:T:2008:254, point 182 et jurisprudence citée).
76 Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, ni l'utilisation du mode conditionnel et du temps futur dans les notes prises par M. Y., ni le fait que ce dernier ait déclaré qu'aucun accord n'avait été conclu même après la réunion organisée en octobre 1999 à Kuala Lumpur ne suffisent pour considérer que, à la date du 18 février 1999, les sociétés ayant participé à la réunion de Zurich n'avaient pas encore enfreint l'article 101, paragraphe 1, TFUE.
77 Par ailleurs, le fait que la réunion de Zurich du 18 février 1999 portait seulement sur les câbles sous-marins ne suffit pas pour considérer qu'elle ne peut pas marquer le début de l'entente en ce qui concerne les câbles souterrains. En effet, il ressort de la décision attaquée, sans que la requérante le conteste, que, peu de temps après la réunion de Zurich, à savoir le 24 mars 1999, ses participants se sont rencontrés à Kuala Lumpur afin de discuter des projets de câbles souterrains (considérant 139 de la décision attaquée). De plus, il est établi que la nouvelle entente visait à reconduire l'ensemble des régimes issus de l'accord STEA et de la SMEA qui concernaient tant les câbles sous-marins que les câbles souterrains.
78 En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les différents éléments du contexte de la réunion du 18 février 1999 à Zurich, y compris les échanges qui ont eu lieu postérieurement entre les entreprises concernées, confirment que, au cours de la période durant laquelle la requérante a participé directement à l'entente, les principaux fournisseurs européens et japonais de câbles électriques sous-marins et souterrains, y compris la requérante, étaient liés par une volonté commune de partager les marchés en suivant le schéma de l'accord STEA et de la SMEA et que, de surcroît, ils ont mis ce partage de marché en œuvre.
79 Tout d'abord, cela concerne les projets mentionnés aux considérants 145 et 147 de la décision attaquée, qui ont été attribués aux entreprises européennes, conformément à l'accord sur les " territoires nationaux ". Le fait que la requérante n'ait pas été invitée à soumissionner pour ces projets, ou qu'elle ait eu des raisons légitimes de refuser de participer au projet NorNed, n'est pas pertinent pour établir une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE. Ce qui importe, en revanche, c'est le fait que l'employé d'Hitachi Cable était au courant de ces attributions et qu'il connaissait les intentions de la requérante quant à son comportement sur le marché. En effet, selon la jurisprudence rappelée au point 56 ci-dessus, l'article 101, paragraphe 1, TFUE s'oppose à toute prise de contact entre les opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement d'un concurrent, soit à dévoiler à celui-ci le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même.
80 Ensuite, la requérante se réfère aux communications entre les membres européens de l'entente et ses membres japonais, en particulier, d'une part, à la pratique consistant à notifier régulièrement au coordinateur du côté européen des demandes d'offres et de renseignements reçues par les membres japonais de leurs clients potentiels européens, en vue d'obtenir des instructions, et, d'autre part, aux demandes du coordinateur du côté européen de l'entente, adressées à J-Power Systems et à Viscas et visant à ce que ces derniers garantissent le respect du " territoire national " européen par les autres entreprises asiatiques. Elle affirme que ces communications ne peuvent pas confirmer sa participation à l'entente du 18 février 1999 au 1er octobre 2001, puisqu'elles sont postérieures à cette période et que, en tout état de cause, elles ne la concernent pas. Les autres fournisseurs japonais seraient ainsi concernés.
81 S'agissant, premièrement, des demandes des membres R de l'entente adressées à J-Power Systems et à Viscas visant à obtenir le respect par les membres A de l'entente de l'accord sur le " territoire national ", il y a lieu de relever que celles-ci ne concernaient que la période postérieure au 1er octobre 2001, date à laquelle ces sociétés ont été créées. Or, il ressort du considérant 818 de la décision attaquée que, à partir de la création de Viscas, c'est cette dernière qui assurait les contacts relatifs à l'entente, y compris en ce qui concerne la protection des ventes réalisées par la requérante et Fujikura.
82 En outre, il ressort de la décision attaquée que l'accord sur le " territoire national " était bien mentionné dans les communications entre les membres de l'entente lors de la période pendant laquelle la requérante a directement participé à l'entente. Ainsi, il convient de relever que, dans un courriel du 26 juillet 2001, cité au considérant 179 de la décision attaquée, adressé à M. J., de Nexans France, un employé d'Hitachi Cable, M. M., indique que les " 4A ", c'est-à-dire les entreprises japonaises Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, Furukawa Electric et Fujikura, avaient contacté SWCC Showa Holdings et Mitsubishi Cable Industries pour leur proposer " le plan de base de réunions régulières " et que ces deux sociétés feraient parvenir leurs commentaires pour la mi- ou la fin août. Dans ce même courriel, au sujet d'un projet situé à Taïwan, M. M. a écrit ce qui suit :
" Absolument A (territoire national du côté A). Nous sommes très préoccupés par le comportement d'ABB. "
83 Il ressort de ce courriel que, au moins à la date de celui-ci, les participants à l'entente, en particulier les producteurs japonais, considéraient que l'accord sur le " territoire national " s'appliquait.
84 Contrairement à ce que la requérante a soutenu lors de l'audience en réponse à une question du Tribunal à cet égard, la circonstance que le projet situé à Taïwan mentionné dans le courriel du 26 juillet 2001 a été remporté par ABB ne signifie pas que l'accord sur le " territoire national " ne s'appliquait pas à l'époque. En effet, il ressort du considérant 141, sous d), de la décision attaquée que, lors de la réunion A/R du 26 juillet 1999 à Londres (Royaume-Uni), à laquelle la requérante a participé, les membres A de l'entente ont insisté auprès des membres R de l'entente pour que ceux-ci tentent de convaincre ABB et Sagem, qui n'étaient pas membres de l'entente à l'époque, de ne pas s'attaquer au projet " Taiwan 345 de A ", mais que les membres R se sont contentés de prendre note de cette demande. Dès lors, la circonstance qu'ABB a finalement remporté le projet en question n'est pas de nature à démontrer que l'accord sur le " territoire national " n'était pas appliqué.
85 S'agissant, deuxièmement, de la pratique consistant à notifier régulièrement au coordinateur du côté européen les demandes d'offres et de renseignements reçues par les membres japonais de leurs clients potentiels européens, en vue d'obtenir des instructions, il y a lieu de relever que les preuves présentées par la Commission à cet égard, qui datent du début de l'année 2002, confirment sans équivoque que, à cette époque, l'entente était pleinement effective. Elles confirment ainsi que l'accord, conçu en 1999, a été effectivement mis en œuvre.
86 En ce qui concerne la question de savoir si ces pratiques confirment la participation directe de la requérante à l'entente à compter du 18 février 1999, d'une part, il y a lieu de relever que certaines de ces pratiques impliquent Viscas [voir, en particulier, considérant 231, sous d), de la décision attaquée]. D'autre part, il convient d'observer que, à partir du 1er octobre 2001, la requérante a transféré à Viscas les ventes de câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension réalisées hors du Japon. Or, la question de savoir si le comportement de Viscas peut être imputé à la requérante et si cette dernière a participé à l'entente après le 11 juin 2001 fait l'objet du deuxième moyen. C'est donc dans le cadre du deuxième moyen qu'il y aura lieu d'examiner si, le cas échéant, la participation de Viscas à l'entente après le 1er octobre 2001 peut constituer une confirmation que la requérante a continué de participer à l'entente après cette date.
87 En troisième lieu, en ce qui concerne l'argument selon lequel la requérante aurait exprimé, lors de ses réunions avec les autres fournisseurs japonais, une claire réticence à l'égard de tout arrangement futur avec les fournisseurs, il y a lieu de rappeler que c'est la compréhension qu'ont les autres membres d'une entente de la participation de l'entreprise concernée qui est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l'accord illicite (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C-373/14 P, EU:C:2016:26, point 62). Or, mis à part le fait que l'argument de la requérante n'est pas étayé par des éléments de preuve et doit donc être considéré comme une simple allégation, il ne ressort pas de la décision attaquée que les membres de l'entente auraient admis que la requérante voulait se distancier de l'entente au cours de la période initiale de sa participation.
88 À cet égard, il y a lieu de rappeler également que, selon la jurisprudence, la participation d'une entreprise à une réunion anticoncurrentielle crée une présomption du caractère illicite de cette participation, présomption que cette entreprise doit renverser par la preuve d'une distanciation publique, laquelle doit être perçue comme telle par les autres participants à l'entente (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C-634/13 P, EU:C:2015:614, point 21). Ainsi, dès lors que, mises à part les onze réunions des fournisseurs japonais et une réunion A/R, organisées directement après la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA en 1998, la Commission a établi la participation de la requérante à la réunion du 18 février 1999 à Zurich, marquant le début de l'entente, à trois autres réunions A/R qui l'ont suivie en 1999 (réunions du 24 mars 1999 à Kuala Lumpur, du 26 juillet 1999 à Londres et du 19 octobre 1999 à Kuala Lumpur), à trois réunions avec les entreprises japonaises et à deux réunions A/R organisées en 2000 [réunions du 11 mai 2000 à Paris (France) et du 29 novembre 2000 à Kuala Lumpur] ainsi qu'à au moins deux réunions A/R en 2001 (réunions du 22 février 2001 à Londres et du 11 juin 2001 dans une ville non précisée dans la décision attaquée), il revenait à la requérante d'apporter la preuve de sa distanciation publique de l'entente. La requérante ne saurait considérer que, en lui demandant de démontrer une telle distanciation publique, la Commission a renversé la charge de la preuve.
89 En quatrième lieu, s'agissant de l'argument de la requérante tiré de ce que la Commission aurait omis de tenir compte, en l'absence de preuves de l'engagement des producteurs asiatiques de ne pas entrer en concurrence pour des projets situés dans l'EEE, d'une autre explication cohérente à cette absence, à savoir l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE qu'elle aurait entrepris de contourner, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Commission s'appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l'existence d'une infraction à l'article 101 TFUE ou lorsque les éléments de preuve sur lesquels s'appuie la Commission sont insuffisants à cet égard, il suffit aux entreprises en cause de démontrer l'existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l'existence d'une violation des règles de concurrence de l'Union européenne. En revanche, cette règle n'est pas applicable à tous les cas où l'infraction est établie par déduction à partir d'autres faits, par des preuves indirectes ou non documentaires. En effet, en ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l'infraction à l'article 101 TFUE, le principe qui prévaut en droit de l'Union est celui de la libre administration des preuves (arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T-113/07, EU:T:2011:343, points 85 à 87).
90 Il s'ensuit que, lorsque la Commission a réussi à réunir des preuves à l'appui de l'infraction alléguée et que ces preuves apparaissent suffisantes pour démontrer l'existence d'un accord de nature anticoncurrentielle, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir s'il existe une explication alternative plausible des comportements incriminés (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C-239/11 P, C-489/11 P et C-498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 220 et jurisprudence citée).
91 Or, ainsi qu'il ressort des considérations exposées ci-dessus, c'est à juste titre que la Commission a considéré en l'espèce, au regard des éléments de preuve qu'elle avait réunis, que, à partir du 18 février 1999, les principaux fournisseurs japonais et européens de câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension, y compris la requérante, partageaient une volonté commune de restreindre la concurrence par un partage des marchés, qui impliquait l'engagement pour les producteurs japonais de ne pas entrer en concurrence pour les projets situés dans l'EEE, en violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE.
92 Ainsi, il n'y a pas lieu de répondre à l'argument de la requérante selon lequel son absence du marché de l'EEE au cours de la période initiale de sa participation à l'entente peut être expliquée par l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE.
93 En tout état de cause, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, un accord qui vise à protéger les producteurs européens sur leur territoire d'une concurrence réelle ou potentielle provenant des autres producteurs étrangers est susceptible de restreindre la concurrence, à moins qu'il n'existe des barrières insurmontables à l'entrée sur le marché européen qui excluent toute concurrence potentielle de la part de ces producteurs étrangers (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 230).
94 En l'espèce, les arguments avancés par la requérante, relatifs à l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE lors de la période initiale de sa participation à l'infraction, ne sont pas de nature à démontrer le caractère insurmontable desdites barrières.
95 Ainsi, premièrement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel elle ne possédait pas les capacités techniques pour produire les câbles adaptés au marché européen, à savoir des câbles de grande longueur à courant continu à haute tension utilisant du papier imprégné de masse (ci-après les " câbles PIM "), il convient de relever que, ainsi que l'a souligné la Commission dans la décision attaquée, les producteurs japonais, y compris la requérante, avaient volontairement limité leurs investissements pour devenir de réels concurrents sur le marché de l'EEE en application de l'accord STEA et de la SMEA (considérant 664 de la décision attaquée).
96 En outre, il ressort du considérant 664 de la décision attaquée que, pour des projets nécessitant des câbles sous-marins de grande longueur, les câbles PIM pouvaient être remplacés par des câbles à huile ou des câbles en polyéthylène réticulés. Or, la requérante ne conteste pas avoir eu la capacité de produire de tels câbles, mais se borne à faire valoir qu'elle ne pouvait pas en produire de suffisamment longs pour les projets européens en raison des capacités limitées des machines dans ses ateliers, sauf à recourir à des jonctions pour les longues distances, ce qui aurait rendu ses offres potentielles non concurrentielles.
97 Deuxièmement, s'agissant de l'argument selon lequel la requérante n'avait ni l'expérience ni les équipements pour poser des câbles sous-marins en eaux profondes, il convient de relever que, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, d'une part, seules Nexans France et Pirelli possédaient leurs propres navires câbliers, de sorte que la requérante se trouvait à cet égard dans la même situation que les autres producteurs européens, et, d'autre part, de tels navires étaient disponibles à la location (considérant 666 de la décision attaquée).
98 Troisièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel, lors de la période allant de 1991 à 2001, elle aurait pris part essentiellement à des projets de câbles à basse tension, d'une longueur de moins de 10 kilomètres et réalisés pour la plupart au Japon, il convient de relever, d'une part, que la période pertinente en l'espèce s'étendait du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 et, d'autre part, que la circonstance que l'activité de la requérante était concentrée sur son marché domestique pouvait s'expliquer par l'application de l'accord STEA et de la SMEA.
99 Quatrièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel elle devait faire face à des coûts supplémentaires en raison de droits de douanes, du coût du transport ainsi que des délais de livraison, il suffit de relever que, ainsi que cela ressort également de la décision attaquée, ces circonstances n'ont pas dissuadé Nexans France et Viscas de créer une entreprise commune au Japon en vue de produire des câbles PIM destinés au marché européen (considérant 666 de la décision attaquée) et que de telles barrières existaient pour tout projet situé dans un territoire autre que celui où se trouvaient situées les installations de production de la requérante, et non uniquement pour les projets situés en Europe.
100 Cette considération doit également conduire à rejeter l'argument de la requérante pris de ce que, pour fournir des câbles souterrains destinés à des clients situés en Europe, elle aurait dû avoir recours à des ingénieurs locaux avec lesquels elle n'avait pas de liens particuliers, ce qui aurait également augmenté ses coûts et rendu ses offres moins concurrentielles.
101 Cinquièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel les producteurs européens auraient, pour des raisons historiques, bénéficié d'une préférence pour les produits nationaux, il convient de relever que, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, dans plusieurs pays européens, il n'existait pas de fournisseur national crédible, de sorte que, dans ces pays, tous les fournisseurs européens ou asiatiques étaient dans la même position (considérant 666 de la décision attaquée).
102 Sixièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel les procédures de préqualification imposées aux fournisseurs pour les projets situés dans l'EEE conduisaient à exclure les soumissionnaires, tels que la requérante, qui n'avaient pas d'expérience dans de tels projets, il y a lieu de relever que, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, le fait que plusieurs fournisseurs japonais et sud-coréens ont pu réaliser des ventes occasionnelles dans l'EEE démontre que de telles exigences n'avaient aucun effet dissuasif. En outre, il convient de relever que de telles exigences n'étaient pas propres à l'EEE, mais existaient également dans d'autres territoires où les producteurs japonais et sud-coréens vendaient leurs produits (considérant 666 de la décision attaquée).
103 Par ailleurs, il importe de souligner que la requérante soutient elle-même avoir développé [confidentiel].
104 Il y a donc lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, les producteurs japonais ne faisaient pas face à des barrières insurmontables à l'entrée sur le marché de l'EEE lors de la période initiale de sa participation à l'infraction du 18 février 1999 au 30 septembre 2001.
105 Dès lors, force est de constater que la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que les producteurs japonais, y compris la requérante, représentaient, à tout le moins, des concurrents potentiels pour les producteurs européens dans l'EEE au cours de la période initiale de la participation de la requérante à l'infraction. Partant, c'est à juste titre que la Commission a considéré que l'engagement des producteurs japonais, dont la requérante, de ne pas entrer en concurrence pour les projets situés sur le territoire européen à cette époque était constitutif d'une infraction à l'article 101, paragraphe 1, TFUE.
106 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen du recours comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, de l'article 53 de l'accord EEE et du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission n'aurait pas rapporté la preuve que la requérante avait continué à participer à l'entente, d'abord directement, après le 11 juin 2001, puis par le biais de Viscas, après le 30 septembre 2001
107 Le deuxième moyen du recours se compose de deux branches.
108 Par la première branche, la requérante fait valoir que, à supposer que sa participation à l'entente à partir du 18 février 1999 soit reconnue par le Tribunal, il conviendrait de considérer qu'elle a pris fin le 11 juin 2001. Cette date marquerait la date de la dernière réunion de l'entente à laquelle était présent le représentant de la requérante M. O. Aucun des six exemples de comportements distincts cités par la Commission et relatifs à la période allant du 11 juin au 30 septembre 2001 ne concernerait la requérante. En particulier, la Commission n'aurait pas prouvé la participation de la requérante à deux réunions A/R organisées le 5 septembre 2001 à Kuala Lumpur et le 7 septembre 2001 à Tokyo (Japon).
109 Par la seconde branche, la requérante soutient que la Commission n'a pas prouvé qu'elle avait continué de participer à l'entente par le biais de Viscas à partir du 1er octobre 2001.
110 La requérante estime que, dès lors que la Commission n'a pas produit de preuve confirmant qu'elle avait participé à l'entente entre le 11 juin et le 30 septembre 2001, elle ne saurait considérer que la requérante avait continué de participer au-delà du 1er octobre 2001. En particulier, la Commission n'aurait pas produit d'éléments de preuve ni procédé à une analyse des circonstances particulières dans lesquelles se trouvait la requérante pour conclure que celle-ci avait continué de participer à l'entente par le biais de Viscas.
111 La requérante déclare, " afin de dissiper tout doute ", qu'elle ne conteste pas être conjointement responsable, en tant que société mère, du comportement de Viscas en raison de la structure d'entreprise de celle-ci, mais elle conteste " vigoureusement " toute responsabilité directe pour cette période et nie s'être servie de Viscas pour continuer de participer à l'entente.
112 Tout d'abord, la requérante relève, à cet égard, que la Commission a déclaré elle-même, au considérant 818 de la décision attaquée, qu'il n'y avait pas de preuve au dossier démontrant son implication directe dans l'entente. Ensuite, elle ajoute qu'aucune des personnes qui la représentaient aux réunions antérieures au 1er octobre 2001 n'avait représenté Viscas aux réunions organisées après cette date. Enfin, il n'existerait pas d'éléments prouvant que la requérante et Fujikura s'étaient entretenues au sujet de la participation de Viscas à un comportement collusoire, ni d'éléments prouvant que la direction de la requérante était consciente du comportement de Viscas ou l'avait approuvé à un certain moment.
113 La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet de l'ensemble du deuxième moyen.
114 À cet égard, il convient de relever que, par les deux branches du présent moyen, qu'il convient d'examiner conjointement et en renversant leur ordre, la requérante soutient que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit sa participation à l'entente pendant la période allant du 11 juin 2001 au 28 janvier 2009. Avant de passer à l'examen des arguments avancés par la requérante, il importe de relever que celle-ci ne conteste pas la nature unique et continue de l'infraction qui lui est reprochée, ni la participation de Viscas à cette infraction pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009.
- Sur la preuve de la participation de la requérante à l'entente du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009
115 Une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes ou bien encore d'un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d'actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s'inscrivent dans un " plan d'ensemble ", en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur, la Commission est en droit d'imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l'infraction considérée dans son ensemble (voir arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C-441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée, et du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C-239/11 P, C-489/11 P et C-498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 242 et jurisprudence citée).
116 Dans le cadre d'un accord global s'étendant sur plusieurs années, un décalage de quelques mois entre les manifestations de l'entente importe peu. Le fait que les différentes actions s'inscrivent dans un " plan d'ensemble " en raison de leur objet identique est en revanche déterminant (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, EU:C:2004:6, point 260).
117 Selon une jurisprudence constante, la notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Aux fins de l'application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leurs personnalités juridiques distinctes, n'est pas déterminante, ce qui importe étant l'unité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s'avérer nécessaire de déterminer si deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d'une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché. L'article 101, paragraphe 1, TFUE s'adresse ainsi à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels, poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition (voir arrêt du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T-76/08, non publié, EU:T:2012:46, point 58 et jurisprudence citée).
118 Lorsqu'une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction. Toutefois, l'infraction au droit de la concurrence de l'Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes. Il résulte d'une jurisprudence constante que le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, ce qui permet à la Commission d'adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu'il soit requis d'établir l'implication personnelle de cette dernière dans l'infraction (voir arrêt du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T-76/08, non publié, EU:T:2012:46, point 59 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C-628/10 P et C-14/11 P, EU:C:2012:479, points 42 à 44).
119 Afin de pouvoir imputer le comportement d'une filiale à la société mère, la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d'exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également vérifier si cette influence a effectivement été exercée (arrêt du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C-172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 44).
120 À cet égard, il incombe à la Commission de démontrer une telle influence déterminante, en prenant en compte l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C-628/10 P et C-14/11 P, EU:C:2012:479, point 45, et du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C-172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 43).
121 En premier lieu, s'agissant de la question de savoir si la Commission a, à raison, tenu la requérante pour responsable de la participation à l'entente pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, il y a lieu de rappeler brièvement les raisons, exposées aux considérants 824 à 852 de la décision attaquée, pour lesquelles la Commission a considéré que, pendant cette période, la requérante et Fujikura avaient conjointement exercé une influence déterminante sur Viscas, de sorte qu'elles constituaient avec cette dernière une entreprise au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE.
122 Tout d'abord, la Commission a relevé que Viscas avait été créée sur la base d'un accord d'entreprise commune conclu en 2001 (ci-après l'" AEC 2001 "), modifié en 2004 par un nouvel accord (ci-après l'" AEC 2004 "), entré en vigueur le 1er janvier 2005. Selon l'AEC 2001, Viscas fonctionnait en tant qu'agent des ventes à l'étranger pour ses sociétés mères, et non en tant que société ayant une présence autonome sur le marché. L'AEC 2004, entré en vigueur le 1er janvier 2005, a prévu un élargissement de l'étendue des activités de Viscas, comprenant désormais la fabrication et la vente des câbles à tous les clients des sociétés mères à l'exception des sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d'électricité, qui étaient réservées aux sociétés mères (considérant 828 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué que l'AEC 2004 avait relâché les relations entre Viscas et ses sociétés mères, sans que, pour autant, ces dernières aient cessé d'exercer une influence déterminante sur la première (considérant 850 de la décision attaquée).
123 La Commission a examiné les liens juridiques, organisationnels et économiques existant entre Viscas et ses sociétés mères et a constaté, en ce qui concerne les relations juridiques, que tant l'AEC 2001 que l'AEC 2004 garantissaient à chaque société mère le pouvoir de désigner la moitié des administrateurs de Viscas. À cet égard, il ressort de la décision attaquée que des chevauchements existaient en ce qui concerne les membres du conseil d'administration de Viscas et les organes de ses sociétés mères, puisque certains membres du conseil d'administration étaient engagés par Viscas à temps partiel et exerçaient en même temps les fonctions de cadres supérieurs au sein des sociétés mères (considérants 830 et 840). En particulier, M. T. était directeur à temps partiel chez Viscas, et, depuis 2005, son président, et, en même temps, cadre de haut niveau chez la requérante (voir annexe II de la décision attaquée).
124 La Commission a également fait état de différents mécanismes inscrits dans l'AEC 2001 et l'AEC 2004 permettant aux sociétés mères de Viscas de contrôler les décisions stratégiques prises par celle-ci. Selon l'AEC 2001, les questions importantes pour le comportement stratégique et commercial de Viscas nécessitaient une consultation préalable entre la requérante et Fujikura avant qu'elles ne puissent être soumises au conseil d'administration. Avec l'AEC 2004, l'exigence de consultation préalable a été abandonnée, mais les sociétés mères ont gardé la possibilité de facto de bloquer les décisions relatives aux questions stratégiques et fondamentales pour le fonctionnement de Viscas. En outre, Viscas était tenue par l'obligation de faire rapport sur l'apurement des comptes et l'examen des activités, sur le budget annuel, les plans annuels d'investissement en capital, les plans annuels de recherche et développement et les plans annuels relatifs au personnel. Les sociétés mères avaient également le droit d'inspecter les activités de Viscas et la situation de ses avoirs chaque fois qu'elles l'estimaient nécessaire (considérants 833, 834 et 835 de la décision attaquée).
125 Ensuite, en ce qui concerne les liens organisationnels, mis à part les chevauchements de la direction de Viscas et de celle de ses sociétés mères (voir point 123 ci-dessus), la Commission a relevé que plusieurs directeurs et autres employés occupant des postes supérieurs chez Viscas n'étaient pas des employés permanents de celle-ci, mais étaient détachés par la requérante et Fujikura, pendant toute la période de l'infraction. Certains des directeurs détachés occupaient simultanément des postes de direction au sein des sociétés mères. Les salaires des employés détachés étaient payés par Fujikura et la requérante et les sociétés mères devaient être consultées pour toute mesure disciplinaire concernant ces employés. La Commission a relevé, à cet égard, que, parmi les employés détachés de la requérante, M. T., au moins, avait participé aux activités de l'entente pour le compte de Viscas. L'AEC 2004 garantissait en outre à Fujikura et à la requérante le droit de déterminer les conditions de travail du personnel de Viscas (considérants 839 à 842 de la décision attaquée).
126 Enfin, en ce qui concerne les liens économiques, d'une part, la Commission a indiqué que Viscas dépendait économiquement de ses sociétés mères, dans la mesure où elles garantissaient ses engagements, tant en ce qui concernait la bonne exécution des projets qu'elle réalisait qu'en ce qui concernait sa dette financière. La Commission a indiqué, à cet égard, que l'intégralité de la dette financière de Viscas entre les exercices 2004 et 2008 était garantie par ses sociétés mères. D'autre part, la Commission a relevé que Viscas dépendait de ses sociétés mères pour son approvisionnement en matières premières et que, à la suite de la cession de leurs installations de fabrication, la requérante et Fujikura étaient devenues clientes de Viscas, qui produisait les câbles électriques vendus par la suite par ses sociétés mères à leurs clients réservés au Japon (voir point 122 ci-dessus) (considérants 845 et 846 de la décision attaquée).
127 Par ailleurs, la Commission a relevé que les négociations précédant la création de l'entreprise commune de production entre Viscas et Nexans France corroboraient sa conclusion selon laquelle la requérante et Fujikura exerçaient une influence déterminante sur Viscas. En effet, lorsque Nexans France a proposé la création d'une entreprise commune avec Viscas, elle a d'abord contacté la requérante et Fujikura, qui, initialement, n'ont pas accepté sa proposition. La suite des négociations s'est déroulée entre Nexans France, d'une part, et la requérante, Fujikura et Viscas, d'autre part (considérant 849 de la décision attaquée).
128 La requérante ne conteste pas les observations de la Commission résumées aux points 122 à 127 ci-dessus. Elle se limite à rappeler que la Commission n'a pas fourni de preuve de sa participation directe à l'entente après le 1er octobre 2001 et fait valoir que la Commission n'a pas démontré qu'elle s'était servie de Viscas pour continuer de participer à l'entente.
129 Or, il y a lieu de considérer que les éléments invoqués par la Commission, résumés ci-dessus, démontrent que, tant pendant la période de validité de l'AEC 2001 qu'après l'entrée en vigueur de l'AEC 2004, Viscas n'était pas en mesure de déterminer son comportement sur le marché des câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension de façon autonome eu égard à ses sociétés mères.
130 En effet, premièrement, les sociétés mères de Viscas dominaient son conseil d'administration et, grâce aux mécanismes de contrôle instaurés dans l'AEC 2004, elles avaient un droit de regard constant sur la plupart des décisions prises et des politiques menées par celle-ci. Elles influençaient tant les décisions stratégiques, telles que la décision d'entamer l'exploitation d'une nouvelle unité de production dans le cadre d'un accord d'entreprise commune entre Viscas et Nexans France, que les décisions relatives à la gestion quotidienne, telles que l'achat des matières premières ou la gestion des ressources humaines.
131 Deuxièmement, plusieurs chevauchements des membres du personnel de Viscas, y compris son conseil d'administration, et du personnel de la requérante permettaient d'assurer la communication d'informations entre la requérante et Viscas tout au long de la participation de cette dernière à l'entente.
132 Troisièmement, dans la décision attaquée, la Commission a fait état des circonstances démontrant une forte dépendance économique de Viscas à l'égard de ses sociétés mères ainsi que du fait que ces trois sociétés étaient perçues par leurs concurrents comme une unité sur le plan économique.
133 Il résulte de ce qui précède que, du point de vue de l'entente en cause, la requérante, Fujikura et Viscas faisaient partie d'une seule unité économique et, partant, formaient une seule et même entreprise au sens de l'article 101 TFUE, laquelle a déployé un comportement unique sur le marché des câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension et a participé à une infraction unique et continue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE. Il en ressort également que l'infraction commise par Viscas a été imputée à la requérante en raison de l'influence déterminante que celle-ci a exercée sur le comportement de Viscas sur le marché concerné. Dès lors, même si la Commission reconnaît n'avoir inclus au dossier aucune preuve démontrant une implication directe de la requérante dans l'entente, celle-ci doit être considérée comme personnellement responsable pour une infraction qu'elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques et juridiques étroits qui l'unissaient à Viscas et qui lui permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché en cause.
134 En second lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, les circonstances de la présente affaire et les preuves recueillies par la Commission confirment que la requérante et Fujikura se sont servies de Viscas pour continuer leur participation à l'entente.
135 À cet égard, premièrement, la Commission a certes précisé au considérant 811 de la décision attaquée qu'elle considérait que la participation directe de la requérante et de Fujikura à l'entente avait pris fin le 30 octobre 2001 et elle a ajouté au considérant 818 de ladite décision qu'il n'existait pas de preuve de la participation directe de ces sociétés à l'infraction au-delà de cette date. Toutefois, il importe de relever que la Commission a également indiqué dans ce dernier considérant que, à partir du 1er octobre 2001, tous les contacts relatifs à l'entente étaient assurés par Viscas et que ceux-ci concernaient également la protection des territoires et incluaient par conséquent la protection des ventes réalisées par la requérante et Fujikura au Japon. C'est au regard de ces circonstances que la Commission a estimé, au même considérant, qu'il était très improbable que la requérante et Fujikura n'aient pas été au courant de la poursuite de l'entente et du rôle que Viscas y avait joué au-delà de la période de leur propre participation directe.
136 Deuxièmement, il ressort du procès-verbal de la réunion A/R du 11 juin 2001, à laquelle la requérante était présente, joint par la Commission à son mémoire en défense, que, pendant cette réunion, la requérante et Fujikura ont fait savoir aux autres membres de l'entente qu'elles allaient fusionner leurs activités d'exportation et de conception de câbles à partir du 1er octobre 2001, dans le cadre d'une entreprise commune dont le nom n'était pas encore déterminé. Lors de la réunion du 5 septembre 2001, à laquelle la présence de la requérante n'est pas avérée, le représentant de Fujikura a confirmé la création de cette nouvelle entreprise commune par les deux sociétés mères et a révélé son nom.
137 Troisièmement, la création de Viscas et le fait que, au départ, elle était chargée uniquement des ventes des câbles fabriqués par ses sociétés mères en dehors du Japon, alors que les sociétés mères s'étaient réservées les ventes nationales, s'expliquent par la structure de l'entente. En effet, l'entente en sa " configuration A/R " était fondée, d'une part, sur le principe, entériné par l'accord sur le " territoire national ", qu'aucun participant ne pénétrerait sur le " territoire national " des autres et, d'autre part, sur la répartition de la quasi-totalité du reste du monde selon un quota préétabli, en vertu de l'accord sur les " territoires d'exportation ". Le fait d'isoler des ventes hors Japon de leurs activités et de les fusionner dans le cadre d'une entreprise commune permettait à Fujikura et à la requérante de se concentrer sur leur " territoire national ", protégé des concurrents étrangers par l'accord sur les " territoires nationaux ", d'arrêter leur participation aux réunions avec les membres européens de l'entente et de réduire le nombre de communications avec ceux-ci, réduisant ainsi le risque de découverte de l'entente. Il est révélateur, à cet égard, que les deux autres membres japonais de l'entente, Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable, ont lancé leur propre entreprise commune, J-Power Systems, au moment où la requérante et Fujikura ont lancé Viscas.
138 Quatrièmement, il ressort des éléments de preuve figurant au dossier administratif et présentés par la Commission dans son mémoire en défense que Viscas communiquait avec les autres membres de l'entente au nom de la requérante et que ces membres voyaient dans Viscas un représentant de la requérante. Dans un échange de courriels débutant le 15 avril 2003, un employé de Pirelli a fait part à M. T. O., de J-Power Systems, agissant en tant que coordinateur du côté japonais, de ses préoccupations concernant le fait que Viscas aurait en quelque sorte coopéré avec une entreprise européenne non impliquée dans l'entente en Grèce. En se référant à Viscas, l'employé de Pirelli a utilisé la formulation " Viscas (Fur) ". En réponse à ces préoccupations, M. E. T., de Viscas, a informé les membres R de l'entente, par l'intermédiaire de J-Power Systems, que sa société mère, la requérante, n'apporterait aucune assistance technique à l'entreprise européenne en cause.
139 Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a constaté que, pendant la période allant du 1er octobre 2001 jusqu'au 28 janvier 2009, la requérante avait continué à participer à l'entente par le biais de Viscas.
- Sur la preuve de la participation de la requérante à l'entente du 11 juin au 30 septembre 2001
140 Premièrement, d'une part, il y lieu de relever qu'il résulte des considérations exposées aux points 121 à 139 ci-dessus que c'est à juste titre que la Commission a tenu la requérante pour responsable de la participation à une entente pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009. D'autre part, la requérante reconnaît explicitement que sa participation éventuelle à l'entente s'est terminée le 11 juin 2001, c'est-à-dire le jour où son représentant a participé à une réunion A/R. Or, entre ces deux dates, seulement quatre mois se sont écoulés.
141 Deuxièmement, bien que la réunion du 11 juin 2001 ait un caractère clairement anticoncurrentiel, la requérante n'a aucunement fait savoir aux autres membres de l'entente qu'elle allait la quitter et, partant, ne s'en est pas distanciée publiquement.
142 Troisièmement, il ressort du procès-verbal de cette réunion que la requérante et Fujikura ont informé les autres membres de leur intention de créer Viscas. Au vu de l'adhésion ultérieure de Viscas aux accords, cette mention indique la continuité de la volonté de la requérante de participer à l'entente.
143 Quatrièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments de fait cités par la Commission dans la décision attaquée, postérieurs à la réunion du 11 juin 2001, la concernent et confirment sa participation continue à l'entente.
144 À cet égard, il y a lieu de relever l'échange de courriels mentionné aux considérants 177 et 179 de la décision attaquée. Ainsi que cela a été relevé au point 82 ci-dessus, cet échange de courriels, et, plus particulièrement, la réponse de M. M. adressée à M. J. le 26 juillet 2001, confirme l'implication de la requérante dans les activités collusoires à cette époque. En outre, même si, comme le soutient la requérante, M. O. a été transféré vers un département n'ayant pas de lien avec les câbles électriques, il n'en reste pas moins qu'il faisait toujours partie de son personnel et qu'elle en était responsable. Or, il ressort du dossier que M. O. avait toujours accès à sa messagerie électronique et qu'il pouvait donc suivre les échanges entre les autres membres de l'entente même s'il ne répondait pas à leurs messages.
145 Eu égard à ces éléments ainsi qu'au fait que la requérante ne conteste pas la nature unique et continue de l'infraction qui lui est reprochée, il y a lieu d'admettre que, conformément à la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, la requérante a continué sa participation à l'entente pendant la période allant du 11 juin au 30 septembre 2001.
146 Il résulte de ce qui précède que la Commission a démontré, à suffisance de droit, la participation continue de la requérante à l'infraction pendant la période allant du 18 février 1999 au 28 janvier 2009.
147 Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen du recours.
Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, de l'article 53 de l'accord EEE et du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission aurait erronément apprécié le degré de la participation de la requérante à l'entente
148 Le troisième moyen est invoqué, à titre principal, à l'appui des premier et troisième chefs de conclusions et, à titre subsidiaire, à l'appui du quatrième chef de conclusions du recours. Ce moyen se compose de trois branches. Par la première branche, la requérante fait grief à la Commission d'avoir commis une erreur d'appréciation en considérant qu'elle appartenait au noyau dur de l'entente. Par la deuxième branche, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors de l'évaluation de la gravité de l'infraction, de la nature différente des comportements qui se sont produits lors de la période initiale de sa participation à l'entente. Par la troisième branche, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction ainsi que de l'existence de circonstances atténuantes ou aggravantes, du rôle plus important joué par les producteurs européens dans la conception, l'instigation et la mise en œuvre de l'ensemble de l'infraction. Les deuxième et troisième branches du moyen visant, en substance, à démontrer des erreurs commises par la Commission dans la détermination du montant de l'amende, elles seront examinées ensemble avec le cinquième moyen du recours, tiré d'une violation des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.
149 À l'appui de la première branche du troisième moyen, en premier lieu, la requérante soutient que la Commission ne peut pas affirmer qu'elle " a continué " de participer à l'entente par le biais de Viscas et utiliser les éléments du comportement de Viscas pour étayer ses conclusions relatives à la nature de la participation de la requérante à l'entente.
150 En deuxième lieu, la requérante conteste les critères, énumérés au considérant 545 de la décision attaquée, sur lesquels est fondée la qualification de membre du noyau dur de l'entente.
151 Ainsi, tout d'abord, si elle reconnaît avoir assisté à plusieurs réunions avec d'autres membres de l'entente, elle estime que sa participation à ces réunions avait un caractère différent de celle des autres participants. En effet, d'une part, son représentant aux réunions A/R, M. O., n'aurait que peu d'expérience et une connaissance limitée des accords. D'autre part, le représentant de la requérante aux réunions des entreprises japonaises, M. Y. O., aurait exprimé sa réticence quant à la participation à une entente avec les entreprises européennes. La requérante relève, en outre, qu'elle a adopté un comportement concurrentiel sur le marché en 1998.
152 Ensuite, elle soutient que, pendant la période initiale de l'entente, elle n'a participé qu'à huit réunions, ce qui constituerait un nombre substantiellement moins élevé que le nombre des réunions auxquelles ont participé les autres membres de l'entente. Elle estime qu'elle n'est pas concernée par les communications et les réunions qui ont eu lieu après le 30 septembre 2001.
153 En outre, la requérante affirme qu'elle n'avait pas la capacité d'établir les paramètres de l'entente et qu'elle n'a pas participé de manière déterminante à l'établissement de l'accord sur les " territoires nationaux ". La Commission n'aurait cité qu'un seul exemple de projet localisé dans le " territoire national " européen pour lequel la requérante avait refusé de soumissionner, à savoir le projet NorNed, et il ressortirait des circonstances de la cause que ce refus était fondé sur des motifs légitimes.
154 De plus, la requérante soutient qu'elle a mis fin à sa participation à l'entente le 30 septembre 2001 et estime qu'il est inacceptable que la Commission affirme que sa participation avait continué jusqu'à la fin de l'entente, survenue le 28 janvier 2009.
155 De surcroît, elle fait valoir qu'elle n'a joué aucun rôle dans la " configuration européenne de l'entente ".
156 Enfin, la requérante fait valoir qu'elle n'a pas participé à toutes les pratiques collusoires dont le résumé figure au considérant 493 de la décision attaquée. Elle estime également que les différentes pratiques composant l'entente n'ont pas le même degré de nocivité pour le marché de l'EEE et, partant, la même gravité. Dès lors que sa participation à l'entente se limiterait à l'accord sur les " territoires d'exportation ", la Commission ne pourrait pas la compter parmi les membres du noyau dur.
157 En troisième lieu, selon la requérante, il ressort tant de la communication des griefs que de la décision attaquée que les membres R de l'entente Nexans France et Prysmian Cavi e Sistemi Energia ont joué un rôle prépondérant dans la mise en œuvre de l'entente. De plus, les éléments aggravant la participation de ces deux entreprises à l'entente ne seraient pas constatés en ce qui concerne la requérante. En particulier, la Commission n'aurait pas confirmé, en ce qui concerne la requérante, la participation à un grand nombre de réunions bilatérales et multilatérales, une implication profonde dans les activités, la participation en tant que coordinateur ou l'application active de l'accord sur le " territoire national ". La qualification de la requérante de membre du noyau dur ne ressortirait aucunement de la communication des griefs, puisque la Commission aurait relevé qu'elle ne pensait pouvoir appliquer de circonstances atténuantes à aucun participant à l'entente et que seule Nexans France avait joué un rôle particulier en tant que meneur de l'entente.
158 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet de la première branche du troisième moyen.
159 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que c'est à bon droit que la Commission a constaté que, pendant la période allant du 1er octobre 2001 jusqu'au 28 janvier 2009, la requérante avait continué à participer à l'entente par le biais de Viscas (voir point 139 ci-dessus). Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission était tout à fait autorisée à utiliser les éléments du comportement de Viscas pour étayer ses conclusions relatives à la nature de la participation de la requérante à l'entente.
160 En deuxième lieu, les critères selon lesquels la Commission a distingué, parmi les membres de l'entente, ceux qui faisaient partie de son noyau dur sont exposés au considérant 545 de la décision attaquée, libellé comme suit :
" Nexans, Pirelli/Prysmian, Sumitomo, Hitachi et JPS, Furukawa, Fujikura et Viscas étaient impliquées dans pratiquement toutes les activités de l'entente décrites au considérant 493. Ces dernières (ou leurs prédécesseurs) ont pris part aux négociations qui ont mené à l'entente et elles ont été impliquées dès le début de l'entente. De plus, les représentants de ces participants étaient impliqués dans la plupart des communications et des réunions de l'entente malgré l'existence de leurs coordinateurs respectifs. En assistant aux réunions A/R, tous les membres constitutifs du noyau dur des participants à l'entente étaient capables d'établir les paramètres de l'entente. À l'exception de JPS, tous les participants sont restés actifs dans l'entente jusqu'à la fin. En raison de leur participation clé dans l'établissement et la mise en œuvre de "l'accord sur le territoire national" et (pour Nexans et Pirelli/Prysmian) de leur rôle dans la "configuration européenne de l'entente", ces parties sont dès lors considérées comme le noyau dur des participants à l'entente. "
161 Or, les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause la qualification retenue par la Commission au considérant 545 de la décision attaquée. En effet, contrairement à ce que la requérante soutient, les critères retenus par la Commission dans ce considérant sont réunis en ce qui la concerne.
162 Ainsi, premièrement, s'agissant de l'intensité de la participation aux réunions et des communications avec les autres membres de l'entente, tout d'abord, il convient de relever qu'il est constant que la requérante a assisté aux réunions anticoncurrentielles avec des fournisseurs japonais organisées en 1998, directement après la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA et avant le lancement de l'entente le 18 février 1999.
163 Toutefois, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, elle ne s'est aucunement distanciée des accords qui ont fait l'objet des discussions lors de ces réunions. En effet, les arguments de la requérante relatifs à son attitude prétendument réticente à l'égard d'un futur accord avec les fournisseurs européens et sa tentative d'adopter un comportement concurrentiel sur le marché sont contredits par les éléments de fait apportés par la Commission. Il ressort des notes des réunions du 28 janvier et du 18 mars 1998, fournies par la Commission en annexe de son mémoire en défense, que les déclarations de M. Y. O. citées par la requérante dans sa requête ont été sorties de leur contexte.
164 Il est ainsi indiqué dans les notes de M. Y. O. ce qui suit :
" Le but du système est de sécuriser les affaires (le gâteau), la protection du territoire national, le maintien du prix. À l'heure actuelle (à partir de la proposition de R) il n'y a pas de sécurisation des affaires. [L'accord sur] le territoire national n'est accepté que par cinq entreprises. Le prix n'est pas maintenu (nous ne savons pas ce qu'il en est pour toutes les transactions, mais au moins pour le Koweït, il ne l'est pas). La raison à cela est que R a décidé de se retirer unilatéralement de l'accord STEA. Ils ne nous en ont pas avertis immédiatement et leur gestion du Koweït a été très dure contre le Japon. Il est douteux que cela fonctionnera bien même si un coordinateur a été désigné. Il n'y a pas d'autre moyen pour notre entreprise que de procéder par nous même pour les futures transactions. Je ne m'opposerai à aucune demande de R à A pour affecter un coordinateur, mais nous ne serons pas en mesure d'aller de l'avant si nous ne pouvons pas accepter les conditions telles que la sécurisation des affaires et etc. [...] "
165 Lues dans leur ensemble, ces notes confirment donc que, en cette période de négociations précédant le début de l'entente, la requérante considérait que les intérêts des entreprises japonaises, en particulier eu égard à leur territoire national, n'étaient pas suffisamment protégés et que c'était cette situation qui provoquait ses doutes. Cependant, elle n'excluait pas son engagement dans l'accord si les conditions devaient changer. Par ailleurs, s'agissant de l'offre concurrentielle que la requérante a faite en 1998 pour un projet à Singapour réservé aux fournisseurs européens (voir point 66 ci-dessus), il suffit de relever qu'il s'agit d'un incident isolé qui, de surcroît, a fait l'objet de vives critiques de la part des autres fournisseurs japonais lors d'une réunion ultérieure.
166 Ensuite, il convient également de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, sa participation aux réunions lors de la période du 18 février 1999 au 1er octobre 2001 n'a pas été sensiblement moins intense que celle des autres membres. En effet, la requérante a participé à huit réunions A/R organisées au cours de cette période, ce qui constitue un nombre comparable à celui des réunions auxquelles ont participé les autres membres du noyau dur. En effet, Pirelli et Fujikura ont également participé à au moins huit réunions, [confidentiel], devenue par la suite Nexans France, à neuf réunions, Hitachi Cable à onze réunions et Sumitomo Electric Industries à douze réunions A/R. Le fait que la requérante a participé à un nombre de réunions bilatérales plus réduit a une importance limitée, dès lors que c'est au cours des réunions A/R que les paramètres de l'entente ont pu être déterminés.
167 Enfin, il y a lieu de relever qu'il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, que les représentants de Viscas ont régulièrement participé aux réunions et aux communications au cours de l'entente, et ce jusqu'à la fin de celle-ci en janvier 2009.
168 Deuxièmement, s'agissant de la capacité de la requérante à influer sur les paramètres de l'entente, il convient de relever que sa participation continue aux réunions dès le début de l'entente lui donnait la possibilité d'agir sur lesdits paramètres. À cet égard, la prétendue inexpérience de l'employé de la requérante qui participait à ces réunions n'a aucunement été démontrée.
169 Troisièmement, la circonstance que la Commission n'a invoqué que le projet NorNed pour démontrer la mise en œuvre de l'accord sur les " territoires nationaux " par la requérante ne suffit pas pour considérer que la requérante n'a pas joué un rôle clé dans la mise en œuvre de cet accord.
170 En effet, il ressort de l'examen du premier moyen du recours que cet accord était débattu et négocié lors des réunions A/R organisées du 18 février 1999 au 1er octobre 2001, auxquelles la requérante a participé aux côtés des autres membres du noyau dur. Par ailleurs, il existe aussi des preuves de la mise en œuvre de cet accord pendant la période initiale de l'entente. Enfin, après la création de Viscas, celle-ci a activement participé à la réalisation de l'accord sur les " territoires nationaux ", en notifiant aux membres R, en vue d'obtenir des instructions, les demandes d'offres et des renseignements qu'elle recevait de ses clients potentiels européens et en respectant lesdites instructions.
171 Quatrièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel celle-ci aurait mis fin à sa participation à l'entente le 30 septembre 2001, il suffit de relever qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen du recours que la Commission a, à juste titre, considéré que la requérante avait participé à l'entente jusqu'au 28 janvier 2009, date qui marque la fin de l'entente.
172 Cinquièmement, s'agissant du critère du rôle joué dans le cadre de la " configuration R de l'entente ", il ressort du considérant 545 de la décision attaquée que la Commission l'a retenu seulement à l'égard de Nexans France et de Prysmian Cavi e Sistemi Energia. L'argument de la requérante procède donc d'une lecture erronée de ce considérant.
173 Sixièmement, s'agissant de la participation de la requérante aux pratiques énumérées au considérant 493 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne la requérante elle-même, il ressort de l'examen du premier moyen qu'elle a participé à l'accord sur le " territoire national ". En absence de contestation, il y a lieu de considérer, en outre, que la requérante a participé à l'accord sur les " territoires d'exportation ". En ce qui concerne Viscas, il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent recours, la requérante ne formule aucun argument pour contester les observations de la Commission relatives à la participation de son entreprise commune à l'entente. Partant, il y a lieu de considérer que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante, directe ou par le biais de Viscas, à la plupart des pratiques énumérées au considérant 493 de la décision attaquée, à savoir, outre la mise en œuvre de l'accord sur le " territoire national " et de l'accord sur les " territoires d'exportation ", des accords sur les prix, la soumission d'offres de couverture, l'échange d'informations stratégiques et commerciales sensibles telles que les capacités disponibles ou l'intérêt dans la participation à certains appels d'offres spécifiques, le refus collectif de fournir des accessoires ou une assistance technique à certains concurrents, l'échange de feuilles de position et d'information de marché ainsi que l'établissement d'obligations de notification. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la question de savoir si certaines pratiques reprochées à la requérante étaient plus ou moins nocives pour le marché de l'EEE.
174 En troisième lieu, d'une part, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas retenu à l'égard de la requérante, ni d'ailleurs à l'égard d'aucune autre entreprise du noyau dur de l'entente, de circonstances aggravantes. Ainsi, la qualification de membre de noyau dur n'a entraîné aucune majoration de l'amende. La Commission a seulement réduit de respectivement 5 % et 10 % le montant de base de l'amende à infliger aux entreprises appartenant au groupe intermédiaire et aux entreprises qualifiées d'acteurs marginaux. Partant, en ce qui concerne la requérante, la Commission ne s'est pas écartée dans la décision attaquée de ce qu'elle annonçait dans la communication des griefs. D'autre part, par les arguments relatifs à l'appréciation du comportement de Nexans France et de Pirelli, la requérante cherche, en substance, à faire valoir une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à l'infraction. Or, selon une jurisprudence constante, de tels arguments ne sauraient être accueillis. En effet, par principe, le participant à une infraction ne saurait invoquer une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à cette infraction (voir arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T-30/10, non publié, EU:T:2014:253, point 284 et jurisprudence citée). Par conséquent, il convient de juger que la Commission n'était pas tenue de reconnaître une circonstance atténuante tirée d'un prétendu rôle secondaire de la requérante et, en tout état de cause, qu'un tel comportement, même à le supposer établi, ne justifie pas une réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T-30/10, non publié, EU:T:2014:253, point 286).
175 Il convient donc de rejeter la première branche du troisième moyen.
Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation de l'article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003
176 Par ce moyen, invoqué à l'appui du troisième chef de conclusions du recours, visant à obtenir l'annulation de l'article 2, sous n), de la décision attaquée, la requérante soutient que la Commission est forclose à lui infliger une amende. En effet, selon elle, la Commission n'ayant pas produit de preuves suffisantes pour confirmer sa participation directe à l'entente au-delà du 11 juin 2001 et n'ayant pas non plus démontré qu'elle avait continué à participer à l'entente par le biais de Viscas à partir du 1er octobre 2001, le délai de cinq ans pendant lequel la Commission était autorisée à infliger une amende aurait déjà expiré lorsque la Commission a adopté la décision attaquée.
177 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 permet à la Commission d'infliger, par voie de décision, des amendes aux entreprises et aux associations d'entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions des articles 101 ou 102 TFUE. En vertu de l'article 25, paragraphe 1, sous b), du même règlement, ces infractions sont prescrites à l'issue d'un délai de cinq ans. L'article 25, paragraphe 2, dudit règlement précise que, s'agissant des infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin. Enfin, conformément à l'article 25, paragraphe 3, première phrase, de ce règlement, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction.
178 Or, il résulte de l'examen du deuxième moyen que c'est à bon droit que la Commission a considéré, en l'espèce, que la requérante avait poursuivi sa participation à l'entente tant pendant la période allant du 11 juin au 30 septembre 2001 que pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009. En outre, la requérante ne conteste pas la qualification d'infraction unique et continue visée par la décision attaquée. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'infraction qu'elle a commise n'a pas pris fin le 11 juin 2001 ou, tout au plus, le 30 septembre 2001, mais le 28 janvier 2009. Compte tenu notamment de la communication des griefs du 30 juin 2011 (voir point 7 ci-dessus), la Commission pouvait donc lui imposer le 2 avril 2014 une amende pour toute la période d'infraction, allant du 18 février 1999 au 28 janvier 2009.
179 Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.
Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, et sur les deuxième et troisième branches du troisième moyen
180 Dans le cadre du cinquième moyen ainsi que des deuxième et troisième branches du troisième moyen, qu'il convient d'examiner ensemble, la requérante fait grief à la Commission d'avoir commis diverses erreurs dans le calcul du montant de l'amende qui lui a été infligée au titre de sa participation directe à l'entente.
181 Ainsi, par la première branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d'avoir inclus dans la valeur des ventes réalisées en 2004, utilisée pour déterminer le montant de base de l'amende qui lui a été infligée pour sa participation directe à l'entente, outre les ventes de Viscas, ses propres ventes ainsi que celles réalisées par Fujikura. Par la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante fait grief à la Commission d'avoir, eu égard aux erreurs qu'elle a commises en déterminant la durée de sa participation directe à l'infraction, fixé erronément le coefficient de durée dans le calcul du montant de l'amende.
182 Par la deuxième branche du troisième moyen, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, de la nature différente des comportements qui se sont produits lors de la période initiale de sa participation à l'entente. Dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen, la requérante fait grief à la Commission de n'avoir pas tenu compte du rôle plus important joué par les producteurs européens dans la conception, l'instigation et la mise en œuvre de l'ensemble de l'infraction, ni lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, ni lors de l'examen de l'existence de circonstances atténuantes ou aggravantes. Dans le cadre de la troisième branche du cinquième moyen, la requérante soutient que l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ayant favorisé les producteurs européens, la Commission aurait dû lui accorder des circonstances atténuantes pour tenir compte du fait qu'elle n'appartenait pas au noyau dur de l'entente, de la nature différente des comportements qui ont eu lieu au cours de la période initiale de sa participation à l'entente ainsi que du fait que l'infraction commise par les membres A de l'entente était moins grave que celle commise par ses membres R. À défaut, la Commission aurait dû faire application de la clause d'exception prévue au paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, comme elle l'a fait dans le passé dans les décisions relatives aux ententes dans les secteurs de la quincaillerie des fenêtres et du commerce des crevettes de la mer du Nord. Enfin, la requérante soutient que, du fait des barrières importantes à l'entrée sur le marché de l'EEE, son éventuelle participation à l'entente n'aurait eu que des effets négligeables pour ce marché.
183 Avant d'examiner les arguments de la requérante à cet égard, il convient de rappeler les principes qui régissent le calcul du montant de l'amende ainsi que la façon dont ils ont été appliqués en l'espèce par la Commission.
- Sur les principes régissant le calcul du montant de l'amende et sur leur application en l'espèce
184 Selon la jurisprudence, il ressort de l'article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction poursuivie et que, en vertu de l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération la gravité de l'infraction et la durée de celle-ci. Les principes de proportionnalité et d'adéquation de la peine à l'infraction prévoient également que le montant de l'amende infligée doit être proportionnel à la gravité et à la durée de l'infraction (arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T-551/08, EU:T:2014:1081, point 308 et jurisprudence citée).
185 En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doive fixer le montant de l'amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction et qu'elle doive à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T-551/08, EU:T:2014:1081, point 309 et jurisprudence citée).
186 En outre, lors de la détermination du montant de l'amende, selon la jurisprudence, des éléments objectifs tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l'étendue du marché affecté et la détérioration subie par l'ordre public économique doivent être pris en compte. L'analyse doit également prendre en considération l'importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu'une éventuelle récidive. Dans un souci de transparence, la Commission a adopté les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, dans lesquelles elle indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l'infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l'amende (voir arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T-551/08, EU:T:2014:1081, point 310 et jurisprudence citée).
187 Il ressort des paragraphes 19 à 26 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 que le montant de base de l'amende se compose d'un montant variable pouvant aller jusqu'à 30 % des ventes concernées d'une entreprise donnée dans l'EEE, déterminé en fonction du degré de gravité de l'infraction et multiplié par le nombre d'années de participation de cette entreprise à l'infraction, et, s'il y a lieu, d'un montant additionnel, à savoir le " droit d'entrée ", compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes concernées de cette entreprise, quelle que soit la durée.
188 Selon le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l'amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l'entreprise, en relation directe ou indirecte avec l'infraction. À cette fin, la Commission utilise normalement les ventes de l'entreprise réalisées durant la dernière année complète de sa participation à l'infraction.
189 Le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoit toutefois ce qui suit :
" Lorsque l'étendue géographique d'une infraction dépasse le territoire de l'[EEE] (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l'entreprise à l'intérieur de l'EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l'infraction. Tel peut en particulier être le cas d'accords mondiaux de répartition de marché.
Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l'EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l'infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou services en relation avec l'infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l'EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l'infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l'intérieur de l'EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l'amende. "
190 Le montant de base de l'amende ainsi calculé peut faire l'objet d'aménagements. Il peut ainsi être augmenté s'il existe des circonstances aggravantes, telles que celles prévues au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, ou réduit lorsque la Commission constate l'existence de circonstances atténuantes, telles que celles mentionnées au paragraphe 29 de ces mêmes lignes directrices.
191 La Commission peut également, en vertu du paragraphe 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, augmenter le montant de l'amende à imposer aux entreprises dont le chiffre d'affaires, au-delà des biens et des services auxquels l'infraction se réfère, est particulièrement important afin d'assurer son caractère dissuasif.
192 En toute hypothèse, pour chaque entreprise, le montant total de l'amende ne peut excéder 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent, conformément à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.
193 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que, afin de déterminer la valeur des ventes, qui constitue le point de départ du calcul du montant de base de l'amende, la Commission a décidé de se départir de la méthode qui découle du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et d'appliquer la méthode prévue par le paragraphe 18 desdites lignes directrices au motif que les ventes réalisées par certaines entreprises membres de l'entente à l'intérieur de l'EEE ne reflétaient pas de manière adéquate leur poids dans l'infraction, que le territoire couvert par l'entente était plus vaste que l'EEE et que toutes les parties à l'entente étaient des producteurs de premier plan présents dans le monde entier (considérant 968 de la décision attaquée).
194 Par ailleurs, la Commission a également décidé d'utiliser la valeur des ventes réalisées par les entreprises concernées durant l'année 2004, et non la valeur de celles réalisées durant la dernière année complète de la participation de chacune des entreprises. Pour justifier cette approche, premièrement, la Commission a indiqué que les ventes de câbles électriques réalisées à l'échelle de l'EEE et sur le plan mondial avaient sensiblement augmenté à compter de l'année 2006. Dès lors, les ventes réalisées au cours du dernier exercice complet n'étaient pas suffisamment représentatives de la période infractionnelle, notamment pour les entreprises qui ont cessé toute participation à l'entente après 2006. Selon la Commission, le fait de se fonder sur les ventes réalisées en 2004 permet d'obtenir une estimation plus précise de l'importance économique de l'infraction pendant toute sa durée ainsi que du poids relatif des entreprises concernées dans l'infraction. Deuxièmement, la Commission a précisé que le recours aux ventes de l'année 2004 permettait d'éviter un traitement discriminatoire entre les entreprises qui ont mis fin plus tôt à leur participation directe à l'entente et celles qui l'ont poursuivie. Selon la Commission, il ressort du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 que, dans de telles circonstances, elle peut décider de ne pas se fonder sur les ventes de l'année précédente. La Commission a ajouté que le choix d'une seule année de référence était préférable aux fins de l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Selon la Commission, la prise en compte d'années de référence différentes pour l'ensemble des participants pouvait compromettre gravement, en l'espèce, la finalité et l'application dudit paragraphe 18 (considérants 965 et 966 de la décision attaquée).
195 En conséquence, conformément à la méthode décrite au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, tout d'abord, la Commission a déterminé la valeur des ventes de câbles électriques sous-marins et la valeur des ventes de câbles électriques souterrains concernés réalisées ensemble par les membres de l'entente en 2004 dans le monde entier à l'exclusion des États-Unis. Ensuite, elle a vérifié quelles étaient les parts de ces ventes réalisées par chacune des entreprises participant à l'entente (considérant 991 et tableau 4 de la décision attaquée). Enfin, elle a appliqué les pourcentages de parts ainsi établis à la valeur des ventes de câbles électriques sous-marins et à la valeur des ventes de câbles électriques souterrains réalisées par les membres de l'entente en 2004 dans l'EEE. À cette dernière étape, afin de tenir compte de l'évolution territoriale de l'EEE, la Commission a décidé d'établir trois valeurs de vente : une première pour l'EEE composé de 18 membres, une deuxième pour l'EEE composé de 28 membres et une troisième pour l'EEE composé de 30 membres (considérants 967 et 990 et tableaux 5 à 7 de la décision attaquée).
196 La Commission a dès lors appliqué à chacune de ces trois valeurs de vente un coefficient correspondant à la gravité de l'infraction. Ce dernier s'élevait à 15 % pour toutes les entreprises ayant pris part à l'entente, auxquels s'ajoutaient 2 % au titre de la part de marché cumulée détenue par ces entreprises et de la portée géographique de l'entente. Les entreprises européennes ayant pris part à la " configuration A/R " ainsi qu'à la " configuration européenne de l'entente " se sont vu infliger un coefficient de 2 % supplémentaires. Puis, la Commission a appliqué au chiffre obtenu pour chacune de ces périodes le coefficient multiplicateur correspondant à la durée de l'infraction commise dans l'EEE à 18 membres (du 18 février 1999 au 30 avril 2004), à 28 membres (du 1er mai 2004 au 31 décembre 2006) et à 30 membres (du 1er janvier 2007 au 28 janvier 2009).
197 Pour déterminer le montant de base de l'amende de chaque participant à l'entente, en application du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission a encore ajouté au chiffre obtenu après application du coefficient multiplicateur le " droit d'entrée ", correspondant à une proportion de la valeur des ventes de 17 à 19 %. Ce montant additionnel n'a toutefois pas été appliqué aux entreprises communes.
198 Pour finir, après avoir constaté l'absence de circonstances aggravantes, la Commission a tenu compte, à titre de circonstances atténuantes, de la participation limitée de plusieurs entreprises à l'entente ainsi que, pour certaines, de leur méconnaissance d'aspects particuliers de l'entente, en réduisant le montant total de leur amende de 5 % à 10 %. La Commission n'a constaté aucune circonstance atténuante en ce qui concernait la requérante. Par ailleurs, la Commission n'a pas estimé nécessaire d'augmenter le montant des amendes infligées pour leur conférer un effet dissuasif au sens du paragraphe 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.
199 S'agissant plus particulièrement de la détermination de la valeur des ventes des entreprises japonaises aux fins de l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, premièrement, la Commission a relevé que la participation de ces entreprises à l'entente se divisait en deux périodes, à savoir une première période de participation directe à l'entente de Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, la requérante, Fujikura, SWCC Showa Holdings et Mitsubishi Cable Industries, et une seconde période pendant laquelle ces sociétés ont participé à l'entente par le biais de leurs entreprises communes respectives, J-Power Systems, Viscas et Exsym. La Commission a considéré que, dès lors que les sociétés mères ont poursuivi leur participation à l'entente par l'intermédiaire de leurs entreprises communes respectives, il serait artificiel d'utiliser une année de référence différente pour établir la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de l'amende pour la première période et pour la seconde période. La prise en compte d'une année de référence différente conduirait à opérer une discrimination entre des entreprises japonaises et les autres destinataires de la décision attaquée, du seul fait que les entreprises japonaises avaient décidé de constituer des entreprises communes (considérants 977 et 978 de la décision attaquée).
200 Deuxièmement, la Commission a indiqué, en se référant à cet égard aux observations qu'elle a faites dans la communication des griefs, que les ventes à prendre en compte, pour ce qui était des entreprises communes et de leurs sociétés mères, incluaient non seulement les ventes à des tiers réalisées par chaque entreprise commune en 2004, mais aussi les ventes des sociétés mères aux tiers conservés en tant que clients propres pendant la durée de l'entreprise commune. La Commission a relevé, à cet égard, que, au cours de la procédure administrative, la requérante, Fujikura et Viscas avaient soutenu que cette approche allait à l'encontre du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, dans la mesure où les ventes de la requérante et de Fujikura réalisées après la création de Viscas ne seraient ni en relation directe ni en relation indirecte avec l'infraction. La Commission a rejeté leurs arguments en indiquant, au considérant 980 de la décision attaquée, que les ventes qui étaient couvertes par l'entente avant la constitution des entreprises communes avaient par la suite été réparties entre les sociétés mères et les entreprises communes selon des critères clairs fondés sur le type de clientèle et sur la portée géographique. La Commission a ajouté que, en application de l'accord sur le " territoire national ", toutes les ventes réalisées par les sociétés mères après la constitution de leurs entreprises communes étaient également protégées par les accords collusoires du fait de la participation desdites entreprises communes à l'entente.
201 Troisièmement, afin de refléter la puissance économique de chaque société mère et son poids dans l'infraction au cours de la période ayant précédé la constitution des entreprises communes, la Commission a décidé de répartir les ventes établies pour chaque entreprise commune entre les sociétés mères proportionnellement aux ventes individuelles réalisées par chacune des sociétés mères au cours de l'exercice complet ayant précédé la constitution de leur entreprise commune (considérants 981 et 982 de la décision attaquée).
- Sur l'inclusion dans la valeur des ventes servant à la détermination du montant de base de l'amende de Viscas des ventes indépendantes de la requérante et de Fujikura
202 Par la première branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission, en substance, d'avoir commis une erreur en incluant dans la valeur des ventes servant à la détermination du montant de base de l'amende, outre les ventes de Viscas, ses propres ventes ainsi que celles de Fujikura.
203 Tout d'abord, cette approche ne tiendrait pas compte du fait que la Commission n'aurait aucunement démontré la participation continue de la requérante à l'entente pendant la période postérieure au 1er octobre 2001 et, donc, que les ventes réservées de la requérante n'étaient pas en relation directe avec l'infraction.
204 Ensuite, cette approche serait contraire à la jurisprudence et à la pratique antérieure de la Commission, en particulier à la décision C(2012) 4381 final de la Commission, du 27 juin 2012, modifiant la décision C(2006) 6762 final, du 24 janvier 2007, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/39.966 - Appareillages de commutation à isolation gazeuse - Amendes) (ci-après la " décision AIG II "). Dans cette dernière décision, la Commission aurait conclu, comme en l'espèce, que les sociétés mères participaient à l'entente par l'intermédiaire de leur entreprise commune après la constitution de celle-ci. Toutefois, en calculant le montant de l'amende dans cette affaire, la Commission n'aurait utilisé que le chiffre d'affaires de l'entreprise commune pour calculer tant l'amende à infliger aux sociétés mères pour leur participation directe à l'infraction avant la constitution de l'entreprise commune que l'amende infligée " conjointement et solidairement " aux sociétés mères et à l'entreprise commune pour la participation de cette dernière à l'infraction.
205 Enfin, la requérante soutient que, dès lors que, d'une part, la Commission n'a exposé que très sommairement les raisons pour lesquelles elle a décidé de tenir compte de ses ventes réservées dans le calcul de la valeur des ventes et, d'autre part, elle n'a pas exposé les motifs pour lesquels, dans la décision attaquée, elle a adopté une approche nouvelle et différente de celle qui ressortait de sa pratique antérieure, la Commission a violé son obligation de motivation, le principe de protection de la confiance légitime et le principe d'égalité de traitement.
206 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet de la première branche du cinquième moyen.
207 À titre liminaire, il y a lieu de constater, eu égard aux considérations exposées aux points 193 à 201 ci-dessus, que, contrairement aux allégations de la requérante, le raisonnement adopté par la Commission en vue de la détermination de la valeur des ventes aux fins du calcul du montant des amendes des entreprises japonaises, y compris la requérante, est exposé dans la décision attaquée de façon claire et compréhensible et que, de surcroît, il correspond aux considérations exposées par la Commission dans la communication des griefs, dans laquelle la Commission avait annoncé que, " dans le cas des sociétés japonaises, la valeur des ventes sera[it] établie sur la base des ventes des produits concernés effectuées par chaque entreprise commune et, le cas échéant, par les sociétés mères correspondantes, à des tiers ".
208 Par ailleurs, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence, dans le cas où deux sociétés mères détiennent chacune 50 % de l'entreprise commune ayant commis une infraction aux règles du droit de la concurrence, c'est uniquement aux fins de la constatation de la responsabilité pour la participation à l'infraction à ce droit et seulement dans la mesure où la Commission a démontré, sur la base d'un ensemble d'éléments factuels, l'exercice effectif de l'influence déterminante des deux sociétés mères sur l'entreprise commune que ces trois entités peuvent être considérées comme faisant partie d'une unité économique formant ainsi une seule entreprise au sens de l'article 101 TFUE (arrêts du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C-179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 58 ; du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, EU:T:2006:266, points 137 et 138, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T-343/06, EU:T:2012:478, point 45).
209 Or, il résulte de l'analyse du deuxième moyen que, pendant toute la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, la requérante, Fujikura et Viscas faisaient partie, du point de vue de l'objet de cette entente, d'une seule unité économique et, partant, formaient une seule et même entreprise au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, laquelle a déployé un comportement unique sur le marché des câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension. C'est donc bien cette entreprise qui, pendant la période concernée, a participé à l'infraction unique et continue en violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE et de l'article 53 de l'accord EEE.
210 Dans une telle situation, il ne saurait être considéré que, par principe, la Commission ne pouvait pas tenir compte des ventes réalisées par la requérante et Fujikura pour calculer la valeur des ventes hypothétiques réalisées par Viscas dans l'EEE en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.
211 Il convient en effet de relever que le paragraphe 6 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 précise que " la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l'infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l'importance économique de l'infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l'infraction ". Or, conformément au paragraphe 13 desdites lignes directrices, il doit être tenu compte de la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l'entreprise en relation directe ou indirecte avec l'infraction.
212 Il est vrai que, généralement, la Commission tient compte seulement des ventes réalisées par l'entreprise commune aux fins de calculer l'amende à laquelle sont, in fine, condamnées " conjointement et solidairement " les sociétés mères, pour autant qu'il soit démontré qu'elles ont exercé une influence déterminante sur leur filiale.
213 Toutefois, en l'espèce, la requérante et Fujikura n'ont pas transféré à leur filiale la totalité des activités couvertes par l'entente, mais elles ont conservé pour elles-mêmes une partie de ces activités.
214 La Commission a indiqué que, pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2004, Viscas était un agent des ventes à l'étranger agissant pour ses sociétés mères. Il ressort en effet du considérant 818 de la décision attaquée que, à partir du 1er octobre 2001, tous les contacts relatifs à l'entente étaient assurés par Viscas et que ceux-ci concernaient également la protection des territoires et incluaient par conséquent la protection des ventes réalisées par la requérante et Fujikura au Japon. Il ressort également du considérant 825 de la décision attaquée, non contesté par la requérante, que, pendant cette période, la requérante et Fujikura ont transféré à Viscas leurs ventes respectives de câbles électriques sous-marins et souterrains en dehors du Japon à des entreprises non japonaises. Les installations de production et les activités de vente au Japon ainsi qu'à des sociétés japonaises hors du Japon ont été conservées par les sociétés mères. Il ressort du considérant 828 de la décision attaquée que, à la suite des modifications apportées par l'AEC 2004, à partir du 1er janvier 2005, les activités de Viscas englobaient la fabrication et la vente de câbles à tous les clients de ses sociétés mères à l'exception des sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d'électricité, qui étaient réservées aux sociétés mères.
215 Ainsi, les ventes réalisées par la requérante à ses clients réservés couvraient, d'une part, pendant la période de validité de l'AEC 2001, les ventes aux sociétés japonaises effectuées tant à l'intérieur que hors du Japon et, d'autre part, pendant la période de validité de l'AEC 2004, les ventes aux sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d'électricité. De plus, ces ventes portaient bien sur les câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension fabriqués initialement par la requérante et Fujikura puis par Viscas elle-même. Dès lors, durant la période d'activité de l'entreprise commune, les ventes étaient partagées entre les sociétés mères et l'entreprise commune sur la base de critères clairement définis fondés sur les types de clients et la portée géographique (considérant 980 de la décision attaquée).
216 Or, conformément à la jurisprudence, la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction. Ainsi, la Commission pouvait légitimement tenir compte des ventes des sociétés mères, car elles avaient été réalisées sur un marché affecté par l'entente (arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, EU:C:2015:258, points 55 et 56) et étaient par ailleurs des ventes de l'entreprise à laquelle la requérante appartenait (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C-286/13 P, EU:C:2015:184, points 149 et 150).
217 L'argument de la requérante selon lequel ces ventes n'auraient pas été affectées par l'entente dès lors que, à partir du 1er octobre 2001, elle n'était plus liée par les accords collusoires ne saurait prospérer. En effet, comme cela ressort des points 115 à 133 ci-dessus, pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, la requérante participait à l'entente dès lors que, au moyen des liens juridiques, organisationnels et économiques étroits qui l'unissaient à Viscas, elle exerçait sur cette dernière une influence déterminante.
218 Les ventes des câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension réalisées par la requérante au bénéfice de ses clients réservés relevaient donc des accords collusoires, notamment de l'accord sur les " territoires nationaux ", lorsqu'il s'agissait des ventes effectuées au Japon, et de l'accord sur les " territoires d'exportation ", lorsqu'il s'agissait des ventes hors du Japon. Ces ventes doivent donc être qualifiées de ventes en relation directe ou indirecte avec l'infraction, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.
219 Partant, en incluant ces ventes dans la valeur des ventes servant à la détermination du montant de base de l'amende, la Commission n'a pas enfreint le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.
220 Ce constat ne saurait être remis en cause par les griefs de la requérante tirés de la violation du devoir de motivation, du principe d'égalité de traitement et du principe de protection de la confiance légitime.
221 À cet égard, il y a lieu de relever que ces griefs reposent sur l'affirmation selon laquelle, en l'espèce, la Commission se serait écartée, sans donner de justification à cet égard, de l'approche qu'elle a adoptée dans la décision AIG II. Or, de tels griefs ne sauraient prospérer.
222 Premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans les domaines qui se caractérisent par un large pouvoir d'appréciation des institutions de l'Union, tels que la politique de la concurrence, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre de ce pouvoir d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, EU:C:2005:408, points 171 et 172 et jurisprudence citée).
223 Deuxièmement, il doit être rappelé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 1/2003 et dans les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Ainsi, des décisions concernant d'autres affaires ne revêtent qu'un caractère indicatif en ce qui concerne l'existence éventuelle d'une discrimination, étant donné qu'il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T-360/09, EU:T:2012:332, point 260).
224 Toutefois, le respect du principe d'égalité de traitement, qui s'oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié, s'impose à la Commission lorsqu'elle inflige une amende à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence comme à toute institution dans toutes ses activités. Il n'en demeure pas moins que les décisions antérieures de la Commission en matière d'amende ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d'égalité de traitement que s'il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, sont comparables avec celles de l'espèce (arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T-360/09, EU:T:2012:332, points 261 et 262).
225 En l'espèce, tout d'abord, il y a lieu de constater que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes, d'une part, de l'infraction constatée dans la décision AIG II et, d'autre part, de l'infraction visée dans la décision attaquée, sont différents. Ensuite, il y a lieu de relever que l'amende infligée aux entreprises concernées par la décision AIG II a été établie sur la base des règles définies dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), qui prévoient un mode de calcul du montant de base de l'amende qui diffère de celui prévu dans les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, appliquées en l'espèce. Enfin, comme le relève la Commission, la situation des entreprises japonaises concernées par la décision AIG II, à savoir Mitsubishi Electric Corp., Toshiba Corp. et leur entreprise commune TM T&D Corp., était différente de celle de la requérante en ce que, contrairement à la requérante et Fujikura, les sociétés mères de l'entreprise commune TM T&D ne sont pas restées actives sur le marché couvert par l'entente, mais ont transféré l'intégralité de leurs ventes à cette entreprise commune.
226 Il s'ensuit que la situation de la requérante et la situation des entreprises visées par la décision AIG II ne sont pas comparables. Dès lors, une éventuelle différence quant au traitement dont elles ont fait l'objet n'est pas de nature à constituer une violation du principe d'égalité de traitement.
227 Troisièmement, au vu des différences relevées au point précédent, la Commission n'avait pas à motiver plus spécifiquement qu'elle l'a fait, aux considérants 977 à 982 de la décision attaquée, son raisonnement relatif au calcul de la valeur des ventes nécessaire pour établir le montant de base des amendes à infliger aux entreprises japonaises participant à l'entente, y compris la requérante.
228 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais qu'il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision. En particulier, elle n'est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt du 16 juin 2011, Air liquide/Commission, T-185/06, EU:T:2011:275, point 64 et jurisprudence citée).
229 Il y a donc lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen du recours.
- Sur le coefficient multiplicateur relatif à la durée de l'infraction
230 Par la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante demande au Tribunal de tirer les conclusions des arguments qu'elle avance dans le cadre des premier et deuxième moyens et de modifier en conséquence le coefficient multiplicateur relatif à la durée de l'infraction fixé pour ce qui concerne la période initiale de sa prétendue participation à l'entente à 2,58.
231 À cet égard, il y a lieu de constater que la présente branche repose sur l'hypothèse selon laquelle, d'une part, le premier et le deuxième moyen du recours seraient accueillis et, d'autre part, la période de la participation directe de la requérante, s'étendant entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001, serait raccourcie.
232 Eu égard au rejet des premier et deuxième moyens, la présente branche du cinquième moyen doit également être écartée.
- Sur l'absence de prise en compte spécifique du comportement des membres de l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 au stade de l'appréciation de la gravité de l'infraction
233 La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant de tenir compte, lors de l'évaluation de la gravité de l'infraction qui lui est reprochée, de la nature différente du comportement des membres de l'entente au cours de la période initiale de cette dernière.
234 La requérante soutient que c'est seulement après la période initiale de l'entente, c'est-à-dire à partir de la fin de l'année 2001, que le nombre des participants à l'entente a augmenté. En outre, elle fait valoir que ce n'est qu'à partir de l'année 2002 que la Commission a noté l'intensification des communications entre les membres de l'entente, l'apparition de la pratique de la notification, aux membres R de l'entente, des demandes d'offres et de renseignements reçus par les membres asiatiques des clients européens ainsi que l'apparition des demandes des membres R de l'entente de ne pas soumissionner pour les projets localisés en Europe adressées aux membres A de l'entente.
235 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet de la deuxième branche du troisième moyen.
236 À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu'il a été rappelé au point 18 ci-dessus, pour apprécier la gravité de l'infraction en cause en l'espèce, la Commission a tenu compte, conformément au paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, de la nature de l'infraction, de la part de marché cumulée détenue par les participants à l'entente, de la portée géographique de l'entente et de sa mise en œuvre.
237 La Commission a ainsi relevé qu'une infraction consistant, comme en l'espèce, à répartir la clientèle et les marchés constituait, par sa nature même, l'une des restrictions à la concurrence les plus graves, que ces pratiques étaient, par principe, sévèrement sanctionnées et que le degré de gravité se situait généralement dans la partie haute de la fourchette, conformément au paragraphe 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. La Commission a estimé que cet élément justifiait de retenir un coefficient de gravité de 15 %. La Commission a également retenu un coefficient supplémentaire de 2 % à l'encontre de tous les participants à l'entente eu égard à la part de marché cumulée détenue par ces derniers ainsi qu'à la portée géographique de l'entente. En conséquence, la Commission a retenu un coefficient de gravité de 17 % à l'égard de la requérante pour le calcul du montant de l'amende qui lui a été infligée pour sa participation directe à l'infraction du 18 février 1999 au 30 septembre 2001.
238 Il convient donc de relever que les arguments de la requérante relatifs à l'augmentation, à partir de 2002, du nombre de communications entre les membres de l'entente ainsi qu'à la pratique de la notification, aux membres R de l'entente, des demandes d'offres et de renseignements reçus par les membres asiatiques des clients européens sont dénués de pertinence dans la mesure où la Commission n'a pas fondé l'appréciation de la gravité de l'infraction sur ces circonstances.
239 Il convient également de relever que la requérante ne fait pas valoir que l'entente aurait eu une portée géographique plus restreinte lors de sa participation directe à celle-ci, mais seulement qu'elle comportait au cours de cette période un nombre de membres moins important et que l'accord sur le " territoire national " ne s'appliquait pas. À les supposer fondés, ces arguments seraient de nature à affecter certains éléments sur lesquels la Commission a fondé l'appréciation de la gravité de l'infraction, à savoir la nature de l'infraction et la part de marché cumulée détenue par les participants à l'entente.
240 Toutefois, ainsi qu'il a été constaté au point 91 ci-dessus, il ressort de l'examen du premier moyen du présent recours que, à partir du 18 février 1999, les principaux fournisseurs japonais et européens de câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension, y compris la requérante, partageaient une volonté commune de restreindre la concurrence par un partage des marchés, qui impliquait l'engagement pour les producteurs japonais de ne pas entrer en concurrence pour les projets situés dans l'EEE, en violation de l'article 101, paragraphe 1, TFUE.
241 Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a correctement apprécié la gravité de l'infraction aux fins de calculer l'amende qui lui a été infligée au titre de sa participation directe à l'infraction du 18 février 1999 au 30 septembre 2001.
242 Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du troisième moyen.
- Sur l'absence de prise en compte du rôle plus important joué par les producteurs européens dans la conception, l'instigation et la mise en œuvre de l'ensemble de l'infraction au stade de l'appréciation de la gravité de l'infraction
243 Par la troisième branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant de prendre en compte le rôle plus important joué par les producteurs européens dans l'entente au stade de l'appréciation de la gravité de l'infraction.
244 Selon la requérante, la Commission aurait certes reconnu le caractère plus grave du comportement des producteurs européens à l'égard du marché de l'EEE en raison de leur participation, en sus de la " configuration A/R de l'entente ", à la " configuration européenne de l'entente ". Toutefois, l'augmentation de 2 % du pourcentage de la valeur des ventes imposée aux producteurs européens à ce titre ne permettrait pas de refléter adéquatement le dommage causé par la " configuration européenne de l'entente " sur le marché de l'EEE par rapport à celui causé sur ce même marché par la " configuration A/R de l'entente ", ce qui entraînerait une surestimation du poids des producteurs asiatiques dans l'infraction.
245 En outre, l'augmentation de 2 % du pourcentage de la valeur des ventes imposée aux producteurs européens dans le calcul du montant de l'amende ne refléterait pas le rôle essentiel que ceux-ci ont joué dans la conception, l'instigation et la mise en œuvre de l'ensemble de l'entente, ce qui entraînerait également une surestimation du poids des producteurs asiatiques dans l'infraction.
246 En particulier, la requérante souligne que l'accord STEA et la SMEA, dont les pratiques ont été reprises dans l'entente, avaient été conçus par les producteurs européens et que ce sont ces derniers qui ont proposé aux producteurs japonais de reprendre une coopération après leur dissolution. La requérante fait également observer que la Commission a reconnu le rôle clé de certains producteurs européens dans l'entente, en particulier Nexans France.
247 La Commission conteste l'argumentation de la requérante et conclut au rejet de la troisième branche du troisième moyen du recours.
248 À cet égard, en premier lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel l'augmentation de 2 % de la proportion de la valeur des ventes imposée aux producteurs européens dans le calcul du montant de l'amende ne refléterait pas suffisamment le dommage causé sur le marché de l'EEE par la " configuration européenne de l'entente " par rapport à celui causé par la " configuration A/R de l'entente " sur ce même marché, il convient de relever d'emblée que celui-ci repose sur la prémisse erronée que la " configuration européenne " et la " configuration A/R de l'entente " fonctionnaient de façon indépendante.
249 En effet, il y a lieu de rappeler que la Commission a considéré que l'entente comportait deux configurations constituant un ensemble composite, à savoir la " configuration A/R de l'entente ", d'une part, et la " configuration européenne de l'entente ", d'autre part. Comme cela a été indiqué au point 12 ci-dessus, la " configuration A/R de l'entente " permettait de réaliser l'objectif d'attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens dans le cadre de deux accords. D'une part, l'accord sur les territoires nationaux garantissait aux fournisseurs européens le retrait des fournisseurs asiatiques du " territoire national " européen, en échange du retrait des fabricants européens des territoires nationaux japonais et sud-coréens. D'autre part, l'accord sur les " territoires d'exportation " permettait d'attribuer des projets de câbles dans la majeure partie du reste du monde, selon un " quota 60/40 ", signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les fournisseurs européens et les 40 % restant pour les fournisseurs asiatiques. La " configuration européenne de l'entente " impliquait l'attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets situés à l'intérieur du " territoire national " européen et l'attribution des projets spécifiques dans le cadre du quota européen découlant de l'accord sur les " territoires d'exportation ".
250 Concernant la " configuration européenne de l'entente ", la Commission a indiqué ce qui suit au considérant 534 de la décision attaquée :
" La configuration européenne de l'entente (ainsi que l'attribution entre les entreprises asiatiques) était subordonnée à l'accord global et lui donnait effet. En effet, lors [des] réunions européennes R, le coordinateur européen relayait les discussions qui avaient lieu lors des réunions A/R [...] Pour ce faire, les parties organisaient souvent des réunions R peu après les réunions A/R [...] De plus, lors des réunions R, les parties exprimaient leur intérêt pour des projets dans les territoires d'exportation, projets qui devaient être discutés lors des réunions A/R. De même, les parties participant aux réunions A/R étaient informées des principales discussions dans la configuration européenne de l'entente [...] Ainsi, la configuration européenne de l'entente faisait partie intégrante du plan global. "
251 Or, contrairement à ce que soutient la requérante, le constat fait par la Commission au considérant 534 de la décision attaquée, reproduit ci-dessus, est dépourvu d'erreur. Il résulte ainsi de la description des mécanismes de répartition des projets de câbles entre les membres de l'entente, fournie dans la décision attaquée, que la " configuration européenne de l'entente " n'a pu être mise en œuvre que grâce à l'existence de l'accord sur les " territoires nationaux ", qui constitue l'essentiel de la " configuration A/R de l'entente ". En effet, les producteurs européens ont pu partager entre eux les projets européens seulement dans la mesure où les entreprises asiatiques ont décidé de s'abstenir de leur livrer concurrence au sein du " territoire national " européen, en échange de l'engagement des producteurs européens d'abandonner les projets localisés sur les territoires nationaux japonais et sud-coréens. Il importe de souligner que cet abandon du " territoire national " européen par les entreprises japonaises et le partage de ce territoire entre les entreprises européennes qui s'en est suivi n'étaient pas le résultat d'un libre choix des entreprises japonaises, mais une conséquence de l'accord qu'elles avaient conclu avec les entreprises européennes.
252 En second lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel l'augmentation de 2 % de la proportion de la valeur des ventes imposée aux producteurs européens pour le calcul du montant de l'amende ne refléterait pas suffisamment le rôle joué par ceux-ci au regard de l'ensemble de l'infraction, en particulier quant à la conception, à l'instigation et à la mise en œuvre de l'entente, il convient de relever qu'il n'existe pas de liste contraignante ou exhaustive de critères qui doivent obligatoirement être pris en compte lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction. Il résulte néanmoins de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité figurent, au-delà des circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, le comportement de l'entreprise concernée, le rôle joué par elle dans l'établissement de la pratique en cause, le profit qu'elle a pu tirer de cette pratique, sa taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représente pour les objectifs de l'Union (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, EU:C:2010:603, points 273 et 274 ; voir, également, arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C-272/09 P, EU:C:2011:810, point 96 et jurisprudence citée).
253 Le rôle joué par une entreprise dans la conception, la promotion et la mise en œuvre de l'entente peut donc être pris en compte par la Commission pour apprécier la gravité relative de son comportement par rapport à celui des autres participants à l'entente.
254 Toutefois, en l'espèce, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, le rôle joué par les entreprises européennes à cet égard est comparable, pour ce qui est de l'infraction dans son ensemble, à celui joué par les entreprises japonaises.
255 En effet, premièrement, il ressort des considérations exposées aux points 62 à 66 ci-dessus que, pour autant que les producteurs japonais n'ont pas conçu les mécanismes prévus par l'accord STEA et la SMEA, ils y étaient parties prenantes, ce qui implique qu'ils étaient d'accord avec leurs mécanismes de fonctionnement, comprenant, notamment, le principe du respect des " territoires nationaux " respectifs des producteurs européens et japonais.
256 Deuxièmement, il ressort également de ces considérations que les producteurs japonais, y compris la requérante, étaient pleinement impliqués dans les discussions qui ont suivi la dissolution de l'accord STEA et de la SMEA par les producteurs européens en vue de reprendre une nouvelle coopération entre les producteurs européens et les producteurs japonais. Ces derniers insistaient d'ailleurs pour que tout accord futur repose sur le respect par tous les producteurs européens de la procédure A/R, du quota d'attribution dans les " territoires d'exportation " et du " bilan actuel ", ce qui témoigne de ce qu'il s'agissait bien d'une négociation, et non d'une proposition unilatérale des producteurs européens à leurs homologues japonais (voir considérant 126 de la décision attaquée).
257 Troisièmement, si la Commission a constaté que certains producteurs européens, tels que Nexans France, avaient un rôle clé dans l'entente en raison de leur rôle de coordinateur du côté des membres R, il y a lieu de relever que la Commission a procédé aux mêmes constatations en ce qui concerne certains producteurs japonais tels que J-Power Systems et Exsym.
258 Eu égard aux considérations qui précèdent et dans la mesure où, par ailleurs, la Commission a considéré que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la " configuration A/R de l'entente ", les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles dans le cadre de la " configuration européenne de l'entente " (voir point 18 ci-dessus), il y a lieu de considérer que l'augmentation de 2 % du pourcentage de la valeur des ventes imposée aux producteurs européens pour le calcul du montant de l'amende n'apparaît pas inappropriée pour refléter la différence de gravité de leur comportement par rapport à celui des producteurs japonais.
259 Partant, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen, ainsi que ce dernier dans son ensemble.
- Sur le refus de la Commission de reconnaître à la requérante des circonstances atténuantes et de prendre en compte l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE
260 La requérante soutient que l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ayant favorisé les producteurs européens, la Commission aurait dû lui accorder des circonstances atténuantes pour tenir compte du fait qu'elle n'appartenait pas au noyau dur de l'entente, de la nature différente des comportements qui ont eu lieu au cours de la période initiale de l'entente ainsi que du fait que l'infraction commise par les membres A de l'entente était moins grave que celle commise par ses membres R. À défaut, la Commission aurait dû faire application de la clause d'exception prévue au paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, comme elle l'a fait dans le passé dans les décisions relatives aux ententes dans les secteurs de la quincaillerie des fenêtres et du commerce des crevettes de la mer du Nord. Enfin, la requérante soutient que, du fait des barrières importantes à l'entrée sur le marché de l'EEE, son éventuelle participation à l'entente n'aurait eu que des effets négligeables pour ce marché.
261 La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet de la troisième branche du cinquième moyen.
262 À cet égard, en premier lieu, s'agissant de la thèse de la requérante selon laquelle l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 aurait favorisé en l'espèce les producteurs européens, il convient de rappeler que ledit paragraphe précise ce qui suit :
" Lorsque l'étendue géographique d'une infraction dépasse le territoire de l'[EEE] (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l'entreprise à l'intérieur de l'EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l'infraction. Tel peut, en particulier, être le cas d'accords mondiaux de répartition de marchés. "
263 Or, tout d'abord, il y a lieu de considérer que, en l'espèce, la requérante ayant participé à un accord de partage de marché visant, notamment, à réserver le marché de l'EEE aux producteurs européens, c'est à juste titre que la Commission a estimé qu'il ne serait pas approprié d'appliquer une méthodologie qui se fonde sur ses ventes réelles dans l'EEE. En effet, comme la Commission l'a retenu, cela reviendrait à ne pas sanctionner la requérante à la hauteur de sa participation à l'entente.
264 Ensuite, eu égard à la nature de l'infraction en cause, une méthodologie qui prend en compte les parts du marché mondial est adéquate pour refléter le poids des participants à l'entente dans l'infraction (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 282).
265 Enfin, ainsi que le Tribunal l'a déjà constaté, s'agissant d'un accord de partage de marché entre des entreprises qui se faisaient concurrence à l'échelle mondiale, ce sont les parts du marché mondial qui donnent la représentation la plus adaptée de la capacité desdites entreprises à nuire gravement aux autres opérateurs sur le marché européen et fournissent une indication de leur contribution à l'efficacité de l'entente dans son ensemble ou, à l'inverse, de l'instabilité qui aurait régné au sein de l'entente si elles n'y avaient pas participé (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, EU:T:2004:118, point 198, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 186).
266 En effet, eu égard au caractère extrêmement nocif d'un accord de répartition de marché, qui constitue une des violations les plus graves de l'article 101 TFUE, il est justifié d'imposer des sanctions suffisamment dissuasives à l'égard de producteurs non européens qui s'engagent à ne pas faire concurrence aux producteurs européens sur leur territoire (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 284).
267 Pour autant que l'argumentation de la requérante doive être interprétée en ce sens que l'application de la méthodologie prévue au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 aurait conduit la Commission, en l'espèce, à sous-estimer le poids des producteurs européens dans l'infraction et, partant, à surestimer le poids des producteurs asiatiques dans celle-ci, il y a lieu de relever qu'elle ne saurait prospérer.
268 En effet, il convient d'observer que la thèse de la requérante repose sur la prémisse que l'application de la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 a favorisé les producteurs européens en réduisant la part des ventes effectivement réalisées dans l'EEE qui leur aurait été attribuée en application du paragraphe 13 de ces lignes directrices. Toutefois, force est de constater qu'une telle prémisse est erronée dès lors que, eu égard à la nature de l'infraction, qui consistait, notamment, à restreindre l'accès des producteurs japonais à l'EEE, la part des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l'EEE ne pouvait servir de base pour apprécier leur poids dans l'infraction comme le prévoit le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Ainsi, l'utilisation de la part des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l'EEE aurait conduit, en l'espèce, à surévaluer leur poids dans l'entente et à les sanctionner au-delà de leur participation à celle-ci. Il ne saurait donc être considéré, comme le laisse entendre la requérante, que l'écart entre le montant des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l'EEE et celui qui leur a été attribué en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 témoigne d'un avantage qui leur aurait été accordé par la Commission.
269 Il y a donc lieu de considérer que la prémisse de la requérante selon laquelle l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 aurait, en l'espèce, favorisé les producteurs européens par rapport aux producteurs japonais est erronée.
270 En deuxième lieu, s'agissant du grief pris de ce que la Commission aurait omis d'accorder à la requérante des circonstances atténuantes afin de tenir compte du fait que, d'une part, elle n'appartenait pas au noyau dur de l'entente et, d'autre part, la Commission n'aurait pas tenu compte, au stade de l'appréciation de la gravité, de la différence de nature du comportement des membres de l'entente lors de la période initiale de celle-ci et du rôle plus important joué par les producteurs européens dans la conception, l'instigation et la mise en œuvre de l'entente, il y a lieu de relever que ces arguments ont déjà été rejetés dans le cadre de l'examen des trois branches du troisième moyen. Il s'ensuit que la présente branche du cinquième moyen ne saurait prospérer dans la mesure où elle est fondée sur ces arguments.
271 En outre, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû faire application en l'espèce du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, il y a lieu de constater que celui-ci n'est pas suffisamment étayé, de sorte qu'il doit être écarté comme étant irrecevable. La requérante se limite, en effet, à renvoyer à deux communiqués de presse relatifs aux affaires dans lesquelles la Commission a, pour des raisons précises et particulières à ces affaires, décidé d'appliquer la clause prévue dans ce paragraphe. La requérante n'explique pas, pour autant, dans quelle mesure les circonstances particulières de ces affaires, qui ont conduit la Commission à appliquer la clause en cause, sont pertinentes pour le cas d'espèce.
272 En troisième lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel les barrières à l'entrée sur le marché de l'EEE auraient rendu négligeables les effets de l'engagement des entreprises japonaises à ne pas pénétrer sur le marché de l'EEE, ce dont la Commission aurait dû tenir compte au stade des circonstances atténuantes, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été exposé aux points 189 et 195 ci-dessus, en l'espèce, la Commission a utilisé, en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une approche fondée sur les parts du marché mondial de l'entreprise, au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, formée par la requérante, Fujikura et Viscas. Or, il convient de relever que, ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé, une approche qui repose sur les parts du marché mondial de la requérante prend en compte, même si ce n'est que de manière agrégée, les éventuelles barrières à l'entrée pouvant exister dans les différents segments géographiques du marché mondial (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T-519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 288).
273 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la présente branche du cinquième moyen, ainsi que ce dernier dans son ensemble.
274 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n'a pas réussi à démontrer l'existence d'illégalités commises par la Commission justifiant l'annulation de la décision attaquée en ce qui la concerne.
Sur les conclusions tendant à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante
275 Les quatrième et cinquième chefs de conclusions du recours visent à obtenir du Tribunal, d'une part, qu'il réduise le montant de l'amende qui a été infligée à la requérante par l'article 2, sous n), de la décision attaquée au titre de sa participation directe à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 et, d'autre part, qu'il accorde une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée " conjointement et solidairement " avec Fujikura et Viscas par l'article 2, sous p), de la décision attaquée au titre de l'influence déterminante qu'elle a exercée sur cette dernière du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, équivalente à la réduction qui serait, le cas échéant, accordée à Viscas dans le cadre du recours qu'elle a introduit à l'encontre de la décision attaquée.
Sur la demande de réduction du montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 2, sous n), de la décision attaquée au titre de sa participation à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001
276 La requérante soutient que le montant de l'amende est manifestement disproportionné, excessif et inapproprié, en particulier du fait que la Commission l'a injustement qualifiée de membre du noyau dur de l'entente, qu'elle a surestimé le poids de la " configuration A/R de l'entente " par rapport au poids de la " configuration européenne de l'entente ", qu'elle a ignoré l'évolution de l'intensité de l'infraction et qu'elle a refusé de corriger les effets de l'application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. La requérante fait observer, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence, le Tribunal serait habilité, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, à substituer son appréciation quant au caractère approprié de l'amende qui lui a été infligée, même en l'absence d'une illégalité de la décision attaquée et même s'il considère que le niveau de l'amende constitue l'aboutissement logique de l'application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. En conséquence, la requérante invite le Tribunal à réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée par l'article 2, sous n), de la décision attaquée.
277 La Commission conteste l'argumentation de la requérante.
278 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d'application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l'article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l'article 261 TFUE et sur demande des requérants, par l'exercice par le Tribunal d'une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C-295/12 P, EU:C:2014:2062, point 42, et du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C-603/13 P, EU:C:2016:38, point 71).
279 En effet, l'article 261 TFUE dispose que " [l]es règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil, et par le Conseil en vertu des dispositions des traités peuvent attribuer à la Cour de justice de l'Union européenne une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements ". Faisant usage de la faculté offerte par cette disposition, le législateur de l'Union a retenu, à l'article 31 du règlement n° 1/2003, que " la Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte [et qu'e]lle peut supprimer, réduire ou majorer l'amende ou l'astreinte infligée " (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C-603/13 P, EU:C:2016:38, point 74).
280 Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l'amende ou l'astreinte infligée (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C-389/10 P, EU:C:2011:816, point 130).
281 Toutefois, en l'espèce, d'une part, aucune illégalité ou irrégularité n'entachant la décision attaquée, les conclusions en réduction du montant de l'amende présentées par la requérante ne sauraient en tout état de cause être accueillies en ce qu'elles tendent à ce que le Tribunal tire les conséquences, quant au montant de l'amende qui lui a été infligée par l'article 2, sous n), de la décision attaquée, de telles illégalités ou irrégularités. D'autre part, il convient de relever l'absence d'éléments qui seraient de nature à justifier une réduction du montant de ladite amende.
282 Dans ces circonstances, il convient de rejeter les conclusions présentées par la requérante en ce qu'elles visent à obtenir la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par l'article 2, sous n), de la décision attaquée au titre de sa participation à l'entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001.
Sur la demande de réduction du montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 2, sous p), de la décision attaquée au titre de sa participation à l'infraction du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009
283 La requérante fait valoir que, conformément à la jurisprudence, elle est en droit d'obtenir du Tribunal une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par l'article 2, sous p), de la décision attaquée équivalente à celle accordée à Viscas, dès lors que sa responsabilité est purement dérivée de celle de cette dernière, sans devoir démontrer elle-même l'erreur susceptible d'avoir été commise par la Commission dans le calcul du montant de l'amende infligée à Viscas.
284 La Commission conteste la recevabilité de cette demande en soutenant qu'elle est fondée sur une lecture erronée de la jurisprudence et soutient, en outre, que les conditions de la reconnaissance du bénéfice de la réduction accordé à la société filiale ne sont pas réunies en l'espèce.
285 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'amende infligée à la requérante par l'article 2, sous p), de la décision attaquée vise à sanctionner sa participation à l'entente en tant que société mère de Viscas, sur laquelle elle exerçait, en commun avec Fujikura, une influence déterminante.
286 Or, dans l'hypothèse où la responsabilité de la société mère résulte exclusivement de la participation directe de sa filiale à l'infraction et où ces deux sociétés ont introduit des recours parallèles ayant le même objet, le Tribunal peut, sans statuer ultra petita, tenir compte de l'annulation du constat d'infraction à l'égard de la filiale pour une période déterminée et réduire de façon corrélative le montant de l'amende infligée à la société mère solidairement avec sa filiale.
287 Pour retenir la responsabilité d'une unité économique, il est nécessaire que la preuve soit apportée qu'une entité au moins a commis une infraction aux règles de concurrence de l'Union et que cette circonstance soit relevée dans une décision qui soit devenue définitive, la raison pour laquelle l'absence de comportement infractionnel de la filiale est constatée étant sans pertinence à cet égard.
288 C'est dans un tel contexte qu'il y a lieu de se référer au caractère entièrement dérivé de la responsabilité de la société mère encourue du seul fait de la participation directe d'une filiale à l'infraction. En effet, dans ce cas de figure, la responsabilité de la société mère trouve son origine dans le comportement infractionnel de sa filiale, que la société mère se voit attribuer compte tenu de l'unité économique que ces sociétés constituent. Par voie de conséquence, la responsabilité de la société mère est nécessairement fonction des faits constitutifs de l'infraction commise par sa filiale auxquels sa responsabilité est inextricablement liée.
289 Pour des raisons identiques, il y a lieu de préciser que, dans une situation où aucun facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la réduction du montant de l'amende imposée à la filiale solidairement avec sa société mère doit, en principe, lorsque les conditions procédurales requises sont réunies, être étendue à la société mère.
290 En l'espèce, il convient de constater que tant la requérante que Viscas ont introduit un recours contre la décision attaquée et ces recours ont, pour partie, le même objet, à savoir celui de réduire l'amende prévue par l'article 2, sous p), de la décision attaquée qui leur a été infligée solidairement.
291 Dans ces circonstances, il y aurait lieu de reconnaître à la requérante les mêmes bénéfices de l'éventuelle annulation de la décision attaquée qu'à Viscas dans le cadre du recours introduit dans l'affaire T-422/14.
292 Toutefois, il convient de souligner que, par arrêt de ce jour, le Tribunal a rejeté le recours dans l'affaire T-422/14, Viscas/Commission.
293 Partant, la demande de la requérante de bénéficier de toute réduction qui serait accordée à Viscas à la suite du recours introduit contre la décision attaquée dans l'affaire T-422/14, Viscas/Commission, ne saurait prospérer et, partant, il convient de rejeter les conclusions visant à la réduction du montant de l'amende infligée à la requérante dans leur ensemble.
294 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.
Sur les dépens
295 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. L'intervenante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Furukawa Electric Co. Ltd est condamnée à payer, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.
3) Viscas Corp. supportera ses propres dépens.