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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 12 juillet 2018, n° 18-00485

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Foncière des Arts Patrimoine (SARL)

Défendeur :

Lâchez Prise ! (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mmes Cordier, Roques

Avocats :

Mes Marchal, Vérité, Gayet

TGI Lille, prés., du 27 déc. 2017

27 décembre 2017

Un bail commercial a été consenti par la société Foncière des Arts (le bailleur) sur un local situé dans une copropriété se trouvant à Lille, <adresse> à la société " Lâchez Prise ! ", X et Y sont intervenants à l'acte.

Par actes des 28 et 29 juin 2017, le bailleur a assigné le preneur ainsi que X et Y devant le juge des référés de ce tribunal, aux fins de l'entendre constater la résiliation du plein droit du bail et obtenir paiement de diverses sommes.

Par ordonnance contradictoire et en premier ressort en date du 27 décembre 2017, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lille a :

- débouté la société Foncière des Arts de ses demandes dirigées contre X et Y ;

- débouté la société Foncière des Arts de ses demandes de condamnation à paiement ;

- constaté que le bail commercial consenti par la société Foncière des Arts à la société " Lâchez Prise ! " et portant sur un local situé dans une copropriété se trouvant à Lille, <adresse>, s'est trouvé résilié de plein droit le 3 mai 2017 ;

- ordonné, au besoin avec l'assistance de la force publique, l'expulsion de la société " Lâchez Prise ! ", ainsi que celle de tout occupant ou bien de son chef ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société " Lâchez Prise ! " aux dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 3 avril 2017, à l'exception de ceux délivrés à X et Y, qui resteront à la charge de la société Foncière des Arts ;

- condamné la société " Lâchez Prise ! " à payer à la société Foncière des Arts la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Foncière des Arts à payer à Y la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rappelé que cette ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration d'appel en date du 19 janvier 2018, la SARL Foncière des Arts Patrimoine a interjeté appel de la décision précité.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 11 mai 2018, la SARL Foncière des Arts Patrimoine demande à la cour, au visa des articles 4, 14 et 16, 463, 464, 808 et 809 du Code de procédure civile, des articles 564 et 565 du Code de procédure civile, de la convention en date du 17 août 2015 liant les parties, de :

- dire bien appelé et mal jugé sur les chefs objets de l'appel partiel, à savoir en ce que l'ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Lille en date du 27 décembre 2017 a :

" - débouté la société Foncière des Arts Patrimoine de ses demandes dirigées contre M. Y et M. X,

- débouté la société Foncière des Arts Patrimoine de ses demandes de condamnation à paiement,

- débouté la même de ses autres demandes,

- dit que la société Foncière des Arts Patrimoine conserve à sa charge le coût des commandements de payer délivrés à M. X et M. Y,

- condamné la société à payer à M. Y la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. "

- réformer la décision entreprise sur ces chefs et statuant à nouveau :

- dire que le juge des référés a violé les articles 4, 14 et 16 du Code de procédure civile relatifs au principe de la contradiction, sur la nature de l'engagement contractuel de M. X et M. Y,

- dire que le juge des référés a statué ultra petita en déclarant que M. X et M. Y n'ont été virtuellement parties au bail qu'à défaut d'immatriculation du preneur qu'est la seule société " Lâchez Prise ! ",

- dire que M. X et M. Y se sont engagés contractuellement en qualité de codébiteurs solidaires de la société " Lâchez Prise ! " dès son immatriculation au Registre du Commerce et des sociétés conformément aux dispositions de l'article 7 des conditions générales et de l'article 8 des conditions particulières du contrat de bail,

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement à la société Foncière des Arts Patrimoine de la somme de 2 761,62 € au titre des loyers et charges et accessoires dus en vertu du contrat de bail arrêtés à la date du 3 mai 2017, date de la résiliation du bail constatée par le juge des référés dans son ordonnance du 27 décembre 2017 non contestée sur ce point,

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement à la société Foncière des Arts Patrimoine d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 3 402,50 € HT, TVA en sus, conformément aux clauses du bail à compter de la date de résiliation du bail soit la date du 3 mai 2017, outre les charges et les frais de gestions techniques tels que prévus par le bail, jusqu'à complète libération des locaux par la remise des clés.

- ordonner l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation à compter de la date de résiliation du bail sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE au jour de la résiliation du bail, l'indice de révision étant le même indice trimestriel calendaire de l'année suivante.

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement à la société Foncière des Arts Patrimoine d'une somme correspondant à 10 % des loyers, charges, accessoires, soit la somme de 276,16 €, en application de la clause pénale insérée dans le contrat de bail.

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement à la société Foncière des Arts Patrimoine d'une indemnité forfaitaire de frais contentieux de 1 200 € TTC telle que prévue à l'alinéa 4 de l'article 13 " Clause résolutoire ",

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement à la société Foncière des Arts Patrimoine des intérêts au taux de base de l'intérêt légal majoré de trois points à compter de la date d'exigibilité des loyers, charges, accessoires restants dus à ce jour jusqu'à complet paiement en application de l'article 9 alinéa 3 du contrat de bail.

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement à la société Foncière des Arts Patrimoine d'une somme de 2 500 € correspondant aux frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et d'une somme de 3 000 € à ce titre en appel,

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y en cas de recouvrement forcé des condamnations mises à sa charge par la décision à intervenir, au paiement du droit proportionnel de l'huissier en application de l'article L. 444-32 du Code de commerce,

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y au paiement des intérêts judiciaires,

- au visa de l'article 1154 du Code civil, prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles,

- ordonner à la société Lâchez Prise de transférer la propriété de la licence IV à la SARL Foncière des Arts Patrimoine ou à toute autre personne désignée par elle, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité et ce, à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 3 alinéas 10 à 14 du bail, compte tenu de la résiliation du bail du fait du preneur,

- condamner solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y aux frais et entiers dépens, en ceux y compris les frais de commandement ainsi que les frais de dénonciation de commandement.

La société Foncière des Arts Patrimoine fait valoir que :

- la demande n'était pas une demande de condamnation pure et simple, mais une demande provisionnelle et conteste la qualification donnée par le premier juge de partie virtuelle à un bail.

- la somme n'est plus actuellement que d'un peu plus de 2 000 euros à raison des paiements intervenus depuis ;

- l'arriéré des sommes dues augmente de trimestre en trimestre sans qu'aucun règlement ne soit effectué par la locataire qui continue d'occuper les lieux ;

- le juge des référés a violé la contradiction et a statué ultra petita, puisque M. Y et M. X ne contestaient pas être tenus solidairement avec la société locataire dès son immatriculation, M. Y ne remettant pas en cause son engagement contractuel de garant solidaire, mais tentant de le faire requalifier en cautionnement,

- l'engagement ne s'analyse pas en un engagement simplement conditionné à l'immatriculation de la société,

- les conditions générales prévoient que les associés dès l'immatriculation de la société se portent codébiteurs solidaires de la personne morale et à défaut de substitution de cette dernière sont preneurs.

Se fondant sur l'application de la clause de solidarité, elle souligne que :

- l'article 16 du bail stipule un engagement solidaire pendant toute la durée du bail, peu important qu'ait existé une cession entre les parties

- les engagements de codébiteurs solidaires en matière de bail commercial, s'ils ne sont pas limités dans le temps, s'interprètent comme étant applicables pendant toute la durée du bail et sa tacite reconduction ;

- l'engagement ne peut être qualifié de perpétuel,

- en cas de résiliation en cours de bail, l'engagement s'applique, notamment aux indemnités d'occupation ;

- aucune cession de bail n'est intervenue, mais uniquement une cession des parts sociales.

Sur l'invocation des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, elle soutient que :

- le livre IV n'est pas applicable au bail ce qui a d'ailleurs été jugé récemment par la Cour de cassation (15 février 2018) ;

- l'article L. 442-6 du Code de commerce prévoit seulement l'octroi de dommages et intérêts,

- l'article 1171 du Code civil n'est pas plus applicable (relatif au déséquilibre significatif dans les contrats d'adhésion) s'agissant d'une disposition créée par l'ordonnance du 10 février 2016.

Elle conteste tout cautionnement aux motifs que :

- la référence est claire et sans ambiguïté à la notion de codébiteurs solidaires et non de cautions ;

- l'engagement des codébiteurs solidaires s'inscrit dans un rapport synallagmatique et non dans un acte unilatéral, tel qu'un cautionnement ;

- M. Y ne justifie l'existence d'aucune violence à son égard.

Elle estime que :

- l'article R. 145-37 du Code de commerce n'a pas eu à s'appliquer, puisque la première échéance triennale du bail n'est pas encore passée ;

- le preneur ne peut contester les montants facturés au titre des charges par la société Foncière des Arts Patrimoine, celles-ci n'étant que la stricte application du bail régularisé entre les parties, en conformité avec la loi applicable ;

- l'article 5 du bail liant les parties n'est pas contraire à la loi Pinel, cet article ne prévoyant pas la refacturation au preneur des honoraires liés à la gestion des loyers mais de ceux afférents à la " gestion des charges de l'immeuble et à la gestion technique de l'immeuble ".

Elle sollicite le rejet de la demande de délais de paiement présentés par M. Y.

Sur la demande de transfert de la licence 4, elle précise que :

- cette demande est parfaitement recevable,

- il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un simple effet de la demande principale en résiliation du bail, au même titre que les autres demandes consécutives à cette résiliation.

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 9 mai 2018, M. Y demande à la cour, au visa des articles 808 et 809 du Code de procédure civile, de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de l'article 1152 ancien du Code civil, des articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation, des articles 6 et suivants du Code de procédure civile, de l'article 446-2 du Code de procédure civile, de l'article 564 du Code de procédure civile, de :

- dire et juger la société Foncière des Arts Patrimoine irrecevable en ses demandes tendant à solliciter des condamnations provisionnelles, à la remise en cause de l'article 700 du Code de procédure civile accordé à M. Y en première instance, à sa condamnation à prendre en charge les coûts des commandements de payer délivrés à M. X et M. Y, à solliciter le transfert de la licence IV et par conséquent, l'en débouter.

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté la société Foncière des Arts Patrimoine de ses demandes à l'encontre de M. X et Dekeyser, l'a déboutée de ses demandes de condamnation à paiement, a constaté que le bail commercial s'était trouvé résilié de plein droit le 3 mai 2017, a ordonné l'expulsion de la société Lâchez Prise ! ainsi que tout occupant ou bien de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique, a condamné la société Foncière des Arts Patrimoine à verser à M. Y la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a condamné la société Lâchez prise ! aux dépens, sauf les commandements de payer délivrés à M. X et M. Y qui resteront à la charge de Foncière des Arts Patrimoine.

- dire et juger M. Y recevable et bien fondé en son appel incident.

- par conséquent, constater l'absence d'urgence et l'existence de contestations sérieuses à l'endroit de M. Y,

- par conséquent, débouter la SARL Foncière des Arts Patrimoine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- subsidiairement : compte tenu de l'imputation des paiements effectués par la société " Lâchez Prise ! " et M. X, mettre hors de cause M. Y ou a minima, ne condamner M. Y qu'au titre des loyers dus au 3 mai 2017 pour 2 761,62 euros ou subsidiairement pour les deux premiers trimestres de l'année 2017, soit en réalité au second trimestre de l'année 2017 en ce exclues les charges et autres accessoires,

- dire et juger que M. Y ne peut être tenu du paiement des indemnités d'occupation postérieures à l'ordonnance du 27 décembre 2017.

- le cas échéant, accorder à M. Y des délais de paiement de 24 mois, avec paiement du solde à la 24éme échéance.

- réduire à la somme d'un euro symbolique les sommes réclamées au titres des clauses pénales,

- réduire le montant de l'indemnité d'occupation qui serait éventuellement due au montant du loyer hors taxes contractuellement convenu, en ce exclus les diverses charges,

- le cas échéant, fixer une astreinte simplement provisoire en cas d'expulsion de la société Lâchez prise ! et de toute personne de son chef,

- débouter la société Foncière des Arts Patrimoine de sa demande d'indexation relative à l'indice du coût de la construction,

- condamner solidairement ou in solidum la SAS Lâchez prise ! et M. X à relever indemne M. Y de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son égard en principal, intérêts, frais et accessoires.

- condamner solidairement ou in solidum la société Foncière des Arts Patrimoine, la SAS Lâchez prise ! et M. X au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- les condamner solidairement ou in solidum aux dépens.

Il fait valoir que :

- il n'est justifié d'aucune urgence,

- aucune demande, aux termes de son dernier jeu de conclusion, n'était formulée spécifiquement à titre provisionnel ;

- la demande de condamnation à titre provisionnel en cause d'appel étant nouvelle, elle est par voie de conséquence irrecevable ;

- l'immatriculation ayant été effectuée, les demandes ne peuvent plus prospérer à l'encontre de M. X et M. Y, le fait que le bail ait été accordé à une société en cours de formation était un élément factuel inclus dans les débats ;

- aucune violation du principe de la contradiction n'est donc établie ;

Il estime que :

- son engagement en qualité de codébiteur solidaire était indissociablement lié à sa qualité d'associé au sein de la société,

- M. Y a cédé selon acte du 15 septembre 2016 et 6 avril 2017 l'ensemble des actions qu'il détenait dans la société ;

- la cession est opposable à la FAP à la date d'inscription au compte tire de l'acquéreur par la société émettrice ;

- la clause de maintien des obligations du cédant des actions est illégale puisque non conforme aux dispositions de l'article L. 145-16-2 du Code de commerce insérée par la loi Pinel,

- cette clause doit être réputée non écrite.

- au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la clause serait un engagement perpétuel, interdit pas la jurisprudence et l'article 1210 du Code civil,

- le déséquilibre est significatif, puisque l'économie générale du contrat de bail est clairement en faveur du bailleur qui a la maîtrise de tout et le contrat comprend des clauses tout à fait exorbitantes,

- l'article L. 442-6 a vocation à s'appliquer puisque l'octroi d'une location s'analyse en un service.

- les dispositions relatives au contrat d'adhésion sont de toute façon applicables, et la nouvelle législation n'est que la reprise de la jurisprudence antérieure,

Il soutient que :

- l'engagement doit être requalifié en cautionnement,

- la dette n'est pas commune à la société " Lâchez Prise ! ", seule titulaire du bail et à M. Y,

- les engagements de M. Y et M. X sont définis comme des garanties, ce que n'est pas un codébiteur solidaire,

- la société FAP n'a jamais réclamé avant les incidents de paiement le règlement des loyers par une autre personne que la société " Lâchez Prise ! ",

- la législation protectrice n'étant pas appliquée en l'espèce, la nullité du cautionnement ne peut qu'être prononcée (disproportion)

Sur la créance de la défenderesse, elle expose que :

- la légalité de la répartition des charges peut être questionnée,

- la loi Pinel a prévu l'interdiction pour le bailleur d'imputer certaines dépenses,

- le bailleur ne peut se prévaloir des travaux effectués, n'y ayant pas participé,

- aucune gestion technique de l'immeuble n'est justifiée,

- M. Y ne peut être tenu des indemnités d'occupation postérieures à l'ordonnance du 27 décembre 2017, qui a permis l'expulsion que le bailleur n'a pas mis en œuvre.

Il sollicite :

- la modération de la clause pénale,

- la réduction de l'indemnité forfaitaire de frais de contentieux,

- des délais de paiements,

- la minoration de l'indemnité d'occupation, tout à fait disproportionnée,

- la suppression de toute astreinte.

Quant au transfert de la licence IV, il ajoute que :

- c'est une demande nouvelle ;

- cette demande confirme que la société se situe sur le terrain des demandes non provisionnelles mais définitives,

- cette disposition est une clause pénale, dont il convient de demander la réduction.

Il précise que la société FAP ne concluant pas sur l'indemnité procédurale de première instance et les frais ne peut effectuer de telles demandes.

La signification de la déclaration d'appel et du calendrier de fixation a été effectuée le 15 février 2018 à la personne de M. X et à personne habilitée pour la SAS " Lâchez Prise ! ".

Les conclusions ont été signifiées le 18 avril, puis le 23 avril à l'étude pour M. X et la SAS, puis à nouveau 14 mai avec la date d'audience.

MOTIVATION

* Au préalable, il convient de souligner qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à " constater que ... " ou " dire que... ", telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

- Sur la saisine de la cour et la portée des appels

* En vertu des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile, lequel dispose que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible,

L'article 901 dans sa dernière version applicable au cas de l'espèce dispose en son 4° que les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible,

Cette formalité est imposée à peine de nullité de la déclaration d'appel, et l'absence de tout chef visé dans cette déclaration s'analyse en un vice de forme,

En l'espèce, la déclaration d'appel régularisée en date du 19 janvier 2018 est un appel partiel contre l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a débouté la société FAP de ses demandes dirigées contre M. Y et M. X, débouté la société FAP de ses demandes de condamnation à paiement et de ses autres demandes, dit que la société FAP conserve à sa charge le coût des commandements de payer délivrés à M. X et M. Y, condamné la société FAP à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il a été formé appel incident par M. Y sur les dispositions le concernant.

Les parties consacrent des développements au non-respect du contradictoire par le juge des référés. Toutefois, elles n'en tirent aucune conséquence juridique véritable quant au sort à réserver à l'ordonnance de référé. Ainsi n'est-il pas sollicité l'annulation de l'ordonnance déférée.

Ces moyens ne peuvent qu'être disqualifiés en pur argument, ne saisissant pas valablement la cour.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la cour n'est pas saisie des demandes relatives à l'acquisition de la clause résolutoire à l'encontre de la société Lâchez Prise, le prononcé de l'expulsion ainsi que la condamnation de cette dernière société aux dépens et à une indemnité procédurale.

- Sur la compétence du juge des référés

* Aux termes des dispositions de l'article 808 du Code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes des dispositions de l'article 809 du Code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'alinéa 2 du texte précité n'exige pas la constatation de l'urgence mais seulement celle de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable comme condition à l'octroi d'une provision par le juge des référés.

Il appartient au demandeur à la provision d'établir l'existence de la créance qu'il invoque et au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.

- sur l'urgence

M. Y oppose que cette condition n'était pas expressément constatée par le premier juge et non établie au jour où il a statué.

La cour note toutefois que la plupart des demandes dont elle reste saisie en appel relèvent d'une condamnation provisionnelle pour laquelle cette condition n'est pas exigée, étant en tout état de cause observé qu'au regard des éléments repris dans la décision de première instance et de la nature même du contentieux, il y a urgence en première instance comme en appel à éviter que la dette de loyer puisse augmenter de manière exponentielle de trimestre en trimestre et à statuer sur le sort du bail, en envisageant éventuellement des délais pour permettre au preneur de sauvegarder son bail, élément essentiel du fonds de commerce.

Ce moyen ne peut qu'être rejeté.

- sur la demande de provision

M. Y sollicite la confirmation de l'ordonnance de première instance en ce qu'elle débouté la société FAP de ses demandes de condamnations aux motifs qu'elle ne réclamait pas de condamnation provisionnelle mais définitive.

Or, cette motivation du premier juge ne saurait être confirmée alors que la simple lecture des conclusions déposées en première instance par le bailleur sous le numéro 3, dont il est indiqué dans l'ordonnance qu'il en a été demandé le bénéfice à l'audience, permettent de constater que, dans le dispositif, avant le détail des prétentions formulées par les parties, il est expressément mentionné : " et cependant, dès à présent et par provision : à titre principal ".

Ce moyen tiré du non-respect de l'article 446-2 du Code de procédure civile et de l'absence de demande provisionnelle n'est pas fondé.

Dès lors le moyen tiré de l'irrecevabilité à raison du caractère nouveau d'une demande à titre provisionnel en cause d'appel pour, selon les intimés, " rectifier le tir en appel ", est sans objet.

Il sera en outre observé qu'en cause d'appel, ce n'est que par pure omission matérielle que les conclusions de l'appelant ne reprennent pas dans le dispositif le terme " par provision " lorsque sont énoncées ses prétentions, alors même que cela était expressément demandé en première instance et que sont visés en exergue du dispositif les articles 808 et 809 du Code de procédure civile.

L'ordonnance du juge des référés doit donc être infirmée en ce qu'elle a débouté la société FAP de ses demandes dirigées contre M. X et M. Y, de ses demandes en paiement et de ses autres demandes à l'encontre de la SARL " Lâchez Prise ! ".

Reste à examiner le caractère sérieux des contestations opposées par M. Y aux demandes de la société FAP.

- Sur l'existence de contestations sérieuses

1) sur l'engagement de M. Y et M. X

* En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du Code civil ancien, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Conformément aux dispositions de l'article 1156 ancien du Code civil, il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Sans dénaturer les obligations qui résultent des termes clairs et précis d'une convention, et sans modifier les stipulations qu'elle renferme, il appartient au juge également de rechercher la commune intention dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester.

- sur l'existence d'un engagement personnel

En l'espèce, M. Y ne peut arguer de la nouvelle catégorie juridique, arrêtée par le premier juge, de " partie virtuelle au bail ", à défaut d'immatriculation de la société " Lâchez Prise ! " alors qu'il résulte clairement de la convention que M. X et M. Y ont souscrit envers la société FAP un engagement contractuel personnel.

En effet, sur la première page du contrat, dans la désignation des parties, il est indiqué en qualité de preneur " la SAS Lâchez Prise... en cours de constitution, et à défaut d'immatriculation et de respect des dispositions de l'article 17 du titre I du bail, M. X et M. Y " et l'article 17 prévoit qu'en cas de substitution, " La substituée [à savoir la société " Lâchez Prise ! "] quant à elle devra respecter toutes les charges et conditions résultat des présentes et reprendre tous les engagements pris par le ou les signataire des présentes ".

Le preneur est donc bien la seule société " Lâchez Prise ! ", aucune difficulté n'étant élevée quant à l'immatriculation de la société et quant au respect des formalités imposées par l'article 17 précité.

Cependant, l'article 16 du bail stipule expressément que " si le locataire est une personne morale, les associés de la personne morale locataire des lieux interviennent au présent bail pour se porter codébiteurs solidaires de la société pour le paiement des loyers et charges, et de l'exécution de l'intégralité des clauses et conditions du présent bail, y compris l'indemnité d'occupation et de l'indemnité de complément de loyer prévue éventuellement au paragraphe loyer ci-dessus pendant toute la durée, son renouvellement éventuel et la durée d'occupation des lieux loués par le preneur... Les associés qui se portent codébiteurs solidaires de la personne morale signataire du bail sont ceux mentionnés en deuxième partie " disposition particulières " du présent bail ".

L'article 8 des conditions particulières précise l'identité des deux codébiteurs solidaires, à savoir M. X et M. Y. Il rappelle que cette garantie ne vaut qu'en cas de la substitution à la société en cours de formation, une fois celle-ci immatriculée.

La contestation de tout engagement contractuel personnel de M. X et de M. Y ne peut donc être qualifiée de sérieuse au vu des dispositions spécifiques du bail ci-dessus rappelées et de l'absence de remise en cause de ces clauses par l'avenant souscrit le 31 mars 2016.

- sur l'existence d'une cession d'action de M. Y

Ne saurait pas plus être qualifiée de sérieuse la contestation de M. Y tenant au fait que son engagement en qualité de codébiteur solidaire était indissociablement lié à sa qualité d'associé au sein de la société.

Il n'est pas contesté que par actes des 15 septembre 2016 et 6 avril 2017, M. Y a cédé à M. X l'ensemble des actions qu'il détient au sein de la société " Lâchez Prise ! ", ni que cette cession ne soit pas opposable à la société FAP.

Les développements de M. Y relatif au passif social en cas de cession sont inopérants, la société Foncière des Arts Patrimoine soulignant justement que cela ne prive pas pour autant de toute force les dispositions contractuelles unissant les parties.

Or, l'article 7 du contrat de bail prévoit qu' " en cas de cession de parts sociales par l'un ou l'autre des associés de la personne morale, preneur à bail, inférieur à la moitié du capital social, le ou les cessionnaires[s] desdites part sociales aura[ont] l'obligation de se porter codébiteur[s] solidaire[s]du preneur à l'égard du bailleur, le ou les cédant[s] demeurant tenus de leur engagement initial, pour le paiement des loyers et charges, indemnités d'occupation, impayés, avant ou après cession, ainsi que pour l'exécution de l'intégralité des clauses et conditions du présent bail ".

Ainsi, l'engagement de M. Y constitue bien un engagement personnel, lié à la qualité d'associé lors de la signature de la cession du bail, sans qu'il soit conditionné au maintien de cette qualité dans le temps, engagement pouvant survivre à la cession des actions de la société.

Il ne saurait être opposé le caractère perpétuel d'un tel engagement alors même que, s'agissant d'un engagement personnel contractuel de codébiteur en raison de sa qualité de cédant, cet engagement ne peut que s'analyser en un engagement à durée indéterminée pouvant être résilié à tout moment, sous réserve du respect d'un préavis suffisant.

Ne peut pas plus être jugée sérieuse la contestation de la légalité de cette clause à l'aune des dispositions des articles L. 145-16-1 et -2 du Code de commerce insérées par la loi Pinel, la clause visant la cession d'action tandis que la législation précitée concerne la cession du bail commercial, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce, aucun changement de preneur n'étant intervenu.

- sur l'applicabilité des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce

L'article L. 442-6 du Code de commerce, inclus au Livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, titre IV relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées, chapitre II relatif aux pratiques restrictives de concurrence dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers... de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. "

Outre que doit être constaté pour que puisse s'appliquer cette disposition une situation de soumission telle qu'envisagée par le texte précité, qui n'est aucunement caractérisée par l'intimé en l'espèce, la référence à cet article suppose la démonstration de l'existence d'un partenariat commercial, nécessitant l'existence d'une communauté d'intérêt entre les parties dans une affaire, une entreprise, une négociation ou un projet.

Or, aucun partenariat ne résulte de facto de la seule existence de la convention de bail d'un local, dans la relation bailleur preneur, et encore moins dans la relation existante entre le bailleur et le codébiteur.

Quand bien même cette disposition serait jugée applicable, elle ne saurait conduire à paralyser ladite clause en la réputant non écrite ou à mettre hors de cause M. Y, mais seulement à permettre la mise en cause de la responsabilité délictuelle du bailleur, conduisant à l'octroi de dommages et intérêts au profit de ce dernier.

Cette contestation n'est donc pas sérieuse.

- sur le non-respect des dispositions de l'article 1171 du Code civil

Selon l'article 1171, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Sans nullement là encore caractériser l'existence même d'un contrat d'adhésion ni demander expressément que ce contrat soit qualifié ainsi, M. Y se prévaut de la disposition précitée sans prendre garde au fait que cet article, conformément aux dispositions transitoires prévues dans le cadre de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, n'est pas applicable aux contrats conclus avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit le 10 février 2016.

Le contrat litigieux ayant été régularisé le 17 août 2015 et ne pouvant être soumis au nouvel article 1171 du Code civil, cette contestation ne saurait être qualifiée de sérieuse, pas plus que ne l'est la référence générale et non étayée par M. Y à des dispositions ponctuelles et spécifiques prévues pour sanctionner l'abus dans les relations contractuelles ou à la sanction de la déloyauté d'une prérogative contractuelle.

- sur la nullité de l'engagement de caution

Au visa de l'article 12 du Code de procédure civile, Me Dekeyser conteste la qualification de son engagement de codébiteur lequel serait un engagement de caution, nul pour non-respect des dispositions de l'article L. 341-2 ancien du Code de la consommation, mais également de l'article 1112 ancien permettant de sanctionner l'abus de position dominante, et en tout cas inopérant à raison de la disproportion de l'engagement de caution.

S'il appartient, conformément aux dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile, au juge de rendre leur exacte qualification à un acte, il ne saurait, sous couvert de cette demande de requalification, solliciter de ce dernier, en contravention avec les dispositions des articles 1156 et suivants ci-dessus rappelées, qu'il interprète un acte clair, voire le dénature.

Or, M. Y échoue à démontrer que la volonté commune des parties soit différente de celle résultant expressément des termes employés dans la convention.

Ainsi, la qualification de codébiteur solidaire est utilisée dans de multiples dispositions de la convention litigieuse.

Il ne résulte d'aucune d'entre elles que les obligations décrites dans celles-ci soient celle en réalité d'une caution.

Le simple fait que l'article 16 définissant l'engagement de codébiteur solidaire soit dans une partie intitulé " Garantie " est insuffisant à démontrer qu'il ne pourrait s'agir que d'un engagement de caution.

De même, tout autant inopérant pour qualifier l'engagement de caution l'argument de M. Y sur le fait que la dette n'est pas commune aux parties, seule la société étant titulaire du bail et étant créancière d'obligations envers la FAP.

En effet, que ce soit dans le cadre d'un engagement de codébiteur solidaire comme de caution, il existe une dette unique, l'engagement du codébiteur n'étant toutefois pas accessoire, à la différence de celui de la caution.

Tel est le cas en l'espèce, les dispositions n'envisageant pas un paiement à la place d'un débiteur principal défaillant mais un paiement d'une dette unique née de l'exécution du contrat.

Il ne saurait être tiré argument du fait que M. Y ne serait pas personnellement intéressé à la dette pour exclure une qualification de codébiteur solidaire.

L'article 1216 ancien du Code civil prévoit expressément la situation d'un coobligé solidaire à la dette non intéressée, ou encore dénommé coobligé solidaire adjoint, lequel se différencie des autres codébiteurs solidaires dans la mesure où il ne s'engage que pour garantir l'exécution, sans trouver à l'opération une contrepartie.

Dans ses rapports avec les autres codébiteurs, il sera considéré comme une caution, tenue à la dette d'autrui, tandis que dans ses rapports avec le créancier, il sera tenu comme n'importe quel codébiteur solidaire.

Ce moyen ne peut donc prospérer, les codébiteurs solidaires ne pouvant tirer argument de la non-réclamation en cours de bail des loyers à une autre personne que la société ou de la régularisation de l'avenant par la seule société " Lâchez Prise ! " pour tenter de remettre en cause les termes clairs et sans équivoques de la convention.

En conséquence, la contestation liée au non-respect de dispositions protectrices de la caution (mention manuscrite et disproportion de l'engagement) est dénuée de tout caractère sérieux.

Quant à l'invocation de l'article 1112 du Code civil ancien, cette contestation n'est pas plus sérieuse et manque totalement en fait, M. Y ne prenant même pas la peine d'alléguer, et encore moins de prouver une quelconque violence à son égard.

S'il est évoqué une question de délivrance du local, outre que la cour ne peut que noter l'existence d'une franchise de loyers en vue de permettre l'exécution de travaux, il n'en est tiré aucune conséquence juridique claire par M. Y.

Aucune contestation sérieuse n'étant opposée par M. Y pour remettre en cause son engagement contractuel personnel en qualité de codébiteur solidaire, ce dernier sera obligé à la dette locative éventuellement arrêtée par la présente décision.

2) sur la dette locative et ses accessoires

En vertu des dispositions de l'article 1315 ancien du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

* Par des développements demeurants très vagues sur les charges imputées par le bailleur, M. Y précise que " l'on peut douter de la légalité de la répartition des charges opérée dans le tableau ". Ainsi ne saisit-il pas la cour de moyens auxquels celle-ci se doit de répondre mais de simples arguments.

Il résulte clairement du contrat de bail et de ses annexes que conformément aux dispositions de l'article L. 145-40-2 du Code de commerce, un inventaire précis et limitatif des catégories de charges et impôts, taxes et redevances liés au bail, comportant la clef de répartition entre le bailleur et le preneur ainsi que les documents de copropriété justifiant leur répartition ont été visés par les parties et annexés à la convention.

Un décompte annuel récapitulatif, émanant du bailleur conformément aux dispositions précitées, est d'ailleurs produit.

Cette argumentation manque donc totalement en fait et ne saurait constituer une contestation sérieuse.

S'agissant des honoraires de gestion technique de l'immeuble, dont M. Y souligne qu'ils ne seraient pas conformes aux dispositions de l'article R. 145-35 du Code de commerce, lequel prévoit que " ne peuvent être imputés au locataire... les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ".

Sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la nature même des honoraires, qui selon le bailleur serait lié à la " gestion des charges de l'immeuble et à la gestion technique de l'immeuble " tandis que M. Y souligne qu'en le fixant au prorata des loyers perçus, il s'agit d'honoraires liés à la gestion des loyers, la cour ne peut que constater que cette dépense n'étant de toute façon pas prouvée par le bailleur, qui ne justifie pas de coût de gestion de l'immeuble. Il ne peut qu'en être débouté.

* Conformément au commandement de payer délivrer visant la clause résolutoire, la résiliation ayant été constatée par le premier juge dans son ordonnance ayant autorité de chose jugée au 3 mai 2017, il convient d'arrêter le compte des loyers, charges et accessoires dus au titre du bail à cette date.

Les dispositions de l'article 9 : loyer et révision, en son alinéa 3 prévoient qu' " à défaut de paiement à son échéance exacte du loyer et des charges prévus au présent bail, ces sommes produiront des intérêts de retard à compter de leur échéance contractuelle, et ce sans qu'une quelconque mise en demeure préalable soit nécessaire, calculés au taux légal alors en vigueur majoré de trois points avec capitalisation des intérêts par période annuelle, outre une clause pénale de 10 pour cent du montant de la somme impayée ".

Il n'est pas contesté que le décompte présentait un solde débiteur de près de 18 976,95 euros au 31 octobre 2017 et que des règlements pour un montant de 12 465 euros sont intervenus imputés en partie sur les sommes dues au titre du bail avant le 1er avril 2017.

À la date du 1er avril 2017, selon décompte non critiqué par M. Y, le solde de loyer était de 7 465,67 euros.

Il reste dû à la date du 3 mai 2017, après déduction des honoraires injustifiés une somme de 2 634,06 euros au titre des loyers, charges et accessoires.

La clause pénale, dont il n'est pas démontré qu'elle soit excessive, sera appliquée sur ce montant, soit une somme de 263,40 euros.

À compter du 3 mai 2017, sont dues des indemnités d'occupation, sans qu'il puisse être reproché au bailleur d'avoir tardé à reprendre le bien, alors même que l'ordonnance dont appel a été rendu le 27 décembre 2017 et l'expulsion réalisée par procès-verbal en date du 4 mai 2018.

La convention litigieuse prévoit, en son article 13 que " l'indemnité d'occupation à la charge du preneur en cas de non délaissement des locaux après résiliation ou expiration du bail pour un motif non imputable au bailleur, et ce même en cas de procédure collective, sera établie forfaitairement sur la base du double du loyer global de la dernière année de location, HT TVA en sus. Cette indemnité sera révisée et indexée comme pour le loyer. Elle sera soumise aux clauses et conditions du présent bail, et notamment le paiement des charges, l'entretien des lieux, des frais de gestion sans que cette liste soit exhaustive ".

Conformément à l'article 1152 ancien du Code civil, le juge peut minorer la clause pénale excessive, ce qui est manifestement le cas, le bailleur ne démontrant pas la nécessité d'une majoration aussi importante du montant du loyer à raison de l'immobilisation de son bien, par une occupation sans droit ni titre.

En conséquence, elle sera réduite au montant du loyer courant, soit 1 701 euros par mois auquel il sera ajouté les charges, sans imputation des honoraires de gestion.

Il sera fait droit à la demande d'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE.

M. Y se contente d'affirmer le caractère excessif de l'indemnité forfaitairement arrêtée par l'alinéa 4 de l'article 13 du bail selon lequel " à défaut de paiement de loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme... 15 jours après une simple lettre recommandée demeurée sans suite, le dossier sera transmis au contentieux et les sommes dues automatiquement majoré d'une somme de 1 000 euros hors Taxe, taxe à la valeur ajoutée en sus à titre d'indemnité forfaitaire de frais de contentieux et indépendamment des frais de justice, de commandement, frais de greffe, assignation, notification signification, frais de postulation, timbre de plaidoirie ", sans le démontrer.

Toutefois des frais ont nécessairement été engendrés par les difficultés de paiement récurrentes rencontrées par la locataire et la nécessité de recourir à des démarches avant tout contentieux afin d'éviter une saisine de la juridiction.

En conséquence, il n'y a pas lieu de minorer cette indemnité et il sera fait droit à la demande 1 200 euros TTC au titre de l'indemnité forfaitaire de frais de contentieux.

* Sur l'obligation à la dette, et conformément à ce qui a été exposé préalablement sur la portée de l'engagement de M. Y en qualité de codébiteur solidaire non intéressé à la dette, l'engagement de ce dernier n'a pas cessé avec la résiliation du bail, puisque l'article 7 du contrat rappelle expressément que " le ou les cédant[s] demeurant tenus de leur engagement initial, pour le paiement des loyers et charges, indemnités d'occupation, impayés, avant ou après cession, ainsi que pour l'exécution de l'intégralité des clauses et conditions du présent bail ".

S'agissant d'un engagement, qui n'est pas perpétuel mais indéterminé dans sa durée, pouvant donner lieu à résiliation sous réserve d'un préavis suffisant, il n'est ni soutenu, ni démontré qu'une telle résiliation de l'engagement soit intervenu.

En conséquence, et au vu des termes de la convention, M. Y et M. X demeurent solidairement codébiteur de l'ensemble des sommes arrêtées au titre du bail, tant les loyers, que les indemnités d'occupation, indemnités forfaitaires ou charges, même après résiliation du bail et cession des actions.

Conformément aux dispositions du bail, les sommes arrêtées ci-dessus produiront intérêts au taux détaillé au présent dispositif.

Les conditions de l'article 1154 du Code civil étant réunies, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus par année entière.

- Sur la demande de transfert de la licence IV

En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article 3 stipule que " le preneur déclare affecter expressément la licence de IVème catégorie dont il est titulaire à l'exploitation d'un débit de boisson dans les lieux loués. En cas d'interruption d'exploitation de la licence IV dans les lieux loués ou d'une non exploitation pendant plus de 6 mois, le présent bail serait résilié de plein droit par le jeu de la clause résolutoire prévue ci-après. Il s'engage en conséquence à ne pas la céder séparément des autres éléments du fonds de commerce ni à la transférer dans un autre lieu sans l'accord écrit du bailleur. Au cas de résiliation du bail du fait du preneur ou du non renouvellement du bail à la suite d'un congé, quelle qu'en soit la cause, il s'engage à en transférer la propriété au bailleur ou à tout autre personne désignée par lui, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité, et ce à titre de dommages et intérêts ce qui est expressément accepté par le preneur. Il s'agit là d'une condition essentielle sans laquelle le présent bail n'aurait pas été consenti ".

Force est de constater que M. Y consacre des développements dans ces écritures à ladite clause, sans pour autant saisir la cour d'une quelconque prétention au titre de son dispositif.

Aucun caractère nouveau ne saurait être opposé à la demande du bailleur, qui entre dans le champ de l'article 566 du Code de procédure civile, selon lequel les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajoutées à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément.

Ainsi, sera t il fait droit à la demande de la société Foncière des Arts Patrimoine visant à obtenir le transfert de la licence IV.

- Sur la demande reconventionnelle de M. Y

- sur la demande de délais de paiement

En application des articles 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter, ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

La dette s'avère ancienne.

M. Y se contente de solliciter des délais de paiement en soulignant le caractère précaire de sa situation actuelle, sans démontrer qu'il serait capable d'honorer une partie importante de la dette dans les délais imposés par la loi, étant observé qu'aucun paiement de sa part n'est intervenu depuis la résiliation du bail.

En conséquence, sa demande de délais de paiement sera rejetée.

- sur la demande de garantie

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

M. Y se contente, sans plus de précision de solliciter une condamnation solidaire de la SAS " Lâchez Prise ! " et de M. X " à le relever indemne de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son égard ".

Toutefois il n'invoque aucun fait concluant au soutien de cette demande, et demeure particulièrement taisant sur le fondement d'une telle demande.

En conséquence, il ne peut qu'en être débouté.

- sur la demande d'astreinte

Cette demande, reprise au dispositif de M. Y est sans objet, puisqu'aucune astreinte n'a été sollicitée par la société FAP et qu'elle n'est formulée qu'en tant que de besoin.

Elle ne peut dont qu'être rejetée.

- Sur les dépens et accessoires

M. Y soutient faussement que les condamnations aux dépens et à l'indemnité procédurale qui ont été envisagées par le premier juge à son profit ne sauraient être remises en cause par la société FAP, alors que cette dernière a, dans l'énoncé même de son appel partiel expressément sollicité la réformation de ces chefs. En outre, dans ces dernières écritures, elle saisit bien la cour de motifs visant à l'infirmation de la décision de ces chefs.

En application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, d'une part la société " Lâchez Prise ! ", d'autre part M. Y et M. X succombant en leurs prétentions, il convient de les condamner aux entiers dépens, en ce compris les dépens liés au commandement de payer et à la dénonciation aux codébiteurs.

La décision de première instance est donc infirmée en ce qu'elle a dit que les dépens liés à la délivrance du commandement à M. Y et M. X seront laissés à la charge de la société Foncière des Arts et Patrimoine.

Il ne peut s'agir que d'une condamnation in solidum de la société " Lâchez Prise ! ", de M. Y et de M. X à ce titre.

L'appel du bailleur n'étant que partiel et n'ayant pas porté sur la demande d'indemnité procédurale prononcée à son profit à l'encontre de la société " Lâchez Prise ! ", la cour n'est pas saisie de ce chef.

La société FAP ne peut donc effectuer une demande visant à aggraver le sort du preneur, elle est toutefois recevable en sa demande de condamnation de M. Y et M. X de ce chef, même s'il ne peut s'agir d'une condamnation solidaire mais seulement in solidum, aucune disposition ne prévoyant une solidarité légale ou conventionnelle au titre de l'indemnité procédurale.

Il convient de condamner en cas de recouvrement forcé des condamnations mises à la charge du preneur et des codébiteurs, ces derniers in solidum au paiement du droit proportionnel restant à la charge du créancier conformément aux dispositions de l'article A. 444-32 du Code de commerce.

Il sera en outre fait droit à la demande d'indemnité procédurale présentée par la société Foncière des Arts Patrimoine en cause d'appel, à hauteur de 2 000 euros in solidum entre la société Lâchez Prise, M. X et M. Y.

La demande d'indemnité procédurale présentée par M. Y ne peut qu'être rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, Vu la saisine limitée de la cour aux chefs exposés dans la déclaration d'appel et déterminés par l'appel incident de M. Y, Infirme l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Lille en date du 27 décembre 2017 en toutes ses dispositions déférées à la cour ; statuant à nouveau, Rejette la demande de M. Y visant à dire n'y avoir lieu à référé ; Déboute la société Foncière des Arts Patrimoine de sa demande au titre des frais de gestion technique ; Condamne solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y à payer par provision à la société Foncière des Arts Patrimoine la somme de 2 634,06 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus en vertu du contrat de bail, à la date de résiliation dudit bail, soit le 3 mai 2017 ; Dit n'y avoir lieu à minoration de la clause pénale de 10 % ; Condamne solidairement la société Lâchez Prise !, M. X et M. Y à payer par provision à la société Foncière des Arts et patrimoine la somme de 263,40 euros correspondant à la clause pénale de 10 % sur les sommes dues au titre des loyers, charges et accessoires ; Fait droit à la demande de minoration de la clause pénale prévue à l'article 13 " clause résolutoire " en son alinéa 3 relatif à l'indemnité d'occupation ; Condamne solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. D. à payer par provision à la société Foncière des Arts Patrimoine la somme de 1 701 euros par mois auquel sera ajouté les charges sans imputation des honoraires de gestions, à titre d'indemnité d'occupation mensuelle, à compter de la résiliation du bail, soit le 3 mai 2017, jusqu'à la complète libération des lieux par la remise des clefs ; Ordonne l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation à compter de la date de résiliation du bail sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE au jour de la résiliation du bail, l'indice de révision étant le même indice trimestriel calendaire de l'année suivante ; Dit n'y avoir lieu à la minoration de la clause pénale prévue à l'alinéa 4 de l'article 13 " clause résolutoire " relative aux frais de contentieux ; Condamne solidairement la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y à payer par provision à la société Foncière des Arts Patrimoine la somme de 1 200 euros à titre d'indemnité forfaitaire de frais de contentieux ; Dit que l'ensemble des sommes porteront intérêts au taux de base légal majoré de trois points à compter de la date d'exigibilité des loyers, charges et accessoires restant dus jusqu'à complet paiement en application de l'article 9 alinéa 3 du contrat ; Ordonne la capitalisation des intérêts échus par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du Code civil ; Condamne in solidum M. X et M. Y à payer l'indemnité procédurale de première instance mise à la charge de la société Lâchez Prise avec cette dernière ; Y ajoutant, Rejette la demande de délais de paiement présentée par M. Y ; Déboute M. Y de sa demande de condamnation solidaire de la SAS " Lâchez Prise ! " et de M. X à le relever indemne de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son égard ; Rejette la demande de prononcé, le cas échéant, d'une astreinte provisoire ; Ordonne à la société " Lâchez Prise ! " de transférer la propriété de la licence IV à la SARL Foncière des Arts et Patrimoine ou à toute autre personne désignée par elle, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité, et ce à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 3 aliénas 10 à 14 du contrat de bail ; Condamne in solidum la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y à payer à la société Foncière des Arts et patrimoine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne en cas de recouvrement forcé des condamnations mises à la charge du preneur et des codébiteurs, la société " Lâchez Prise ! ", M. X et M. Y in solidum au paiement du droit proportionnel restant à la charge du créancier conformément aux dispositions de l'article A. 444-32 du Code de commerce ; Déboute M. Y de sa demande d'indemnité procédurale ; Condamne in solidum la société Lâchez Prise !, M. X et M. Y aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les commandements de payer et dénonciation des dits commandements aux codébiteurs.