CAA Versailles, 4e ch., 10 juillet 2018, n° 15VE01592
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Foncia Boucles de Seine (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brotons
Rapporteur :
Mme Moulin-Zys
Rapporteur public :
Mme Rollet-Perraud
Avocat :
Selas LPA CGR Avocats
LA COUR : - Vu la procédure suivante : - Procédure contentieuse antérieure : - La société Foncia Boucles de Seine a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision d'injonction du 16 février 2011 du directeur départemental de la protection des populations des Yvelines, ainsi que la décision du 9 mai 2011 portant rejet de son recours gracieux. Elle a également demandé d'enjoindre au directeur départemental de la protection des populations des Yvelines de retirer sa décision du 9 mai 2011 sous quinze jours. Par un jugement n° 1103868 du 23 mars 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : - Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 22 mai et 5 juin 2015, la société Foncia Boucles de Seine prise en la personne de son président, représentée par Me Déchelette-Tolot, avocat, demande à la cour : 1° d'annuler ce jugement et ces décisions ; 2° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont commis une irrégularité en écartant le moyen tiré du vice d'incompétence ; - ils ont écarté le moyen tiré du vice de procédure à tort, dès lors qu'ils n'ont pas correctement appliqué la jurisprudence Danthony ; - s'agissant de la légalité interne, le tribunal administratif a écarté à tort tous les moyens qu'elle avait soulevés ; - la décision d'injonction du 16 février 2011 a été incompétemment signée par M. C qui ne justifie pas d'une délégation de signature à cet effet ; si la préfecture produit l'arrêté du 7 janvier 2011 lui accordant subdélégation de signature, cet arrêté ne définit toutefois ni la consistance, ni l'étendue ni les limites dans lesquelles cette subdélégation lui est accordée ; - la décision du 16 février 2011 est entachée d'un vice de procédure au regard des articles L. 141-1 et L. 450-2 du Code de la consommation, dès lors que son droit à bénéficier d'une procédure contradictoire n'a pas été respecté ; - s'agissant du calcul des honoraires : le rapport de contrôle n'apporte aucun élément de fait précis et circonstancié permettant d'apprécier l'élément matériel de l'infraction ; contrairement à ce que le préfet mentionne, les honoraires facturés correspondent à ceux qui sont affichés, selon une tarification forfaitaire dégressive par tranche ; il n'y a pas de pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; - s'agissant de la clause de modification unilatérale des tarifs des mandats de gestion : le rapport de contrôle n'apporte aucun élément de fait précis et circonstancié permettant de constater l'élément matériel de l'infraction ; les mandats de gestion habituellement utilisés par la société, tels que le mandat de gestion prévoyance et le mandat de gestion valorisation, ne comportent pas cette clause de modification unilatérale ; il n'y a pas de pratique abusive au sens de l'article R. 132-1 du Code de consommation ; - s'agissant des frais d'impayés, le préfet relève à tort que la facturation forfaitaire de frais en cas de chèque ou de virement impayé, constitue une pratique commerciale trompeuse et méconnaît l'article 1153 du Code civil ; d'ailleurs l'article L. 131-52 du Code monétaire et financier, lui donne le droit de facturer ces frais, en plus de la somme impayée et des intérêts légaux, en sa qualité de porteur de chèques ; - s'agissant de l'imprécision du mode de fixation des honoraires de gestion financière et technique stipulés au contrat de syndic : tout d'abord, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n'est pas au nombre des textes législatifs ou réglementaires énumérés par l'article L. 141-1 III du Code de la consommation, de sorte que les agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) des Yvelines en ont fait une application inexacte en s'estimant, à tort, habilités à constater les infractions ou manquements éventuels à cette loi ; elle facture les prestations relatives aux études préparatoires de travaux qui n'ont pas encore été votés en assemblée générale (AG) ; elle indique dans son contrat de mandat le montant maximum du pourcentage du coût des travaux mentionnés à l'article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 qu'elle perçoit au titre des honoraires prévus à l'article 18-1 A de la même loi ; le préfet ne démontre pas que l'indication de l'article IX de son contrat de syndic, qui précise que les honoraires pour travaux indiqués le sont " à titre informatif selon décision d'assemblée générale " poursuivrait un but autre que l'information des copropriétaires à l'occasion du choix du syndic ou induirait les clients en erreur sur le prix ou le mode de calcul du prix et constituerait une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; - s'agissant de la conformité des tarifs au regard de l'arrêté Novelli du 19 mars 2010 : le préfet lui reproche d'exclure à tort certaines prestations du forfait de gestion courante ; seuls les frais afférents à la tenue des assemblées générales et des réunions de conseils syndicaux qui se déroulent hors heures ouvrables sont facturés en tant que prestation en sus du forfait de gestion courante ; lorsque les réunions ont lieu pendant les heures ouvrables de la société, les honoraires attachés sont intégrés au forfait de gestion courante ; si l'arrêté du 19 mars 2010 impose que le contrat du syndic précise les jours et les plages horaires convenus pendant lesquels la présence du syndic ne donne lieu à aucune rémunération supplémentaire, le contrat de la société requérante définit clairement en son article I.1 quels sont les jours et heures ouvrables ; - s'agissant du forfait administratif : le préfet lui reproche à tort de prévoir un forfait administratif distinct des prestations de gestion courante ; mais ce forfait ne fait pas double emploi avec les prestations de gestion courante telles qu'elles résultent de l'arrêté Novelli du 19 mars 2010 puisqu'elles comprennent les appels de fonds, les échanges avec les prestataires, avec les salariés du syndicat, avec les différentes administrations, les réponses spécifiques à certains co-propriétaires en dehors de la convocation et de la tenue des AG ; - à titre subsidiaire, il appartient de surseoir à statuer pour poser une question préjudicielle au juge judiciaire en ce qui concerne tous les éléments suivants : les frais pour chèques impayés, les honoraires de gestion financière et technique pour les travaux votés en AG, l'interprétation de l'arrêté du 19 mars 2010 et la consistance du forfait administratif. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil ; - le Code civil ; - le Code de commerce ; - le Code de la consommation ; - le Code monétaire et financier ; - la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et le décret d'application n° 67-223 du 17 mars 1967 ; - la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; - la loi n° 2009-393 du 25 mars 2009 ; - le décret n° 2002-694 du 30 avril 2002 relatif au plafonnement des frais bancaires applicables aux chèques sans provision d'un montant inférieur à 50 euros ; - l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; - l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ; - l'arrêté du 19 mars 2010, dit Novelli, modifiant l'arrêté du 2 décembre 1986 relatif aux mesures de publicité applicables dans certains secteurs professionnels ; - le Code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Moulin-Zys, - les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public, - et les observations de Me D, substituant Me Déchelette-Tolot, pour la société Foncia Boucles de Seine. Et connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 27 juin 2018, présentée par la société Foncia Boucles de Seine.
Considérant ce qui suit :
1. Suite à un contrôle sur place le 2 septembre 2010 par la direction départementale de la protection des populations (DDPP) des Yvelines, la société Foncia Boucles de Seine s'est vue notifier un courrier avant injonction daté du 15 décembre 2010, listant les agissements relevés et l'invitant à produire des observations, ce qu'elle a fait en date du 6 janvier 2011. Puis, par lettre du 16 février 2011, la DDPP lui a enjoint de mettre un terme à ces agissements. Le recours gracieux de la requérante a été rejeté le 9 mai 2011. Elle a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision d'injonction du 16 février 2011 ainsi que le rejet de son recours gracieux mais, par le jugement attaqué du 23 mars 2015, le tribunal a rejeté sa demande. La requérante en relève appel et demande à la Cour d'annuler ce jugement et les deux décisions litigieuses des 16 février et 9 mai 2011.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
S'agissant du moyen tiré du vice d'incompétence :
2. Les premiers juges ont considéré que M.C, le signataire, disposait d'une subdélégation de signature par arrêté n° DDPP-SG 004 du 7 janvier 2011 émanant du directeur départemental de la protection des populations des Yvelines. S'agissant de la consistance et de l'étendue de cette subdélégation de signature, le tribunal en a validé l'existence et l'adéquation avec la décision du 16 février 2011, en se fondant à juste titre sur les dispositions du V de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce qui énonce : " Les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux obligations mentionnées aux I, II et III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite " et après avoir dûment vérifié qu'à la date du 16 février 2011 à laquelle il a signé la décision d'injonction litigieuse, M. C remplissait les conditions du V de l'article L. 141-1. Il suit de là que M. C a pu signer compétemment la décision d'injonction du 16 février 2011 ainsi que la décision du 9 mai 2011 portant rejet du recours gracieux dirigé contre la décision du 16 février 2011. Dès lors, c'est sans commettre d'irrégularité que les premiers juges ont écarté ce premier moyen, contrairement à ce que soutient la société Foncia Boucles de Seine.
S'agissant du moyen relatif au défaut de contradictoire et au vice de procédure :
3. Selon les I et II de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, les enquêtes diligentées au titre du V de cet article doivent suivre les règles prévues aux articles L. 450-1 à L. 450-3 du Code de commerce. Aux termes de l'article L. 450-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable : " Les procès-verbaux sont transmis à l'autorité compétente. Un double en est laissé aux parties intéressées. Ils font foi jusqu'à preuve contraire. " et aux termes de l'article R. 450-1 du même Code : " Les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-2 énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés d'un agent mentionné à l'article L. 450-1 et de la personne concernée par les investigations. En cas de refus de celle-ci, mention en est faite au procès-verbal. ". D'une part, les procès-verbaux et rapports établis dans le cadre d'enquêtes administratives, en application des dispositions précitées de l'article L. 450-2 du Code de commerce, sont des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 et peuvent être communiqués par l'Administration, saisie d'une demande en ce sens. D'autre part, les dispositions précitées des articles L. 450-2 et R. 450-1 du Code de commerce, relatives aux pouvoirs d'enquête des agents habilités à constater des infractions ou manquements aux règles du commerce ou de la consommation, qui fixent les conditions de constatation de ces manquements afin d'en établir la matérialité, sans prévoir que, lors de leur constatation, les auteurs desdits manquements puissent présenter des observations, n'ont pas pour objet, contrairement à ce que soutient la société Foncia, d'instaurer une procédure contradictoire à laquelle le juge pourrait appliquer le raisonnement issu de la jurisprudence Danthony.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante a fait l'objet d'un contrôle sur place par la DDPP le 2 septembre 2010, à l'issue duquel ont été relevés des agissements visés par l'article L. 141-1 du Code de la consommation, qu'elle s'est vue notifier un courrier daté du 15 décembre 2010, listant lesdits agissements et l'invitant à produire des observations sous 10 jours, auquel était annexé le procès-verbal de contrôle daté du 13 décembre 2010, en trois pages, qui énonce la nature, la date et le lieu du contrôle réalisé en présence du gérant M. A B. La société a demandé la prolongation de ce délai, dans un courrier du 24 décembre 2010 dans lequel M. B qualifiait ledit rapport de contrôle de " détaillé ". Elle a présenté des observations le 6 janvier 2011, par un courrier de six pages. Il est constant que la société Foncia Boucles de Seine, qui n'établit pas ni même n'allègue qu'elle aurait manqué d'informations pour pouvoir produire ses observations, n'a présenté aucune demande à l'Administration tendant à la communication du procès-verbal de contrôle. D'autre part, la requérante a pu présenter ses observations écrites après réception du courrier du 15 décembre 2010 qui l'invitait à le faire avant l'envoi d'une éventuelle lettre d'injonction, conformément aux dispositions de la loi du 12 avril 2000. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure serait viciée pour défaut de contradictoire, ou que les premiers juges auraient incorrectement appliqué la jurisprudence Danthony, doit être écarté dans ses deux branches.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Selon l'article L. 120-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. (...)/ II. - Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même Code : " I. - Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...)/ 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...)b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service (...) / c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service (...); II. - Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. / Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes : / 1° Les caractéristiques principales du bien ou du service (...) ". La directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005, susvisée, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, dont les articles précités du Code de la consommation constituent une transposition, prévoit dans son article 3-1 qu'elle s'applique " avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit ", le terme produit étant défini à l'article 2 de la même directive comme " tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations ".
Sur la différence entre les honoraires affichés et ceux qui sont facturés aux locataires :
6. La DDPP a relevé que le tarif affiché mentionnait, s'agissant des honoraires facturés aux locataires, un barème dégressif applicable par tranche de loyer, cumulables. Celui-ci énonçait, pour un loyer annuel inférieur à 2 500 euros, un taux facturé de 9,80 % puis, pour un loyer annuel compris entre 2 500 et 2 744 euros, un taux facturé de 9,25 % puis, pour un loyer annuel compris entre 2 744 et 3 659 euros, un taux facturé de 8,68 % puis, pour un loyer annuel supérieur à 3 659 euros, un taux facturé de 8,12 %. La DDPP a calculé que selon le barème affiché, les honoraires facturés à un locataire payant un loyer de 10 000 euros, s'élèvent à (245+22,57+79,42+514,89) = 861,88 euros. Elle relève que la pratique constante de la requérante est d'appliquer le seul taux de 8,12 % correspondant au loyer annuel supérieur à 3 659 euros, et non pas de calculer le total cumulé de chaque tranche de loyer, ce qui conduit à facturer, dans ce cas, 812 euros au lieu de 861,88 euros. Toutefois la DDPP n'établit pas en quoi cette pratique, qui consiste à facturer une somme un petit peu moins élevée qu'annoncé, a fortiori selon un mode de calcul beaucoup plus simple et lisible que celui qui est affiché, serait une pratique déloyale ou trompeuse de nature à altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, au sens de l'article L. 120-1 du Code de consommation, précité. Il suit de là que l'injonction relative à la différence entre les honoraires affichés et ceux qui sont facturés aux locataires, doit être retirée.
Sur la clause unilatérale des tarifs des mandats de gestion :
7. Selon l'article R. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...) / 3° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ; ".
8. La DDPP a relevé l'existence d'une clause de modification unilatérale des tarifs dans les mandats de gestion immobilière effectivement utilisés par la société Foncia Boucles de Seine, lesquels précisent sous la rubrique " Rémunération - Honoraires de location et de rédaction (...) En cas de location nouvelle, vos honoraires de location et de rédaction de bail s'élèveront à : Barème en vigueur " alors que le barème en vigueur n'est pas joint en annexe. La matérialité des faits est établie par les éléments relevés par les agents lors du contrôle et dûment consignée au point 4 du procès-verbal de contrôle du 13 décembre 2010, à savoir les stipulations de deux mandats de gestion signés le 6 juin 2005 et le 16 février 2000. La société requérante ne conteste pas utilement ces éléments en affirmant, dans la lettre d'observations du 6 janvier 2011, que cette clause " fait l'objet de précisions lorsque nous concluons un mandat " ou encore, en produisant devant le tribunal administratif puis la cour, des formulaires vierges de mandats de gestion immobilière, l'un de prévoyance et l'autre de valorisation, où cette clause n'apparaît pas et qui renvoient à un document annexe à valeur contractuelle. Enfin il est constant que cette clause, par laquelle la société Foncia se réserve le droit de modifier unilatéralement les honoraires de location et de rédaction de bail, entre dans le champ du 3° de l'article R. 132-1 du Code de la consommation et est dès lors, de manière irréfragable, présumée abusive. Il suit de là que les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de qualification des faits, doivent être écartés.
Sur la facturation forfaitaire de frais pour chèque ou virement impayé :
9. Selon l'article 1153 du Code civil : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. (...). Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. ". Il résulte de ces dispositions, qui s'appliquent dans le cadre d'un recours juridictionnel, que le retard dans le paiement d'une créance ne peut ouvrir droit qu'au seul paiement d'intérêts moratoires au taux légal, sauf si le retard est dû à la mauvaise foi du débiteur et si le créancier est en mesure de se prévaloir d'un préjudice distinct de ce retard.
10. La DDPP a relevé, dans le procès-verbal de contrôle du 13 décembre 2010, que la société Foncia Boucles de Seine mentionne, dans la rubrique " frais administratifs " de son contrat de syndic, la facturation de frais forfaitaire de 29,90 euros TTC en cas de chèque ou de prélèvement impayé. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est même pas allégué, que le versement des frais demandés par la société requérante serait subordonné à la mauvaise foi du locataire qui aurait vu son chèque ou prélèvement revenir impayé ni même, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement du loyer versé au bailleur, qui n'est pas la société Foncia Boucles de Seine. A supposer même établie la qualité de créancier de la société requérante au sens de l'article 1153 du Code civil, ces dispositions ne permettent pas au créancier de fixer lui-même, a fortiori en dehors de toute procédure judiciaire, le montant des dommages et intérêts, ni de réclamer au débiteur une somme forfaitaire fixée discrétionnairement et unilatéralement.
11. La société invoque également l'article L. 131-52 du Code monétaire et financier, qui énonce : " Le porteur peut réclamer à celui contre lequel il exerce son recours : / 1. Le montant du chèque non payé ; / 2. Les intérêts à partir du jour de la présentation, dus au taux légal applicable en France ; / 3. Les frais de protêt, ceux des avis donnés, ainsi que les autres frais. ". Toutefois ces dispositions, qui ne trouvent à s'appliquer que dans le cadre d'un recours juridictionnel, ne peuvent pas être utilement invoquées par la société requérante pour justifier les stipulations sus énoncées de son contrat de syndic. Il suit de tout ce qui précède, que la DDPP a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, enjoindre à la société Foncia Boucles de Seine de supprimer cet élément de facturation, constitutif d'une pratique commerciale trompeuse au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Sur les honoraires de gestion financière et technique pour les travaux non encore votés en assemblée générale (AG) des copropriétaires :
12. Aux termes de l'article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'article 17 de la loi n° 2009-393 du 25 mars 2009, susvisée : " Seuls les travaux mentionnés à l'article 14-2 et votés par l'assemblée générale des copropriétaires en application des articles 24, 25, 26, 26-3 et 30 peuvent faire l'objet d'honoraires spécifiques au profit du syndic. Ces honoraires sont votés lors de la même assemblée générale que les travaux concernés, aux mêmes règles de majorité. ". Cet article doit être interprété à la lumière de la réponse ministérielle n° 10896 publiée au Journal Officiel du Sénat du 14 octobre 2010, page 2692, qui précise : " (...) la perception d'honoraires ne peut plus être fondée sur une clause prévue par le contrat de syndic. Elle nécessite donc un vote au cas par cas de l'assemblée générale après chaque décision de réaliser des travaux, et aux mêmes conditions de majorité. L'assemblée générale dispose donc d'un pouvoir de négociation et de décision concernant le principe et le mode de calcul des honoraires. Ces décisions étant d'ordre public, ni les contrats de syndic ni les décisions d'assemblée générale ne peuvent y déroger. ".
13. Tout d'abord, la société requérante fait valoir que la DDPP lui oppose à tort les dispositions de la loi du 10 juillet 1965. Il est toutefois constant que la lettre d'injonction du 16 février 2011 et, par voie de conséquence, le rejet de son recours gracieux, lui sont signifiés au titre des pratiques commerciales trompeuses, dans le cadre d'une procédure administrative conduite au titre du pouvoir de police du préfet, sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la consommation. Le moyen tiré de l'erreur de base légale doit être écarté.
14. La DDPP a relevé, tant dans son courrier d'injonction du 16 janvier 2011, que dans sa décision du 9 mai 2011 rejetant le recours gracieux, que la société requérante facture, en tant que syndic, des honoraires de gestion et de suivi technique des travaux qui sont pré-tarifés, alors qu'en application de l'article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965, précité, ils doivent être votés en assemblée générale des copropriétaires. Le mandat de gestion de syndic stipule en effet, à la rubrique " Travaux à titre informatif selon décision d'assemblée générale " les éléments suivants : " Etudes, appels d'offres et consultations des entreprises et prestataires : au temps passé selon barème du cabinet, / Gestion financière, administrative et comptable des travaux votés en AG ou opérations exceptionnelles : 2,99 % TTC du montant TTC, / Suivi des travaux votés en AG ou opérations exceptionnelles (sans responsabilité de maîtrise d'œuvre) : 3,58 % TTC du montant TTC ". Il ressort de l'examen de ces stipulations, qu'elles n'énoncent d'aucune manière que l'assemblée générale des co-propriétaires dispose d'un pouvoir de négociation et de décision concernant le principe et le mode de calcul des honoraires du syndic. Par conséquent, elles sont de nature à induire en erreur les consommateurs. La société Foncia Boucles de Seine ne conteste pas sérieusement ces éléments en se bornant à alléguer, sans l'établir, que les tarifs indiqués " le sont à titre informatif et indicatif : le pourcentage est un pourcentage maximum, servant de base aux négociations ". Dès lors, ces stipulations sont constitutives d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Sur la mention de précisions relatives aux prestations facturées à l'occasion des réunions du conseil syndical et de l'AG, en cas de dépassement d'une durée de deux heures ou, se tenant en dehors des heures ouvrables :
15. L'annexe de l'arrêté du 19 mars 2010 dit Novelli susvisé, intitulée " Liste minimale des prestations de gestion courante " énonce : " I. Assemblée générale annuelle (...) / I-2. Réunion du conseil syndical précédant l'assemblée générale. (...) / I-2.2. Présence du syndic ou de son représentant [il convient de préciser expressément la durée contractuelle prévue comme incluse dans le forfait ainsi que les jours et les plages horaires convenus]. (...) / I-4. Tenue de l'assemblée générale. (...) / I-4.6. Présence du syndic ou de son représentant [il convient de préciser expressément la durée contractuelle prévue comme incluse dans le forfait ainsi que les jours et les plages horaires convenus]. ".
16. La DDPP a relevé, tant dans le courrier d'injonction du 16 janvier 2011 que dans la décision du 9 mai 2011 portant rejet du recours gracieux, que la société Foncia Boucles de Seine facture, en tant que syndic, des honoraires de réunion de conseil syndical et de tenue de l'assemblée générale des co-propriétaires (AG), en sus du forfait de gestion courante, lorsque leur durée excède deux heures et/ou que ces réunions se tiennent en dehors des heures ouvrables définies ainsi : du lundi au jeudi, de 9h00 à 12h00 puis de 14h00 à 18h00 et le vendredi, de 9h00 à 12h00 puis de 14h00 à 17h00. Si la DDPP fait valoir que l'arrêté Novelli ne prévoit pas de distinction entre les heures ouvrables et non ouvrables, il ressort au contraire de l'examen des termes de cet arrêté qu'il contraint le syndic à faire figurer très précisément " la durée contractuelle prévue comme incluse dans le forfait ainsi que les jours et les plages horaires convenus ", ce qui a été respecté par la société requérante. Ainsi, seuls les frais afférents à la tenue des AG et des réunions de conseils syndicaux se déroulant en dehors des heures ouvrables et/ou excédant une durée de deux heures sont facturés en sus du forfait de gestion courante. Il suit de là que l'injonction relative à la suppression des précisions relatives aux prestations facturées à l'occasion des réunions du conseil syndical et de tenue de l'AG, en cas de dépassement de la durée de deux heures ou se tenant en dehors des heures ouvrables détaillées ci-dessus, doit être retirée.
Sur l'erreur de droit tirée de la distinction entre le forfait administratif et le forfait de prestations de gestion courante :
17. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 19 mars 2010 susvisé, dit Novelli : " Toute prestation particulière doit figurer explicitement en tant que telle dans le contrat de syndic. Le contenu des prestations particulières doit être défini avec précision dans les rubriques correspondantes figurant dans le contrat de syndic. ".
18. La DDPP a relevé que le contrat de syndic de la société requérante mentionne un forfait de " prestations particulières " facturées en sus du forfait de gestion courante, particulièrement des " frais administratifs (hors frais postaux et copies pour les convocations et PV d'AG) " pour 29,90 euros TTC. La société Foncia Boucles de Seine fait valoir que ce forfait recouvre les appels de fond, les correspondances avec les prestataires, avec les salariés du syndicat, avec les différentes administrations ainsi qu'avec les copropriétaires à l'exception des échanges afférant à l'assemblée générale. Il ressort toutefois des termes de l'annexe de l'arrêté Novelli, intitulée " Liste minimale des prestations de gestion courante ", que tous ces éléments, cités par la requérante, y figurent aux rubriques suivantes : II-2. Compte copropriétaires comprenant les appels de provisions et remise des fonds, III-2. Obligations administratives du Conseil syndical, III-3.2. Négociation, passation, suivi des marchés des prestataires et enfin V. Gestion du personnel. Dans ces conditions, la société requérante échoue à démontrer l'absence de recouvrement entre le forfait des prestations particulières et le forfait de gestion courante. Il suit de là que la DDPP a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit, estimer que de tels éléments de prestations forfaitaires ne respectaient pas les dispositions de l'arrêté Novelli du 19 mars 2010 et étaient constitutifs d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121 du Code de la consommation.
19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle, que la société Foncia Boucles de Seine est seulement partiellement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 mars 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu d'accueillir ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 16 février et 9 mai 2011 du directeur départemental de la protection des populations des Yvelines en tant qu'elles enjoignent premièrement, à la cessation de la pratique commerciale ci-dessus qualifiée " différence entre les honoraires affichés et ceux qui sont facturés aux locataires " et en second lieu, au retrait, du contrat de syndic, de la mention de précisions relatives aux prestations facturées à l'occasion des réunions du conseil syndical et de la tenue de l'assemblée générale des co-propriétaires en cas de dépassement de la durée de deux heures ou se tenant en dehors des heures ouvrables. Le jugement du Tribunal administratif de Versailles doit être annulé en tant qu'il n'est pas conforme à cette annulation partielle. Il y a également lieu de mettre à la charge du ministre de l'Economie et des Finances une somme de 1 000 euros, à verser à l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, et de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la société Foncia Boucles de Seine.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions litigieuses des 16 février 2011 et 9 mai 2011 du directeur départemental de la protection des populations des Yvelines sont annulées en tant qu'elles enjoignent, en premier lieu, à la cessation de la pratique commerciale ci-dessus qualifiée " différence entre les honoraires affichés et ceux qui sont facturés aux locataires " et en second lieu, au retrait du contrat de syndic, de la mention de précisions relatives aux prestations facturées à l'occasion des réunions du conseil syndical et de la tenue de l'assemblée générale des co-propriétaires, en cas de dépassement de la durée de deux heures ou se tenant en dehors des heures ouvrables. Le jugement n° 1103868 du 23 mars 2015 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il diffère du dispositif du présent arrêt.
Article 2 : Le ministre de l'Economie et des Finances versera une somme de 1 000 euros à la société Foncia Boucles de Seine au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.