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Décisions

Commission, 24 avril 2017, n° M.8392

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

Bolloré/Vivendi

Commission n° M.8392

24 avril 2017

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

(1) Le 15 mars 2017, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement sur les concentrations, d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Bolloré SA ("partie notifiante" ou "Bolloré", France), filiale du groupe Bolloré, acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle de l'ensemble de l'entreprise Vivendi SA ("Vivendi", France) (ensemble, les "parties").

1. LES PARTIES

(2) Le groupe Bolloré, dont les actions sont cotées à la bourse de Paris, est principalement actif dans trois domaines : (i) la communication, en particulier les activités publicitaires (via Havas), la presse gratuite en France (via Direct Matin), et les télécommunications (en France, via Wifirst, fournisseur d'accès à internet dans les lieux collectifs et l'opérateur télécom français Bolloré Télécom ) ; (ii) le transport et la logistique ; et (iii) le stockage d'électricité (en particulier la conception et la fourniture de batteries et composants de stockages d'énergie notamment destinés aux véhicules électriques et de terminaux de billetteries) et la production de films plastiques. Le groupe Bolloré est contrôlé directement et indirectement par la société Financière de l'Odet, holding de tête du groupe Bolloré, elle-même contrôlée par la famille Bolloré. Le groupe Bolloré détient une participation minoritaire de 15,26 % du capital de Vivendi.

(3) Vivendi est la société holding de tête du groupe Vivendi, dont les actions sont cotées à la bourse de Paris. Le groupe Vivendi est actif dans divers secteurs des médias, notamment les secteurs de la musique (Universal Music Group), de la télévision, y compris des activités dans la télévision gratuite et payante (Canal+), du cinéma, des jeux vidéo mobiles et du partage de vidéos. Vivendi détient également des participations minoritaires dans des entreprises notamment actives dans le secteur de la production de contenu média, la distribution de produits électroniques et des télécommunications, notamment une participation de 23,9 % dans l'opérateur de télécommunications Telecom Italia, actif en Italie et au Brésil.

2. LA CONCENTRATION

(4) L'opération consiste dans l'augmentation des droits de vote de Bolloré dans Vivendi, suite à l'acquisition successive dans le temps de 15,26 % du capital et l'application de la loi française n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle (dite loi "Florange"), donnant lieu à l'acquisition d'un contrôle exclusif de fait sur Vivendi ("l'opération").

(5) Bolloré détient une participation minoritaire de 15,26 % du capital de Vivendi, cette participation étant le résultat d'acquisitions successives d'actions au cours des dernières années.

(6) En outre, Bolloré bénéficie de droits de vote doubles en vertu de la loi Florange à partir du 3 avril 2016 pour les titres détenus par Bolloré depuis deux ans. En effet, la loi Florange instaure un droit de vote double de jure pour les actions entièrement libérées détenues au nominatif depuis deux ans au nom d'un même actionnaire, sauf clause contraire des statuts, si les conditions suivantes sont réunies :

(a) les actions sont inscrites sur un marché réglementé ;

(b) les actions sont entièrement libérées et détenues au nominatif, au nom du même actionnaire, depuis au moins deux ans, c'est-à-dire, à compter du 2 avril 2014, point de départ fixé par la loi ;

(c) les actionnaires n'ont pas approuvé une clause statutaire écartant le droit de vote double.

(7) En l'espèce ces conditions sont réunies. Lors de l'Assemblée générale du 17 avril 2015 les actionnaires de Vivendi ont notamment rejeté un projet de résolution visant à modifier les statuts de Vivendi pour ne pas conférer de droit de vote double aux actions pour lesquelles il est justifiée d'une inscription nominative depuis deux ans au nom du même actionnaire.

(8) En conséquence, Bolloré a obtenu des droits de vote doubles dans Vivendi à partir du 3 avril 2016. Le 20 avril 2017, c'est-à-dire avant l'adoption de la présente décision, les droits de vote de Bolloré dans Vivendi ont augmenté à hauteur de 26,43 %.

(9) La détention du 26,43 % des droits de vote dans Vivendi est suffisante pour pouvoir exercer une influence déterminante sur cette société à la lumière des suivants éléments de fait :

(a) Bolloré est le plus important actionnaire de Vivendi et l'unique actionnaire industriel significatif du groupe. Les autres actionnaires principaux, qui incluent des investisseurs financiers, sont le Plan d'Epargne Groupe (PEG), BlackRock, CDC-BPI/DFE et Amundi. Les positions de Bolloré sont dès lors susceptibles d'être dotées d'une influence particulière dans les assemblées générales, même si Bolloré n'aura pas la quasi-certitude d'obtenir la majorité compte tenu de la présence des autres actionnaires en assemblées générales ;

(b) les trois principaux actionnaires financiers de Vivendi (BlackRock, CDC-BPI/DFE et Amundi) ont rejeté une motion présentée par des actionnaires minoritaires visant à laisser inappliquée la loi Florange et ont donc activement soutenu l'influence accrue de Bolloré sur Vivendi ;

(c) M. Bolloré est le président du conseil de surveillance de Vivendi et, à ce titre, préside les assemblées générales. Les membres du Directoire sont désignés par le conseil de surveillance, dont les membres sont nommés par l'assemblée générale. Etant donné la participation de Bolloré et la position de M. Bolloré comme Président du conseil de surveillance, ce dernier est en mesure d'influencer tant ce conseil que le directoire de Vivendi ;

(d) la structure antérieure des votes en assemblée générale montre que la plupart des propositions soutenues par Bolloré nécessitant une majorité simple ont été approuvées ; et,

(e) l'actionnariat restant de Vivendi est très dispersé et rien ne permet de penser qu'un intérêt commun rassemble une minorité de blocage contre Bolloré.

(10) Compte tenu de tous ces éléments, la Commission considère que Bolloré détient un contrôle exclusif de fait sur Vivendi à l'issue de l'opération.

3. DIMENSION UE

(11) Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires mondial consolidé de plus de 5 milliards d'euros (Bolloré : 10 824 millions EUR ; Vivendi : 10 819 millions EUR). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans l'Union de plus de 250 millions d'euros (Bolloré : 5 569 millions EUR ; Vivendi : 6 650 millions EUR). Bien que le groupe Bolloré réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans l'Union européenne dans un seul et même État membre (la France), tel n'est pas le cas de Vivendi.

(12) L'opération notifiée a donc une dimension européenne selon l'article 1(2) du règlement sur les concentrations.

4. LES MARCHES PERTINENTS

(13) Les parties n'intervenant pas sur les mêmes marchés de produits ou de service l'opération ne donne lieu à aucun chevauchement horizontal d'activité. Les parties opèrent en revanche sur des marchés situés à différents niveaux de la chaîne de valeur. Vivendi est actif en matière de vente d'espace publicitaire en tant que vendeur, à travers les différents médias du groupe, et en tant qu'acheteur, en sa qualité d'annonceur. Pour sa part, Bolloré opère à travers Havas sur les marchés des services d'achat d'espace médiatique et de marketing et de communication commerciale.

4.1. Marchés de la publicité

(14) La Commission européenne a déjà eu l'occasion de distinguer la publicité hors ligne de la publicité en ligne. S'agissant de la publicité hors ligne, la pratique décisionnelle antérieure a retenu l'existence de marchés distincts s'agissant de la vente d'espace publicitaire dans la presse quotidienne et de la vente d'espace publicitaire télévisuel.

(15) S'agissant de la vente d'espace publicitaire télévisuel, la pratique décisionnelle antérieure a estimé que la vente d'espace sur les chaînes de télévision gratuite n'était pas distincte de la vente d'espace sur les chaînes payantes.

(16) S'agissant de la vente d'espace publicitaire en ligne, la Commission européenne a envisagé plusieurs segmentations, tout en laissant ouverte la définition du marché pertinent. La Commission a ainsi notamment envisagé de distinguer la vente d'espace en ligne (i) selon leur mode de sélection (annonces liées aux recherches ou non) et (ii) selon leur apparence visuelle (annonces textuelles, annonces en "display").

(17) S'agissant enfin de la dimension géographique des marchés, la pratique décisionnelle antérieure a considéré que les marchés de la vente d'espace publicitaire télévisuel, dans la presse quotidienne et sur internet étaient nationaux ou correspondaient aux différentes zones linguistiques.

(18) La partie notifiante ne remet pas en cause ces délimitations. En l'espèce, Vivendi est actif en matière de vente d'espaces publicitaires télévisuels via le Groupe Canal Plus (GCP) en France et en Pologne.

(19) En toute hypothèse, au cas d'espèce, la définition précise des marchés de la publicité peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soient les délimitations retenues.

4.2. Marchés des services d'achat d'espace médiatique aux annonceurs

(20) Les services d'achat d'espace médiatique consistent dans l'achat de temps ou d'espace publicitaire dans différents médias, tels que la télévision, la presse et les magazines, la radio, l'affichage extérieur et internet, pour les besoins des campagnes publicitaires d'annonceurs. Dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission européenne a distingué le marché de la fourniture de tels services, qui met en relation les agences média avec les annonceurs, du marché de l'approvisionnement, dans lequel les agences média achètent des espaces publicitaires auprès des différents détenteurs de médias.

4.2.1. Marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique

(21) La pratique décisionnelle de la Commission européenne a envisagé plusieurs segmentations du marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique. La Commission a ainsi envisagé de distinguer la fourniture de tels services selon la taille des clients (grands et petits comptes), segmentation qu'elle a retenue pour le marché allemand, où elle a estimé que seules les grandes agences média adossées à un réseau international étaient en mesure de répondre au besoin de grands annonceurs. La partie notifiante estime toutefois qu'une telle segmentation n'est pas pertinente en France ou en Pologne, seuls Etats Membres concernés par l'opération.

(22) Par ailleurs, la Commission n'a pas estimé nécessaire de distinguer la fourniture de services d'achat d'espace médiatique selon le type de service, de média ou de secteur considéré.

(23) La Commission s'est également interrogée sur l'inclusion ou l'exclusion, au sein du marché pertinent, des achats d'espace effectués directement par certains annonceurs auprès des détenteurs de médias. A l'exception de la Suède et du Danemark, la Commission a toutefois laissé cette question ouverte, évaluant la pression concurrentielle exercée par les ventes directes sur les ventes intermédiées au stade de l'analyse concurrentielle. La partie notifiante estime que les ventes directes ne représentent pas une portion significative des ventes d'espace publicitaire en France et en Pologne et considère par conséquent qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle de la Commission au cas d'espèce.

(24) Sur le plan géographique, la Commission a relevé que la majorité des annonceurs contractent auprès d'agences média au niveau national, tout en laissant ouverte la question de la délimitation géographique du marché. La partie notifiante considère cependant que le marché pertinent est de dimension nationale.

(25) Toutefois, au cas d'espèce, la définition précise des marchés de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soient les délimitations retenues.

4.2.2. Marché de l'approvisionnement des services d'achat d'espace médiatique

(26) Du côté de l'approvisionnement, la Commission européenne a distingué l'achat d'espace publicitaire dans la presse quotidienne et magazine ("print") de l'achat d'espace publicitaire télévisuel. Elle ne s'est toutefois pas prononcée sur la nécessité de segmenter davantage le marché de l'approvisionnement. La Commission n'a pas non plus estimé nécessaire de segmenter le marché pertinent selon la taille des clients.

(27) Tout comme en matière de fourniture de services d'achat médiatique, la Commission s'est également interrogée sur l'inclusion ou l'exclusion des ventes directes d'espaces publicitaires. Elle a estimé nécessaire d'inclure ces ventes dans le marché en Suède et au Danemark compte tenu de leur importance.

(28) Au cas d'espèce, la définition précise des marchés de l'approvisionnement des services d'achat d'espace médiatique peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soient les délimitations retenues.

4.3. Marché des services de marketing et de communication commerciale

(29) La pratique décisionnelle antérieure de la Commission européenne distingue les marchés des services d'achat d'espace médiatique des services de marketing et de communication commerciale. Ce dernier comporte des services divers, incluant notamment des services de marketing, d'analyse et de conseil, de relations publiques, et de gestion de la relation client. La Commission a toutefois estimé qu'il n'était pas pertinent de segmenter le marché selon les services concernés au regard du degré suffisant de substituabilité entre ceux-ci et de la capacité de la plupart des agences média de proposer l'ensemble des services à leurs clients.

(30) Par ailleurs, la Commission n'a pas estimé nécessaire de segmenter le marché pertinent selon le type de média, le secteur ou la taille des clients. S'agissant de ce dernier point, la Commission a néanmoins tenu compte des besoins particuliers des grands comptes dans son analyse concurrentielle.

(31) Enfin, la Commission européenne a estimé que le marché des services de marketing et de communication commerciale revêtait une dimension nationale.

(32) La partie notifiante ne remet pas en cause ces délimitations. En toute hypothèse, au cas d'espèce, la définition précise du marché des services de marketing et de communication commerciale peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soient les délimitations retenues.

5. ANALYSE CONCURRENTIELLE

(33) Les activités des parties présentent plusieurs liens verticaux. Comme indiqué ci-dessus, Havas, filiale de Bolloré, intervient sur les marchés des services d'achat d'espace médiatique. A ce titre, les activités d'Havas pour son approvisionnement se situent en aval de celles de Vivendi en tant que vendeur d'espace publicitaire ; à l'inverse, en tant que fournisseur de services d'achat d'espace médiatique, Havas se situe en amont des activités de Vivendi agissant en qualité d'annonceur. Enfin, les activités de Vivendi se situent également en aval des activités de Havas en tant que fournisseur de services de marketing et de communication commerciale.

5.1. Marchés des services d'achat d'espace médiatique

5.1.1. Sur les marchés de la vente d'espace publicitaire et de l'approvisionnement de services d'achat d'espace médiatique

(34) L'opération renforcera l'intégration verticale des activités de Vivendi en matière de vente d'espace publicitaire avec celles d'Havas en tant qu'acheteur de tels espaces.

(35) Conformément aux lignes directrices de la Commission européenne relatives aux concentrations non-horizontales, les opérations verticales ne sont susceptibles de constituer une menace pour la concurrence effective que dans la mesure où l'entité issue de la concentration jouit d'un pouvoir de marché significatif sur au moins un des marchés concernés. A cet égard, il est peu probable que la Commission conclue à l'existence de problèmes lorsque la part de marché de l'entité issue de la concentration reste inférieure à 30 %.

(36) A l'amont, Vivendi, à travers les chaînes de GCP, représente [5-10]% des ventes d'espace publicitaire télévisuel en France et moins de [0-5]% en Pologne en 2015. Ses activités en tant que vendeur d'espace publicitaires en ligne représentent moins de [0-5]% des marchés français et polonais en 2015.

(37) En l'espèce, les parties ne disposent donc pas d'un pouvoir de marché significatif sur le marché concerné situé en amont. Dès lors, la Commission considère qu'il est improbable que l'entité issue de la concentration ait la capacité de verrouiller l'accès aux intrants, dans la mesure où les opérateurs intéressés disposent en toute hypothèse de plusieurs alternatives au moins équivalentes pour accéder aux espaces publicitaires télévisuels. L'opération n'est donc pas susceptible de soulever un risque de verrouillage de l'accès aux intrants.

(38) A l'aval, sur le marché de l'approvisionnement des services d'achat d'espace médiatique, Havas représente [10-20]% des achats d'espace publicitaire télévisuel en France et [5-10]% en Pologne. Havas fait face sur ce marché à des concurrents importants tels que Publicis, WPP, Dentsu Aegis ou Omnicom.

(39) Compte tenu de ces parts de marché, les parties ne disposent pas d'un pouvoir de marché significatif sur le marché situé en aval. Il semble donc improbable que les parties aient la capacité à verrouiller l'accès au marché situé en aval. Les risques de verrouillage de l'accès à la clientèle peuvent donc être écartés.

(40) Néanmoins, deux opérateurs interrogés dans le cadre de l'enquête de marché ont indiqué que l'opération entraînait un risque de verrouillage de l'accès à la clientèle dans la mesure où Havas pourrait favoriser les chaînes de GCP dans ses recommandations à ses clients, ou obtenir de ce dernier des tarifs préférentiels, amenuisant par conséquent l'investissement d'annonceurs auprès de chaînes concurrentes. Un répondant met ainsi en avant l'importance des investissements des clients d'Havas auprès de Canal+ Régie depuis la prise de participation de Bolloré au sein de Vivendi en 2012 et craint que l'opération n'accentue cette tendance.

(41) Toutefois, la partie notifiante souligne que l'activité d'Havas consiste à procurer à ses clients des conseils objectifs quant aux supports médiatiques adéquats en fonction de leurs objectifs publicitaires. Par conséquent, en favorisant l'investissement de ses clients auprès des chaînes de Vivendi, Havas risquerait de mettre en péril sa réputation et de perdre des clients. La partie notifiante indique en outre que l'encadrement législatif de ses activités en France lui impose notamment d'indiquer les liens financiers que l'agence entretient avec des vendeurs d'espaces publicitaires.

(42) En outre, selon un annonceur interrogé dans le cadre de l'enquête de marché, le développement de mesures précises de la performance effective des différents médias permet d'éclairer les décisions d'investissement des annonceurs. Le recours à de tels moyens limite par conséquent la capacité d'agences média de favoriser l'investissement de leurs clients auprès de support à rebours de leur performance effective.

(43) La Commission considère par conséquent que la nouvelle entité ne sera pas capable de verrouiller l'accès à la clientèle sur le marché de l'approvisionnement de services d'achat d'espace médiatique.

(44) Par ailleurs, il convient de rappeler que Bolloré est le principal actionnaire minoritaire de Vivendi depuis 2012. A ce titre, contrairement aux craintes exprimées dans le cadre de l'enquête de marché, rien n'indique qu'Havas favorise particulièrement les chaînes de GCP dans ses recommandations à ses clients depuis cette date. [secret des affaires] L'augmentation des investissements bruts émanant de Havas auprès de cette dernière (+[30-40]% de 2015 à 2016) apparait en outre cohérente avec la tendance générale du marché (+[30-40]%) et est inférieure à celle émanant d'autres agences média. [secret des affaires]

(45) Par conséquent, compte tenu de l'absence de surinvestissement des clients représentés par Havas dans les chaînes de Vivendi malgré le lien structurel préexistant entre les parties avant l'opération, en l'absence d'autres éléments susceptibles d'influer sur les incitations de Bolloré au cas d'espèce, il est peu probable que l'opération modifie significativement les incitations de l'acquéreur à avantager les achats de publicité sur les chaînes de Vivendi.

(46) Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur les marchés de la vente d'espace publicitaires et de l'approvisionnement de services d'achat d'espace médiatique.

5.1.2. Sur le marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique

(47) L'opération renforcera l'intégration verticale des activités de Bolloré sur le marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique avec celles de Vivendi en tant qu'annonceur.

(48) Sur le marché amont de la fourniture de services d'achat médiatique, Havas représente [10-20]% des recettes des agences françaises en 2015, devant Publicis ([10-20]%), WPP ([10-20]%), Dentsu Aegis ([5-10]%) et Omnicom ([5-10]%). En Pologne, Havas représente [5-10]% du marché en 2015, derrière WPP ([30-40]%), Publicis ([20-30]%) et Omnicom ([10-20]%). A l'aval, Vivendi représente une portion négligeable des achats de services d'achat d'espace médiatique tant en France ([0-5]%) qu'en Pologne ([0-5]%).

(49) Les parties ne disposent donc pas d'un pouvoir significatif de marché. Au surplus, l'opération est insusceptible de soulever un risque de verrouillage de l'accès aux intrants dans la mesure où, compte tenu de la part de marché d'Havas, les annonceurs concurrents de Vivendi seraient en mesure de se tourner vers des agences disposant de parts de marché comparables (en France) ou supérieures (en Pologne). Le risque de verrouillage de l'accès à la clientèle peut également être écarté compte tenu des parts de marché négligeables de Vivendi en matière d'achats de services d'achat d'espace médiatique en France comme en Pologne.

(50) Compte tenu de ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur le marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique.

5.2. Marché des services de marketing et de communication commerciale

(51) Faute de données publiques suffisantes, la partie notifiante n'a pas été en mesure de communiquer des estimations de parts de marché en matière de services de marketing et de communication commerciale. Elle considère toutefois que la position d'Havas sur ce marché ne diffère pas significativement de celle de l'agence sur le marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique et serait donc inférieure à [10-20]% en France comme en Pologne. Sur ce marché, Havas fait également face à la concurrence des autres principales agences média.

(52) A l'aval, la partie notifiante estime que Vivendi, dont les achats de services de marketing et de communication commerciale sont limités, est un client marginal à l'échelle de l'ensemble du marché en France et en Pologne.

(53) La Commission partage l'analyse de la partie notifiante. Aucun élément au dossier ne contredit ses estimations, et les réponses à l'enquête de marché ne soulèvent aucun risque relatif au marché des services de marketing et de communication commerciale. Par ailleurs, la Commission a déjà eu l'occasion de constater que, sur ce marché, les principales agences médias exercent entre elles une concurrence significative, les marchés nationaux étant en outre fragmentés en raison de la présence de nombreux concurrents de tailles diverses.

(54) Par conséquent, les parties ne disposent d'aucun pouvoir de marché significatif et les éléments retenus au paragraphe (49) ci-dessus concernant le marché de la fourniture de services d'achat d'espace médiatique trouvent également à s'appliquer en matière de services de marketing et de communication commerciale.

(55) Par conséquent, l'opération n'est pas susceptible d'entraîner un risque d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

6. CONCLUSION

(56) La Commission européenne a décidé, pour les raisons exposées ci-dessus, de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché intérieur et avec l'accord EEE. La présente décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE.

NOTES

1 JO L 24 du 29.1.2004, p. 1 (le "règlement sur les concentrations"). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ("TFUE") a introduit divers changements, parmi lesquels le remplacement des termes "Communauté" par "Union" et "marché commun" par "marché intérieur". Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.

2 JO L 1 du 3.1.1994, p. 3 (l'"accord EEE").

3 Selon la partie notifiante, Bolloré Telecom est un nouvel opérateur télécom français en 3,5 GHz. Les 30 MHz de spectre dont il dispose lui permettraient d'offrir un service de haut débit sans fil 4G.

4 Le 31 mars 2017, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement sur les concentrations d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Vivendi SA ("Vivendi", France) acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle de l'ensemble de l'entreprise Telecom Italia SpA ("Telecom Italia", Italie), JO C 109 du 7.4.2017, p. 6. La présente décision est sans préjudice de l'examen des effets de la prise de contrôle de Telecom Italia par Vivendi. En tout état de cause, la présente opération ne donne lieu à aucun marché affecté, même en tenant compte des positions de Telecom Italia. Partant, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire d'examiner le rapport existant entre Vivendi et Telecom Italia.

5 Codifiée à l'article L. 225-123 du code de commerce français.

6 Selon le Rapport annuel - Document de référence de Vivendi de 2011, page 83, au 31 décembre 2011 le Groupe Bolloré détenait 1,09 % du capital de Vivendi : http://www.vivendi.com/wp-content/uploads/2012/04/39923_Vivendi_AR11_ALL_FR_200312_JBam_2.pdf.

7 Bolloré a initialement obtenu des droits de vote doubles dans Vivendi le 3 avril 2016 sur 22 360 075 titres. Bolloré a ensuite obtenu des droits de vote doubles sur d'autres titres le 28 mai 2016, le 3 décembre 2016, le 23 février 2017, le 6 mars 2017, le 25 mars 2017, le 26 mars 2017, le 27 mars 2017, le 30 mars 2017, le 31 mars 2017, le 1 avril 2017, le 2 avril 2017, le 7 avril 2017 et le 20 avril 2017.

8 Selon la partie notifiante, les principaux actionnaires de Vivendi autres que Bolloré, au 9 janvier 2017, (outre les salariés de Vivendi qui détiennent 3,27 % du capital social de la société par l'intermédiaire du Plan d'Epargne Groupe), sont BlackRock (4,61 %), CDC-BPI/DFE (3,04 %) et Amundi (3,01 %). Comme indiqué sur le site internet de Vivendi, au 7 mars 2017, les principaux actionnaires nominatifs ou ayant adressé une déclaration à la société seraient toujours BlackRock (4,37 %), PEG Vivendi (3,26%), CDC-Bpifrance (3,01 %) et Amundi (2,70 %).

9 En outre, il est probable que Bolloré soit en mesure d'influencer les points mis à l'ordre du jour ou agréés par le Directoire, et dès lors bénéficier des "pouvoirs en blanc", au regard de la position de M. Bolloré au sein du conseil de surveillance et l'influence que Bolloré puisse éventuellement exercer sur le Directoire. Ces "pouvoirs en blanc" sont des droits de vote ayant fait l'objet de pouvoirs donnés par des actionnaires minoritaires "sans indication de mandataire". En vertu du droit français des sociétés ces pouvoirs valent approbation de ce que le Directoire propose ou agrée, et rejet de toute autre résolution. Au cours des trois dernières années, ces pouvoirs représentaient en moyenne 1,82 % des droits de vote de Vivendi. Toutefois les droits de vote correspondant aux "pouvoirs en blanc" sont trop incertains pour pouvoir être pris en compte pour la détermination des droits de vote de Bolloré.

10 Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5 du règlement sur les concentrations. Le chiffre d'affaires de Vivendi concerne 2016 alors que celui de Bolloré est pour 2015. Toutefois sur base des chiffres d'affaires provisoires pour 2016 pour le groupe Bolloré, l'opération notifiée aurait également une dimension européenne.

11 Voir, notamment, les décisions de la Commission européenne du 3 octobre 2014 dans l'affaire M.7217, Facebook/Whatsapp, paragraphes 74 et s. et du 11 March 2008 dans l'affaire M.4731, Google/DoubleClick, paragraphes 44 et s.

12 Voir les décisions de la Commission européenne du 21 décembre 2010 dans l'affaire M.5932, NewsCorp/BSkyB, paragraphe 267 et du 14 juin 2013 dans l'affaire M.6866, Time Warner/CME, paragraphes 60 et s.

13 Voir la décision NewsCorp/BSkyB, paragraphe 267 et la décision du 9 septembre 2014 dans l'affaire M.7288, Viacom/Channel 5 Broadcasting, paragraphe 38.

14 Voir Google/DoubleClick, paragraphe 48.

15 Voir NewsCorp/BSkyB, paragraphe 270, Viacom/Channel 5 Broadcasting, paragraphes 41 et s, Google/DoubleClick, paragraphes 84.

16 Bolloré est également actif sur le marché de la vente d'espace publicitaire dans la presse quotidienne en France via la publication du quotidien gratuit Direct Matin. S'agissant d'un marché distinct, l'opération n'entraîne aucun chevauchement horizontal d'activité à ce titre.

17 Voir les décisions de la Commission européenne du 24 janvier 2005 dans l'affaire M.3579, WPP/Grey, paragraphes 19 et s. et du 9 janvier 2014 dans l'affaire M.7023, Publicis/Omnicom, paragraphe 15.

18 Voir WPP/Grey, paragraphe 25 et Publicis/Omnicom, paragraphe 27.

19 Voir Publicis/Omnicom, paragraphes 17-26.

20 Voir Publicis/Omnicom, paragraphe 35.

21 Id., paragraphe 54.

22 Voir WPP/Grey, paragraphe 40.

23 Voir Publicis/Omnicom, paragraphe 41.

24 Voir WPP/Grey, paragraphes 42-48 et Publicis/Omnicom, paragraphe 44.

25 Voir Publicis/Omnicom, paragraphe 49.

26 Voir WPP/Grey, paragraphes 13 et Publicis/Omnicom, paragraphe 69.

27 Voir Publicis/Omnicom, paragraphes 70-83.

28 Id. paragraphe 83.

29 Id. paragraphe 87.

30 Vivendi intervient en tant que vendeur d'espace publicitaire en ligne à travers ses filiales d'Universal Music Group, Gameloft et Dailymotion.

31 Canal+ Régie est la régie publicitaire de GCP et commercialise les espaces publicitaires des chaînes Canal+, C8, CNews, CStar et des chaînes payantes thématiques du groupe.

32 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993.

33 Voir, dans le même sens, la décision de l'Autorité française de concurrence n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, paragraphes 375 et s.

34 Voir Publicis/Omnicom, paragraphe 602.