CA Versailles, 12e ch., 21 août 2018, n° 16-08992
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dyson France (Sasu)
Défendeur :
Rowenta France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leplat
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Muller
Avocats :
Mes Dupuis, Utzschneider, Minault, Dupuis Toubol, Poullain
FAITS :
La société Rowenta France (société Rowenta) - fabricant d'appareils ménagers - a commercialisé, en octobre 2012, un modèle d'aspirateur balais sans fil alimenté par une batterie de nickel hydrure métallique dénommé "Air Force Extrême", puis au mois de septembre 2013, un deuxième modèle d'appareil alimenté par une batterie de lithium baptisé "Air Force Extrême Lithium", et en septembre 2014 un troisième modèle lithium.
Pour la promotion de ses appareils, la société Rowenta a lancé en décembre 2012 une campagne publicitaire comparant ses modèles Air Force Extrême avec trois autres aspirateurs balais, dont le modèle "Delphi Connexion Systems France 45" produit et commercialisé par la société Dyson France (société Dyson), mettant en avant l'allégation "la meilleure performance de nettoyage" associée à un logo classant "1" auréolé d'une couronne de laurier, campagne diffusée au moyen, d'une part, d'emballages des aspirateurs et d'accessoires adaptés aux lieux de vente, et d'autre part, d'une vidéo intitulée "Olympiades appareil balais sans fil" diffusée sur le site internet de la société Rowenta, sur la plateforme d'hébergement "YouTube" et sur des sites marchands, ainsi que par des spots publicitaires télévisés, une version de cette vidéo ayant été diffusée après la mi-mai 2014 sans l'allégation ni le logo classant premier l'aspirateur de la société Rowenta.
La société Dyson - reconnue pour avoir inventé le premier aspirateur sans sac à poussière et commercialisant aussi des modèles d'appareils alimentés avec une batterie au lithium - a estimé que la vidéo comparative de son modèle d'aspirateur avec ceux Air Force Extrême de la société Rowenta revêtait un caractère déloyal et a mis en demeure le 3 mai 2013 la société Rowenta de lui communiquer l'ensemble des éléments justifiant la véracité de son message publicitaire, avant de saisir le 21 mai 2013 le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris pour voir suspendre la campagne de publicité comparative télévisée, puis en suite du rejet de sa requête, la société Dyson a assigné le 20 novembre 2013 la société Rowenta devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour voir, aux termes de ses dernières conclusions, déclarer trompeurs et constitutifs d'actes de concurrence déloyale :
- la vidéo intitulée "Olympiade" diffusée sur les spots télévisés de la campagne publicitaire Air Force Extrême et l'affichage et sur le site "rowenta.fr" comprenant la revendication "la meilleure performance de nettoyage parmi les aspirateurs balais sans fil sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage", la mention "parmi les aspirateurs balais sans fil - études externes réalisées sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage",
- l'emballage de l'aspirateur Air Force Extrême dans sa version 2012 comprenant la revendication "la meilleure performance de nettoyage sur tous sols" et l'emballage de l'aspirateur Air Force Extrême dans sa version 2013 comprenant la revendication "la meilleure performance de nettoyage parmi les aspirateurs balais sans fils - Etudes externes réalisées sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage",
- les publicités sur le lieu de vente, brochures et étiquettes comprenant la revendication "La meilleure performance de nettoyage sur tous sols - Test de dépoussiérage réalisé par un laboratoire indépendant au regard des principaux acteurs du marché en Europe", "la meilleure performance de nettoyage", "Résultat parfait sur tous les sols de la maison, sols lisses, sols avec fentes et même tapis et moquettes ! - L'aspirateur balais le plus performant de sa catégorie" et la revendication selon laquelle "la durée moyenne d'une séance de nettoyage est de 18 minutes".
Outre le retrait des messages publicitaires sous astreinte et avec exécution provisoire, la société Dyson a réclamé la somme de 1 000 000 euros de dommages et intérêts et la publication de la décision.
Saisi par ailleurs par la société Dyson d'une seconde action en publicité trompeuse sur les lieux de vente ainsi que sur les emballages du modèle d'aspirateur "Air Force Extrême Lithium" de la société Rowenta, le Tribunal de commerce de Nanterre a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 17 mai 2016 en ce qu'il a, d'une part, reconnu la nature trompeuse de l'allégation publicitaire de la société Rowenta "La meilleure performance de nettoyage" ainsi que le logo classant "1", d'autre part, ordonné le retrait des produits Air Force Extrême Lithium présentés avec cette allégation et ce logo, et enfin, condamné la société Rowenta à verser à la société Dyson la somme de 400 000 euros de dommages et intérêts.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 19 octobre 2016 qui a :
- dit que la vidéo publicitaire comparative de la société Rowenta dénommée "les Olympiades" est licite,
- débouté la société Dyson de sa demande de retrait immédiat de cette vidéo sur tous supports et sous astreinte,
- dit que l'utilisation de l'allégation "La meilleure performance de nettoyage sur tous sols" et ses addenda, est trompeuse, qu'en faisant apparaître sur divers supports, la société Rowenta s'est rendue coupable de pratique commerciale trompeuse et déloyale, que ces agissements sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale,
- ordonné à la société Rowenta soit de retirer les produits Air Force Extrême Lithium présentés sous leur forme actuelle des lieux de vente, soit de faire recouvrir le logo "1" entouré d'une couronne de laurier ainsi que le slogan "the best cleaning performance la meilleure performance de nettoyage" présents sur les emballages, de stickers autocollants appropriés masquant en totalité ces mentions, sous astreinte de 500 euros, à partir du délai d'un mois à compter de la signification du jugement, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
- interdit à la société Rowenta de communiquer sur cette allégation, sous astreinte de 1 000 euros par support à partir du délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
- débouté la société Dyson de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté la société Dyson de sa demande de communiqués de presse et autres,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Rowenta au paiement à la société Dyson de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Rowenta aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 19 décembre 2016 par la société Dyson ;
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 29 mars 2018 pour la société Dyson aux fins de voir, en application des articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-3 et L. 122-1 et suivants du Code de la consommation, 1240 du Code civil :
- dire la société Dyson recevable et bien fondée en son appel,
- rectifier le jugement de la manière suivante : "ordonne à la SAS Rowenta France soit de retirer les produits Air Force Extrême présentés sous leur forme actuelle des lieux de vente, soit de faire recouvrir le logo "1" entouré d'une couronne de laurier ainsi que le slogan "The best cleaning performance - La meilleure performance de nettoyage" présents sur les emballages, de stickers autocollants appropriés masquant en totalité ces mentions sous astreinte de 500 euros à partir du délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte",
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'utilisation de l'allégation "La meilleure performance de nettoyage sur tous sols" et ses addenda est trompeuse, ordonné à la SAS Rowenta France soit de retirer les produits Air Force Extrême présentés sous leur forme actuelle des lieux de vente, soit de faire recouvrir le logo "1" entouré d'une couronne de lauriers ainsi que le slogan "The best cleaning performance - La meilleure performance de nettoyage" présents sur les emballages, de stickers autocollants appropriés masquant en totalité ces mentions ; et en ce qu'il a fixé une astreinte de 500 euros (cinq cents euros) à partir d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, interdit à la SAS Rowenta France de communiquer sur cette allégation ; et en ce qu'il a fixé une astreinte de 1 000 euros par support à partir du délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
dit que la vidéo publicitaire comparative "Les Olympiades" est licite,
débouté la société Dyson de sa demande de retrait immédiat de cette vidéo sur tous supports et sous astreinte,
débouté la société Dyson de sa demande de dommages et intérêts ;
débouté la société Dyson de sa demande de communiqués de presse et autres,
condamné la société Rowenta au paiement à la société Dyson de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dire qu'il n'est pas nécessaire qu'un expert réalise les tests comparatifs objet de la vidéo comparative "Les Olympiades",
- dire que la vidéo intitulée "Les Olympiades" constitue une publicité comparative illicite et trompeuse,
- dire que ces agissements sont constitutifs d'actes fautifs de concurrence déloyale,
- dire que ce comportement déloyal constitue pour la société Dyson la source d'un préjudice substantiel,
- ordonner le retrait immédiat de la vidéo "Les Olympiades" diffusée sur le site internet de la société Rowenta et sur Youtube et sur tout autre support de communication sous astreinte de 5 000 euros euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société Rowenta à payer à la société Dyson la somme de 3 200 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour les agissements déloyaux, sauf à parfaire,
- dire que les spots télévisés relatifs à la campagne publicitaire "Air Force Extrême" comprenant la revendication "la meilleure performance de nettoyage - Parmi les aspirateurs balais sans fil sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage" ou encore la mention "Parmi les aspirateurs balais sans fil - Études externes réalisées sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage" sont trompeurs,
- dire que l'emballage de l'aspirateur Air Force Extrême dans sa version 2012 comprenant la revendication "La meilleure performance de nettoyage sur tous sols" est trompeur,
- dire que l'emballage de l'aspirateur Air Force Extrême dans sa version 2013 comprenant la revendication "La meilleure performance de nettoyage (1) - (1) Parmi les aspirateurs balais sans fils. Etudes externes réalisées sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage" est trompeur ;
- dire que le site internet de rowenta.fr comprenant la revendication "La meilleure performance de nettoyage (1) - (1) Parmi les aspirateurs balais sans fils. Etudes externes réalisées sur la durée moyenne d'une séance de nettoyage" est trompeur,
- dire que les PLV, brochures et étiquettes comprenant la revendication "La meilleure performance de nettoyage sur tous sols * - * Test de dépoussiérage réalisé par un laboratoire indépendant au regard des principaux acteurs du marché en Europe" ou encore la mention "La meilleure performance de nettoyage * - * Test de dépoussiérage réalisé par un laboratoire indépendant au regard des principaux acteurs du marché en Europe" sont trompeuses,
- dire que les revendications "Résultat parfait sur sous les sols de la maison : sols lisses, sols avec fentes et même tapis et moquettes ! - L'aspirateur balai le plus performant de sa catégorie" sont trompeuses,
- dire que le logo représenté ci-dessous et utilisé par la société Rowenta pour la promotion de son aspirateur Air Force Extrême est trompeur
- dire que la société Rowenta s'est rendue coupable de pratique commerciale trompeuse et déloyale dans le cadre de la diffusion de la campagne de publicité télévisée Air Force Extrême et plus généralement de la campagne publicitaire en faveur de son aspirateur Air Force Extrême sur d'autres supports,
- dire que ces agissements sont constitutifs d'actes fautifs de concurrence déloyale,
- débouter la société Rowenta de son appel incident,
- ordonner la publication d'un communiqué reprenant le dispositif de l'arrêt à intervenir en tout ou partie comme il plaira à la cour qui déterminera, le cas échéant, l'extrait devant être inséré, le présent texte pouvant être inséré : La Cour d'appel de Versailles a condamné Rowenta par un arrêt en date du [date] pour pratiques commerciales trompeuses, les allégations revendiquées pour son aspirateur Rowenta "Air Force Extreme" étant fausses ou de nature à induire en erreur les consommateur, sur la page d'accueil du site Internet de la société Rowenta, dans un encadré de couleur rouge sur fond blanc figurant sur le tiers supérieur de cette page d'accueil dans sa partie centrale, en langue française, en police de caractère de taille 13, pour une durée minimum de trois mois dans cinq publications dans cinq revues à dimension nationale, au choix de la société Dyson, aux frais de la société Rowenta, dans la limite d'une enveloppe globale de 15 000 euros par publication, la mise en œuvre des publications étant effectuée a la seule initiative de la société Dyson,
- condamner la société Rowenta à verser à la société Dyson la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais que la société Dyson a engagés dans le cadre de la procédure en première instance,
- condamner la société Rowenta à verser à la société Dyson la somme de 120 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais que la société Dyson a engagés dans le cadre de la procédure d'appel;
- condamner la société Rowenta aux entiers dépens, comprenant les coûts des différents constats d'huissier dresses pour les besoins de la présente instance.
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 2 mai 2018 pour la société Rowenta France aux fins de voir, en application des articles L. 120-1 et L. 121-8 du Code de la consommation :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
dit que la vidéo publicitaire comparative de la société Rowenta dénommée "les Olympiades" est licite,
débouté la société Dyson de l'ensemble de ses demandes de condamnation à des dommages et intérêts ainsi qu'à un communiqué de presse,
- débouter la société Dyson de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
statuant sur l'appel incident interjeté par société Rowenta,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
dit que l'allégation "la meilleure performance de nettoyage sur tous sols" et ses addenda est trompeuse,
ordonné à société Rowenta soit de retirer les produits Air Force Extreme Lithium présentés sous leur forme actuelle des lieux de vente, soit de faire recouvrir le logo "1" entouré d'une couronne de laurier ainsi que le slogan "the best cleaning performance la meilleure performance de nettoyage" présents sur les emballages, de stickers autocollants appropriés masquant en totalité ces mentions et ce sous astreinte de 500 euros, à partir du délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
interdit à la société Rowenta de communiquer sur cette allégation, sous astreinte de 1 000 euros par support à partir du délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, le Tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
condamné la société Rowenta au frais irrépétibles et aux entiers dépens,
subsidiairement, si la cour considère que la société Rowenta n'apporte pas suffisamment la preuve de la licéité de la vidéo des Olympiades :
- désigner un expert pour qu'il réalise les tests comparatifs objets de la vidéo contestée par la société Dyson si la cour estime que les preuves apportées par Rowenta ne sont pas suffisantes,
en tout état de cause,
- condamner la société Dyson au paiement de la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Dyson aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la société d'avocats Minault conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
1. Sur les publicités attachées à l'allégation "la meilleure performance de nettoyage" et l'exhibition du logo "1" entouré d'une couronne de laurier
Pour conclure à l'infirmation du jugement qui a reconnu trompeuse l'allégation "la meilleure performance de nettoyage" dans la vidéo publicitaire comparative de la société Rowenta "les Olympiades", la société Rowenta se prévaut des résultats du test qu'elle a confié au laboratoire allemand SLG le 23 janvier 2013 qui établit la réalité de cette allégation et prétend, subsidiairement, que le message est simplement hyperbolique.
Mais en suite du premier litige en publicité trompeuse déféré par la société Dyson sur la comparaison de son modèle R25 à celui "Air Force Extreme Lithium" de la société Rowenta, la Cour d'appel de Versailles a, par son arrêt du 16 février 2016 irrévocable depuis un arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2018 numéro C 16-22.054, déclaré trompeuse et constitutif d'actes de concurrence déloyale, l'allégation publicitaire de la société Rowenta "la meilleure performance de nettoyage" ainsi que l'exhibition du logo "1" figuré ci-dessus.
Alors, d'autre part, que la succession des comparaisons des aspirateurs dans la vidéo "Olympiades" constitue un ensemble unique de messages qui renforcent le crédit de l'allégation et du logo illicites par lesquels ce test se conclut, il en résulte qu'est illicite la première version de cette publicité comparative diffusée jusqu'à la mi-mai 2014 mentionnant cette allégation et exhibant ce logo.
En conséquence, la cour confirmera ci-dessous le jugement dans des termes qui répondent à l'énumération du dispositif des conclusions de la société Dyson relative à l'interdiction de tous les supports de publicité affectés par l'illicéité de l'allégation et du logo. Ainsi que le réclame par ailleurs la société Dyson, la cour rectifiera le jugement en ce qu'il limite l'illicéité des supports publicitaires au modèle Air Force Extrême Lithium, alors que ceux-ci ciblent indistinctement la gamme des aspirateurs "Air Force Extreme".
2. Sur la vidéo "Olympiades appareil balai sans fil"
La version de la vidéo du test Olympiade amputée de l'allégation et du logo illicites après la mi-mai 2014 met en scène une sélection de quatre aspirateurs à balais sans fil dont les performances à l'aspiration sur un sol lisse sont comparées avec 1) des céréales disposées en ligne droite, 2) des pâtes disposées dans le coin d'une pièce, 3) du café moulu dans une fissure d'un sol dur avec fente et 4) des poussières disposées en ligne droite, chacune de ces performances étant suivie d'un tableau récapitulant par une étoile la meilleure performance des quatre appareils et qui est attribuée dans les quatre épreuves à l'appareil Air Force Extreme tandis que l'aspirateur Dyson ne recueille qu'une seule étoile.
Pour conclure à la confirmation du jugement qui a déclaré licite la vidéo comparative "Olympiade", la société Rowenta soutient que les tests qu'elle a fait réaliser sont le fruit d'une comparaison représentative dans des conditions normales d'utilisation des aspirateurs et qui satisfont aux conditions de pertinence, de représentativité, de vérification, d'objectivité et exempt de dénigrement ainsi que cela est prescrit aux articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, dans leur version applicable.
La société Rowenta prétend encore que ce test comparatif a été régulièrement conduit en présence d'un huissier qui atteste des conditions de son déroulement d'après des procès-verbaux et conteste d'autre part, avoir manqué à l'application des prescriptions de la norme IEC 60312 15 pour la comparabilité des tests des aspirateurs relative à la puissance et la durée des aspirations et des volumes des déchets, alors que cette norme n'est pas obligatoire.
Elle réfute par ailleurs la critique du nombre et des marques d'appareils comparés dont elle soutient qu'elle pouvait librement les choisir et dont la sélection est suffisante, le magazine "Que Choisir" ayant lui-même procédé à une comparaison d'après la même sélection.
Elle affirme avoir librement pu éprouver l'aspiration dans un coin de mur pour valoriser la fonctionnalité de sa tête d'aspiration triangulaire.
Elle estime avoir pu se dispenser d'une comparaison sur l'aspiration de poussières sur la surface d'une moquette, le consommateur moyennement attentif et raisonnablement avisé comprenant la limite de la comparaison sur sol dur et lisse, et alors au surplus qu'elle ne pouvait expérimenter cette surface sans dénigrer l'appareil de la marque Electrolux qui ne passait pas cette épreuve.
La société Rowenta prétend enfin avoir pu librement réaliser l'épreuve sur la durée de 18 minutes d'aspiration et objectivement indiquer que l'autonomie de la batterie de l'aspirateur Dyson à pleine puissance est limitée à 8 minutes, contre 18 minutes pour le modèle Air Force Extrême, ainsi que cela résulte, d'une part, des spécifications du constructeur Dyson pour son modèle R25, et d'autre part, de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 16 février 2016 qui a retenu la licéité de cette allégation appuyée notamment sur la publication de "Que Choisir" qui a testé l'autonomie à pleine puissance du modèle Air Force Extrême pendant 30 minutes.
Au demeurant, les tests d'aspiration répétés sur le même type de sol lisse, pour des déchets secs et alignés ne sont pas objectivement représentatifs des sols, des déchets et de la dispersion de ceux-ci pour la comparaison de la puissance des aspirateurs, y compris cette comparaison avec le choix de mettre en avant l'autonomie de 8 minutes de l'appareil Dyson R45 quand celui-ci offre, à moyenne puissance, une autonomie de 20 minutes, et tandis que, connaissance prise par la cour, la vidéo met en scène le sérieux et l'objectivité de sa comparaison (gros plans, arrêts sur image, alignement des appareils mis en œuvre), il en résulte que le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sur l'emploi et la performance d'un aspirateur est conduit à donner crédit au surclassement des performances de l'appareil de la société Rowenta sur celui de la société Dyson, ces faits étant constitutifs d'actes de concurrence déloyale.
Par ces motifs, le jugement sera infirmé et la vidéo Olympiade sera déclarée trompeuse y compris dans sa version diffusée après la mi-mai 2014.
3. Sur la réparation du préjudice
Il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Dyson du principe de sa demande.
Pour justifier l'indemnisation de son préjudice d'image et commercial, la société Dyson se prévaut de l'étude de marché qu'elle a confiée au cabinet Toluna Analytics établissant, d'après les valeurs extraites des données des instituts "GFK", "Kantar" et de l'outil "Google Trends", que la vidéo Olympiades a été vue sur internet plus de 75 000 fois sur les versions postées de juin 2013 à mars 2018, qu'elle a été diffusée sous forme de spot publicitaire du 2 au 29 décembre 2012 et du 5 au 25 mai 2013 (52 fois sur la chaîne TF1) du 1er au 28 décembre 2013 et du 4 au 25 mai 2014, que la société Rowenta a engagé un budget pour la promotion de ses produits de plus de trois millions d'euros en 2012, 2013 et 2014, et qu'elle a vendu 414 804 appareils de sa gamme entre septembre 2012 et juin 2016 pour un chiffre d'affaires de plus de soixante-cinq millions d'euros.
Pour s'opposer au principe de cette demande, la société Rowenta invoque avec les premiers juges, et en premier lieu, l'autorité de l'arrêt du 16 février 2016 qui a déjà indemnisé ces préjudices par l'allocation d'une somme de 400 000 euros.
Toutefois, si le préjudice lié aux allégations trompeuses retenues ci-dessus recoupe pour partie celui irrévocablement sanctionné par la cour, il s'en distingue en ce qu'il résulte des supports de diffusion sur Internet et sur les chaînes télévisées ainsi que sur les autres modèles d'aspirateurs que celui Air Force Extrême Lithium.
La société Rowenta se prévaut en deuxième lieu de l'étude qu'elle a confiée au cabinet Ndtforensics et conteste que la publicité ait influencé la clientèle des aspirateurs de la société Dyson, en soutenant que les segments des deux marques sont distincts en raison des écarts de prix de l'aspirateur balai Rowenta vendu au prix moyen de 200 euros contre 400 euros pour l'appareil Dyson, et en prétendant d'autre part que les images des marques différent, celle des appareils Dyson étant reconnue pour sa technologie, tandis que celle de ceux de la société Rowenta est attachée à la simplicité d'utilisation.
Cependant, ces affirmations sont non seulement contraires à l'exacte substituabilité des fonctionnalités des appareils, mais encore contradictoires avec la campagne publicitaire critiquée qui cible par sa comparaison l'appareil Dyson, et sont enfin démenties par la relation établie aux mois de mai juin 2013 entre la campagne de promotion télévisée de l'appareil Rowenta qui a propulsé ses ventes quand celles de la société Dyson ont régressé, et tandis qu'il ne peut être déduit du seul écart prix, la preuve que les comportements de la clientèle sont différents, ce moyen sera aussi écarté.
Sur le montant de son préjudice qu'elle prétend voir fixer à 3 200 000 euros, la société Dyson se fonde sur la règle de calcul adoptée par l'Autorité de la concurrence pour fixer les sanctions à l'encontre des entreprises qui ont porté atteinte à la concurrence et se prévaut du nombre des 414 804 aspirateurs de la gamme Air force Extreme que la société Rowenta a vendus entre septembre 2012 et juin 2016 pour un chiffre d'affaires de plus de soixante-cinq millions d'euros, déduction faite des ventes du modèle Air force Extreme lithium, et qu'elle rapporte au préjudice de 400 000 euros arrêté par la cour dans son arrêt du 16 février 2016.
Au demeurant, la sanction de l'atteinte à l'ordre public économique est autonome dans son fondement et son objet de la réparation du préjudice résultant d'une pratique déloyale d'un opérateur à l'encontre de son concurrent, et tandis qu'aucun lien arithmétique ne peut être fait entre une campagne publicitaire trompeuse de la société qui en est l'auteur, et les volumes de ses ventes au détriment de sa concurrente, il convient d'écarter de cette base de calcul la valeur des ventes des appareils de la société Rowenta. D'autre part, il ne peut être déduit de lien arithmétique entre les actes de publicité trompeuse retenus ci-dessus et le volume des ventes pour l'appréciation du préjudice, alors que le modèle d'aspirateur de la société Rowenta est porté par un producteur historique du marché.
La société Rowenta relève pour sa part le faible nombre de vues de son test sur la plateforme YouTube, la durée limitée de sa diffusion au moyen de spots télévisés et soutient que la vente de ses aspirateurs avec l'emballage illicite, limitée dans son exposition au public, a été interrompue à compter de novembre 2014. Elle conteste enfin l'impact des publicités sur les ventes des appareils Dyson pour les périodes des fêtes des mères et de Noël en 2012, 2013 et 2014, en soutenant que la marque ne connaît pas de saisonnalité dans ses ventes, et retient que les volumes de chiffres d'affaires de chacune des deux marques sont en moyenne constants pour réfuter l'allégation d'un transfert de vente du modèle Dyson vers le sien.
Toutefois, il est indiscutable que la société Rowenta a entrepris de concurrencer le modèle d'aspirateur historique créé par la société Dyson et que la publicité trompeuse sur les performances de son modèle a permis de maintenir la renommée de son nouveau modèle au-delà des seules périodes de diffusion de sa publicité trompeuse.
En suite de ces motifs, la cour fixera à 500 000 euros, le montant des dommages et intérêts propres à réparer l'atteinte à l'image et le préjudice commercial.
4. Sur les la publication de la décision, frais irrépétibles et les dépens
Il n'est pas allégué de moyen nouveau ou différent de ceux soumis à la cour qui, dans son arrêt du 16 février 2016, a rejeté la demande de la société Dyson de publication de la décision à titre de peine complémentaire, et alors que la diffusion de la publicité a cessé depuis près de deux ans, que les gammes de matériels ont été renouvelées et que les mesures adoptées par la cour suffisent à indemniser le préjudice subi et à faire cesser les faits dommageables, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté cette prétention.
A la suite des motifs retenus ci-dessus, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens et en cause d'appel, la société Rowenta sera condamnée à verser la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Contradictoirement, Confirme le jugement en ce qu'il a : - reconnu les pratiques commerciales trompeuses de la société Rowenta France par l'allégation publicitaire "la meilleure performance de nettoyage" et l'exhibition du logo "1" auréolé d'une couronne de laurier, - dit n'y avoir lieu à publication de la décision, - condamné la société Rowenta France aux frais irrépétibles et aux dépens ; Rectifie le jugement en ce qu'il a ordonné le retrait de toute publicité associant l'allégation et le logo au modèle Air Force Extrême Lithium au lieu de la gamme des aspirateurs "Air Force Extreme" ; Réforme le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau : Déclare illicites les publicités comparatives de la société Rowenta France tirées de son test vidéo'Olympiades" ; Ordonne à la société Rowenta, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois après le 21 août 2018, de : - retirer ou effacer tous les supports publicitaires rapportant ses aspirateurs de la gamme Air Force Extreme au logo "1" entouré d'une couronne de laurier et à l'allégation "the best cleaning performance" ou "la meilleure performance de nettoyage", - retirer la vidéo du test "Olympiades appareil balais sans fil" de toute diffusion à destination du public et des professionnels ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; Condamne la société Rowenta France à verser à la société Dyson France la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts et capitalisation des intérêts à compter du présent arrêt ; Ajoutant au jugement : Condamne la société Rowenta France à verser à la société Dyson France la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Rowenta France aux dépens d'appel ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.