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Décisions

CA Toulouse, 1re ch., 13 août 2018, n° 17-02089

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SAS Les Laboratoires S.

Défendeur :

CPAM de la Haute-Garonne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Belières

Conseiller :

M. Rouger

TGI Toulouse, du 9 Mars 2017

9 mars 2017

Exposé des faits et procédure

Mme Rosa M., née le 25 novembre 1955, s'est vue prescrire en 1997 par le docteur L., diabétologue, un traitement médicamenteux associant du Stagid et du Médiator(r) motivé par un surpoids majoré par deux grossesses et par l'apparition d'un diabète non insulino dépendant.

Courant 1999, à la suite d'un problème de précordialgies, elle a consulté le docteur Abou B., cardiologue, qui a constaté une hypertension très instable mais aucun signe de pathologie coronarienne.

A compter de 2001 son état de santé s'est dégradé et une insuffisance aortique accompagnée d'un discret souffle systolique de pointe a été diagnostiquée qui s'est progressivement aggravée avec une double valvulopathie aortique et mitrale symptomatique qui a conduit à une intervention chirurgicale le 8 janvier 2003 destinée à un remplacement valvulaire aortique par mise en place d'une prothèse mécanique et à une plastie de la valve mitrale.

Le 27 octobre 2003 ont été relevés une aggravation d'une dyspnée d'effort avec poussées paroxystiques et une fuite mitrale significative puis, à la suite d'examens complémentaires le 11 décembre 2003, une aggravation de la fuite mitrale a été notée.

Le 22 août 2005 une nouvelle opération de remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique a été réalisée.

En 2008 Mme M. a été, à nouveau, hospitalisée et des examens ont mis en évidence un angor sur maladie quasiment monotronculaire de la circonflexe moyenne, pour le traitement de laquelle une prise médicamenteuse a été préconisée puis une angioplastie par voie fémorale a été réalisée en décembre 2008 en raison d'une recrudescence angoreuse.

Au mois de mai 2009 une claudication du membre inférieur droit est apparue qui a donné lieu le 28 mai 2010 a une endartériectomie du trépied fémoral droit avec patch veineux.

Par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Toulouse statuant en référés en date du 24 novembre 2011, rendue au visa de l'article 145 du Code de procédure civile à l'initiative de Mme Rosa M. assistée de sa curatrice Mme L. et à l'encontre de la Sas Les Laboratoires S., une mesure d'expertise médicale a été prescrite, confiée au docteur B., qui a déposé son rapport le 11 août 2014.

Par acte d'huissier du 14 novembre 2014 la victime a fait assigner cette même société devant le Tribunal de grande instance de Toulouse en déclaration de responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil et en réparation des préjudices subis et a appelé en cause la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de la Haute Garonne en sa qualité de tiers payeur.

Par jugement contradictoire en date du 9 mars 2017 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction a

- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la Sas Les Laboratoires S. dans l'attente de l'issue de la procédure pénale du Pôle Santé du Tribunal de grande instance de Paris

- dit que la Sas Les Laboratoires S. est responsable de l'entier préjudice de Mme M.

- condamné la Sas Les Laboratoires S. à payer

à Mme M. les sommes de 30 256 € au titre de ses préjudices patrimoniaux et 57 123,75 € au titre de ses préjudices extra patrimoniaux

à la Cpam de la Haute-Garonne les sommes de 51 326,60 € au titre de sa créance définitive et 1 047 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement

- condamné la Sas Les Laboratoires S. à payer à Mme M. la somme de 4 000 € et à la Cpam de la Haute-Garonne la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 07 avril 2017 la Sas Les Laboratoires S. a interjeté appel général de cette décision et par voie de conclusions Mme M. a formé appel incident.

Prétentions et moyens des parties

La Sas Les Laboratoires S. demande à la cour dans ses dernières conclusions du 5 février 2018, au visa des anciens articles 1386-1 et suivants du Code civil, d'infirmer la décision en toutes ses dispositions et de

Sur les demandes de Mme M.

- dire que Mme M. ne rapporte pas la preuve que les lésions valvulaires qu'elle présente sont imputables de manière certaine et exclusive au Médiator(r)

- dire que les dispositions de l'article 1353 du Code civil ne peuvent ici recevoir application, toutes les autres causes possibles de la maladie n'ayant pas été exclues

- dire que la preuve du caractère défectueux du produit n'est pas rapportée

- dire qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'ancien article 1386-11 4° du Code civil

- dire que les conditions de mise en jeu de sa responsabilité ne sont pas réunies

- débouter Mme M. de toute ses demandes

Subsidiairement,

- dire que le dommage n'est, en tout état de cause, imputable que pour moitié au traitement

- réduire les indemnisations allouées à Mme M.

- la débouter de ses demandes plus amples ou contraires

Sur les demandes de la Cpam

- dire que la Cpam ne justifie pas de sa créance

A titre subsidiaire,

- réduire le montant de la créance de la Cpam en considération des pièces transmises et dans la limite des 50% imputables et la débouter en conséquence du surplus de ses demandes

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle rappelle que la responsabilité du fait d'un produit de santé suppose que soit rapportée la preuve d'un dommage, de l'imputabilité du dommage à l'administration du produit, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.

Elle soutient que ni l'imputabilité de la pathologie au traitement ni le défaut du produit ne sont démontrés par Mme M. alors que la charge de la preuve pèse sur elle.

Elle fait valoir que celle-ci allègue un traitement par Médiator(r) entre 1998 et 2008 sans toutefois présenter de document attestant de la prescription ou de la délivrance de cette thérapeutique ni de la durée précise du traitement ni de ce qu'il aurait été suivi de façon continue sur cette période, malgré les énonciations du rapport d'expertise non étayées sur ce point par les pièces médicales produites, notamment pour la période d'octobre 2002 à mai 2005 alors que les éléments fournis établissent qu'elle a suivi d'autres traitements potentiellement valvulotoxiques (dont des anorexigènes et des médicaments à base de dérivés ergotés), ce qui interdit de retenir une imputabilité exclusive du Médiator(r), d'autant qu'il existait un état antérieur de pathologique valvulaire (sténose) susceptible d'évoluer défavorablement.

Elle ajoute qu'un produit est défectueux lorsqu'il présente un vice de conception ou de fabrication mais ne peut résulter de son absence d'innocuité ou de son caractère dangereux ou de la simple survenue d'un dommage, que le défaut n'est pas caractérisé si lors de la mise en circulation du produit, les données acquises de la science ne permettaient pas de porter à la connaissance du public un risque qui ne s'est révélé qu'ultérieurement et que toute responsabilité du producteur est exclue si, à la date de la prise du médicament, l'information fournie sur le risque reflétait de manière suffisante les données acquises de la science.

Elle affirme qu'entre 1998 et 2008 la défectuosité du Médiator(r) n'était pas démontrée, que le rapport IGAS 2010 sur lequel se fonde le jugement n'est pas contradictoire, que si le Benfluorex (Médiator(r)) et les fenfluramines (Pondéral et Isoméride) présentent une parenté chimique et un métabolite commun, leurs modes d'action et leurs effets ne sont pas identiques, la différence de concentration entraînant des conséquences cliniques privant de pertinence tout amalgame ; elle précise que si la cardiotoxicité de la norfenfluramine est fortement suspectée dès 1995 et son mécanisme d'implication dans l'apparition des valvulopathies démontré dès 2000 par l'étude, prospective, de M. R., seule l'hypertension artérielle pulmonaire est concernée au départ et non les valvulopathies et pas davantage le Benfluorex, qu'il a fallu attendre 2007/2009 pour que l'hypothèse soit confirmée, aucun signal d'alerte significatif de valvulopathies en pharmacovigilance n'ayant été donné avant fin 2008 début 2009, qu'en 2008, soit un an avant la décision de retrait du Benfluorex, les autorités de santé ont accordé à deux entreprises pharmaceutiques une autorisation de mise sur le marché (AMM) de deux médicaments génériques du Médiator(r), preuve qu'elles ont estimé jusqu'à fin 2009 que les connaissances scientifiques ne permettaient pas de considérer que le rapport bénéfice-risque était défavorable ; elle souligne que la loi impose d'informer le consommateur du risque connu et non d'un risque hypothétique et non avéré, que la connaissance des risques cardiovasculaires du médicament a été tardive et très progressive et s'est construite par étapes entre 2000 et 2011, que le non renouvellement de l'AMM en Espagne, Suisse et Italie en 2003 a eu lieu à sa propre initiative pour des raisons économiques commerciales et que la suspension de l'AMM en novembre 2009 et son retrait définitif du marché français en juillet 2010 ne permettent pas de démontrer la défectuosité du produit pendant la période de traitement de Mme M..

Subsidiairement, elle soutient qu'elle peut bénéficier de la faculté d'exonération prévue à l'article 1386-11 du Code civil en cas de risque de développement dès lors que l'effet indésirable du Médiator(r) a été découvert postérieurement à sa commercialisation et après utilisation dans la population ; elle critique l'appréciation contraire faite par le tribunal, sur une base factuelle inexacte, qui procède d'une reconstruction de l'histoire du médicament a posteriori, laquelle ne tient aucun compte de l'évolution progressive qui l'a marquée, faite d'hypothèses non vérifiées d'abord, de cas isolés ensuite, à eux seuls non significatifs avant que trois études, dont les résultats n'ont été connus qu'en 2009, permettent de considérer l'existence d'un signal fort de cardiotoxicité.

Encore plus subsidiairement, elle conclut à la réduction de l'indemnisation sollicitée pour l'ensemble des postes de préjudice ; elle offre la réparation de l'assistance de tierce personne sur la base de 15 € de l'heure soit 240 €, du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 10 943 €, des souffrances endurées à celle de 12 140 €, du déficit fonctionnel permanent sur la base de 1 800 € du point soit 19 980 €, du préjudice esthétique à la somme de 1 500 €, au rejet de l'incidence professionnelle en l'absence de toute perte de revenus et en présence de comorbidités importantes (obésité, syndrome dépressif, diabète de type II compliqué de coronaropathie, artériopathie des membres inférieurs, neuropathie périphérique...) ayant nécessairement un impact sur sa vie professionnelle sans pouvoir, en tout état de cause, excéder 15 000 €, sauf à réduire de moitié toutes ces indemnités dans la limite de la part d'imputabilité de ces préjudices au Médiator(r).

Elle conteste le lien de causalité direct avec la valvulopathie des débours dont le remboursement est sollicité par la Cpam sur la base de documents produits par cet organisme alors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; subsidiairement, elle considère que si la somme demandée au titre de l'hospitalisation soit 21 525,35 € et les frais futurs viagers estimés à 4 782,80 € n'appellent aucune observation, et si le montant des indemnités journalières soit 23 732,34 € est justifié, l'imputabilité des frais médicaux chiffrés à 710,58 € et les frais pharmaceutiques d'un montant global de 575,53 €, non détaillés, ne peuvent être vérifiés ; elle souligne qu'en tout état de cause le pourcentage d'imputabilité de 50 % en lien avec la prise de Médiator(r) doit lui être appliqué.

Mme M., assistée de Mme L. es qualité, demande dans ses dernières conclusions du 17 novembre 2017, au visa des articles de l'ordonnance de Villers Cotterêts, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 226-13 et 226-14 du Code pénal, 1240, 1245 et suivants, 1382, 2270-1 du Code civil, 515, 699 et 700 du Code de procédure civile, L. 110-4, L. 1111-7 et L. 5311-1 du Code de la santé publique,

- débouter la Sas Les Laboratoires S. de l'ensemble de ses prétentions

- accueillir son appel incident

- condamner la Sas Les Laboratoires S. à réparer l'entier préjudice subi pour avoir consommé du Médiator(r) de 1999 à 2008

- dire que cette société a incontestablement engagé sa responsabilité en commercialisant et en maintenant sur le marché un médicament dont elle ne pouvait ignorer les conséquences néfastes du fait de la production d'un métabolite commun avec les fenfluramines, la norfenfluramine, identifiés en 1997 comme responsable des effets toxiques de l'Isoméride (retiré en 1997) sur les valves cardiaques

- dire qu'elle est responsable de la valvulopathie grade 2 dont elle est atteinte et dont l'origine a été mise en exergue par le rapport d'expertise du docteur B., qui précise que le Médiator(r) est responsable des valvulopathies aortiques et mitrales et de la survenue d'une insuffisance cardiaque ayant nécessité son hospitalisation et deux interventions chirurgicales

- homologuer ce rapport d'expertise du 11 août 2014

A titre principal,

- condamner la Sas Les Laboratoires S. à l'indemniser en lui versant les sommes suivantes : frais divers : 256 €, incidence professionnelle : 35 000 €, déficit fonctionnel temporaire : 15 578,75 €, souffrances endurées : 18 000 €, préjudice esthétique temporaire : 1 200 €, déficit fonctionnel permanent : 30 600 €, préjudice esthétique définitif : 3 750 €, dépenses de santé futures : 3 200 €

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- condamner la Sa Les Laboratoires S. à lui verser la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner tout succombant aux entiers dépens en ce compris les instances de référé avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle expose l'historique du Médiator(r) nom commercial de la molécule 'benfluorex', mise sur le marché le 3 octobre 1976, qui appartient à la famille des fenfluramines, dérivés amphétaminiques, et se métabolise en Norfenfluramine avec pour objectif de conserver les propriétés amaigrissantes et de réduire les risques associés (cardiaques et psychiques) et qui va être présentée non comme un anorexigène mais comme un régulateur métabolique destiné à faire baisser le taux des lipides et notamment son interdiction dans les préparations magistrales dès 1995, la dénonciation du premier cas de valvulopathie en 1999 à Marseille puis en 2003/2004 en Espagne, en 2006 à Toulouse et en 2009 la suspension de son AMM puis en 2010 son retrait définitif et enfin la publication du rapport de l'Igas.

Elle souligne que le benfluorex se métabolise en Norfenfluramine dans des proportions comparables, aux dosages indiqués dans la notice, à celles retrouvées après administration de Pondéral et Isoméride, médicaments retirés du marchés dès 1997, que la Sa Les Laboratoires S. avaient connaissance de la filiation du benfluorex aux fenfluramides dès l'origine, que si la mission de l'IGAS a estimé que 'le système de notification des cas par les professionnels de santé aurait pu permettre le retrait du Médiator(r) dès 1999 si le principe de précaution s'était appliqué', le fabricant du produit disposait de très nombreux éléments pharmacologiques complémentaires qu'il n'a pas communiqués, ni aux patients, ni aux médecins ni à l'agence du médicament et ne peut prétendre que les cas de valvulopathies associés au Médiator(r) n'étaient pas connus en 1999.

Elle fait valoir que la Sa Les Laboratoires S., exploitant et fabricant du médicament incriminé doit être déclarée responsable des dommages causés en application du régime de la responsabilité des produits défectueux des articles 1245-3 du Code civil qui doit s'apprécier de manière objective, in abstracto, notamment au regard du contenu du résumé des caractéristiques du produit et de la notice destinée aux patients et aux professionnels.

Elle souligne qu'est défectueux le produit qui, eu égard à la gravité des effets nocifs constatés, dont la notice d'information ne portait pas mention de risques d'effets indésirables graves, n'offre pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, ce qui est le cas du Médiator(r) notamment pour l'atteinte aux valves du cœur, que ce produit engage la responsabilité du producteur sans exiger que ce dernier ait connaissance de ces risques lors de la mise en circulation du produit qui s'entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie.

Elle affirme que la Sas Les Laboratoires S. ne pouvait ignorer les risques de ce médicament tant sa composition est proche d'un autre produit l'Isoméride retiré du marché depuis 1997 car s'attaquant aux poumons et aux valves du cœur.

Elle s'oppose à toute exonération au titre du risque de développement qui n'a pas été conçue pour exonérer les producteurs d'un risque dont ils avaient connaissance ou qu'ils auraient délibérément occulté, mais afin de préserver l'innovation, le progrès technique et les avancées scientifiques de la crainte de risques futurs dont ils ignorent la potentialité ; elle considère que le fabricant de ce produit ne peut se prévaloir de sa propre turpitude alors, qu'intentionnellement ou non, il a décidé de le commercialiser sans informer, ni les pouvoirs publics ni les professionnels de santé ni les patients, des puissants effets anorexigènes et de la parenté du Médiator(r) aux fenfluramines ; elle ajoute que des rapports publics (Sénat et IGAS), des documents émanant de la Sa Les Laboratoires S., elle-même (dépôt de brevet d'invention, échanges avec des autorités publiques) ainsi que des articles de littérature scientifique démontrent que cette société avait connaissance dès 1966 de ces deux caractéristiques du produit, qui ont motivé le refus de changement de la dénomination commune internationale (DCI) par la commission de la nomenclature en 1973, soit deux ans avant sa mise sur le marché, et qui ont conduit des médecins généralistes à s'alarmer dès 1977 de la commercialisation du Médiator(r) comme antidiabétique en le détournant sciemment de ses effets pharmacologiques réels exposant des patients non informés à un composé dangereux par nature puisqu'étant un dérivé de l'amphétamine.

Subsidiairement, elle demande de retenir la responsabilité de la Sas Les Laboratoires S. pour faute sur le fondement de l'article 1240 du Code civil pour maintien fautif du Médiator(r) sur le marché et pour faute dans l'information du patient car si elle avait bénéficié d'une information loyale et claire quant aux bénéfices et risques connus du Médiator(r), elle aurait refusé, dès l'origine, de prendre ce produit.

Elle prétend que l'imputabilité du traitement à la pathologie est avérée.

Elle soutient que la valvulopathie dont elle est atteinte est bien en relation de causalité directe et certaine avec la prise de Médiator(r) depuis 1999.

Elle indique que la prescription de ce produit est incontestable, qu'elle apparaît au cours d'un stage d'éducation thérapeutique suivi du 22/06/1998 au 24/06/1998, qu'elle en prenait toujours le 8 octobre 2001, date de diagnostic des troubles du rythme cardiaque et de découverte d'une insuffisance aortique avec fuite mitrale de grade 1 à 2, que ce traitement se poursuivait toujours en octobre 2002 puisqu'il figure tant dans le compte rendu d'hospitalisation à cette date en raison d'une double valvulopathie aortique et mitrale qu'en octobre 2013 dans un courrier du docteur Abou B., ce qui sera confirmé par la lettre du docteur B. en décembre 2003 et lors de la consultation du suivi du diabète effectuée par le docteur L. le 2 juin 2005 puis en juin 2005 chez le docteur Abou B. et en août 2005 dans une lettre du docteur B. et en mars 2008 dans le compte rendu d'hospitalisation à la clinique Sarrus qui fait référence à la prescription du traitement de sortie.

Elle précise avoir pris du Médiator(r) de 1998 à 2009 de manière continue à raison de 3 comprimés par jour et fait valoir que ce produit est seul à l'origine des valvulopathies dont elle est atteinte, ainsi qu'explicité et retenu formellement par l'expert judiciaire et qu'elle a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice corporel subi à ce titre.

Elle sollicite la confirmation du jugement sur les postes 'assistance de tierce personne', 'souffrances endurées', demande de rectifier l'erreur de calcul figurant dans le montant du déficit fonctionnel temporaire et d'augmenter les indemnités accordées au titre de l'incidence professionnelle dès lors qu'elle avait une activité professionnelle réelle avant sa mise en invalidité due, pour partie, à sa valvulopathie, du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel permanent sur la base d'une valeur du point de 2 040 €, des frais futurs de prothèse dentaire restés à charge.

La Cpam de Haute Garonne demande dans ses dernières conclusions du 3 novembre 2017 de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Sas Laboratoires S. responsable du préjudice de Mme M. et l'a condamné au paiement de la somme de 51 326,6 € outre l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- rectifier l'erreur matérielle dont il est entaché en ce que l'indemnité forfaitaire de gestion a été mentionnée deux fois dans le dispositif de la décision

- actualiser à la somme de 1 055 € le montant de cette indemnité en application de l'arrêté du 26 décembre 2016

- condamner la Sas Laboratoire S. au paiement de la somme de 1 000 € en cause d'appel au titre des frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens en ce compris les instances de référé avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle indique que chacun des postes de débours est étayé par une attestation de son médecin conseil sur le lien de causalité avec les conséquences du traitement par Médiator(r) et sur le mode de calcul retenu et précise que ce médecin conseil est un organe indépendant chargé du contrôle médical dans un but d'intérêt national, personne extérieure à ses services, ni salarié ni en lien de subordination avec elle.

Motifs de la décision

En cause d'appel, aucune des parties constituées ne critique les dispositions du jugement relatives au rejet de la demande de sursis ; l'appel étant général, ces dispositions doivent être confirmées sans examen au fond en application de l'article 562 alinéa 2 du Code de procédure civile.

L'article 954 du Code de procédure civile imposant à la cour de ne statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande tendant à voir écarter des débats certaines pièces n° 15 à 17 produites en langue anglaise et n° 18 à 21 constituées de rapports d'expertise de tiers contenant des données personnelles qui figure dans les motifs mais qui n'est pas reprise dans le dispositif de ses écritures.

Sur la responsabilité

La responsabilité de la Sas Les laboratoires S. est recherchée sur le fondement de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux issue de la transposition de la directive CE 85-374 du 25 juillet 1985 et codifiée aux articles 1386-1 et suivants devenus 1245 et suivants du Code civil qui autorise la victime à agir contre le producteur chaque fois qu'un dommage qui résulte d'une atteinte à la personne a été causé par le défaut d'un produit, ce qui inclut les médicaments.

Aux termes de l'article 1386-4 devenu 1245-3 du même code un produit est défectueux au sens de ce régime légal de responsabilité lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et qui s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Selon l'article 1386-9 devenu 1245-8 du code susvisé, c'est au demandeur qu'il incombe de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, cette preuve pouvant être apportée par des présomptions pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes.

En vertu de l'article 1386-11 devenu 1245-10 du Code civil le producteur dont le produit est considéré comme défectueux a la possibilité de s'exonérer de sa responsabilité de plein droit dans certains cas dont la preuve lui incombe, notamment si l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.

Sur la contribution du produit à la survenue du dommage

Si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles de la maladie, pour la recherche de la défectuosité du produit et du rôle causal de cette défectuosité, sans pour autant que sa simple implication dans la réalisation du dommage suffise à établir son défaut au sens de l'article 1386-4 du Code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage.

Sur l'administration du produit

Mme M. s'est vu prescrire du Médiator(r) en 1998 pour un diabète de type II soit dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché du produit et a poursuivi ce traitement de façon ininterrompue jusqu'en 2008 comme en attestent suffisamment les différents documents communiqués à l'expert judiciaire.

Cette prescription figure sur le compte rendu d'hospitalisation du docteur G. du 22 au 24 juin 1998 pour un stage d'éducation 'dans le cadre de son diabète de type 2 de découverte récente actuellement traité par Stagid 3cps par jour et Médiator 3cps par jour'.

Un compte rendu du CHR de Toulouse Rangueil, service de diabétologie, du 16 novembre 1999 mentionne l'existence d'un traitement diabétique oral, récemment modifié qui associe 'Stagid, Diamicron et Médiator 2cps/jour'.

Le certificat médical dressé le 8 octobre 2001 par le docteur Abou B., cardiologue, note notamment que 'le diabète est équilibré sous Stagid et Médiator'.

Le compte rendu de la Clinique Pasteur du 2 octobre 2002 décrit au titre du traitement précédant l'admission 'bétabloquant, diurétiques : Lasilix, Avlocardyl, Médiator, Stagid, Mopral, Kaleorid, Lexomil' et la proposition thérapeutique avec notamment 'la poursuite du traitement antidiabétique oral'.

Le certificat médical du docteur L., diabétologue en date du 2 juin 2005 relate que 'le diabète est correctement équilibré' et qu'elle a 'maintenu le traitement par 2 Stagid et 3 Médiator associés au 8U d'insulatard le soir'.

Le compte rendu d'hospitalisation de la maison de santé de Mailhol en date du 19 mars 2007 pour la période du 29 janvier 2007 au 17 mars 2007 indique comme traitement de sortie notamment 'Médiator 150 mg : 1cp matin, midi et soir'.

Il en va de même du compte rendu d'hospitalisation de la Clinique Sarrus du 11 mars 2008 pour la période du 10 au 11 mars 2008 qui fait état d'une proposition thérapeutique de sortie dans laquelle figure 'Médiator matin midi et soir' et du compte rendu d'hospitalisation à la Clinique Pasteur du 2 au 5 décembre 2008 qui mentionne notamment 'Médiator 150 matin midi et soir'.

Ces données médicales attestent suffisamment d'un prise médicamenteuse continue de Médiator(r) tout au long de la période de 1998 à 2008 ; aucun certificat médical daté de 2003, de 2004 ou de 2006 y faisant expressément référence n'est, certes, versé aux débats ; mais ces années-là correspondent à des hospitalisations pour chirurgie cardiaque, de sorte que les courriers qui émanent des cardiologues sont ciblés sur cette pathologie et ne mentionnent expressément que les traitements à visé cardiovasculaires prescrits par ces spécialistes ; le certificat de l'endocrinologue de 2005 précise bien qu'il a 'maintenu' le traitement, preuve qu'il n'avait pas été interrompu.

Sur le dommage

En 1997 Mme M. a présenté un diabète de type II.

En 1998 son examen cardio vasculaire est noté sans particularité.

En novembre 1999 apparaissent des douleurs thoraciques mais la scintigraphie myocardique réalisée en janvier 2000 dédouane toute pathologie coronarienne significative.

En octobre 2001 sont révélées une insuffisance aortique importante, une sténose mitrale peu importante, une insuffisance mitrale, une dilatation du ventricule gauche dont la fonction systolique est altérée, en faveur d'un retentissement important des valvulopathies et logiquement de l'insuffisance aortique (page 37 du rapport).

En octobre 2002 la situation est aggravée avec une régurgitation aortique sévère de grade III, une régurgitation mitrale moyennement sévère de grade II, une élévation des pressions artérielles pulmonaires post-capillaires (page 38), ce qui a conduit en janvier 2003 à une intervention chirurgicale de remplacement valvulaire aortique par mise en place d'une prothèse mécanique associée à une plastie de la valve mitrale.

En octobre 2003 Mme M. présente, à nouveau, une régurgitation mitrale significative responsable d'une insuffisance cardiaque qui a motivé en août 2005 un remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique.

Sur l'imputabilité du dommage au produit

L'origine médicamenteuse, et plus spécifiquement au Médiator(r), de cette insuffisance valvulaire doit être retenue.

La certitude diagnostique de cette imputabilité ne peut être obtenue que par l'anatomopathologie mais les valves prélevées au cours des deux interventions subies par Mme M. n'ont pas été adressées pour analyse et il n'existe pas d'examen anatomo-pathologique pour cette patiente.

Toutefois, cette provenance toxique repose également, selon l'expert, 'sur l'échocardiographie dont les critères les plus puissants sont la restriction, caractérisée par une diminution de la mobilité des feuillets valvulaires mitraux ou les cuspides aortiques, l'épaississement des éléments valvulaires et de l'appareil sous valvulaire mitral', avec cette précision que 'les insuffisances valvulaires médicamenteuses ne sont jamais associées à des rétrécissements et notamment au niveau mitral à une fusion des commissures. En épidémiologique, il est proposé de retenir une origine médicamenteuse à toutes les valvulopathies mitrales importantes et aortique moyennement importantes à importantes non expliquées par une autre origine' (Pages 33 et 34 du rapport).

L'expert retient un lien de causalité très probable de grade 4 selon sa classification (soit atteinte caractéristique d'une atteinte médicamenteuse) et explique 'qu'en octobre 2002 il a été mis en évidence chez Mme M. une insuffisance aortique importante associée à une maladie mitrale, avec insuffisance mitrale importante et sténose mitrale peu serrée. Les lésions sont qualifiées de rhumatismales sur l'aspect des remaniements de la valve aortique, sur le caractère restrictif de la valve mitrale et sur l'existence d'une fusion commissurale.

L'atteinte valvulaire entraînée par le Benfluorex présente des caractéristiques proches de celles entraînées par le rhumatisme articulaire aigu : aspect restrictif, épaississement des extrémités des valves, rigidification des valves, atteinte de l'appareil valvulaire mitral, avec fusion et rétractation des cordages.

La présence de cette fusion des commissures est effectivement en faveur de l'existence d'un antécédent de rhumatisme articulaire passé inaperçu, constituant un état antérieur méconnu.

Toutefois, l'évolution de la maladie valvulaire est particulière : on note l'apparition rapide, en quelques mois, d'un souffle puis d'une insuffisance cardiaque en rapport avec une insuffisance aortique importante. L'insuffisance mitrale à cette époque semble mixte, par atteinte restrictive de la valve mais également fonctionnelle en rapport avec la dilatation du ventricule gauche. On note ensuite la récidive extrêmement rapide de l'insuffisance mitrale, en moins d'un an, alors que le traitement par Benfluorex a été poursuivi. Il s'agit d'une atteinte directe de la valve mitrale, sans aspect de complication du traitement chirurgical antérieur.

Cette évolution et la chronologie de l'atteinte est en faveur d'une origine toxique pour ces insuffisances, justifiant les remplacements valvulaires. En effet, l'évolution des conséquences valvulaires du rhumatisme articulaire aigu est habituellement lente et n'explique en aucun cas la nécessité de cette réintervention précoce sur la valve mitrale.

De plus, l'atteinte simultanée des valves aortique et mitrale est plus en faveur d'une atteinte toxique.'

Aucune critique pertinente n'est apportée à cet avis motivé émanant d'un professionnel spécialisé en cardiologie et maladies vasculaires, après consultation de l'entier dossier, qu'il s'agisse des éléments médicaux ou relatifs au produit litigieux, et qui repose sur des données objectives et notamment des études scientifiques référencées aux pages 28 et 29 de son rapport.

La Sas Les Laboratoires S. ne produit aucun élément technique de nature à remettre en cause cette conclusion.

Elle évoque, certes, d'autres traitements potentiellement valvulotoxiques.

Mais selon l'expert judiciaire, si Mme M. a pu prendre d'autres anorexigènes et notamment du Dinitel voire de l'Isoméride, l'expert explique que 'la prise d'Isoméride retirée du marché dès 1997 ne peut expliquer l'apparition brutale et rapide d'une insuffisance aortique et d'une insuffisance mitrale' et que 'le Dinitel pris vers 1990 ne saurait non plus expliquer ces lésions valvulaires' ; il est formel pour dire qu'aucun élément ne permet de retenir la responsabilité de ces médicaments dans la nécessité de remplacer les valves de Mme M.'.

De même, l'expert indique qu'il est effectif que Mme M. présente des migraines pour lesquelles elle a reçu un traitement de fond par bêtabloquant, dans le contexte d'une hypertension artérielle et ajoute 'même si elle s'est vu délivrer du Diergospray, traitement de la crise migraineuse, il n'est pas possible de déduire de ces éléments qu'elle ait reçu comme traitement de fond des dérivés d'ergot de seigle de façon continue, susceptible de déterminer l'atteinte valvulaire, alors qu'il ne sont pas le traitement le plus utilisé dans le cadre des migraines'.

L'ensemble de ces considérations médico-légales à la fois générales et spécifiques à Mme M. (apparition brutale et rapide d'une insuffisance aortique et d'une insuffisance mitrale alors que l'association des deux atteintes est très spécifique d'une origine toxique, aspect échographique avec notamment la restriction du feuillet postérieur de la valve mitrale, les constatations péri opératoires, récidive de l'atteinte mitrale alors que le traitement était maintenu en 2005, ancienneté de l'exposition aux autres valvulotoxiques qui ne peut rendre compte de l'apparition de ces valvulopathies, l'exposition aux dérivés de l'ergot de seigle n'étant qu'hypothétique) constituent autant de présomptions graves précises et concordantes au sens de l'article 1353 devenu 1382 du Code civil permettant de dire que l'apparition en 2002 de la maladie d'insuffisance aortique et mitrale de Mme M. était imputable à l'exposition au Benfluorex pendant plusieurs années.

Sur le caractère défectueux du produit

Le défaut peut être lié à la conception ou à la fabrication du produit notamment sa substance ou son conditionnement et être à l'origine de dommages individuels ou sériels ; il peut aussi être lié à une information insuffisante sur les conditions de son utilisation, ses indications ou les risques encourus par l'utilisateur du produit.

Le seul fait qu'un produit soit à l'origine d'un dommage ne permet pas, cependant, de présumer ou de caractériser l'existence d'un défaut, un produit de santé comportant nécessairement des risques pour les patients.

Il y a donc lieu d'examiner le rapport bénéfice/risque, au vu notamment de la gravité des effets nocifs constatés, parfois mis en évidence grâce à l'évolution des connaissances scientifiques, et des bénéfices attendus, sachant que le fait que le produit ait été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou des normes existantes ou ait reçu une autorisation administrative ne constitue pas, conformément à l'article 1245-9 du Code civil, un obstacle à la reconnaissance d'un défaut du produit.

Le Médiator(r) composé de Benfluorex a obtenu une AMM le 16 juillet 1974 et a été commercialisé à compter du 27 août 1976 avec comme indication les troubles métaboliques glucido-lipidiques athérogènes, les troubles du métabolisme des lipides, les troubles du métabolisme des glucides ; cette AMM a été renouvelée en juillet 1979 avec deux indications : dans certaines hypercholestérolémies et hypertriglycéridémies endogènes de l'adulte et comme adjuvant du régime dans le diabète asymptomatique avec surcharge pondérale puis révisée en 2007 en maintenant la seule indication adjuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale ; après la publication de plusieurs études d'efficacité du produit (Del Prato en 1997, Moulin en 2006, Regulate en 2010) et de lien entre le produit et la valvulopathie (groupe HTAP de Bretagne occidentale sur les patients hospitalisés de 2003 à 2009, Tribouilloy et autres en 2010, Weill basées sur les données de l'assurance maladie et du PMSI au cours de l'année 2006), il a fait l'objet d'une suspension d'AMM le 24 novembre 2009 suivie de son retrait définitif le 20 juillet 2010 en raison de données de pharmacovigilance pointant des risques accrus d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies (cf pages 30 à 32 du rapport).

L'expert judiciaire explique dans son rapport que 'le Benfluorex est, après administration orale, métabolisé en Norfenfluramine, dont le mécanisme physiopathologique de la toxicité fait appel aux récepteurs sérorotoninergiques de type 5HT1 au niveau pulmonaire et 5HT2 au niveau des valves cardiaques, ce dernier englobant trois types de récepteurs : 5HT2A, 5HT2B et 5HT2C ; la stimulation du récepteur 5HT2B présent sur les valves mitrales et aortiques humaines est estimé responsable de l'induction de valvulopathie cardiaque chez l'homme par stimulation du développement et de l'activité des fibroblastes présents au sein du tissu valvulaire, ce qui induit la production et l'accumulation de protéines de type collagène provoquant ainsi une infiltration fibreuse des valves et des cordages, l'apparition de lésions valvulaires pouvant se faire après trois mois d'exposition au Médiator(r)'.

Dans sa réponse aux dires, il fait référence à un article de la revue prescrire paru en octobre 2003 qui notamment note que 'Le Benfluorex est commercialisé en France sous le nom de Médiator(r) comme traitement adjuvant des hyperglycéridémies et du diabète avec surcharge pondérale, sans preuve d'efficacité en termes de morbimortalité.

Une équipe espagnole a publié en 2003 une observation d'atteinte valvulaires multiples ayant conduit à la pose de prothèses valvulaires mitrale et aortique et à une valvulopathie tricuspidienne chez une femme de 50 ans traitée de façon intermittente par du Benfluorex comme anorexigène. L'examen histopathologique des valves a mis en évidence des lésions du même type que celles rapportées avec des dérivés de l'ergot de seigle, des tumeurs carcinoïdes, et des anorexigènes tels la fenfluramine ou la dexfenflurmaine.

Malgré la parenté chimique du Benfluorex avec les anorexigènes amphétaminiques, le RCP (résumé des caractéristiques du produit) version dictionnaire Vidal 2003 reste aussi laconique que lénifiant. Cependant, à la lecture d'une autre rubrique du dictionnaire Vidal, au début de l'ouvrage, on remarque que Médiator(r) figure sur la liste des produits dopant au titre des stimulants, ce qui n'est évidemment pas le cas des hypolipémiants et antidiabétiques oraux. En revanche, c'est logiquement que la Sibutramine, le Buproprion, le méthylphénidate etc figurent sur cette liste avec le Benfluorex.

Au 20 août 2003 les données francaises pharmovigilance du Benfluorex n'ont pas été rendues publiques par l'Agence française des produits de santé...'.

et à un article de cette même revue paru en 2005 qui mentionne qu''en juin 2005 l'agence espagnole du médicament a annoncé une interdiction des préparations magistrales à base de divers produits amaigrissants dont le Benfluorex (Médiator(r)) ; c'est un dérivé de la Fenfluramine (ex Pondéral) et de la Dexfenfluramine (ex Isoméride), deux anorexigènes amphétaminiques retirés du marché du fait d'effets indésirables graves : hypertensions artérielles, pulmonaires et valvulopathies cardiaques. L'autorisation de mise sur le marché du Benfluorex a été retirée en Espagne le 28 mars 2003. Les autorités françaises seraient bien avisées de suivre l'exemple de l'Espagne.'.

Il fait également état des propos du docteur J. lors des XXIème journées européennes de la société française de cardiologie à propos des valvulopathies 'Les cas notifiés à l'AFSSAPS entre 1999 et 2007 (Marseille 1999, Toulouse 2004, 2005, 2006, 2007, Montpeliier 2005) et les quatre publiés (Ribeira 2003, Noize 2006, Doutet 2009, Gueffet 2010) .. les données pharmacologiques connues depuis 1997 font que la cardio toxicité du Benfluorex n'est pas une réelle surprise. La surprise est plus qu'on ne l'ait pas retiré du marché auparavant pour insuffisance du rapport bénéfice/risque'.

Il conclut 'ces citations montrent que, quelles que soient les décisions des autorités de santé, des signaux existaient bien avant 2009 pour remettre en cause le rapport bénéfice-risque du Benfluorex'.

Ces données mettent en évidence des risques graves liés à l'utilisation du produit que ne justifie pas le bénéfice qui en est attendu.

Elles font du Médiator(r) un produit défectueux comme n'offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre en ce que les risques afférents à son utilisation dépassent son intérêt thérapeutique et ces mêmes risques n'ont été portés à la connaissance ni des médecins ni des patients.

Sur le lien de causalité entre le défaut et le dommage

La survenue chez Mme M. d'une insuffisance aortique et mitrale et la récidive d'insuffisance mitrale qui trouvent leur cause dans l'administration d'un produit défectueux ont été source de dommage corporel puisqu'elle a du subir deux interventions chirurgicales suivies d'un séjour en centre de réadaptation dont elle conserve des séquelles et qui doit être intégralement indemnisé.

La Sas Les Laboratoires S. se prévaut, certes, d'un état antérieur de sténose mitrale constituée par la fusion des commissures de la valve mitrale.

Mais l'expert judiciaire note 'cette atteinte valvulaire s'est développée sur des valves pathologiques, avec des lésions non expliquées par l'exposition au Benfluorex, étant entendu qu'elles ne sont pas responsables de l'évolution entre 1999 et 2005".

Il précise, en réponse aux dires, qu'il s'agit d'une 'valvulopathie unique, symptomatique, sans retentissement sur le ventricule gauche, sans contrainte thérapeutique et sans limitation fonctionnelle.

Sur cet état antérieur s'est développé une atteinte dont le caractère toxique nous semble probable justifiant un double remplacement valvulaire, aortique et mitral, soit une vavulopathie avec limitation fonctionnelle pour des efforts substantiels, contrainte thérapeutique et surveillance cardiologique régulière.

L'analyse du dossier confirme, en effet, l'absence de rôle joué par le rétrécissement mitral dans la nécessité du remplacement valvulaire, tant aortique que mitral.

Compte tenu de l'histoire naturelle du rétrécissement mitral et de son caractère lâche au moment du diagnostic, aucun élément ne permet de dire qu'un remplacement valvulaire mitral aurait été justifié de ce fait...

Les régurgitations et les interventions de chirurgie cardiaque sont en lien direct et certain avec l'exposition au Benfluorex'.

L'existence d'un état antérieur méconnu de rhumatisme articulaire ne peut conduire à retenir une causalité partielle dès lors que cette sténose mitrale constituant une atteinte d'une fonction valvulaire, sans limitation fonctionnelle, était latente, asymptomatique et peu marquée et le restera au cours de l'évolution ultérieure ; aucun effet néfaste de cette sténose mitrale ne s'était donc révélé avant l'exposition au Médiator(r) et rien ne permet d'affirmer que cette valvulopathie rhumatismale aurait nécessité, un jour, un remplacement valvulaire.

L'expert est formel à ce sujet et aucune donnée médicale ne vient contredire son avis motivé.

Or, au plan juridique, l'absence de toute manifestation dommageable externe d'un état pathologique préexistant conduit à la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; en effet, le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit par des prédispositions lorsque l'affection qui en est issue n'a été révélée ou provoquée que par le fait dommageable lui-même.

Sur l'exonération pour risque de développement

Cette cause d'exonération prévue à l'article 1386-11 devenu 1245-10 du Code civil permet au producteur d'établir que l'état objectif des connaissances techniques et scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit en cause ne permettait pas de déceler le défaut de celui-ci, étant souligné que la date à prendre en compte, dans le cas de produits fabriqués en série, est celle de la commercialisation du lot de produits dont le produit fait partie et que la connaissance personnelle qu'a pu avoir, ou non, la Sa Les Laboratoires S. est indifférente.

Elle implique de déterminer quel était l'état des connaissances scientifiques et techniques et des informations dont disposait le producteur entre 1998 et 2008, période d'exposition de Mme M. au produit.

La lecture du rapport d'expertise révèle que le Benfluorex a été interdit en 1995 en France dans les préparations magistrales.

En 1997 est publiée aux USA une série de 12 observations de valvulopathie sous anorexigènes (Dexfenfluramide) conduisant à leur retrait par la Food and Drugs Administration (FDA).

En 1997 une étude du professeur L. à la demande de l'Inspection Générales des Affaires Sociales (IGAS) met en évidence la filiation du Benfluorex aux fenfluramines.

A cette même date, l'agence du médicament suspend les autorisations de mise sur le marché de deux coupe faims le Pondéral et l'Isoméride (fenfluramines).

La commission d'AMM du 9 décembre 1999, qui a donné un avis défavorable à une demande d'extension de l'indication, a par ailleurs considéré que 'la tolérance du Benfluorex est remise en question en raison de la notification récente d'une hypertension artérielle pulmonaire d'allure primitive chez un patient de 51 ans traité par Benfluorex depuis quatre à cinq ans'.

En 1999 une première observation de valvulopathie aortique a été signalée à Marseille chez un patient exposé au Benfluorex ; une deuxième valvulopathie est signalée à Toulouse en 2002.

En 2003 le Benfluorex, commercialisé sous le nom de Modulator, est retiré en Espagne par le laboratoire soit postérieurement à la publication dans une revue espagnole de cardiologie d'un cas de valvulopathie.

Plusieurs notifications de mésusage du Benfluorex comme anorexigène sont transmises à l'agence du médicament entre 1998 et 2009.

Le compte rendu de la réunion du 29 novembre 2005 de la commission nationale de pharmacovigilance conclut que 'devant les différentes questions posées par l'enquête de pharmacovigilance, plusieurs membres de la commission ont souhaité une réévaluation du produit bénéfice/risque du produit' ; celui 27 mars 2007 note que 'les membres de la commission estiment, par ailleurs nécessaire, par rapport à une efficacité du produit jugée modeste par certains membres et établie sur un critère principal (baisse de l'HdA1c) dans la seule étude méthodologiquement acceptable (étude Moulin) de tenir compte dans la réévaluation du rapport bénéfice/risque du Médiator(r) i) du métabolisme du benfluorex conduisant à la formation d'un dérivé fenfluraminique ii) de ses effets indésirables neuropsychiatriques iii) des rares cas d'HTAP et de valvulopathies notifiés ou décrits pouvant faire évoquer un problème qualitatif similaire à celui ayant amené au retrait du marché des anorexigènes fenfluraminiques sérotoninergiques iv) d'une utilisation du produit essentiellement en France (88 % des ventes). Certains membres de la commission ont par ailleurs tenu à faire connaître leur opinion en se prononçant pour un rapport bénéfice/risque défavorable du Médiator(r)' ; celui du 7 juillet 2009 mentionne 'concernant les valvulopathies nous disposons d'une trentaine de cas entre 1998 et 2009 sous Médiator(r).. dont 19 issus de la notification spontanée et 11 cas identifiés par le CRPV de Brest à la suite de l'interrogation du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)'.

En novembre 2009 l'AFSSAPS suspend l'autorisation des médicaments contenant du Benfluorex et en 2010 le retrait devient définitif.

Un document de cet organisme en date du 16 novembre 2010 relatif aux propriétés pharmacologiques et mode d'action du Médiator(r), mentionne à la rubrique 'récepteurs sérotoninergiques et valvulopathies' que 'C'est en 2000 que la norfenfluramine a été identifiée comme possédant une action agoniste sur les récepteurs 5-HT-2B (Fitzgerald 2000) présents au niveau des valves cardiaques. L'activation de ces récepteurs est proposée comme hypothèse expliquant l'atteinte cardiaque...

Des études ultérieures viendront étayer le rôle de ce métabolite au niveau des récepteurs 5-HT2B (Setola 2005, Roth 2007)'.

Il est donc établi que dès 1997 existaient des données scientifiques concordantes sur des effets nocifs du Médiator(r) qui auraient du conduire la Sas Les Laboratoires S. à des investigations sur la réalité du risque signalé et, à tout le moins, à en informer les médecins et les patients, ce qui n'a pas été le cas en France.

Ce producteur réfute, certes, toute similitude du Médiator(r) avec d'autres médicaments ayant une parenté chimique et une métabolite commune et jugés dangereux dès 1997 ; il se prévaut, à cet égard, d'un rapport du professeur T. qui relève que 'si le métabolisme de la fenfluramine chez l'homme entretient la formation de norfenfluramine au même titre que le métabolisme du Benfluorex, les taux plasmatiques de norfenfluramine à l'équilibre sont différents pour chacun de ces médicaments et qu'il existe du fait de cette différence trois fois plus de produits toxiques dans le plasma après les prises thérapeutiques de fenfluramines (Pondéral ou Isoméride) qu'après celle de Benfluorex ; mais, selon les données pharmacologiques étudiées par le professeur L., 'les différences entre les doses préconisées pour les trois fenfluramines (dexfenfluramine 30 mg/j, fenfluramine 60 mg/j et Benfluorex 450 mg/j) correspondent en réalité aux doses nécessaires pour atteindre une même concentration plasmatique de norfenfluramine et, ce faisant pour obtenir une effet anorexigène comparable'.

L'apparition de publications mettant en cause le Médiator(r) comme étant à l'origine de dommages sériels suffit à écarter cette cause d'exonération, le risque de développement, qui s'apprécie de manière évolutive, étant suffisamment avéré avant la mise en circulation du produit incriminé administré à Mme M. entre 1998 et 2008.

Ainsi, la responsabilité de plein droit de la Sas Les Laboratoires S. envers Mme M. est engagée et cette société doit supporter la charge de l'intégralité des préjudices subis par cette victime au plan valvulaire sans pouvoir utilement invoquer la faculté d'exonération légale pour risque de développement.

Sur l'indemnisation

L'expert B. indique que Mme M. a présenté une insuffisance aortique et mitrale puis une récidive d'insuffisance mitrale après quelques mois alors que le traitement par Médiator(r) était poursuivi et qu'elle conserve comme séquelles la présence de deux prothèses valvulaires imposant un traitement anticoagulant.

Il conclut à

- un déficit fonctionnel temporaire total du 29/09/2002 au 2/10/2002, du 7/01/2003 au 12/02/2003, du 21/08/2005 au 16/09/2005

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 40 % du 2/10/2002 au 07/01/2003, du 12/02/2003 au 12/03/2003, du 16/09/2005 au 16/10/2005

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 30 % du 8/10/2001 au 29/09/2002, du 10/09/2003 au 21/08/2005, du 16/10/2005 au 16/12/2005

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % du 12/03/2003 au 10/09/2003, du 16/12/2005 au 16/02/2006

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 15 % du 16/02/2006 au 22/08/2006,

- une consolidation au 22 août 2006

- des souffrances endurées de 4,5/7

- un préjudice esthétique temporaire de 1/7

- un déficit fonctionnel permanent de 15 %

- un préjudice esthétique permanent de 1,5/7

- un besoin d'assistance de tierce personne à raison de 2 heures par semaine pendant un mois après chaque intervention soit du 13/02/2003 au 13 mars 2003 et du 17 septembre 2005 au 17 octobre 2005

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (née le 25 novembre 1955), de son activité (aide-soignante) de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l'événement dommageable, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 26 avril 2016 taux d'intérêt 1,04 %, sollicité par la victime, qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Toutes les prestations dont le remboursement est sollicité par la Cpam sont détaillées dans leur nature, leur date et leur montant ; elles sont étayées par un certificat d'imputabilité établi par le médecin conseil de l'organisme social comme en relation avec le dommage né des seules valvulopathies cardiaques imputables à la prise de Médiator(r), telles que mentionnées dans le rapport d'expertise judiciaire, tous soins ou prestations en espèces étrangers à cette pathologie ayant été écartés.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 22 811,46 €

Ce poste est constitué des frais d'hospitalisation (21 525,35 €), frais médicaux (710,58 €) et pharmaceutiques (575,53 €) pris en charge par la Cpam soit 22 811,46 €, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

- Perte de gains professionnels actuels 23 732,34 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Il correspond, en l'espèce, au montant des indemnités journalières versées par la Cpam sur la période du 8 septembre 2002 au 31 juillet 2004 sur la base d'un taux journalier de 32,87 € en 2002, 34,34 € au premier semestre 2003 et de 35,12 € au 1/07/2013 au 31/07/2014 soit la somme de 23 732,34 €, aucune perte supplémentaire et personnelle de revenus n'étant invoquée par la victime pour la période antérieure à la consolidation.

L'indemnité revient donc intégralement au tiers payeur.

- Assistance de tierce personne 256,00 €

La nécessité de la présence auprès de Mme M. d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue (2 heures par semaine durant un mois après chaque intervention) pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 16 €, comme demandé et comme alloué par le premier juge.

L'indemnité de tierce personne s'établit, ainsi, à 256 € à raison de 16 heures d'assistance

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures 7 982,80 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué

* des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de 4 782,80 € au titre des frais de surveillance médicale (124,49 € par an pour une consultation et échographie) des frais de pharmacie (46,26 €) et des frais de biologie (64,80 € par an) soit 235,49 € par an capitalisé selon l'euro de rente viagère de l'arrêté du 29 janvier 2013, barème réglementaire prévu à l'article R. 376-1 du Code de la sécurité sociale, pour une victime âgée de 51 ans à la consolidation, soit un indice de 20 310.

des frais de prothèse dentaire restés à la charge personnelle de la victime d'un montant de 3 200 € suivant facture du 21 juillet 2014 ; l'expert explique que la présence des valves mécaniques impose une hygiène dentaire rigoureuse et limite les possibilités de traitement dentaires (limitation des traitements conservateurs, impossibilité de réaliser des implants..), ce qui suffit à retenir le lien de causalité.

- Incidence professionnelle /

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Mme M. qui était aide-soignante dans un établissement de l'Aide Sociale à l'Enfance Inadaptée a été placée en invalidité 2ème catégorie de la sécurité sociale à compter du 1er août 2004.

Sa demande d'indemnisation au titre d'une incidence professionnelle fondée sur 'l'absence d'évolution dans sa carrière comme elle aurait souhaité' avec à l'appui son relevé de carrière établi en octobre 2004 par la CRAM Midi Pyrénées doit être écarté dès lors qu'elle précise elle-même 'n'avoir pas subi de perte de revenu', qu'elle perçoit une pension d'invalidité qui donne lieu à validation gratuite de trimestres assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse (article R. 351-12 3° du Code de la sécurité sociale), que les comorbidités importantes (obésité, diabète compliqué, état dépressif) suffisent à justifier l'attribution d'une telle pension d'invalidité, d'autant qu'au vu de l'attestation définitive du médecin conseil de l'organisme social qui la verse, cette prestation n'a pas été considérée comme en lien de causalité avec la prise de Benfluorex.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 15 578,75 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 25 € par jour, comme demandé, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 1 700 € pendant la période d'incapacité totale de 68 jours et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 40 % de 213 jours soit 2 130 €, à 30 % de 1 128 jours soit 8 460 €, à 20 % de 243 jours soit 1 215 €, à 15 % de 553 jours soit 2 073,75 € soit au total 15 578,75 €.

- Souffrances endurées 18 000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison d'un bilan préopératoire, de deux interventions sous circulation extra-corporelle, des échocardiographies par voie œsophagienne ; évalué à 4,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi de l'indemnité de 18 000 € sollicitée par la victime et accordée par le tribunal.

- Préjudice esthétique temporaire 1 200,00 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Qualifié de 1/7 au titre des intervention cardiaques et de la réadaptation, il doit être indemnisé à hauteur de 1 200 €, comme demandé.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 27 600,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une limitation fonctionnelle pour des efforts substantiels avec contrainte thérapeutique (nécessité du traitement anticoagulant qui comporte des contraintes particulières et d'éviter certaines activités comportant des risques traumatiques) et surveillance cardiologique régulière, ce qui conduit à un taux de 15 % en rapport avec les seules valvulopathies médicamenteuses justifiant une indemnité de 27 600 € pour une femme âgée de 50 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique 2 000,00 €

Qualifié de 1,5/7 pour une cicatrice de sternotomie, il doit être indemnisé à hauteur de 2 000 €.

Le préjudice corporel global subi par Mme M. s'établit ainsi à la somme de 119 161,35 €, dont 51 326,60 € revenant à la Cpam de la Haute Garonne et 67 834,75 € revenant à la victime, sauf à déduire les provisions versées.

Les sommes allouées au tiers payeur portent intérêt au taux légal en application de 1153 devenu 1231-6 du Code civil à compter de la signification des premières conclusions en réclamant paiement, ce qui vaut mise en demeure ; en effet, la créance de l'organisme social dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une somme d'argent.

L'indemnité revenant personnellement à la victime porte intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2017, date du jugement, en application de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine devenu 1231-7 du Code civil.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La Cpam de la Haute Garonne est, également, en droit de réclamer l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale qui diffère tant par ses finalités, que par ses modalités d'application, des frais irrépétibles exposés non compris dans les dépens de l'instance qui n'est due qu'une fois pour toute la durée de celle-ci et qui doit être portée à la somme actualisée de 1 055 € comme demandé.

La Sas Les Laboratoires S. qui succombe dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel et doit être déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme M. une indemnité de 6 000 € et à la Cpam de la Haute Garonne celle de 1 000 €, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs, LA COUR, - Confirme le jugement, hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et des sommes lui revenant, sur l'indemnité forfaitaire de gestion et le point de départ des intérêts légaux de la créance du tiers payeur. Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant, - Fixe le préjudice corporel global de Mme M. à la somme de 119 161,35 €. - Dit que l'indemnité revenant personnellement à cette victime s'établit à 67 834,75 €. - Condamne la Sas Les Laboratoires S. à payer à Mme M. assistée de sa curatrice Mme L. les sommes de 67 834,75 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2017, 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. - Condamne la Sas Les Laboratoires S. à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Garonne les intérêts au taux légal sur sa créance de 51 326,60 € à compter de la date de signification de ses premières conclusions devant le tribunal, la somme de 1 055 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. - Déboute la Sas Les Laboratoires S. de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés. - Condamne la Sas Les Laboratoires S. aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.