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Décisions

Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-16.534

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

FJB Invest (SARL), Benrabia, Boccara

Défendeur :

Foncia groupe (SAS), Foncia franchise (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP François-Henri Briard

T. com. Nanterre, 2e ch., du 15 janv. 20…

15 janvier 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société FJB Invest, constituée par MM. Benrabia et Boccara, a, le 1er décembre 2011, conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de cinq ans, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 13 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société FJB Invest le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de ne pas renouveler le contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société FJB Invest et MM. Benrabia et Boccara ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches : - Attendu que la société FJB Invest et MM. Benrabia et Boccara font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formées au titre de l'inexécution fautive du contrat de franchise alors, selon le moyen : 1°) qu'au-delà de la mise à disposition des moyens propres à permettre de réitérer la réussite commerciale et de réaliser l'objet du contrat de franchise, il incombe au franchiseur, pendant toute la durée du contrat, d'assister le franchisé dans la mise en œuvre de ces moyens et de remédier aux difficultés que ce dernier pourrait rencontrer, dès l'instant où il en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, pour estimer que la franchisé immobilier ne rapportait " pas la preuve que, faute d'avoir disposé d'un logiciel suffisamment performant intitulé Totalimmo répondant aux exigences de l'enseigne pour l'exploitation de son agence, il est aujourd'hui fondé à imputer ainsi à faute du franchiseur, un manquement à son obligation d'assistance ou de mise à disposition du savoir-faire Foncia lui ayant occasionné un préjudice spécifique ", l'arrêt attaqué se borne à relever que la société FJB Invest ne justifiait pas s'être plainte de " dysfonctionnements précis auxquels il n'aurait pas été remédié "; qu'en se fondant sur ces motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si en ne prenant aucune initiative pour remédier au caractère inadapté du logiciel Totalimmo et aux lacunes dénoncées par le franchisé " pour permettre aux agences franchisées de bénéficier des avantages promis de la synergie inter-cabinets ", la société Foncia franchise, informée de ces difficultés, n'avait pas manqué à son devoir d'assistance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que le titulaire d'une enseigne qui a cumulativement recours à un réseau de franchise et à un réseau de succursales est tenu, à l'égard de ses franchisés, d'un devoir d'assistance permanente, qui lui impose d'établir et de maintenir la transparence dans les relations entre franchisés et ses propres agences intégrées ; qu'en se bornant à relever que la société Foncia franchise justifiait " avoir développé la synergie inter-agences sans discrimination particulière entre l'agence franchisée et les agences intégrées du même territoire, ne serait-ce que par la mise à disposition du logiciel Totalimmo tendant à permettre la mise en œuvre de la synergie inter-agence (...) ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Foncia franchise, en ne donnant aucune suite aux courriers qui lui avaient été adressés par les franchisés pour dénoncer les locations opérées par l'agence intégrée Foncia Paris au mépris de la note de référence émise le 2 mars 2010, n'avait pas manqué à son devoir d'assistance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins sommairement les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société FJB Invest et son gérant n'étaient pas fondés à reprocher à la société Foncia franchise de ne pas avoir mis à jour son savoir-faire, l'arrêt attaqué retient que " le franchiseur apparaît avoir procédé à une actualisation régulière à destination de l'ensemble du réseau et partant, envers la société FJB Invest, grâce à la mise en place d'opération de communication (voir cotes 30, 39 et 41 du dossier des sociétés Foncia), de mise à disposition et d'actualisation du dispositif Foncia Premium (voir cotes 24, 35 et 50), et encore de l'organisation de séminaires et de conventions du réseau (voir cotes 38, 45 et 48 et encore 79 à 82), outre la formation initiale du franchisé et de son personnel ", et qu'il " justifie ainsi que la société FJB Invest a pu, pendant la durée d'exécution du contrat, bénéficier d'une transmission régulière du savoir-faire de l'enseigne en ayant participé à la réunion du cercle dirigeant du 20 juin 2013 (voir documents en cote 66) et à l'opération " 40 ans Franchise Foncia " (voir cotes 39 et 77) " ; qu'en statuant ainsi, au seul visa des pièces versées aux débats par les sociétés Foncia, sans les analyser, même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins sommairement les éléments de preuve sur lesquelles ils se fondent ; que l'arrêt attaqué retient que la société Foncia franchise justifiait avoir développé " la synergie inter-agences sans discrimination particulière entre l'agence franchisée et les agences intégrées du même territoire, ne serait-ce que par la mise à disposition du logiciel Totalimmo tendant à permettre la mise en œuvre de la synergie interagences, avoir organisé des conventions annuelles (voir cotes 38 et 48), avoir veillé à la mise à disposition d'animateurs réseau pour assister la société FJB Invest (voir cotes 107 et 108) comme à une assistance juridique régulière (voir cotes 115 à 118) " ; qu'en statuant ainsi, au seul visa des pièces versées aux débats par les sociétés Foncia, sans les analyser, même sommairement, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que dans leurs écritures d'appel, la société FJB Invest et ses gérant et associés soulignaient que pour dénoncer l'inertie de la société Foncia franchise et les manquements du franchiseur, les franchisés Foncia s'étaient réunis en un collectif dénommé " Groupement des franchisés Foncia " et avaient adressé aux instances dirigeantes des sociétés Foncia franchise et Foncia groupe de nombreux courriers et courriels de récriminations dénonçant les défaillances du franchiseur, les dysfonctionnements du réseau et le traitement discriminatoire dont ils étaient l'objet par rapport aux agences intégrées Foncia (notamment courriers des 27 février, 16 septembre, 27 septembre, 16 octobre et 2 novembre 2013), d'une part, et que ni la société Foncia franchise, ni la société Foncia groupe n'avaient dénié [sic] apporter la moindre réponse à leurs demandes expresses, si ce n'est en notifiant le non-renouvellement de leur contrat de franchise à quarante-trois franchisés, d'autre part ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement, pour rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la société franchisée et ses gérant et associés à l'encontre des sociétés Foncia franchise et Foncia groupe, que la société FJB Invest n'établissait pas que la promesse d'accès aux métiers de la gestion locative faite par le franchiseur était certaine, qu'elle n'avait pas disposé d'un logiciel Totalimmo suffisamment performant, que le franchiseur avait manqué à son obligation d'assistance et de mise à jour de son savoir-faire, qu'il n'avait pas développé la synergie inter-agences et qu'il avait laissé s'instituer une discrimination entre les agences intégrées et les agences franchisées, sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé, s'il ne s'évinçait pas des nombreux courriers circonstanciés de dénonciation de manquements du franchiseur et de dysfonctionnement du réseau qui avait été adressés aux dirigeants des société Foncia franchise et Foncia groupe au nom des franchisés du réseau par le Groupement des franchisés Foncia, comme de l'absence de toute réponse du franchiseur à ces courriers, que ce dernier s'était rendu coupable de plusieurs manquements fautifs à l'égard de l'ensemble des membres du réseau de franchise, et donc en particulier à l'égard de la société FJB Invest, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société FJB Invest avait signé un contrat de prestation de service informatique avec la société tierce Seiitra, éditeur du logiciel Totalimmo et filiale à 100 % de la société Foncia groupe, et qu'elle ne justifiait pas s'être plainte auprès de cette société tierce, durant l'exécution du contrat, de dysfonctionnements précis auxquels il n'aurait pas été remédié, l'arrêt relève que le franchiseur produit aux débats une attestation d'une salariée de la société Seiitra du 1er juin 2014 mentionnant qu' " au 1er juin 2014, notre client FJB Invest bénéficie au travers de l'application Totalimmo de la mise en commun des biens à la vente de quatre agences immobilières dont la liste est annexée [soit Pandora, Expansion immobilier, H3M Immo et FTL Paris Est] " ; qu'il ajoute que la société Foncia franchise justifie également avoir développé la synergie inter-agences sans discrimination particulière entre l'agence franchisée et les agences intégrées du même territoire, par la mise à disposition du logiciel Totalimmo tendant à permettre la mise en œuvre de la synergie inter-agences ; qu'il en déduit que le franchisé n'apporte pas la preuve d'un manquement du franchiseur à son obligation d'assistance et de mise à disposition du savoir-faire Foncia à l'égard de la société FJB Invest ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les éléments de preuve produits, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en étayant chacune des constatations critiquées par les troisième et quatrième branches par un renvoi à une ou plusieurs pièces, précisément identifiées, établissant qu'elles ont été analysées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'en détailler le contenu, a statué par une décision suffisamment motivée ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les autres allégations du franchisé, concernant des manquements dont la société FJB Invest aurait souffert, n'étaient étayées par aucun élément probant, cependant que la preuve contraire ressortait de plusieurs éléments versés aux débats par le franchiseur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches invoquées par les deuxième et cinquième branches, que ces constatations et appréciations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour dire que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise, l'arrêt relève que le franchisé reproche en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat litigieux, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté dès le début des relations contractuelles un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels, dont l'accumulation est révélatrice d'une intention de nuire, et retient qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commis au préjudice de la société FJB Invest et, partant, de son gérant et de son associé, ne se trouve étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de cette société franchisée, commerçant indépendant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, la société FJB Invest et MM. Benrabia et Boccara soutenaient que la responsabilité contractuelle du franchiseur devait être engagée chaque fois que son attitude avait été dictée par la mauvaise foi, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une quelconque intention de nuire de sa part, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour dire que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de non-renouvellement du contrat de franchise et rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la société FJB Invest, M. Benrabia et M. Boccara, l'arrêt relève encore que le délai de préavis contractuel de six mois apparaît avoir été respecté, la société Foncia franchise ayant fait part de sa volonté de non-renouvellement près de quarante et un mois avant le terme fixé, et retient qu'aucune circonstance ou élément porté aux débats ne permet de considérer que la société Foncia franchise ait entretenu la société FJB Invest dans l'illusion que le renouvellement du contrat qui lui avait été consenti était acquis, dès lors qu'il ressort du contrat signé entre les parties que la clause 21 précise in fine que " Le contrat se renouvellera par tacite reconduction par période de sept ans, sauf notification d'une volonté de résiliation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant chaque terme. (...) " ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en son article 21, le contrat stipule qu'il ne pourra en aucun cas être renouvelé par tacite reconduction et qu'au plus tard trois mois avant l'arrivée du terme, les parties prendront contact pour examiner l'opportunité de conclure un nouveau contrat de franchise, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise de la société FJB Invest et rejette les demandes formées à ce titre par la société FJB Invest et MM. Benrabia et Boccara, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.