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Décisions

Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-16.537

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Elhouari El Idrissi, Modzelewski, Maimoun, Herpson, H3M Immo (Sté)

Défendeur :

Foncia franchise (SAS), Foncia groupe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP François-Henri Briard

T. com. Nanterre, du 18 déc. 2014

18 décembre 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Elhouari El Idrissi, Modzelewski, Maimoun et Herpson (les associés fondateurs) ont, le 15 mai 2008, conclu, pour le compte de la société H3M Immo, en cours de formation, un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de sept ans, renouvelable par tacite reconduction, en vue de l'exercice des activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 13 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société H3M Immo et aux associés fondateurs le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de ne pas renouveler le contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société H3M Immo et ses associés fondateurs ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que les associés fondateurs et la société H3M Immo font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires formées contre les sociétés Foncia franchise et Foncia groupe au titre de l'inexécution fautive du contrat alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond sont tenus de préciser et d'expliciter les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société H3M Immo et ses cogérants n'étaient pas fondés à reprocher à la société Foncia franchise de ne pas avoir mis à jour son savoir-faire, l'arrêt retient que " le franchiseur apparaît avoir procédé à une actualisation régulière à destination de l'ensemble du réseau et partant, envers la société H3M Immo, grâce à la mise en place d'opérations de communication (voir cotes 30, 39 et 41 du dossier des sociétés Foncia), à la mise à disposition et à l'actualisation du dispositif Foncia Premium (voir cotes 24, 35 et 50), et encore à l'organisation de séminaires et de conventions du réseau (voir cotes 38, 45 et 48 et encore 79 à 82), outre la formation initiale du franchisé et de son personnel (voir cote 98) " ; qu'en statuant ainsi, sans préciser ni expliciter les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins sommairement les pièces versées aux débats sur lesquelles ils se fondent ; qu'en se prononçant, par les mêmes motifs, au seul visa général des pièces versées aux débats par les sociétés Foncia, sans les analyser, même sommairement, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que, dans leurs écritures d'appel, la société H3M Immo et ses gérants soulignaient que pour dénoncer l'inertie de la société Foncia franchise et les manquements du franchiseur, les franchisés Foncia s'étaient réunis en un collectif dénommé " Groupement des Franchisés Foncia " et avaient adressés aux instances dirigeantes des sociétés Foncia franchise et Foncia groupe de nombreux courriers et courriels de récriminations dénonçant les défaillances du franchiseur, les dysfonctionnements du réseau et le traitement discriminatoire dont ils étaient l'objet par rapport aux agences intégrées Foncia (notamment courriers des 27 février, 16 septembre, 27 septembre, 16 octobre et 2 novembre 2013), d'une part, et que ni la société Foncia franchise ni la société Foncia groupe n'avaient dénié [sic] apporter la moindre réponse à leurs demandes expresses, si ce n'est en notifiant le non-renouvellement de leur contrat de franchise à 43 franchisés, d'autre part ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement, pour rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la société franchisée et ses gérants à l'encontre des sociétés Foncia franchise et Foncia groupe, que la société H3M Immo n'établissait pas que la promesse d'accès aux métiers de la gestion locative faite par le franchiseur était certaine, qu'elle n'avait pas disposé d'un logiciel Totalimmo suffisamment performant, que le franchiseur avait manqué à son obligation d'assistance et de mise à jour de son savoir-faire, qu'il n'avait pas développé la synergie inter-agences et qu'il avait laissé s'instituer une discrimination entre les agences intégrées et les agences franchisées, sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé, s'il ne s'évinçait pas des nombreux courriers circonstanciés de dénonciation de manquements du franchiseur et de dysfonctionnement du réseau qui avait été adressés aux dirigeants des société Foncia franchise et Foncia groupe au nom des franchisés du réseau par le Groupement des franchisés Foncia, comme de l'absence de toute réponse du franchiseur à ces courriers, que ce dernier s'était rendu coupable de plusieurs manquements fautifs à l'égard de l'ensemble des membres du réseau de franchise, et donc en particulier à l'égard de la société H3M Immo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en étayant chacune des constatations critiquées par la première branche par un renvoi à une ou plusieurs pièces, précisément identifiées, établissant qu'elles ont été analysées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'en détailler le contenu, a statué par une décision suffisamment motivée ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, que le franchisé procède par voie d'affirmations, sans justifier d'aucun manquement précis et concret dont il aurait souffert, cependant que la preuve contraire ressort de plusieurs éléments versés aux débats par le franchiseur, et relevé qu'un courriel de remerciements du 20 mars 2012 adressé par le franchisé établit la participation positive du franchiseur pour faciliter le développement de l'activité commerciale du franchisé, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, que ces constatations et appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour dire que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise, l'arrêt relève que les associés fondateurs et la société H3M Immo reprochent en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat litigieux, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté, dès le début des relations contractuelles, un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels, dont l'accumulation est révélatrice d'une intention de nuire, et retient qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commises au préjudice de la société H3M Immo ne se trouve étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de cette société franchisée, commerçant indépendant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, la société H3M Immo et les associés fondateurs soutenaient que la responsabilité contractuelle du franchiseur devait être engagée chaque fois que son attitude avait été dictée par la mauvaise foi, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une quelconque intention de nuire de sa part, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il dit que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise de la société H3M Immo et rejette en conséquence les demandes indemnitaires formées à ce titre par MM. Elhouari El Idrissi, Modzelewski, Maimoun et Herpson et la société H3M Immo, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.