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Décisions

Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-16.532

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Azran, ASJ immobilier (SARL)

Défendeur :

Foncia groupe (Sté), Foncia franchise (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Briard

T. com. Nanterre, du 18 déc. 2014

18 décembre 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société ASJ immobilier, qui a M. Azran pour gérant et associé, a, le 28 juillet 2008, conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de sept ans, renouvelable par tacite reconduction, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 13 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société ASJ immobilier le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de ne pas renouveler un contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société ASJ immobilier et M. Azran ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches : - Attendu que la société ASJ immobilier et M. Azran font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires formées au titre de l'inexécution fautive du contrat de franchise alors, selon le moyen : 1°) qu'au-delà de la mise à disposition des moyens propres à permettre de réitérer la réussite commerciale et de réaliser l'objet du contrat de franchise, il incombe au franchiseur, pendant toute la durée du contrat, d'assister le franchisé dans la mise en œuvre de ces moyens et de remédier aux difficultés que ce dernier pourrait rencontrer, dès l'instant où il en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, pour estimer que le franchisé ne rapportait " pas la preuve que, faute d'avoir disposé d'un logiciel suffisamment performant intitulé Totalimmo répondant aux exigences de l'enseigne pour l'exploitation de son agence, il est aujourd'hui fondé à imputer ainsi à faute du franchiseur, un manquement à son obligation d'assistance ou de mise à disposition du savoir-faire Foncia lui ayant occasionné un préjudice spécifique ", l'arrêt attaqué se borne à relever que la SARL ASJ immobilier ne justifiait pas s'être plainte de " dysfonctionnements précis " auprès de la société SEIITRA, chargée de la maintenance du service informatique, que " les lacunes " dénoncées au franchiseur courant février 2012 ne constituaient pas " des griefs précis contre de prétendues déficiences de ce logiciel, mais bien des propositions d'améliorations de celui-ci au regard de la pratique de son utilisation " et que la réponse qu'il avait alors donnée au franchisé ne valait pas " reconnaissance univoque d'un manquement du franchiseur dans une de ses obligations essentielles de transmission du savoir-faire ", dès lors que " cette réflexion n'avait d'évidence été émise qu'à l'occasion d'une recommandation générale d'amélioration, conforme à l'esprit du contrat " ; qu'en se fondant sur ces motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si en ne prenant aucune initiative pour remédier au caractère inadapté du logiciel Totalimmo et aux lacunes dénoncées par le franchisé " au regard de la pratique de son utilisation ", la société Foncia franchise, informée de ces difficultés, n'avait pas manqué à son devoir d'assistance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que le titulaire d'une enseigne qui a cumulativement recours à un réseau de franchise et à un réseau de succursales est tenu, à l'égard de ses franchisés, d'un devoir d'assistance permanente, qui lui impose d'établir et de maintenir la transparence dans les relations entre franchisés et ses propres agences intégrées ; qu'en se bornant à relever que la société Foncia franchise justifiait " avoir développé la synergie inter-agences sans discrimination particulière entre l'agence franchisée et les agences intégrées du même territoire, ne serait-ce que par la mise à disposition du logiciel Totalimmo tendant à permettre la mise en œuvre de la synergie inter-agence (...) ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Foncia franchise, en ne donnant aucune suite aux courriers qui lui avaient été adressés par la société ASJ immobilier pour dénoncer les locations opérées par l'agence intégrée Foncia Franco-Suisse au mépris de la note de référence émise le 2 mars 2010, n'avait pas manqué à son devoir d'assistance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins sommairement les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en l'espèce, pour considérer que la SARL ASJ immobilier et son gérant n'étaient pas fondés à reprocher à la SAS Foncia franchise de ne pas avoir mis à jour son savoir-faire, l'arrêt attaqué retient que " le franchiseur apparaît avoir procédé à une actualisation régulière à destination de l'ensemble du réseau et partant, envers la société ASJ immobilier, grâce à la mise en place d'opération de communication (voir cotes 30, 39 et 41 du dossier des sociétés Foncia), de mise à disposition et d'actualisation du dispositif Foncia Premium (voir cotes 24, 35 et 50), et encore de l'organisation de séminaires et de conventions du réseau (voir cotes 38, 45 et 48 et encore 79 à 82), outre la formation initiale du franchisé et de son personnel ", et qu'il " justifie ainsi que la société ASJ immobilier a pu, pendant la durée d'exécution du contrat, bénéficier d'une transmission régulière du savoir-faire de l'enseigne en ayant participé à la réunion du cercle dirigeant du 20 juin 2013 (voir documents en cotes 64 à 66) et à l'opération " 40 ans Franchise Foncia " (voir cotes 39 et 77), à l'opération " Ticket 20 % de mars 2012 " (voir pièce 100), et en ayant par ailleurs reçu la visite d'animateurs du réseau au sein de son agence (voir cotes 101,102,103 et 104) " ; qu'en statuant ainsi, au seul visa des pièces versées aux débats par les sociétés Foncia, sans les analyser, même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins sommairement les éléments de preuve sur lesquelles ils se fondent ; que l'arrêt attaqué retient que la société Foncia franchise justifiait avoir développé " la synergie inter-agences sans discrimination particulière entre l'agence franchisée et les agences intégrées du même territoire, ne serait-ce que par la mise à disposition du logiciel Totalimmo tendant à permettre la mise en œuvre de la synergie interagences, avoir organisé des conventions annuelles (voir cotes 38 et 48 du dossier des sociétés Foncia), avoir veillé à la mise à disposition d'animateurs réseau pour assister la société ASJ immobilier (voir cotes 101 à 104) comme à une assistance juridique régulière (voir cotes 115 à 118) " ; qu'en statuant ainsi, au seul visa des pièces versées aux débats par les sociétés Foncia, sans les analyser, même sommairement, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que dans leurs écritures d'appel, la société ASJ immobilier et son gérant soulignaient que pour dénoncer l'inertie de la société Foncia franchise et les manquements du franchiseur, les franchisés Foncia s'étaient réunis en un collectif dénommé " Groupement des Franchisés Foncia " et avaient adressés aux instances dirigeantes des sociétés Foncia franchise et Foncia groupe de nombreux courriers et courriels de récriminations dénonçant les défaillances du franchiseur, les dysfonctionnements du réseau et le traitement discriminatoire dont ils étaient l'objet par rapport aux agences intégrées Foncia (notamment courriers des 27 février, 16 septembre, 27 septembre, 16 octobre et 2 novembre 2013), d'une part, et que ni la société Foncia franchise, ni la société Foncia groupe n'avaient dénié [sic] apporter la moindre réponse à leurs demandes expresses, si ce n'est en notifiant le non-renouvellement de leur contrat de franchise à quarante-trois franchisés, d'autre part ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement, pour rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la société franchisée et son gérant à l'encontre des sociétés Foncia franchise et Foncia groupe, que la société ASJ immobilier n'établissait pas que la promesse d'accès aux métiers de la gestion locative faite par le franchiseur était certaine, qu'elle n'avait pas disposé d'un logiciel Totalimmo suffisamment performant, que le franchiseur avait manqué à son obligation d'assistance et de mise à jour de son savoir-faire, qu'il n'avait pas développé la synergie inter-agences et qu'il avait laissé s'instituer une discrimination entre les agences intégrées et les agences franchisées, sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé, s'il ne s'évinçait pas des nombreux courriers circonstanciés de dénonciation de manquements du franchiseur et de dysfonctionnement du réseau qui avait été adressés aux dirigeants des société Foncia franchise et Foncia groupe au nom des franchisés du réseau par le Groupement des franchisés Foncia, comme de l'absence de toute réponse du franchiseur à ces courriers, que ce dernier s'était rendu coupable de plusieurs manquements fautifs à l'égard de l'ensemble des membres du réseau de franchise, et donc en particulier à l'égard de la société ASJ immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société ASJ immobilier avait signé un contrat de prestation de service informatique avec la société Seiitra, éditeur du logiciel Totalimmo et filiale à 100 % de la société Foncia groupe, et qu'elle ne justifiait pas s'être plainte auprès de cette société tierce, durant l'exécution du contrat, de dysfonctionnements précis auxquels il n'aurait pas été remédié, l'arrêt retient que seules des propositions d'améliorations du logiciel, faites au regard de la pratique de son utilisation, ont été adressées au franchiseur courant février 2012, sans que cette lettre ne formule de griefs précis contre de prétendues déficiences de ce logiciel ; que l'arrêt ajoute que le dirigeant de la société Foncia franchise y a apporté une réponse s'appuyant sur les capacités informatiques du système, laquelle ne traduit aucune reconnaissance d'un manquement du franchiseur ; qu'il retient que le franchisé ne rapporte pas la preuve que, faute d'avoir disposé d'un logiciel suffisamment performant, répondant aux exigences de l'enseigne pour l'exploitation de son agence, il soit fondé à reprocher au franchiseur un manquement à son obligation d'assistance ou de mise à disposition du savoir-faire Foncia lui ayant occasionné un préjudice spécifique ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il ressort qu'aucune preuve n'établissait que le logiciel Totalimmo ne permettait pas au franchisé d'exploiter le concept Foncia, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la première branche que ces constatations et appréciations souveraines rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que sous le couvert d'un grief infondé de manque de base légale, le moyen ne tend, en sa deuxième branche, qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, dans l'exercice duquel la cour d'appel a retenu que le franchisé formulait des griefs sans preuve concrète cependant que la société Foncia franchise répondait par des documents idoines et justifiait avoir développé la synergie inter-agences sans discrimination particulière entre l'agence franchisée et les agences intégrées du même territoire ;

Attendu, en troisième lieu, qu'en étayant chacune des constatations critiquées par les troisième et quatrième branches par un renvoi à une ou plusieurs pièces, précisément identifiées, établissant qu'elles ont été analysées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'en détailler le contenu, a statué par une décision suffisamment motivée ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, que les autres allégations du franchisé concernant des manquements dont il aurait concrètement souffert n'étaient étayées par aucun élément probant cependant que la preuve contraire ressortait de plusieurs éléments versés aux débats par le franchiseur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la cinquième branche, que ces constatations et appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour dire que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise et rejeter les demandes indemnitaires formées à ce titre, l'arrêt relève que la société ASJ immobilier et M. Azran reprochent en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat litigieux, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté, dès le début des relations contractuelles un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels, dont l'accumulation est révélatrice d'une intention de nuire, et retient qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commises au préjudice de la société ASJ immobilier ne se trouve étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de cette société franchisée, commerçant indépendant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, la société ASJ immobilier et M. Azran soutenaient que la responsabilité contractuelle du franchiseur devait être engagée chaque fois que son attitude avait été dictée par la mauvaise foi, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une quelconque intention de nuire de sa part, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires formées par la société ASJ immobilier et M. Azran contre la société Foncia franchise au titre de l'abus dans l'exercice du droit de non-renouvellement du contrat de franchise, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.