Livv
Décisions

Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-17.891

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

CMB Méditerranée (Sté), Cardon (ès qual.), Masson

Défendeur :

Foncia franchise (Sté) , Foncia groupe (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocats :

SCP Gaschignard, SCP François-Henri Briard

T. com. Nanterre, 2e ch., du 23 oct. 201…

23 octobre 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Masson a, le 7 septembre 2009, conclu, pour le compte de la société CBM Méditerranée (la société CBM), en cours de formation, un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 20 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société CBM et à Mme Masson le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme contractuel ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de non-renouveler le contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société CBM et Mme Masson ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ; que la société CBM ayant été mise en redressement judiciaire, M. Cardon est intervenu à l'instance en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan de cette société ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société CMB, M. Cardon, ès qualités, et Mme Masson font grief à l'arrêt de rejeter les demandes indemnitaires qu'ils ont formées au titre de l'abus dans l'exercice du droit de ne pas renouveler le contrat alors, selon le moyen, que le refus de renouvellement du contrat de franchise peut être considéré comme abusif au vu de l'activité déployée par le franchisé et des dépenses faites par lui en exécution du contrat, ainsi que des circonstances dans lesquelles il est susceptible de poursuivre son activité après la cessation du contrat ; qu'il était soutenu que le refus de renouvellement du contrat de franchise bénéficiant à la société CBM avait pour finalité de permettre à un cabinet intégré au groupe Foncia de reprendre l'activité développée par celle-ci, en profitant des investissements réalisés, étant souligné que la société CBM avait développé son activité, en exécution du contrat de franchise, sous l'enseigne " Foncia ", sur un territoire où la marque n'était pas initialement implantée, et qu'elle avait pour cela réalisé un investissement de 124 000 euros ; qu'il était ajouté que la cessation du contrat de franchise exposait la société CBM à une cessation d'activité, compte tenu de l'interdiction qui lui était faîte de s'affilier à un autre réseau pendant un an ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée si ces circonstances n'étaient pas de nature à établir un abus de la société Foncia franchise dans l'exercice de son droit au non-renouvellement du contrat de franchise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1241 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que la société CBM avait souscrit le 18 septembre 2009 un emprunt de 107 625 euros pour l'achat du droit au bail du local d'exercice de son activité, débutée le 1er novembre 2009 sous le bénéfice d'un contrat de franchise signé le 7 septembre 2009, prévoyant à l'article 22 que celui-ci se renouvellerait par tacite reconduction par période de cinq ans, sauf notification d'une volonté de résiliation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant chaque terme, l'arrêt constate que le franchiseur a fait part de sa volonté de non-renouvellement plus de quatorze mois avant le terme, fixé au 6 septembre 2014 ; qu'il retient qu'aucun élément n'établit que la société Foncia franchise ait entretenu la société CBM dans l'illusion que le renouvellement du contrat était acquis ; qu'il ajoute qu'il est dans la nature d'un réseau de franchise de permettre au franchiseur de multiplier les établissements de la marque et d'en établir un maillage serré, sans qu'il ait à en trouver le financement, et relève que le fait que la décision de non-renouvellement notifiée à la société CBM ait été concomitante de celles intervenues à destination de nombre de membres du même réseau ne saurait, à lui seul, établir que la société Foncia franchise s'est employée à utiliser les capacités financières du franchisé à l'unique fin de développer le maillage du territoire et d'assurer la profitabilité de ses succursales intéressées au détriment de ce franchisé ; qu'il retient encore qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commises au préjudice de la société CBM et, partant, de son associée et gérante, ne se trouve étayé de preuves suffisantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de cette société franchisée, commerçant indépendant ; qu'il ajoute que la clause de non-réaffiliation, limitée dans le temps et dans l'espace, est légitime dès lors qu'elle vise à protéger le réseau, qui est constitué non seulement d'équipes franchisées mais également de succursales et cabinets indépendants de l'enseigne ; qu'il déduit de l'ensemble de ces éléments que tout abus dans l'exercice du droit de ne pas renouveler le contrat doit être écarté ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires formées par la société CMB Méditerranée, M. Cardon, ès qualités, et Mme Masson au titre de l'inexécution fautive du contrat de franchise, l'arrêt retient que le franchisé, qui reproche au franchiseur d'avoir adopté dès le début des relations contractuelles, puis en cours de contrat, un comportement déloyal par une approche délibérément discriminatoire favorisant l'activité des sociétés dites succursalistes, n'étaye par aucune preuve suffisante et précise les arguments avancés, les seuls éléments justifiés se rapportant à des difficultés ponctuelles d'exécution du contrat litigieux, exprimées sous la forme de doléances très générales, et étant, pour la majorité d'entre eux, inopérants sur le plan probatoire ou directement en contradiction avec d'autres éléments du dossier ; qu'il relève, ensuite, que le franchisé ne rapporte pas la preuve que, faute d'avoir disposé d'un logiciel suffisamment performant, répondant aux exigences de l'enseigne pour l'exploitation de son agence, il soit fondé à reprocher au franchiseur un manquement à son obligation d'assistance ou de mise à disposition du savoir-faire Foncia lui ayant occasionné un préjudice spécifique ; qu'il retient, enfin, qu'il n'établit pas davantage que le franchiseur se soit abstenu de faire évoluer l'offre logicielle Totalimmo dans un sens permettant de favoriser la synergie inter-agences et de garantir les droits des franchisés sur les lots remis en gestion à la société Foncia groupe et qu'il ne démontre pas non plus que le franchiseur ait enfreint ses obligations contractuelles en raison d'atteintes précises qui auraient été portées par des agences intégrées ou par d'autres franchisés à l'exclusivité territoriale du franchisé et qu'elles lui auraient révélées en cours de contrat sans susciter aucune assistance ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du franchisé, qui faisait valoir que la méconnaissance des obligations contenues dans les notes de référence annexées au contrat de franchise conclu par la société CBM Méditerranée le 7 septembre 2009, en particulier dans la note de références n° FR-Transac 01/16 datée du 23 juillet 2009, engageait la responsabilité de la société Foncia franchise qui n'avait pas pris les mesures nécessaires au bon respect de ces notes par les cabinets intégrés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires formées par la société CMB Méditerranée, M. Cardon, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société, et Mme Masson contre les sociétés Foncia franchise et Foncia groupe au titre de l'inexécution fautive du contrat, l'arrêt rendu le 21 février 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.