Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-16.538
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Zhu, LJZ immobilier (Sté)
Défendeur :
Foncia groupe (SAS), Foncia franchise (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Briard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Zhu a, le 16 septembre 2010, conclu, en qualité de gérante de la société LJZ immobilière en cours de formation, un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de soixante mois, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative ; que le 13 juin 2013, le franchiseur leur a notifié le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme, fixé au 15 septembre 2015, puis, le 19 novembre 2013, sa résiliation ; que s'estimant victimes, notamment, de la résiliation abusive du contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société LJZ immobilière et Mme Zhu ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ;
Sur le premier moyen : - Attendu que Mme Zhu et la société LJZ immobilière font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise à leurs torts alors, selon le moyen : 1°) que la clause résolutoire est d'application stricte et ne peut être acquise au créancier que lorsque le débiteur a manqué à des engagements qui y sont mentionnés expressément et sans équivoque ; que pour débouter la société LJZ immobilière et Mme Zhu de leurs demandes fondées sur la résiliation fautive et abusive de la résiliation notifiée le 19 novembre 2013 par le franchiseur au titre de prétendus manquements à l'article 13 du contrat, l'arrêt attaqué retient que le " fait de ne pas permettre " au franchiseur " de régulariser définitivement les redevances qui lui sont légitimement dues au résultat des chiffres d'affaires, faute de lui avoir transmis dans les délais nécessaires les documents contractuellement convenus et dûment certifiés d'un point de vue comptable " avait " nécessairement provoqué un retard de paiement des sommes dues par le franchisé ", et que " cette dernière circonstance " caractérisait " une faute grave de nature à fonder une résiliation immédiate du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société LJZ Immobilière ", sur le fondement de l'article 22 du contrat, en vertu duquel " constitue notamment une faute grave (...) tout retard de paiement de sommes dues par le Franchisé au Franchiseur, et notamment tout retard de paiement de redevances ou de frais de participation à la formation (...) " ; qu'en se fondant sur ces motifs, cependant que l'article 22 du contrat, qui déterminait le domaine de la clause résolutoire en précisant les engagements dont l'inexécution pouvait constituer une faute grave justifiant sa mise en œuvre, devait être interprété strictement, et que ses termes ne visaient pas les devoirs de transmission des comptes imposés au franchisé par l'article 13 du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que la clause résolutoire ne peut être acquise au créancier sans mise en demeure restée infructueuse et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, à moins que le créancier en ait été dispensé dans des termes exprès et non équivoques ; qu'en l'espèce, pour débouter la société LJZ immobilière et Mme Zhu de leurs demandes fondées sur la résiliation fautive et abusive de la résiliation notifiée le 19 novembre 2013 avec effet immédiat, l'arrêt attaqué retient que le " fait de ne pas permettre " au franchiseur " de régulariser définitivement les redevances qui lui sont légitimement dues au résultat des chiffres d'affaires, faute de lui avoir transmis dans les délais nécessaires les documents contractuellement convenus et dûment certifiés d'un point de vue comptable " avait " nécessairement provoqué un retard de paiement des sommes dues par le franchisé ", et que " cette dernière circonstance " caractérisait " une faute grave de nature à fonder une résiliation immédiate du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société LJZ Immobilière " ; qu'en statuant ainsi, cependant que la faute qu'un franchisé pourrait commettre en ne permettant pas au franchiseur de procéder à la régularisation définitive des redevances ne constitue pas un retard dans le paiement des redevances, mais un manquement du franchisé à son devoir de coopération et de loyauté, lequel ne figurait pas, en l'espèce, au nombre des engagements dont l'inexécution justifiait, en vertu de l'article 22 du contrat, sa résolution sans mise en demeure préalable restée infructueuse et précisant le délai dont disposait le franchisé pour y faire obstacle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) que le courrier du 4 juin 2013 adressé par Mme Zhu à M. Ropers, président de la société Foncia franchise, à 11 heures 11, était ainsi formulé : " Bonjour Patrice. Je viens de recevoir ta lettre recommandée concernant les comptes annuels 2011. Je vous les avais déjà envoyés mais pas de souci. Tu trouveras ci-joint la plaquette 2011. S'il faut que je vous les envoie en lettre recommandée, merci de me le faire savoir. Cordialement. Jun ZHU " ; que par courrier du même jour adressé à 16 heures 13, M. Ropers, signataire de la lettre recommandée de la veille, avait répondu : " Pas de problème. Nous ne retrouvions pas le document. A bientôt. Patrice Ropers " ; qu'en retenant que ces courriers étaient " énoncés en termes insuffisamment précis pour pouvoir justifier de l'envoi du document réclamé à une date antérieure " et ne " comportaient au demeurant, aucune identification des pièces jointes qui auraient prétendument été transmises, ni aucune reconnaissance explicite par le franchiseur de la réception de ces documents ", cependant que l'emploi du verbe " retrouver " à l'imparfait, dans le courrier adressé à Mme Zhu, ne pouvait viser qu'une situation passée sans continuation dans le présent et que l'affirmation " Nous ne retrouvions pas le document " qui suivait le " Pas de problème ", signifiait clairement que si le bilan de l'exercice 2011 avait pu être égaré par le franchiseur, il était bien, désormais, en sa possession, la cour d'appel, qui a dénaturé la portée dudit courrier, a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société LJZ immobilière, sans constater l'acquisition de la clause résolutoire, les griefs des deux premières branches sont inopérants ;
Et attendu, en second lieu, que sous le couvert d'un grief infondé de dénaturation, le moyen ne tend, en sa troisième branche, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve produits ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société LJZ immobilière et Mme Zhu font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Foncia franchise la somme de 19 800 euros au titre des redevances de franchise que cette société aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat, outre 6 600 euros au titre des redevances de communication que cette société aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure prononcée, sur le fondement du premier moyen, du chef de l'arrêt ayant débouté la société LJZ immobilière et Mme Zhu de leurs demandes fondées sur la résiliation fautive et abusive du contrat et prononcé sa résiliation à leurs torts exclusifs entraînera, par voie de conséquence, celles de ses dispositions de l'arrêt faisant droit à la demande du franchiseur tendant à l'indemnisation de son préjudice corrélatif à la résiliation anticipée du contrat ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires formées par la société LJZ immobilière et Mme Zhu au titre de l'inexécution fautive du contrat de franchise, l'arrêt retient que la résiliation du contrat est prononcée aux torts du franchisé, peu important, dans ces conditions, de déterminer si l'exercice par le franchiseur de son droit de non-renouvellement du contrat litigieux, contrat à durée déterminée, doit ou non, compte tenu des circonstances précises de cette espèce, être qualifiée d'abusif et, partant, de se prononcer sur le mérite des demandes d'indemnisation des préjudices prétendument corrélatifs à cet abus, les prétendues infractions à la loi contractuelle reprochées au franchiseur n'étant en réalité rappelées que pour souligner que leur accumulation caractériserait un abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, la société LJZ immobilière et Mme Zhu faisaient valoir que la responsabilité contractuelle de la société Foncia était engagée en raison de plusieurs manquements et formaient des demandes indemnitaires au titre de chacun des manquements invoqués, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires formées par la société LJZ immobilière et Mme Zhu contre les sociétés Foncia franchise et Foncia groupe au titre de l'inexécution fautive du contrat, l'arrêt rendu le 21 février 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.