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Décisions

Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-18.132

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Delaplace, Objectif immobilier (Sté)

Défendeur :

Foncia groupe (Sté), Foncia franchise (Sté), Andrieux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocats :

SCP Gaschignard, SCP Briard

T. com. Nanterre, du 18 déc. 2014

18 décembre 2014

LA COUR : - Donne acte à M. Delaplace et à la société Objectif immoblier du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme Andrieux ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Objectif immobilier, qui a comme associés fondateurs, entre autres, Mme Andrieux et M. Delaplace, a, le 19 mars 2008, conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de quatre-vingt-quatre mois, renouvelable par tacite reconduction par période de sept ans, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia ; que le franchiseur a notifié à la société Objectif immobilier le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de ne pas renouveler le contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société Objectif immoblier, M. Delaplace et Mme Andrieux ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Delaplace et la société Objectif immobilier font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires formées au titre de l'abus du droit de ne pas renouveler le contrat alors, selon le moyen : 1°) le refus de renouvellement du contrat de franchise peut être considéré comme abusif au vu de l'activité déployée par le franchisé et des dépenses faites par lui en exécution du contrat, ainsi que des circonstances dans lesquelles il est susceptible de poursuivre son activité après la cessation du contrat ; qu'il était soutenu que le refus de renouvellement du contrat de franchise bénéficiant à la société Objectif immobilier avait pour finalité de permettre à un cabinet intégré au groupe Foncia de reprendre l'activité développée par celle-ci, en profitant des investissements et de la prospection réalisés par le franchisé, étant souligné que la société Objectif immobilier avait réalisé un investissement de départ de 141 000 euros ; qu'il était ajouté qu'après la cessation du contrat de franchise, il était fait interdiction à la société Objectif immobilier de s'affilier à un autre réseau pendant un an ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si ces circonstances n'étaient pas de nature à établir un abus de la société Foncia franchise dans l'exercice de son droit au non renouvellement du contrat de franchise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1241 du Code civil ; 2°) que la société Objectif immobilier faisait valoir qu'avant même que le contrat de franchise dont elle bénéficiait ne soit expiré, la société Foncia franchise avait mené une campagne de recrutement de négociateurs appelés à intervenir sur la ville de Puteaux où elle exerçait, ce qui établissait le caractère abusif du non-renouvellement ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que la société Objectif immobilier avait conclu un contrat de franchise le 19 mars 2008, prévoyant à l'article 21 que celui-ci se renouvellerait par tacite reconduction par période de sept ans, sauf notification d'une volonté de résiliation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant chaque terme, l'arrêt constate que le franchiseur a fait part de sa volonté de non-renouvellement vingt et un mois avant le terme, fixé au 18 mars 2015 ; qu'il retient qu'aucun élément n'établit que la société Foncia franchise ait entretenu la société Objectif immobilier dans l'illusion que le renouvellement du contrat était acquis ; qu'il ajoute qu'il est dans la nature d'un réseau de franchise de permettre au franchiseur de multiplier les établissements de la marque et d'en établir un maillage serré, sans qu'il ait à en trouver le financement, et relève que le fait que la décision de non-renouvellement notifiée à la société Objectif immobilier ait été concomitante de celles intervenues à destination de nombre de membres du même réseau ne saurait, à lui seul, établir que la société Foncia franchise s'est employée à utiliser les capacités financières du franchisé à l'unique fin de développer le maillage du territoire et d'assurer la profitabilité de ses succursales intéressées au détriment de ce franchisé ; qu'il retient encore qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commises au préjudice de la société Objectif immobilier et, partant, de son associée salariée et de son gérant associé salarié, ne se trouve étayé de preuves suffisantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de cette société franchisée, commerçant indépendant ; qu'il ajoute que la clause de non-réaffiliation, limitée dans le temps et dans l'espace, est légitime dès lors qu'elle vise à protéger le réseau, qui est constitué non seulement d'équipes franchisées mais également de succursales et cabinets indépendants de l'enseigne ; qu'il déduit de l'ensemble de ces éléments que tout abus dans l'exercice du droit de non-renouvellement du contrat doit être écarté ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la première branche et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires formées par la société Objectif immobilier et de M. Delaplace contre la société Foncia franchise et la société Foncia groupe au titre de l'inexécution fautive du contrat, l'arrêt retient que le franchisé ne rapporte pas la preuve qu'il soit fondé à reprocher au franchiseur un manquement à son obligation d'assistance ou de mise à disposition du savoir-faire Foncia ou de manque de synergie inter-agences lui ayant occasionné un préjudice spécifique, dès lors qu'il est constant que la société Objectif immobilier a signé un contrat de prestation de service informatique avec la société tierce Seiitra, éditeur du logiciel Totalimmo et filiale à 100 % de la société Foncia groupe, et qu'elle ne justifie pas s'être plainte auprès de cette société tierce, durant l'exécution du contrat, de dysfonctionnements précis auxquels il n'aurait pas été remédié, cependant qu'une attestation d'une salariée de la société Seiitra précise que la société Objectif immobilier a bénéficié de la mise en commun de biens à la vente avec plus de quarante agences intégrées, comme l'établissent les pièces produites par les sociétés Foncia ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs écritures, la société Objectif immobilier et M. Delaplace ne se plaignaient pas de dysfonctionnements du logiciel mais dénonçaient les conditions dans lesquelles ce logiciel était utilisé par les cabinets intégrés et l'inertie du groupe Foncia face aux agissements de ces cabinets, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires formées par la société Objectif immobilier et M. Delaplace contre les sociétés Foncia franchise et Foncia groupe au titre de l'inexécution fautive du contrat de franchise, l'arrêt rendu le 14 mars 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.