Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 septembre 2018, n° 17-06933

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Centre Laser Medical Lyon (Sarlu)

Défendeur :

All Sens (Sasu), Depil Tech (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Renard, Lehmann

Avocats :

Selarl Lexavoué Paris-Versailles, Selarl Active Avocats, Aarpi OZ Cabinet d'Avocats

T. com. Lyon, du 9 nov. 2016

9 novembre 2016

La société Centre Laser Médical Lyon (ci-après Centre Laser), immatriculée le 10 mai 2011 au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon, sous le n° 532 170 917, a pour objet social "la location et la mise à disposition de matériel médical et paramédical".

Elle indique fournir, uniquement à des médecins diplômés et exerçant régulièrement la médecine en France, un plateau technique complet composé des moyens matériels nécessaires à leur activité et plus particulièrement s'agissant d'un centre laser, mettre à disposition des médecins et de leurs patients tant des locaux que des lasers à des fins d'élimination définitive du système pileux.

Elle expose que le client, souhaitant bénéficier d'un acte d'épilation définitive, est pris en charge par son médecin sur le plateau technique fourni par le Centre Laser grâce aux matériels fournis par ce dernier. Le client verse directement au médecin les honoraires correspondant à l'acte pratiqué et au Centre Laser le prix de la location du matériel.

La société All-Sens immatriculée le 16 janvier 2016 au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon, sous le n° 790 445 753 a pour objet social "la dépilation et le remodelage utilisant la méthode de la lumière pulsée." Elle a pour associé unique Monsieur Y.

Madame X est inscrite en son nom personnel depuis le 10 septembre 2012 au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon, sous le n° 750 552 580 a pour activité mentionnée "soins de beauté".

Monsieur Y et Madame X ont tous deux conclu un contrat de franchise avec la société Centre Depilation Côte d'Azur qui a créé une franchise qu'elle exploite sous la marque Depil'Tech afin d'exploiter des centres de dépilation par lumière pulsée et de photo rajeunissement dans des magasins franchisés sous l'enseigne Depil'Tech. Ils ont chacun ouvert un centre esthétique à Lyon.

La société Centre Laser a fait établir un constat d'huissier le 23 septembre 2013 réalisé sur internet en utilisant les mots de recherche suivants " épilation laser Lyon ", il est ressorti, dans l'encadré des annonces promotionnelles Google, trois sites internet dont "www.Depil'Tech.co/epilation-laser".

Pour être en mesure de vérifier les conditions d'exercice de leurs activités respectives, le Centre Laser a été autorisé, par ordonnances sur requête en date du 15 octobre 2013, à faire intervenir un huissier de justice dans les locaux exploités par la société All Sens et Madame X.

Les deux procès-verbaux réalisés le 30 octobre 2013 ont permis de relever que le matériel présent était bien un matériel à lumière pulsée et qu'il était utilisé par des non-médecins pour réaliser des actes d'épilation définitive.

Reprochant à la société All Sens et à Madame X des actes de médecine illégaux ainsi que des actes de concurrence déloyale lui portant préjudice, la société Centre Laser Médical a saisi le Tribunal de commerce de Lyon d'une action en concurrence déloyale par assignations à bref délai du 8 avril 2014.

Madame X et la société All Sens ont appelé leur franchiseur sous la dénomination société Depil'Tech, société immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nice sous le n° 529 850 455.

Par jugement contradictoire en date du 9 novembre 2016, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- prononcé la jonction des affaires 14J00768 et 14J01008,

- déclaré au titre des dispositions des articles 74 et 122 du Code de procédure civile que les demandes formées au titre des questions préjudicielles par Depil'Tech sont irrecevables,

- rejeté en conséquence la demande de sursis à statuer de la société Depil'Tech et de ses codéfendeurs,

Statuant sur le fond :

- dit que les sociétés All Sens et Madame X n'ont pas pratiqué d'acte illégal de la médecine et n'ont donc pas à ce titre fait preuve de concurrence déloyale à la société Centre Laser Médical,

- dit que les sociétés Depil'Tech, All Sens et Madame X n'ont pas pratiqué d'actes de publicités trompeuses, ni d'autres actes de concurrence déloyale liés à l'utilisation du mot laser envers la société Centre Laser Médical Lyon,

En conséquence:

- rejeté l'ensemble des demandes formées par la société Centre Laser Médical Lyon au titre des actes de concurrence déloyale des sociétés Depil'Tech, All Sens et de Madame X

- rejeté la demande de la société Centre Laser Médical Lyon formée au titre des séances gratuites proposées par Madame X,

- débouté la société Centre Laser Médical Lyon de toutes ses autres demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu de traiter les demandes formées à titre subsidiaire par chacune des parties,

- donné acte aux sociétés All Sens et Madame X qu'à la barre il a été précisé qu'elles souhaitaient poursuivre le contrat avec la société Depil'Tech si le tribunal venait à rejeter les demandes de la société Centre Laser Médical Lyon, ce qui a été fait,

- donné acte à Madame X que la société Depil'Tech a abandonné à la barre les demandes qu'elle avait formulées devant le Tribunal de commerce de Nice le 24 mars 2015,

- condamné la société Centre Laser Médical Lyon à payer respectivement aux sociétés Depil'Tech, All Sens et Madame X la somme de 5 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les sociétés Depil'Tech, All Sens et Madame X de leurs autres demandes formées en ce sens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Centre Laser Médical Lyon aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 1er décembre 2016 de la Cour d'appel de Lyon, la société Centre Laser a interjeté appel mais par une ordonnance du 4 avril 2017, le conseiller de la mise en état près la Cour d'appel de Lyon a déclaré l'appel irrecevable au motif que le litige porterait sur l'application des dispositions L. 420-1 du Code de commerce et dès lors de la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris.

La société Centre Laser a dès lors régularisé un second appel, par déclaration au greffe près la Cour d'appel de Paris, le 30 mars 2017.

Ni la régularité de l'appel formé devant la Cour d'appel de Paris, ni la compétence de celle-ci du fait de l'ordonnance de conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Lyon ne fait pas débat entre les parties et ce même s'il s'avère que le litige aujourd'hui soumis à la cour ne porte que sur une action en concurrence déloyale.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 mai 2017, la société Centre Laser demande à la cour de:

- déclarer la société Centre Laser Médical Lyon recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 9 novembre 2016 en toutes ses dispositions,

- constater que les actes d'épilation, autres que ceux pratiqués à la pince à épiler ou à la cire, sont des actes médicaux réservés à des personnes autorisées à exercer la médecine en France,

- constater que la société All Sens et Madame X ont commis directement, mais également avec l'assistance de la société Depil'Tech, des actes de concurrence déloyale notamment en procédant à des actes de publicité trompeuse et ne respectant pas la réglementation relative aux actes d'épilation,

en conséquence,

- condamner la société All Sens et Madame X à cesser toute activité d'épilation, autre que les épilations à la pince à épiler ou à la cire, dans les 15 jours suivant le prononcé de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, en se réservant la liquidation de l'astreinte,

- condamner solidairement la société All Sens et Madame X à verser chacune, à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 20 000 euros au titre du trouble commercial, et ce solidairement avec la société Depil'Tech,

- condamner solidairement la société All Sens, Madame X et la société Depil'Tech à verser à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 76 305,68 euros au titre du préjudice économique,

- condamner solidairement la société All Sens et Madame X à verser, chacune, à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et ce, solidairement avec la société Depil'Tech,

- condamner la société All Sens et Madame X à verser, solidairement, à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 1 501,08 euros au titre du remboursement des frais d'huissier exposés, et ce solidairement avec la société Depil'Tech,

- condamner la société All Sens et Madame X à verser à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 5 000 euros au titre des sommes versés au titre de l'exécution provisoire de la décision du jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 9 novembre 2016 infirmé,

- statuer ce que de droit sur la responsabilité et la garantie du franchiseur vis-à-vis de ses franchisés ainsi que sur la nullité des contrats de franchise,

- condamner la société All Sens, Madame X et la société Depil'Tech à verser, chacune, à la société Centre Laser Médical Lyon, la somme de 15 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ainsi qu'à la restitution des sommes versées sur ce fondement par la société Centre Laser Médical Lyon au titre du jugement de première instance infirmé,

- ordonner l'affichage de la décision à intervenir, une fois devenue définitive, aux frais de la société All Sens, sur la vitrine de son établissement <adresse> dans un format A3, et en page d'accueil de son site internet, pendant une durée de 2 mois,

- ordonner l'affichage de la décision à intervenir, une fois devenue définitive, aux frais de Madame X, sur la vitrine de son établissement <adresse> dans un format A3, et en page d'accueil de son site internet, pendant une durée de 2 mois,

- ordonner l'affichage de la décision à intervenir, une fois devenue définitive, aux frais de la société Depil'Tech, à son siège social <adresse> dans un format A3, et en page d'accueil, sur son site internet, pendant une durée de 2 mois,

- ordonner la publication la décision à intervenir, une fois devenue définitive, solidairement aux frais de la société All Sens, de Madame X, dans deux journaux à tirage régional de la région de Lyon,

- ordonner la publication la décision à intervenir, une fois devenue définitive, aux frais de la société Depil'Tech, dans deux journaux à tirage national,

- débouter la société All Sens, de Madame X et la société Depil'Tech de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique en date du 21 février 2018, la société All Sens demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la société Centre Laser Médical Lyon de l'intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire :

- dire et juger que la société Centre Laser Médical Lyon ne justifie ni de la qualité ni d'un intérêt à agir à l'encontre de la société All Sens,

- déclarer irrecevables les demandes de la société Centre Laser Médical Lyon,

à titre encore plus subsidiaire :

- dire et juger que la société All Sens ne se livre aucun acte de concurrence déloyale,

- dire et juger que la cessation d'activité de la société All Sens reviendrait à la priver de sa liberté fondamentale d'établissement de prestations de services,

- débouter la société Centre Laser Médical Lyon de l'intégralité de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire :

- condamner la société Depil'Tech à relever et garantir la société All Sens de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre dans le cadre de la présente procédure,

- dire et juger que le contrat de franchise liant la société Depil'Tech à la société All Sens est nul, ou à tout le moins résolu,

- condamner la société Depil'Tech à verser à la société All Sens la somme de 450 102 euros outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, à titre de dommages-intérêts,

en toute hypothèse :

- condamner la société Depil'Tech à relever et garantir la société All Sens de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre dans le cadre de la présente procédure,

- débouter les sociétés Centre Laser Médical Lyon et Depil'Tech de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner la société Centre Laser Médical Lyon, et/ou la société Depil'Tech à payer à la société All Sens la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction de ces derniers au profit de Maître Z avocat au Barreau de Paris, sur son offre de droits.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique en date du 3 juillet 2018, Madame X demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer le jugement du 9 novembre 2016,

à titre subsidiaire, si le jugement est infirmé et des condamnations pécuniaires mises à la charge de Madame X :

- condamner la société Depil'Tech à relever et garantir Madame X de toutes condamnations mises à sa charge,

à titre subsidiaire, si la cour ordonne à Madame X de cesser de pratiquer l'épilation à la lumière pulsée :

- prononcer la nullité du contrat de franchise du 3 avril 2012 pour dol,

en conséquence,

- condamner la société Depil'Tech à payer à Madame X la somme de 494 093 euros à titre de dommages et intérêts,

à titre encore plus subsidiaire :

- prononcer la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Depil'Tech en conséquence,

- condamner la société Depil'Tech à payer à Madame X la somme de 494 093 euros à titre de dommages et intérêts,

à titre infiniment subsidiaire :

- prononcer la nullité du contrat de franchise pour cause illicite,

en conséquence,

- condamner la société Depil'Tech à payer à Madame X les sommes suivantes :

- 10 000 euros au titre de la restitution du droit d'entrée ;

- 5 374,06 euros au titre des redevances acquittées au 31 décembre 2013,

en tout état de cause :

- condamner à qui d'entre eux mieux le devra le Centre Laser Médical Lyon ou la société Depil'Tech à payer à Madame X la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître A en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ordonnance sur incident en date du 18 janvier 2018, les conclusions de la société Dépil'Tech notifiées par voie électronique le 15 novembre 2015 ainsi que les pièces communiquées au soutien de ces écritures ont été déclarées irrecevables.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2018.

Motifs

A titre liminaire il convient de rappeler que les parties ne contestent pas que la technique d'épilation utilisée par les médecins agissant dans le cadre des moyens mis à leur disposition par la société Centre Laser utilisent le laser alors que Madame X et la société All Sens franchisées de la société Depil'Tech ont recours à une technique différente, celle de la lumière pulsée.

La société Centre Laser fait valoir que Madame X et la société All Sens interviennent tous deux, comme elle-même, sur la ville de Lyon et dans le secteur de l'épilation définitive auprès d'une clientèle commune. Elle leur reproche des actes de concurrence déloyale :

- en pratiquant illégalement des actes de médecine, alors que seuls les actes d'épilation à la cire ou à la pince à épiler peuvent être pratiqués par des non-médecins,

- en reprenant à leur compte et profitant de la communication et publicité trompeuse orchestrée par la société Depil'Tech qui fait croire qu'ils effectueraient des épilations au laser et exerceraient une activité conforme à la législation,

- en s'entendant sur les prix en violation de l'article L. 420-1 et suivants du Code de commerce

- en pratiquant des séances de soins gratuites, ce qui est interdit à un médecin.

Madame X et la société All Sens demandent la confirmation du jugement entrepris qui n'a retenu à leur encontre aucun acte de médecine illégal et aucune concurrence déloyale à l'égard de la société Centre Laser. A titre subsidiaire elles demandent la condamnation de la société Depil'Tech à les garantir et de juger résiliés leurs contrats de franchise.

Sur la qualité et l'intérêt à agir de la société Centre Laser en concurrence déloyale

La société All Sens soutient que l'appelante ne justifie pas de son intérêt à agir puisqu'elle n'a pas la moindre activité commune avec la société All Sens, elle tire son chiffre d'affaires de la mise à disposition de locaux et matériels laser à des médecins alors que la société All Sens dispose de ses propres locaux, n'a pas d'activité de loueur et utilise non pas le laser mais la lumière pulsée.

Pour autant les sociétés s'adressent à une même clientèle, à savoir des personnes recherchant des solutions d'épilation définitive.

C'est bien de la venue de cette clientèle dans ses locaux que la société Centre Laser tire ses revenus.

Les actes qu'elle reproche aux intimées, qu'elle qualifie d'actes de concurrence déloyale, auraient pour objet et effet de détourner la clientèle du Centre Laser et de la pratique de dépilation qu'elle propose au laser avec un médecin pour praticien vers les instituts des intimées pratiquant la lumière pulsée par des non-médecins, ce qui lui causerait un préjudice direct.

Elle a donc intérêt et qualité à agir en concurrence déloyale à l'encontre des intimées.

Sur la concurrence déloyale formée à l'encontre de la société All Sens et de Madame X

L'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa version modifiée par l'arrêté du 13 avril 2007 dispose en son article 2 que :

" Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372 (1°) du Code de la santé publique (aujourd'hui L. 4161-1) les actes médicaux suivants :

(...)

5° Tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire ".

Ce texte n'a fait l'objet d'aucune abrogation et constitue bien le droit positif.

C'est en vain que les intimés arguent d'une désuétude du texte alors même qu'il est régulièrement appliqué tant par les juridictions civiles que par les juridictions pénales et que sa dernière modification, applicable à l'espèce, date de 2007.

C'est également à tort qu'il est fait état des articles L. 1151-2 et L. 1151-3 du Code de la santé publique issus d'une loi du 21 juillet 2009 et de l'absence de promulgation de décrets postérieurs à cette loi alors même que ces nouveaux articles du Code de la santé publique ne concernent que les règles relatives à l'encadrement d'actes médicaux soit pour des raisons de santé publique, soit pour éviter des dépenses injustifiées et n'ont pas pour objet de définir le champ de l'acte médical.

De même, les autres documents produits par les intimés tel des rapports remis au Sénat ou des réponses à des questions parlementaires, même s'ils font ressortir l'existence de débats sur la nécessité d'abroger l'article 2,5° de l'arrêté du 13 avril 2007, ne sont pas de nature à l'abroger tacitement.

Ainsi, seuls les médecins peuvent pratiquer sur autrui toute épilation, sauf si celle-ci est pratiquée la pince ou à la cire.

Dès lors, il importe peu que l'épilation pratiquée par Madame X et la société All Sens se fasse à la lumière pulsée et non au laser. Il est également indifférent que des appareils à lumière pulsée soient librement commercialisés permettant à chacun de réaliser des actes d'épilation avec le matériel ainsi acheté.

C'est donc à tort que le tribunal a jugé que Madame X et la société All Sens n'avaient pas pratiqué d'acte illégal de la médecine.

Cette pratique illégale a eu pour effet de permettre à une partie de la clientèle souhaitant obtenir une épilation définitive, par un procédé qui n'est ni la cire, ni la pince à épiler, de s'adresser aux instituts intimés et dès lors de se détourner des médecins pour pratiquer de telles épilations.

Dès lors, cette pratique qui a détourné une partie de la clientèle des médecins agissant en utilisant "la location et la mise à disposition de matériel médical et paramédical" proposés par la société Centre Laser constitue vis-à-vis de celle-ci une concurrence déloyale.

Les autres reproches formulés par la société Centre Laser, découlent de cette pratique illicite.

La pratique de prix identiques, moins chers que ceux pratiqués par les médecins découlent de la qualité de non-médecin des franchisés, de même que la pratique de proposer des séances d'essais gratuites.

Cette pratique a nécessairement eu pour conséquences de perturber le marché en plaçant cette société dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents respectant ladite réglementation et causé un trouble commercial générant un préjudice à la société Centre Laser privée des rémunérations qu'elle reçoit tant des médecins que des clients.

Il n'est en revanche pas justifié que la perte de revenus alléguée par la société Centre Laser soit le seul fait de cette concurrence déloyale.

Au regard de l'ensemble des éléments versés aux débats les actes de concurrence déloyale seront réparés par la condamnation de Madame X d'une part et de la société All Sens d'autre part à à verser chacune à la société Centre Laser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Depil'Tech qui, en sa qualité de franchiseur, a participé aux actes de concurrence déloyale qui sont reprochés en fournissant aux franchisés les moyens de leur exercice, concourant ainsi au préjudice subi par la société Centre Laser. Elle sera dès lors condamnée in solidum au paiement des sommes mises à la charge de chacun des franchisés.

A titre de complément d'indemnisation il sera fait droit aux mesures d'interdiction et de publication sollicitées dans les termes définis ci-après au dispositif du présent arrêt.

Sur les demandes formées en garantie des condamnations prononcées à l'encontre de la société Depil'Tech par Madame X et la société All Sens

La cour constate que Madame X a conclu le 3 avril 2012 un contrat de franchise avec la société Depil'Tech au terme duquel cette société indiquait détenir un savoir-faire et une réputation dans la photo dépilation et la photo rajeunissement et mettait à sa disposition notamment sa marque, son logo et son enseigne.

Le préambule du contrat précise que le franchiseur "exploite une organisation ayant acquis une certaine renommée dans la profession. Son activité consiste à exploiter des centres de lumière pulsée pour la photo dépilation et la photo rajeunissement en magasins franchisés sous l'enseigne Depil'Tech", qu'il dispose d'un savoir-faire et d'une réputation.

Le franchiseur s'engage au moyen d'un stage préalable et en cours de contrat à enseigner au franchisé les techniques nécessaires à l'exploitation de son magasin de photo dépilation et de photo rajeunissement telle que détaillé à l'article 8 du contrat.

Le contrat prévoit également une exclusivité du franchisé auprès du franchiseur pour les machines et produits nécessaires à la photo dépilation et à la photo rajeunissement.

Ce contrat était conclu pour une durée de 5 années et prévoyait la possibilité d'une tacite reconduction.

Monsieur Y a conclu un contrat identique le 13 novembre 2012 pour une durée de 7 ans également renouvelable. Ce contrat prévoyait que Monsieur Y pourrait être substitué par la société SAS All sens, en cours de constitution.

Un pack publicitaire, des plaquettes étaient remis au franchisé qui indiquait expressément la problématique juridique posée par le cadre juridique de l'épilation et qui reproduisait les termes exacts de l'arrêté du 1962 réservant au médecin "tout mode d'épilation autre qu'à la pince ou à la cire." .

La société Depil'Tech proposait dans ce pack, une lecture personnelle de la législation en affirmant que si la technique du laser ou de l'électrolyse sont des modes d'épilation à visée médicale réservés aux médecins, tel n'est pas le cas de la lumière pulsée utilisée par les machines Galaxy (pièce 15 X).

De même le document d'information pré contractuelle précise que la dépilation à lumière pulsée entre pleinement dans le champs de compétence de l'esthéticienne car elle n'a pas de finalité médicale (pièce 18 X).

Ainsi, les franchisés, professionnels de l'épilation, étaient parfaitement informés de la problématique juridique posée par l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa version modifiée par l'arrêté du 13 avril 2007 et savaient que ce texte imposait que l'épilation réalisé par d'autres moyens que la cire ou la pince doit être réalisée par des médecins. Il ne pouvaient ignorer que l'interprétation de ce texte donné par la société Depil'Tech était sujette à contestation. Ils avaient connaissance de cette problématique dès la conclusion des contrats de franchise et ont fait le choix non seulement de contracter mais de poursuivre leur activité durant plus de 5 années alors même qu'il avaient été mis en demeure de cesser par la société Centre Laser.

Dès lors, ils doivent être déboutés de leurs demandes visant à être garantis par la société Depil'Tech des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Depil'Tech par Madame X relatives au contrat de franchise

Madame X demande à l'encontre de la société Depil'Tech :

- l'annulation pour dol du contrat de franchise conclu le 3 avril 2012,

- subsidiairement, la résolution dudit contrat aux torts exclusifs de la société Depil'Tech,

- et encore plus subsidiairement l'annulation pour cause illicite.

L'article 1116 du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable à l'espèce dispose que :

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé. "

En l'espèce Madame X n'allègue, ni ne justifie d'aucune manœuvre hormis une lecture erronée donnée par la société Depil'Tech de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa version modifiée par l'arrêté du 13 avril 2007 qu'elle était à même de vérifier.

Aucune manœuvre au sens de l'article 1116 du Code civil ne peut être retenue à l'encontre de la société Depil'Tech.

Madame X sera déboutée de sa demande de nullité pour dol.

A titre subsidiaire, Madame X sollicite la résolution du contrat au vu de l'article 1184 du Code civil pour transmission d'un savoir illicite.

Le contrat de franchise a pour objet la création d'un réseau de licenciés ouvrant des lieux, telles des boutiques ou des instituts, de photo dépilation et de photo rajeunissement exercées par des non médecins sous licence de la marque, du logo et de l'enseigne. Il prévoit l'apprentissage de ces techniques aux non-médecins et la fournitures des machines permettant cette activité commerciale.

Comme jugé ci-dessus cette pratique de l'épilation par lumière pulsée par des non médecins n'est pas licite et des mesures d'interdictions sont prononcées par le présent arrêt.

Dès lors, le contrat de franchise doit être résilié puisqu'il ne peut, en vertu du présent arrêt et de l'interdiction prononcée, se poursuivre.

Madame X sollicite la condamnation de la société Depil'Tech à lui verser la somme de 494 093 euros justifiés par la communication d'un "avis " donné par un expert en évaluations immobilières ".

Pour autant et comme il a été ci-dessus jugé, cette situation n'est pas imputable à la seule société Depil'Tech, les franchisés ont fait choix de commencer et de poursuivre l'activité illicite.

Madame X sera dès lors déboutée de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Depil'tech.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Depil'Tech par la société All Sens relatives au contrat de franchise

La société All Sens soulève quant à elle la nullité du contrat de franchise pour violation des articles L. 330-1 et R. 330-1 du Code de commerce qui obligent le franchiseur à remettre au franchisé des documents d'information pré-contractuels. Elle soutient qu'il se serait écoulé moins de 20 jours entre la remise d'un document pré-contractuel d'information et la signature du contrat de franchise par la concluante, que ledit document pré-contractuel d'information n'a pas attiré l'attention du futur franchisé sur les risques inhérents à la contestation de la conformité de son activité par rapport à la législation en vigueur et que certaines indications financières fournies, tel le coût des consommables, étaient erronées.

La cour constate cependant que la société All sens ne justifie pas de ses allégations par les pièces qu'elle communique aux débats et rappelle qu'il a ci-dessus été précisé que l'information donnée par la société la société Dépil'Tech sur l'interprétation qu'elle faisait des textes en vigueur n'exonérait pas les co-contractants de vérifier les textes applicables et de s'assurer en leur qualité de professionnels qu'ils ne commettaient pas d'actes illégaux en pratiquant sans médecin l'épilation par la technique de la lumière pulsée.

La société All Sens demande également la résolution de son contrat de franchise pour transmission d'un savoir illicite.

Pour les mêmes motifs que ci-dessus retenus pour le contrat de Madame X, la résiliation du contrat de franchise sera prononcée mais la société All Sens déboutée de sa demande indemnitaire formée à l'encontre de la société Depil'Tech.

Sur les autres demandes

Madame X, la société All Sens et la société Dépil'Tech qui succombent, seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Centre Laser a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge et notamment des frais de constats d'huissier, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement rendu entre les parties le 9 novembre 2016 par le Tribunal de commerce de Lyon, Statuant à nouveau, Condamne in solidum Madame X et la société Dépil'Tech à verser à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 15 000 euros au titre de la concurrence déloyale commise, Condamne in solidum la société All Sens et la société Dépil'Tech à verser à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 15 000 euros au titre de la concurrence déloyale commise, Fait interdiction à Madame X et à la société All Sens de pratiquer ou de faire pratiquer des actes d'épilation autres que ceux pratiqués à la pince à épiler ou à la cire par des personnes non autorisées à exercer la médecine en France, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans deux journaux aux frais in solidum de Madame X et de la société All Sens, dans deux journaux à tirage régional de la région de Lyon dans la limite de 4 000 euros HT par insertion, Déboute la société Centre Laser Médical Lyon du surplus de ses demandes, Prononce la résiliation judiciaire du contrat de franchise conclu le 3 avril 2012 entre la société Depil'Tech et Madame X, Prononce la résiliation judiciaire du contrat de franchise conclu le 13 novembre 2012 entre la société Depil'Tech et la société All Sens, Déboute Madame X et la société All Sens de leurs demandes envers la société Centre Laser Médical Lyon et de leurs demandes incidentes de garantie et indemnitaires à l'encontre de la société Dépil'Tech, Condamne in solidum Madame X, la société All Sens et la société Dépil'Tech à payer à la société Centre Laser Médical Lyon la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour la procédure en première instance et en appel, Condamne in solidum Madame X, la société All Sens et la société Dépil'Tech aux entiers dépens de première instance et d'appel.