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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 3, 10 septembre 2018, n° 17-16328

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

L2B2 (SARL), Axa France Iard (SA), Compagnie d'assurances Régime Social Des Indépendants

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ralincourt

Conseillers :

Mmes Grillon, Rey

Avocats :

Mes Boizard, Abram, Ramage

TGI Paris, 29 juin 2017

29 juin 2017

La société L2B2 est spécialisée dans l'organisation événementielle. A l'occasion d'une opération intitulée " Thales ", programmée au mois d'octobre 2013 à Genneviliers (92), la société System Event, organisatrice de l'événement, a conclu avec la société L2B2 (assurée pour sa responsabilité civile par la société Axa) un contrat de prestations de services ayant pour objet la livraison, l'installation et la mise en fonctionnement de différents objets et structures gonflables, notamment des ballons dénommés "sky tubes" ou "fly tubes" et alimentés par des ventilateurs électriques brasseurs d'air.

A l'occasion de cette prestation, la société System Event a également eu recours aux services de la société And More Again, gérée par Christophe G., afin d'assurer une prestation de "coordination technique et logistique de l'événement".

Le 12/10/2013, Christophe G., né le 8/04/1965 et alors âgé de 48 ans, a manipulé un "sky tubes" et a été blessé par une pale d'hélice du ventilateur d'une structure gonflable, qui est entrée en contact avec son index droit.

Par jugement du 29/06/2017 (instance n° 15/01291), le Tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré recevable l'action de Christophe G. sur le fondement des anciens articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- rejeté l'intégralité de ses demandes à l'encontre des sociétés L2B2 et Axa France Iard,

- rejeté les demandes du RSI à l'encontre desdites sociétés,

- dit que le RSI supportera ses propres dépens,

- condamné Christophe G. au surplus des dépens.

Sur appel interjeté par déclaration du 11/08/2017, et selon dernières conclusions notifiées le 17/10/2017, il est demandé à la Cour par Christophe G. de :

- écarter des débats la pièce adverse n° 2, comme non probante,

- dire et juger, en application de l'article 1240 du Code civil, que la société L2B2 a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans la survenance du dommage survenu le 12/10/2013 sur la personne de l'appelant,

- subsidiairement, dire et juger, en application de l'article 1242 du Code civil, que la société L2B2 était la gardienne de la chose, instrument du dommage, survenu le 12/10/2013 sur la personne de l'appelant,

- à titre plus subsidiaire, dire et juger, en application des articles 1245 et suivants du Code civil, que la machine qui a causé un préjudice corporel, le 12/10/2013, à l'appelant, était défectueuse,

- en conséquence, dire et juger que la société L2B2 et son assureur sont pleinement responsables in solidum du dommage subi par Christophe G. le 12/10/2013,

- dire et juger que le droit à indemnisation de Christophe G. est entier,

- en conséquence, condamner in solidum les sociétés L2B2 et Axa à indemniser Christophe G. de son entier préjudice corporel qui sera déterminé par voie d'expertise médicale, avec intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation en vertu des articles 1231-6 et suivants du Code civil, et leur capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1231-7 et suivants du même Code pour les intérêts correspondant à des sommes dues depuis plus d'un an,

- en conséquence, désigner un expert en médecine avec mission habituelle en la matière, détaillée dans les conclusions,

- condamner in solidum les sociétés L2B2 et Axa à verser la consignation d'expertise qui sera fixée par la Cour et ce dans le délai également imposé par elle,

- en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés L2B2 et Axa à verser à Christophe G. les sommes de :

6 000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,

5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané de la décision à intervenir et en cas d'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en vertu de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la partie défenderesse et par l'article L. 111-8 du Code des procédures civiles d'exécution,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au RSI.

Selon dernières conclusions notifiées le 13/11/2017, il est demandé à la Cour par les sociétés L2B2 et Axa France Iard de :

- rejeter l'intégralité des demandes de Christophe G. et du RSI,

- confirmer le jugement dont appel,

- condamner Christophe G. à verser à la société L2B2 et à la société Axa une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le RSI d'Ile de France, auquel la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir que le décompte provisoirement arrêté au 3/03/2014 des prestations servies à Christophe G. ou pour son compte s'est élevé à la somme de 1 107,50 € à titre de frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation.

Motifs de l'arrêt

L'article 9 alinéas 1 et 3 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10/02/2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations dispose : les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.

En application de cette disposition transitoire, dès lors que l'assignation introductive de la première instance a été délivrée les 22 et 26/01/2015, les articles du Code civil visés ci après sont ceux dans leur rédaction antérieure à ladite ordonnance, applicables dans la présente instance d'appel.

1 - sur la pièce n° 2 produite par la société L2B2 (certificat de conformité de ventilateur)

Christophe G. demande le rejet de cette pièce en faisant valoir :

- que ledit certificat est en date du 9/06/2015, postérieur d'environ 20 mois par rapport à la date de l'accident, et ne prouverait donc pas la conformité de l'appareil qui a provoqué sa blessure,

- qu'en outre il ne serait pas établi que l'appareil certifié conforme aurait eu la même configuration, notamment en termes de protection, que celui qui l'a blessé en 2013.

Les sociétés L2B2 et Axa font valoir en réplique :

- que le certificat de conformité produit serait celui de l'appareil loué par L2B2 à System Event en octobre 2013,

- que ce certificat a été fourni par le fabricant du ventilateur,

- que, si cet appareil était conforme à la date du 9/06/2015, il l'aurait nécessairement été à la date de l'accident (12/10/2013) dès lors que les normes visées par le certificat seraient antérieures à 2013.

La demande de Christophe G. tendant à voir écarter des débats la pièce adverse n° 2 comme non probante doit être rejetée, dès lors que l'écart d'une pièce ne peut être fondé que sur son absence de communication en temps utile (article 135 du Code de procédure civile), non invoquée par

l'appelant, ou sur une production à titre de preuve non conforme à la loi (article 9 du même Code), Christophe G. n'invoquant pas l'illicéité de la production de la pièce adverse n° 2.

Le fait qu'une pièce produite soit jugée non probante n'induit pas son écart des débats, mais induit seulement son absence de prise en considération dans la motivation de la décision judiciaire.

2 - sur l'action de Christophe G. en responsabilité délictuelle de la société L2B2 pour faute (article 1382 du Code civil)

Christophe G. fait valoir :

- que, si l'hélice du ventilateur est entrée en contact avec son doigt, c'est que, nécessairement, elle n'aurait pas été protégée dans un caisson rigide, et que cette absence de protection serait fautive,

- qu'en outre, la présence d'une gaine en lycra noir opaque aurait masqué l'absence de caisson en bois pouvant protéger l'hélice du ventilateur,

- qu'ainsi, lorsque Christophe G. a saisi et soulevé l'appareil au niveau du cadre, son index droit se serait enfoncé dans la gaine en lycra noir opaque jusqu'à entrer en contact avec la partie inférieure de la pale d'hélice du ventilateur,

- que l'absence de production, par les intimées, du certificat de conformité de la machine en cause ferait présumer que cette dernière n'était pas conforme, ce qui constituerait également une faute,

- que les préposés de la société L2B2 n'auraient pas mis Christophe G. en garde sur la dangerosité du matériel,

- que, par ailleurs, aucune faute ne pourrait être reprochée à l'appelant dès lors :

que le contrat conclu entre les sociétés L2B2 et System Event n'aurait stipulé aucune interdiction faite à Christophe G. de manipuler les appareils loués par la société L2B2, ni une manipulation exclusive de ces appareils par les seuls techniciens de ladite société L2B2,

que Christophe G. aurait eu pour mission de manipuler les machines Sky Tubes puisque sa société AND MORE AGAIN était chargée par la société System Event de la coordination technique de l'événement "Thales".

Les sociétés L2B2 et Axa font valoir en réplique :

- en premier lieu, qu'en droit, dès lors que Christophe G. n'impute à la société L2B2 aucune faute distincte du défaut de sécurité du ventilateur en cause, il ne pourrait fonder son action que sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux , et non sur le régime de la responsabilité du fait personnel de droit commun,

- en deuxième lieu, que Christophe G. ne saurait reprocher à la société L2B2 un manquement à une obligation d'information sur le ventilateur en cause, dès lors qu'il n'aurait existé aucun lien contractuel entre la société L2B2 et la société And More Again de Christophe G.,

- qu'en troisième lieu et en tout état de cause, le ventilateur aurait été protégé par une grille de protection au dessus, et par une plaque de bois en dessous des pales, ainsi que par une virole en métal rigide sur le côté, laquelle virole aurait entouré l'hélice, de sorte que les pales de cette dernière auraient été parfaitement protégées,

que le schéma imaginaire dit "explicatif" produit par Christophe G. (sa pièce n° 22) serait contraire à la réalité,

qu'à l'endroit où Christophe G. prétend avoir posé ses mains selon ledit schéma, elles n'auraient pu être en contact qu'avec le moteur et non avec les pales de l'hélice,

que Christophe G. ne démontrerait pas en quoi la présence d'un caisson rigide en bois au niveau du moteur aurait permis d'éviter le dommage, puisque ce caisson, de même que le tissu en lycra noir, n'aurait caché que le moteur se situant en partie inférieure, et non l'hélice du ventilateur se trouvant en partie supérieure,

- qu'enfin, en quatrième lieu, Christophe G. ne prouverait pas l'existence d'un lien de causalité entre un prétendu défaut de sécurité de l'appareil et l'accident, puisqu'il n'expliquerait pas comment une pale d'hélice serait entrée en contact avec son doigt, malgré la structure protégeant ladite hélice.

En droit, selon la Cour de justice de l'Union européenne, la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25/07/1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux , ne laisse pas aux Etats membres la possibilité de maintenir un régime de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui que prévoit cette directive ; en l'état de l'arrêt du 25/04/2002, Gonzalez Sanchez (C-183/00), aux termes duquel la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive 85/374, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par la directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute.

Il s'en déduit que, ainsi que l'a relevé le Tribunal et que le font valoir les sociétés intimées, le demandeur en indemnisation ne peut se prévaloir d'un régime de responsabilité distinct du régime de responsabilité du fait des produits défectueux que s'il établit que le dommage subi résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit en cause.

En fait , en invoquant une absence ou insuffisance de protection des pales de l'hélice du ventilateur litigieux ("le fait que M. G. se soit blessé en manipulant normalement la machine en cause suffit à démontrer la dangerosité et la non conformité" - conclusions de l'appelant, 10ème et 11ème pages non numérotées) sur laquelle les préposés de la société L2B2 ne l'auraient pas mis en garde, Christophe G. invoque, à l'appui de son action en responsabilité pour faute, un défaut de la sécurité du produit litigieux à laquelle on peut légitimement s'attendre au sens de l'article 1386-4 du Code civil, défaut de sécurité qui exclut l'applicabilité de l'article 1382 du Code civil.

Son action en responsabilité doit être rejetée en ce qu'elle est ainsi fondée.

3 - sur l'action subsidiaire de Christophe G. en responsabilité de la société L2B2 du fait des choses (article 1384 alinéa 1er du Code civil)

Christophe G. fait valoir :

- qu'en sa qualité de propriétaire du ventilateur litigieux, la société L2B2 en serait présumée gardienne,

- qu'en outre, le dommage serait dû à la structure du ventilateur, et que le propriétaire de la chose ayant causé le dommage en aurait la garde de structure,

- que le fait que Christophe G. ait également eu qualité pour manipuler ce ventilateur n'aurait pas induit un transfert de garde, dès lors qu'il ne suffirait pas que la chose instrument du dommage soit manipulée par un tiers pour qu'existe un transfert de garde,

- que le doigt de Christophe G. aurait été blessé par une pale de l'hélice qui aurait nécessairement été en rotation, et que, concernant la responsabilité du fait des choses en mouvement, leur rôle causal serait présumé,

- que les intimées ne pourraient se prévaloir d'aucun cas de force majeure exonératoire, ni d'aucune faute de la victime Christophe G., pour les motifs sus énoncés.

Les sociétés L2B2 et Axa font valoir en réplique :

- que la garde du ventilateur aurait été transférée à Christophe G. dès lors :

que ce dernier estime avoir eu qualité pour manipuler les machines sky tubes en sa qualité de coordinateur technique,

qu'il invoquerait son ignorance de la présence des deux techniciens de la société L2B2 le jour de l'accident, de sorte qu'en ayant manipulé le ventilateur il aurait nécessairement agi hors de la présence de ces techniciens et de sa propre initiative,

qu'il ne serait dès lors pas possible que ces deux techniciens de la société L2B2 aient eu la maîtrise des machines sky tubes,

qu'au contraire Christophe G. en aurait eu la maîtrise dès lors qu'il aurait possédé, au moment du dommage, les pouvoirs d'usage, de garde et de contrôle de la machine.

- que, dès lors que le dommage résulterait de la manière dont Christophe G. aurait utilisé la chose en ayant mis son doigt au contact des pales de l'hélice, il aurait été le gardien du comportement de la chose, et il ne pourrait invoquer la garde de structure,

- qu'enfin, le dommage ne serait survenu qu'en raison de la faute commise par Christophe G. qui n'aurait jamais dû toucher ou manipuler le matériel " sky tubes " de la société L2B2, encore moins lorsqu'il était branché sur le secteur et/ou en état de fonctionnement, puisque deux techniciens de la société L2B2 auraient été présents sur le site, et chargés de la maintenance dudit matériel.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt précité du 25/04/2002, Gonzalez Sanchez - C-183/00) que l'article 13 de la directive 85/374 (transposé à l'article 1386-18 du Code civil), doit être interprété en ce sens que les droits conférés par la législation d'un Etat membre aux victimes d'un dommage causé par un produit défectueux , au titre d'un régime général de responsabilité ayant le même fondement que celui mis en place par la directive, peuvent se trouver limités ou restreints à la suite de la transposition de celle ci dans l'ordre juridique interne dudit Etat.

L'action en responsabilité de droit commun du fait des choses fondée sur l'article 1384 alinéa 1er du Code civil impose à la victime de rapporter la preuve d'un dommage, du fait de la chose et du lien de causalité entre eux.

L'action en responsabilité du fait des produits défectueux impose à la victime, en vertu de l'article 1386-9 du même Code, de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Au sens de ce régime de responsabilité , en vertu de l'article 1386-4 alinéa 1er du même Code, un

produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

En l'occurrence, comme relevé supra, le fait de la chose instrument du dommage, invoqué par Christophe G., est constitué par un défaut de sécurité du ventilateur dont, selon le requérant, les pales d'hélice n'auraient pas été protégées.

L'action en responsabilité du fait de cet appareil dont un défaut de sécurité est allégué relève donc du régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux , exclusif du régime de responsabilité de droit commun du fait des choses.

L'action de Christophe G. en responsabilité doit être rejetée en ce qu'elle est ainsi fondée.

4 - sur l'action subsidiaire de Christophe G. en responsabilité de la société L2B2 du fait des produits défectueux (article 1386-1 et suivants du Code civil)

Christophe G. fait valoir que si, selon les intimés, il n'aurait pas dû toucher au ventilateur et si deux techniciens de la société L2B2 devaient s'en occuper, il s'en déduirait que soit l'appareil n'aurait pas été muni des protections indispensables, soit il aurait été défectueux , de sorte que la responsabilité de cette dernière serait engagée sur ce fondement.

Les sociétés L2B2 et Axa font valoir en réplique que l'action de Christophe G. ainsi fondée serait irrecevable au motif :

- qu'en droit, l'article 1386-16 du Code civil édicterait un délai préfix de forclusion décennale de la responsabilité du fait des produits défectueux , courant à compter de la mise en circulation du produit concerné,

- qu'en fait , il résulterait du certificat de conformité du ventilateur litigieux daté du 9/06/2015 que la date de production de cet appareil serait antérieure de plus de 10 ans.

4.1 - L'article 1386-16 du Code civil, invoqué par les intimées, dispose : sauf faute du producteur, la responsabilité de celui ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

Il incombe à celui qui oppose une fin de non recevoir de prouver que ses conditions d'application sont remplies.

Les intimées ne rapportent pas cette preuve dès lors qu'elles se fondent sur un certificat de garantie que leur a adressé le 9/06/2015 (après la délivrance de l'assignation introductive d'instance) le fabricant Ziehl Abegg concernant un ventilateur de modèle A400 4PL30 MXC040P04, référence 5001018065, et comportant la mention "hors garantie + 10 ans" faisant présumer que la date de mise en circulation du ventilateur référencé était antérieure au 9/06/2005, mais ne faisant pas présumer qu'elle était antérieure de plus de 10 ans par rapport à la date du fait dommageable invoqué par Christophe G. (12/10/2013).

La fin de non recevoir soulevée par les intimées est écartée, en confirmation du jugement dont appel.

4.2 - Sur le fond, l'article 1386-1 du Code civil, cité par les intimées, dispose : le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit , qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

L'article 1386-7 du même Code, cité par les intimées, dispose : si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit bailleur ou du loueur assimilable au crédit bailleur, ou

tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit , dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

Ainsi que l'énoncent les intimées dans leurs conclusions, il résulte de la combinaison des deux textes précités que ce n'est qu'à défaut d'identification du producteur que le vendeur, le loueur ou tout fournisseur professionnel devient responsable du défaut de sécurité du produit , et ce, dans les mêmes conditions que le producteur.

Christophe G. ne conteste pas que les ventilateurs installés par la société L2B2 le 12/10/2013 pour l'opération "Thales" étaient de marque Zielh Abegg, puisque, d'une part, il produit (pièce n° 21) une photographie de cet appareil extraite d'un site internet et s'y réfère en 7ème page (non numérotée) de ses conclusions, et que, d'autre part, il ne conteste pas la pièce n° 5 produite par les intimés, représentant le ventilateur Zielh Abegg A400 4PL30 MXC040P04.

A ce stade du raisonnement, en vertu de l'article 1386-1 précité du Code civil, la victime Christophe G. n'aurait pu agir qu'à l'encontre du producteur identifié Zielh Abegg, et non à l'encontre du loueur ou fournisseur L2B2 du produit prétendument défectueux .

Toutefois, Christophe G., qui se réfère aux trois photographies du matériel litigieux produites par les appelantes en pièces n° 1, fait valoir que "la machine sky tube ne comprend pas que les hélices (en réalité : l'hélice) mais également le caisson de protection en bois, la gaine en lycra".

Les photographies produites par les parties (pièce n° 21 de Christophe G. et n° 5 des intimées) font apparaître que le produit de la société Zielh Abegg est uniquement constitué par un moteur électrique sur l'arbre duquel est fixée une hélice à 4 pales, et sur lequel sont fixés trois bras espacés de manière égale à 120°, reliés à un cadre métallique circulaire (virole) entourant l'hélice, comportant trois plaques pour boulonnage de fixation du ventilateur sur un support.

Les photographies n° 1 produites par les intimées, non contestées par Christophe G., font apparaître que les appareils installés par la société L2B2 le 12/10/2013 pour l'opération "Thales" présentaient la configuration suivante :

- l'hélice du ventilateur Zielh Abegg, se trouvant à l'horizontale en partie supérieure, était recouverte par une grille métallique de protection ;

- elle était entourée par une plaque métallique verticale circulaire de protection, d'une hauteur pouvant être évaluée à environ 15 centimètres, joignant exactement la circonférence de la grille de protection ;

- le ventilateur était installé sur un support cubique dont la structure n'est pas déterminable puisque cette dernière était recouverte d'un textile noir de type lycra.

En l'état de ces éléments, il ne peut être déterminé :

- si ledit support cubique comportait quatre parois verticales rigides susceptibles de faire obstacle à toute introduction d'objet (outil, main...) à l'intérieur du support et en sous face du ventilateur,

- et si ce support cubique comportait, ou non, une paroi horizontale en sa partie supérieure, propre à assurer la protection hermétique de l'hélice, assurée latéralement par la plaque métallique circulaire précitée, et, en partie supérieure, par la grille métallique précitée.

Par ailleurs, il résulte des éléments qui précèdent que les matériels installés le 12/10/2013 par la société L2B2 étaient composites, puisque le ventilateur était de fabrication Zielh Abegg et que le support provenait d'une autre fabrication, pouvant avoir été assurée par la société L2B2 elle même.

Au sens de l'article 1386-6 alinéa 1er du Code civil, est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'une partie composante.

En vertu du dernier alinéa de l'article 1386-11 du même Code, le producteur de la partie composante n'est pas responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit .

Dès lors que les parties n'ont pas débattu de l'applicabilité éventuelle de ces textes et de leur portée, l'article 16 du Code de procédure civile impose la réouverture des débats afin de recueillir leurs observations.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 29/06/2017 en ce qu'il a : - déclaré recevable l'action de Christophe G. sur le fondement des anciens articles 1386-1 et suivants du Code civil, - rejeté les demandes formées par Christophe G. à l'encontre des sociétés L2B2 et Axa France Iard sur les fondements des anciens articles 1382 et 1384 alinéa 1er du Code civil, Dit n'y avoir lieu d'écarter la pièce n° 2 produite par les sociétés L2B2 et Axa France Iard, Avant dire droit sur le bien fondé de l'action en responsabilité fondée par Christophe G. sur les anciens articles 1386-1 et suivants du Code civil, Invite les parties à présenter, avant le 15/11/2018, leurs observations sur : - l'identification du fabricant du support cubique du ventilateur litigieux lui même produit par la société Zielh Abegg, - l'existence ou l'absence de parois rigides de ce support cubique, verticales et horizontale supérieure, - l'applicabilité ou l'inapplicabilité et, le cas échéant, la portée des articles 1386-6 alinéa 1er et 1386-11 dernier alinéa anciens du Code civil, A ces fins, ordonne la réouverture des débats à l'audience du lundi 10 décembre 2018 à 15 heures 30, Déclare le présent arrêt commun au Régime Social des Indépendants d'Ile de France, Réserve les dépens.