CA Grenoble, 1re ch. civ., 11 septembre 2018, n° 18-00347
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
M. Dusan
Défendeur :
Controle technique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Combes
Conseillers :
Mmes Jacob, Blatry
Avocats :
Mes Astier Perret, Colas, Balestas
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 21 janvier 2015, Monsieur Alexandre L. a acquis de Monsieur Dusan P. exerçant sous l'enseigne King, moyennant le prix de 3 900,00 , un véhicule d'occasion Ssangyong Rodius immatriculé CN 710 PQ.
Suite à une panne survenue le 6 février 2015 avec une estimation des travaux de reprise à la somme de 2 619,15 , Monsieur L. a, suivant actes d'huissier des 2 et 15 décembre 2015, fait citer Monsieur P. ainsi que la société Contrôle Technique 06, devant le Tribunal d'instance de Montélimar, en résolution de la vente sur le fondement des articles L. 211-5 et suivants du Code de la consommation.
Par jugement du 8 septembre 2016, cette juridiction a :
prononcé la résolution de la vente du 21 janvier 2015, condamné Monsieur P. à payer à Monsieur L. la somme de 3 900,00 au titre de la restitution du prix de vente,
dit que Monsieur L. devra restituer le véhicule à Monsieur P., ce dernier assumant les frais de la restitution,
condamné Monsieur P. à payer à Monsieur L. la somme de 270,00 au titre de son préjudice matériel, outre une indemnité de procédure de 600,00 ,
rejeté les demandes à l'encontre de la société Contrôle Technique 06, condamné Monsieur P. aux dépens de l'instance.
Suivant déclaration en date du 11 avril 2017, Monsieur P. a relevé appel de cette décision.
Au dernier état de ses écritures en date du 11 mai 2018, Monsieur P. demande de :
1) à titre principal, débouter Monsieur L. en l'absence de preuve de l'antériorité des dommages,
2) subsidiairement :
condamner la société Contrôle Technique 06 à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,
dire qu'en cas de condamnation in solidum avec la société Contrôle technique 06, sa part de responsabilité ne saurait excéder 20%,
3) en tout état de cause, condamner Monsieur L. à lui payer la somme de 1 500,00 d'indemnité de procédure.
Il fait valoir que :
il n'a pas à prouver que les défauts constatés après la vente n'existaient pas lorsqu'il a vendu le véhicule puisque Monsieur L., lui-même, produit le contrôle technique permettant la vente sans contre visite,
le prix était bien plus bas que la côte Argus en raison du kilométrage élevé, l'expertise est partiale et non contradictoire, l'expert était mandaté pour assister Monsieur L., l'expert s'est substitué au juge pour dire le droit.
Par conclusions récapitulatives du 14 février 2018, Monsieur L. sollicite :
1) à titre principal, la confirmation du jugement déféré, sauf sur le rejet de la demande au titre du gardiennage qu'il formule à 100,00 par mois à compter du 6 février 2015 et de dire qu'il appartiendra à Monsieur P. de reprendre le véhicule à son domicile après règlement intégral des condamnations,
2) subsidiairement, la résolution du contrat et la condamnation de Monsieur P. aux mêmes sommes mais sur le fondement de l'article 1641 du Code civil,
3) en tout état de cause, la condamnation in solidum de Monsieur P. et de la société Contrôle Technique 06 à lui payer des dommages intérêts de 3 900,00 outre 270,00 en réparation du préjudice consistant en la perte de chance de ne pas acquérir le véhicule, ainsi qu'une indemnité de procédure de 2 500,00 .
Il expose que :
du fait de la panne, 16 jours après l'acquisition et sur le fondement des articles L. 211-5 et suivants du Code de la consommation, il lui incombe de prouver le défaut de conformité alors que le vendeur doit démontrer que ce vice n'était pas antérieur à la vente,
il justifie de la casse de la rotule, de la nécessité de changement des 2 rotules, des roulements et des amortisseurs,
Monsieur P., régulièrement convoqué aux opérations d'expertise, s'est abstenu d'y participer,
il a dû exposer divers frais de remorquage pour 120,00 et de gardiennage pour 150,00 , il subit également un préjudice de jouissance étant dans l'incapacité d'user du véhicule, à titre subsidiaire, la responsabilité de Monsieur P. sera recherchée au titre de la garantie des vices cachés, le contrôle technique n'a pas été effectué de façon satisfaisante, certains défauts n'ayant pas été indiqués,
en manquant à ses obligations , le centre de contrôle technique lui a fait perdre une chance de renoncer à cette acquisition.
En dernier lieu, le 21 février 2018, la société Contrôle Technique 06 conclut au rejet des prétentions tant de Monsieur L. que de Monsieur P., à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Monsieur P. à lui payer une indemnité de procédure de 2 000,00 .
Il explique que :
Monsieur P. est un professionnel de l'automobile, présumé connaître les vices du véhicule, Monsieur L. a contracté sans avoir en sa possession le procès-verbal de contrôle technique, cette faute d'imprudence ne lui est pas imputable et aucune perte de chance n'est rapportée, le véhicule a effectué 2 094 kilomètres entre le contrôle technique et la vente, aucune faute n'est démontrée.
La clôture de la procédure est intervenue le 5 juin 2018.
SUR CE
1/ sur les demandes de Monsieur L.
sur la résolution de la vente
Il est établi que le véhicule de Monsieur L. est tombé en panne 16 jours après son acquisition.
Il ressort de la fiche d'intervention de remorquage de la SAS GPP que la rotule pivot du véhicule était cassée.
Le garage Midena a confirmé cette panne et estimé les travaux de réparation à la somme de 2 619,15 , étant rappelé que le véhicule a été acquis pour la somme de 3 900,00 .
Le rapport d'expertise amiable, aux opérations desquelles Monsieur P. a été régulièrement convoqué, relève, notamment : un jeu anormal de la rotule inférieure avant gauche, un jeu important des deux roulements de roues arrière, des détériorations très importantes des boucliers avant et arrière.
L'expert conclut au caractère de dangerosité du véhicule, qui aurait dû inquiéter le vendeur professionnel.
Par application de l'article L. 211-4 du Code de la consommation, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existants lors de la délivrance.
Au regard de l'article L. 211-5 de ce code, la conformité de la chose s'apprécie par rapport à l'usage qui en est attendu, à savoir, s'agissant d'un véhicule automobile, la capacité à rouler et à transporter.
Dès lors, Monsieur L. établit que le bien litigieux n'est pas conforme à son utilisation, lorsque 16 jours après son acquisition, il n'est plus en mesure de rouler et qu'il convient, pour parvenir à cet objectif, d'engager des réparations importantes d'un montant de 67% du prix d'acquisition.
Aux termes de l'article L. 211-7, les défauts de conformité, qui apparaissent dans le délai de six mois à partir de la délivrance, sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
En l'espèce, au regard de la survenance de ce défaut de conformité dans le délai de six mois, Monsieur L. est bien fondé à se prévaloir de la présomption d'existence de ce défaut au moment de la vente et il appartient à Monsieur P. d'en rapporter la preuve contraire.
A cet égard, Monsieur P. ne produit aucun élément.
Par voie de conséquence, Monsieur L. est bien fondé à se prévaloir d'un défaut de conformité préexistant à la vente du 21 janvier 2015.
Suivant l'article L. 211-9, en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation ou le remplacement.
L'article L. 211-10 précise que si la solution demandée, proposée ou convenue en application de L 211-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur, celui-ci peut, soit rendre le bien et se faire restituer le prix, ou, garder le bien et se faire rendre partie du prix.
En l'espèce, Monsieur L. démontre avoir sollicité, par lettre avec accusé de réception du 9 février 2015, la réparation du véhicule, puis avoir obtenu l'instauration d'une expertise amiable à laquelle Monsieur P. a refusé d'assister, ce dernier n'ayant pas davantage répondu au courrier du 18 mai 2015 que lui a envoyé l'assureur Crédit Mutuel.
Dès lors, en l'absence de toute réaction de la part de Monsieur P. à la demande en réparation de Monsieur L. dans le délai légal d'un mois de l'article L. 211-10 du Code de la consommation, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la résolution de la vente.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point et sur la condamnation de Monsieur P. à restituer à Monsieur L. la somme de 3 900,00 au titre du prix.
En revanche, la décision entreprise sera infirmée sur les modalités de reprise du véhicule, celui-ci devant être récupéré par Monsieur P. au domicile de Monsieur L. après règlement de l'intégralité des sommes auxquelles il aura été condamné.
sur la réparation des préjudices de Monsieur L.
1) au titre des frais de dépannage
Ces frais étant justifiés pour la somme de 120,00 , le jugement déféré, qui condamne Monsieur P. au paiement de cette somme, sera confirmé.
2) au titre du préjudice de jouissance
Il est incontestable que Monsieur L. est privé de la jouissance de son véhicule du fait de la panne qui l'affecte et du refus de Monsieur P. de le réparer.
Ainsi, c'est à tort que le tribunal a débouté Monsieur L. de cette demande.
Le jugement déféré sera infirmé et Monsieur P. sera condamné à payer à Monsieur L. la somme de 7,00 par jour, depuis la panne du 6 février 2015 jusqu'à la date de la restitution du prix de vente.
3) sur les frais de gardiennage
Les frais de gardiennage étant justifiés pour la somme de 150,00 , c'est à juste titre que le tribunal a fait droit à cette demande.
4) sur les dommages intérêts du fait de la perte de chance de ne pas acquérir
De première part, cette demande est mal formulée laissant penser à une demande supplémentaire de condamnation de Monsieur P. sur la base du prix d'acquisition, des frais de dépannage et de gardiennage in solidum avec la société Contrôle Technique 06.
Par ailleurs, s'il ressort du rapport d'expertise amiable que le contrôle technique a été réalisé avec un manque de rigueur manifeste, la société Contrôle Technique 06 n'ayant pas été appelée à ces opérations, ces conclusions ne peuvent lui être opposées.
De surcroît, Monsieur L., ayant acquis le véhicule litigieux sans être en possession du contrôle technique réalisé le 2 janvier 2015, ne peut prétendre que l'éventuelle défaillance du centre de contrôle ait concouru à sa décision d'acquérir et ne peut, dès lors, exciper aucune perte de chance.
Monsieur L. a été, à juste titre, débouté de ce chef.
2/ sur la demande en garantie de Monsieur P. à l'encontre du centre de contrôle technique
Monsieur P., qui produit aux débats, un extrait de la situation de sa société King, l'argus du véhicule, les déclarations de cession et de carte grise, le PV de contrôle technique, outre une décision de la cour de cassation, ne démontre aucune faute à l'encontre de la société Contrôle Technique 06.
Par ailleurs, Monsieur P., professionnel, est réputé connaître les vices du véhicule et ne peut faire supporter ses défaillances à un autre professionnel.
C'est à bon droit qu'il a été débouté de sa demande de garantie.
3/ sur les mesures accessoires
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au seul bénéfice de L. .
Enfin, Monsieur P. les dépens de la procédure d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré sauf sur les modalités de restitution du véhicule et sur rejet de la demande de Monsieur Alexandre L. au titre de son préjudice de jouissance, Statuant à nouveau sur ces points, Dit que Monsieur Dusan P. exerçant sous l'enseigne King devra reprendre possession du véhicule immatriculé CN 710 PQ au domicile de Monsieur Alexandre L., à ses frais, et après avoir réglé l'intégralité des condamnations auxquelles il a été condamnées, Condamne Monsieur Dusan P. exerçant sous l'enseigne King à payer à Monsieur Alexandre L. la somme de 7,00 par jour à compter du 6 février 2015 jusqu'à la date de reprise du véhicule litigieux en réparation du préjudice de jouissance, Y ajoutant, Condamne Monsieur Dusan P. exerçant sous l'enseigne King à payer à Monsieur Alexandre L. la somme de 2 000,00 par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes à ce titre, Condamne Dusan P. exerçant sous l'enseigne King aux dépens de la procédure d'appel. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.