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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 21 septembre 2018, n° 18-05679

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Assmann Telecom (SAS)

Défendeur :

Atis Uher (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Ingold, Placktor, Boccon Gibod, Kuckenburg

T. com. Paris, du 6 mars 2018

6 mars 2018

La SAS Assman Telecom distribuait des produits d'enregistrement de communications téléphoniques fabriqués par la société de droit suisse Atis Uher SA (société Atis), initialement selon " contrat du concessionnaire " du 15 mars 2007, d'une durée de 5 ans, qui n'a pas été renouvelée, les relations d'affaires se poursuivant cependant entre les parties jusqu'en 2015. Par lettre recommandée AR du 13 février 2015 (reçue le 16 février suivant) la société Atis, invoquant notamment la " violation intentionnelle et répétée des obligations contractuelles et légales en relation avec les produits ", a notifié à la société Assman Telecom la cessation immédiate de la collaboration.

Le 29 décembre 2015, invoquant pour sa part une ancienneté de 18 années de relations, initialement commencées en 1997 avec la société Groupe Assmann, puis poursuivies avec la société Assman Telecom à partir de sa création en 2006 en ayant recueilli le fonds de commerce de la société Groupe Assmann, la société Assman Telecom (ci-après société Assmann) a attrait la société Atis devant le Tribunal de commerce de Paris en vue de la faire condamner à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 877 000 euros, en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale sans préavis, 2 600 000 euros, en réparation du dommage résultant du caractère abusif de la rupture fondée sur des griefs non démontrés, outre l'indemnisation des frais irrépétibles à hauteur d'une somme de 20 000 euros.

Avant toute défense au fond, invoquant :

d'une part, la clause compromissoire insérée à l'article 8 du contrat du 15 mars 2007, d'autre part, une clause compromissoire comparable insérée dans ses conditions générales de vente auxquelles ont fait référence tous les documents contractuels de vente échangés entre les parties,

la société Atis a décliné la compétence du tribunal de commerce en lui demandant d'inviter la société Assmann à mieux se pourvoir, tout en requérant aussi l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur d'une somme de 25 000 euros.

Par jugement contradictoire du 6 mars 2018, le tribunal s'est déclaré incompétent en invitant la société Assmann à mieux se pourvoir et en la condamnant à verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les premiers juges ont écarté l'application de la clause compromissoire contenue dans le contrat qui était échu, mais ont retenu la clause compromissoire visée aux Conditions Générales de Vente de 2008, mise à jour en 2014.

La société Assmann a interjeté appel le 21 mars 2018 et, par ordonnance du 7 mai suivant, a été autorisée à assigner son adversaire à jour fixe.

Vu les dernières écritures télé-transmises le 21 mars 2018, par la société Assmann appelante, réclamant la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement et l'adjudication de ses demandes formulées dans l'acte introductif d'instance du 29 décembre 2015 en faisant essentiellement valoir que les conventions d'arbitrage alléguées par la société Atis sont " manifestement " inapplicables ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 5 juin 2018, par la société Atis intimée, réclamant la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement, tout en reprenant la totalité de ses moyens soutenus en première instance, dont notamment l'applicabilité de la clause d'arbitrage contenu dans le contrat, nonobstant et indépendamment de la fin de celui-ci ;

Sur ce,

Considérant que lors de l'organisation de leurs relations à partir du 15 mars 2007, les parties ont inséré dans leur contrat une clause compromissoire stipulant que tout différend sera tranché par un ou plusieurs arbitres désignés conformément au Règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (International Chamber of Commerce -ICC-) ;

Qu'en invoquant des relations établies depuis 18 ans, en ce compris celles qui se sont déroulées directement sous l'empire du contrat du concessionnaire du 15 mars 2007, la demande d'indemnisation de la brutalité alléguée de la rupture est aussi en rapport avec ce contrat ;

Que, nonobstant l'expiration le 14 mars 2012, du contrat quinquennal de concessionnaire, qui n'a pas été renouvelé, il n'est pas contesté que les parties ont continué leur relations jusqu'en février 2015, la société Assmann continuant de diffuser en France les produits d'enregistrement fabriqués par la société suisse Atis ;

Qu'il résulte de l'article 1447 du Code de procédure civile (également applicable à l'arbitrage international par renvoi de l'article 1506 du même code), que la clause d'arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte de sorte qu'il résulte du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat dans lequel elle s'insère, que ladite clause d'arbitrage n'est pas affectée notamment par la caducité, la résolution ou l'arrivée du terme du contrat qui la contient ;

Que la connaissance des litiges ainsi réservée à la formation arbitrale constitue une règle déterminant la compétence d'attribution de la juridiction qui doit en être saisie, de sorte que la demande d'indemnité de la société Assmann fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce doit être soumise à la formation arbitrale, nonobstant les dispositions de l'article D. 442-3 du même code, qui a seulement pour objet de déterminer la juridiction territorialement compétente lorsque le litige relève des juridictions étatiques françaises au titre de la compétence d'attribution ;

Que c'est dès lors, à juste titre que la société Atis revendique l'application de la clause d'arbitrage pour trancher le litige l'opposant à la société Assmann, étant observé que cette dernière ne rapporte pas la démonstration, qui lui incombe, du caractère prétendument manifestement inapplicable qu'elle allègue de la clause d'arbitrage ;

Qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé par substitution partielle de motifs ;

Que succombant dans son recours, la société Assmann ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel mais qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la société Atis la charge définitive de la totalité des frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR et ceux non contraires des premiers juges, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la SAS Assman Telecom aux dépens d'appel et à verser à la société de droit suisse Atis Uher SA la somme complémentaire de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, Admet la Selarl Lexavoué Paris-Versailles (représentée par Maître Matthieu Boccon-Gibod), avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.