Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 20 septembre 2018, n° 17-14810

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Saint Herblain Automobiles (SAS), Réseaux Impulxion (SAS)

Défendeur :

Hyundai Motor Company (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevalier

Conseillers :

Mmes Bodard-Hermant, Dellelis

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Bertin, Le Luherne, Armingaud, Roche

TGI Paris, prés., du 6 juill. 2017

6 juillet 2017

La société de droit coréen Hyundai Motor Company est l'un des leaders mondiaux de l'industrie automobile. Elle est titulaire de marques verbales et figuratives françaises, européennes et internationales. Elle expose disposer d'un réseau de distribution sélectif de ses produits dans l'Espace économique européen et la Suisse et assurer leur distribution en dehors de cet espace au moyen de contrats en vertu desquels les véhicules sous marques ne peuvent être vendus que sur un territoire déterminé.

La SA Saint-Herblain Automobiles est une société française spécialisée dans la vente de véhicules récents et d'occasion aux particuliers et aux professionnels. Elle dispose d'un réseau de distributeurs exploités par la SAS Réseaux Impulxion sous les labels " Distinxion " et " 0 km ". Elle expose s'approvisionner depuis plusieurs années auprès notamment de deux sociétés belges, Quadriga et Cargonnex, qui lui vendent des véhicules de toutes marques, en particulier Hyundai.

Le 7 septembre 2016, la société Hyundai Motor Company a présenté cinq requêtes au président du Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des articles L. 716-6, L. 713-2, L. 716-9 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle visant à obtenir, d'une part, qu'il soit fait interdiction aux sociétés Saint Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion de vendre des véhicules sous ses marques non destinés au marché de l'Union européenne et d'autre part, l'autorisation de faire procéder par huissier à des mesures de saisies-contrefaçon au siège de la SA Saint Herblain Automobiles, dans trois établissements secondaires de celle-ci ainsi qu'au siège de la SAS Réseaux Impulxion. Par cinq ordonnances rendues le 7 septembre 2016, le président du Tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes d'interdiction mais a autorisé les saisies-contrefaçon dans les cinq sites cités dans les requêtes, soit au siège social de la société Saint-Herblain Automobiles <adresse> (44800), dans les établissements secondaires de celle-ci à Bruges (335620), Maubec (38300), Coignières (78310) et au siège de la société Réseaux Impulsion <adresse>.

Les ordonnances ont ainsi :

- autorisé l'huissier à faire une description détaillée des véhicules contrefaisants et de l'ensemble des véhicules Hyundai présents, en ce inclus une description par écrit et des photographies (ou, si nécessaire, des descriptions par tous moyens supplémentaires, tels que le dessin, le film vidéo, la capture d'écran, etc.) de leur présentation, ainsi que de tous signes et dénominations imprimés sur les véhicules contrefaisants et de l'ensemble des véhicules Hyundai présents et notamment leurs numéros VIN respectifs ;

- autorisé l'huissier à réaliser la copie, que ce soit par la description à l'écrit, par des photographies, des photocopies, ou tout autre moyens de reproduction (en ce inclus les outils informatiques tels que la clé USB ou un disque dur externe) de tous documents ou traces écrites techniques, comptables ou commerciales tels que les ordres de service, les plans, les notes techniques, les manuels d'instruction, les registres, les contrats, les catalogues, les prospectus, la correspondance, les livres, les factures et les documents douaniers liés aux véhicules contrefaisants et de l'ensemble des véhicules Hyundai présents ainsi que tous documents (sur tous supports, en ce inclus les ordinateurs) sur lesquels il peut être fait référence au produit objet de la contestation et pouvant révéler l'origine, la destination, la quantité (vendue ou en stock), ainsi que le prix de revente des véhicules contrefaisants et de l'ensemble des véhicules Hyundai présents et l'identité de leur fournisseur. Une copie de chaque document sera délivrée au greffe du tribunal ainsi qu'à la société Hyundai Motor Company ;

- autorisé l'huissier à faire la description détaillée de tous les véhicules contrefaisants et de l'ensemble des véhicules Hyundai présents en ce inclus une description écrite et des photographies (ou, si nécessaire, une description par tous moyens supplémentaires tels que le dessin, le film vidéo, la capture d'écran, etc.) de leur présentation, ainsi que de tous les signes et dénominations imprimés sur les véhicules contrefaisants et de l'ensemble des véhicules Hyundai présents, en particulier leur numéro Vin respectif ;

en toutes hypothèses,

- autorisé l'huissier à enregistrer tous les mots prononcés au cours des opérations qui sont nécessaires à l'exécution de leurs missions et à rédiger un rapport écrit rassemblant toutes les informations collectées ;

- autorisé l'huissier, en l'absence de produits contrefaisants sur les lieux, à poursuivre les opérations ;

- autorisé l'huissier à effectuer toutes investigations supplémentaires ainsi que les recherches pertinentes afin de découvrir la nature, l'origine, l'étendue et la durée de la contrefaçon ;

- autorisé l'huissier à compulser et parapher ne varietur sur tous les documents liés aux contrefaçons trouvées sur les lieux ;

- autorisé les huissiers à être assistés par un expert ou un consultant en droit de la propriété industrielle et/ou un photographe choisi par la requérante ;

- ordonné aux huissiers de rédiger un rapport des saisies et descriptions faites, qui devra inclure les documents saisis ou leurs copies en annexe et à en remettre une copie a Hyundai Motor Company ;

- ordonné aux huissiers d'exécuter les opérations de saisie dans un délai de deux mois, à défaut de laquelle l'ordonnance serait considérée comme nulle.

Par actes des 27 janvier et 13 avril 2017, les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseau Impulxion ont fait assigner la société Hyundai Motor Company devant le président du Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la rétractation des ordonnances rendues le 7 septembre 2016. Par ordonnances contradictoires rendues le 6 juillet 2017, le président du Tribunal de grande instance de Paris a :

- dit irrecevables les demandes de nullité des ordonnances rendues sur requêtes le 7 septembre 2016 et des opérations exécutées en vertu de celles-ci ;

- dit recevable mais mal fondée la demande de rétractation des ordonnances du 7 septembre 2016 ;

- débouté les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion de leurs demandes d'interdiction, de restitution, de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamnation au titre des frais irrépétibles et d'amende civile ;

- condamné les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion à payer la somme de 500 euros à la société Hyundai Motor Company sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par déclarations en date du 21 juillet 2017, les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion ont fait appel de ces ordonnances.

Ces appels ont été enregistrés sous les numéros 17/14810, 17/14812, 17/14871, 17/14874 et 17/14885.

Ils ont été fixés à l'audience du 22 mars 2018 et la clôture de l'instruction des affaires au 7 mars 2018.

En raison de mouvements sociaux à la Cour de Paris le 22 mars 2018, les cinq dossiers ont été renvoyés à l'audience du 28 juin 2018 mais la clôture a été maintenue au 7 mars 2018. Au terme de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 22 décembre 2017, identiques dans les cinq affaires précitées, les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion ont demandé à la cour, sur le fondement des articles 12, 496 et 497 du Code de procédure civile, L. 716-1, L. 716-4, L. 716-6 et R. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, et de la directive n° 2007/46/CE du 5 septembre 2007 du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, de :

- infirmer en toutes leurs dispositions les ordonnances déférées du 6 juillet 2017 ;

Statuant à nouveau,

- rétracter les cinq ordonnances rendues le 7 septembre 2016 par le président du Tribunal de grande instance de Paris dans les affaires 16/3105, 16/3106, 16/3104, 16/3107 et 16/3103 ;

- interdire à la société de droit coréen Hyundai Motor Company de faire quelqu'usage que ce soit des constats d'huissier effectués en exécution des ordonnances rétractées ainsi que de toutes les pièces et informations contenues dans ces constats ou appréhendées à l'occasion de l'exécution desdites ordonnances, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

- se réserver la liquidation de cette astreinte ;

- ordonner la restitution immédiate de l'ensemble des pièces saisies dans les locaux des sociétés, que ces pièces saisies soient en possession des huissiers instrumentaires, des conseils de la société Hyundai Motor Company, de cette dernière ou de toute entité/filiale de la société Hyundai Motor Company ;

- assortir cette interdiction d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard passée la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société Hyundai Motor Company à leur verser à chacune la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la Hyundai Motor Company aux dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Grappotte Benetreau.

Les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion ont fait valoir en substance les éléments suivants :

- le juge des requêtes a ordonné des mesures relevant de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle alors qu'il était saisi de requêtes fondées exclusivement sur l'article L. 716-6 de ce Code ; il ne pouvait pas, sans requalifier la demande, ordonner de telles mesures sur le fondement de ce dernier texte et sans justifier de déroger au contradictoire, cela d'autant moins qu'elles ne sont que des intermédiaires des sociétés belges qui ont mis les véhicules en circulation dans l'EEE ;

- la société Hyundai Motor Company n'a pas apporté la moindre preuve d'une contrefaçon qui leur soit imputable, les pièces jointes à sa requête ne portant que sur un seul véhicule, ses droits de marque étant épuisés par la délivrance d'un certificat de conformité permettant la vente au sein de l'UE et elle ne justifie pas que l'activité de revente des concluantes soit illicite.

La société Hyundai Motor Company, par conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2018, a demandé à la cour, sur le fondement des articles 12, 494, 495 et 753 du Code de procédure civile, L. 716-6, L. 716-7 et L. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle et de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007 du Parlement européen et du Conseil, de :

- débouter les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion de toutes leurs réclamations ;

- confirmer les ordonnances du 7 juillet 2017 rendues par le président du Tribunal de grande instance de Paris en toutes leurs dispositions ;

- débouter les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion de leur demande de rétractation des ordonnances du président du Tribunal de grande instance de Paris du 7 septembre 2016 ;

en tout état de cause,

- condamner les sociétés Saint-Herblain Automobiles et Réseaux Impulxion, in solidum, à lui verser chacune 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Hyundai Motor Company a exposé en résumé ce qui suit :

- ses requêtes visaient à voir ordonner des mesures relevant, d'une part, de l'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle et d'autre part, de l'article L. 716-7 du même Code ; le juge était en droit d'autoriser les secondes sans être tenu de requalifier la demande ;

- ses requêtes sont conformes aux conditions requises par les articles 494 et 495 du Code de procédure civile et la jurisprudence requises car elles citent le titre de propriété intellectuelle justifiant la demande, les biens argués de contrefaçon et les atteintes alléguées ;

- la demande de mesures relevant de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle ne nécessite pas de justifier de déroger au contradictoire mais elle a fourni cette justification dans ses requêtes ;

- les appelantes qui procèdent elles-mêmes à la vente de véhicules contrefaisant peuvent faire l'objet de mesures prévues par l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle ;

- elle a fourni des commencements de preuve de la contrefaçon alléguée ;

- le certificat de conformité CE attribué aux véhicules sous marques ne démontre pas son consentement à leur mise en circulation dans le marché UE.

Sur ce, LA COUR

Les conclusions des parties étant identiques dans chacune des cinq affaires en examen, lesquelles ne diffèrent que par le lieu où les saisies-contrefaçon ont été autorisées, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des affaires 17/14812, 17/14871, 17/14874, 17/14885 avec l'affaire 17/14810.

L'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle est rédigé comme suit :

" Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.

Aux termes de l'article R. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, le délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 716-6 et imparti au demandeur pour se pourvoir au fond par la voie civile ou pénale, ou déposer une plainte auprès du procureur de la République, est de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter de la date de l'ordonnance.

L'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle énonce : " La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers.

La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants.

Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.

A défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. "

Cet article assure la transposition en droit français de l'article 7 de la directive n° 2004/48/CE qui dispose à son paragraphe 1 :

" Avant même l'engagement d'une action au fond, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, sur requête d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, au regard de l'atteinte alléguée, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée. De telles mesures peuvent inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d'échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s'y rapportant. Ces mesures sont prises, le cas échéant, sans que l'autre partie soit entendue, notamment lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire du droit ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve.

Dans les cas où les mesures de conservation des preuves sont adoptées sans que l'autre partie ait été entendue, les parties affectées en sont avisées, sans délai après l'exécution des mesures au plus tard. Une révision, y compris le droit d'être entendu, a lieu à la demande des parties affectées afin qu'il soit décidé, dans un délai raisonnable après la notification des mesures, si celles-ci sont modifiées, abrogées ou confirmées. "

Selon l'article R. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle, le délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 716-7 et imparti au demandeur pour se pourvoir au fond est de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description.

En vertu de l'article 496 du Code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. Selon l'article 497 du même Code, ce juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi.

Dans l'affaire en examen, les appelantes soutiennent que les requêtes de la société Hyundaï Motor Company ne sauraient permettre au juge d'ordonner des mesures de saisies-contrefaçon dès lors qu'elles ne visent pas l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle.

Cette argumentation ne saurait être retenue dès lors que les requêtes en examen, même si elles ne citent pas formellement cet article mais uniquement l'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle, demandent au président du Tribunal de grande instance de Paris, d'une part, d'ordonner l'interdiction de la vente de véhicules sous les marques Hyundaï par la société Saint Herblain Automobiles et la SAS Réseaux Impulxion et d'autres part, de l'autoriser à faire procéder à des mesures de saisies-contrefaçon relevant de l'article L. 716-7 du même Code et que ces dernières mesures relèvent aussi sans conteste de la compétence matérielle et territoriale de ce juge en vertu des articles R. 716-2 du Code de la propriété intellectuelle et R. 211-7 du Code de l'organisation judiciaire.

Le président du Tribunal de grande instance de Paris n'a donc pas commis d'excès de pouvoir, comme les appelantes l'indiquent dans leurs écritures, en autorisant les mesures de saisies-contrefaçon demandées.

En ce qui concerne, ensuite, le libellé des ordonnances rendues sur requête, il est constant que ces dernières sont rendues au visa des articles L. 716-1, L. 716-6 et R. 716-2 du Code de la propriété intellectuelle et que les mesures de saisies-contrefaçon autorisées le sont expressément sur le fondement de l'article L. 716-6 dudit Code.

Ainsi que le premier juge l'a indiqué dans les motifs des ordonnances attaquées du 6 juillet 2017, cette mention de l'article L. 716-6 procède d'une erreur matérielle, tant il est vrai que les ordonnances sur requête ont été rendues au moyen d'ordonnances prérédigées par la partie requérante que le juge des requêtes a modifiées de manière manuscrite en biffant les points de la mission qu'il ne souhaitait pas autoriser mais en omettant de modifier les textes au visa desquels elles devaient être rendues. Il revient donc à la cour de corriger cette erreur matérielle en application des articles 497 et 462 du Code de procédure civile.

La mention de l'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle dans les ordonnance rendues par le président du Tribunal de grande instance de Paris le 7 septembre 2016 sera donc remplacée par l'article L. 716-7 du même Code.

Il s'ensuit que, les mesures ordonnées dans ces ordonnances l'étant sur le fondement de cet article, le moyen soulevé par les appelantes selon lequel elles ne pouvaient l'être sans que le juge des requêtes justifie la nécessité de déroger au principe du contradictoire est inopérant dans la mesure où l'article L. 716-7, précité, prévoit que les dites mesures sont ordonnées sur requête.

A cet égard, les appelantes ne soutiennent pas et aucun élément ne permet de penser que le législateur français, en présumant ainsi que seul l'effet de surprise permet de faire échec à la disparition d'éléments de preuve d'une contrefaçon, a contrevenu à la directive 204/48/CE, dont l'article 7 énonce que les Etats membres peuvent aussi prévoir que les mesures de saisies-contrefaçon sont ordonnées contradictoirement.

En vertu de l'article 494 du Code de procédure civile, la requête doit être motivée. Selon l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, peut obtenir des mesures prévues par cet article toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon. En outre, selon l'article 7 de la directive 2004/48/CE, en conformité duquel l'article L. 716-7, précité, doit être interprété, la requête destinée à l'obtention de ces mesures peut être présentée par une partie qui a produit des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente. Dans l'affaire en examen, la société Hyundai Motor Company a exposé dans ses requêtes et justifié dans les pièces jointes à celles-ci qu'elle était titulaire de marques verbales et figuratives internationales, de l'Union européenne et françaises, ce qui n'est pas contesté.

Elle a également fait valoir qu'elle avait constaté le 15 juillet 2016 dans les locaux de la société Saint Herblain Automobiles que plusieurs véhicules désignés par ses marques étaient proposés à la vente alors même que leur numéro d'identification dit numéro VIN (Véhicule Identification Number) indiquaient qu'ils n'étaient pas destinés au marché de l'Union européenne.

Elle a joint à sa requête les photographies d'un véhicule portant sa marque et de son numéro VIN, des documents et une attestation de l'un de ses salariés selon lesquels ce véhicule était destiné au marché macédonien et un constat d'huissier en date du 6 septembre 2016 duquel il ressort que, sur le site auto.fr de la SAS Réseaux Impulxion, de nombreux véhicules de marque Hyundai étaient proposés à la vente. Ainsi que la partie intimée le rappelle, la vente sous une marque enregistrée de produits authentiques par des vendeurs non autorisés constitue une contrefaçon dès lors que la première mise en circulation de ces produits sur le territoire de l'Union européenne n'a pas été autorisée par le titulaire de la marque.

Les éléments de preuve qui précèdent sont suffisants pour établir au stade de la requête qu'il était porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle, cela quand bien même il n'était produit que la photographie et les documents administratifs d'un seul véhicule.

De plus, les appelantes ne sauraient tirer argument du fait qu'elles auraient acquis ces véhicules auprès des sociétés belges Quadriga et Cargonnex alors qu'elles ne contestent pas que les automobiles de marques Hyundai sont mises en vente au sein de l'Union européenne par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélectif ni que ces deux sociétés n'en font pas partie. Les appelantes ne sauraient non plus soutenir avec succès que la protection conférée à la société Hyundai Motor Company par l'enregistrement de ses marques était épuisée en raison de l'attribution aux véhicules qu'elles proposent à la vente du certificat de conformité CE, établi en exécution de la directive 2007/46/CE.

En effet, cette attribution ne saurait faire la preuve certaine du consentement de la société Hyundai Motor Company à la commercialisation de ces véhicules au sein de l'Union européenne alors que cette directive, ainsi qu'il ressort de son article 1er, ' établit un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques à caractère général applicables à la réception de tous les véhicules neufs relevant de son champ d'application ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans la Communauté ".

Ladite directive ne concerne donc en rien le consentement du titulaire d'une marque à la mise en circulation de ses produits.

En outre, il ressort des pièces produites par l'intimé que le marquage CE facilite ou est requis par des pays tiers tels que Macédoine, la Serbie et la Bosnie pour l'immatriculation de véhicules par leur administration. Il s'ensuit que la circonstance que le constructeur, comme l'article 18 de la directive 2007/46/CE le prévoit, a délivré un certificat de conformité en sa qualité de détenteur d'une réception CE accompagnant chacun des véhicules proposés par les appelantes à la vente ne saurait faire la preuve de son consentement à la mise en vente de ces véhicules sur le territoire de l'Union européenne.

Au vu de ces considérations, les ordonnances attaquées doivent être confirmées en ce qu'elles ont dit recevables mais mal fondées les demandes de rétractation des ordonnances du 7 septembre 2016. Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du Code de procédure civile et fondée de l'article 696 du même Code. Les ordonnances attaquées doivent aussi être confirmées en ce qu'elles ont fait application de ces articles.

En cause d'appel, les appelantes, dont les recours sont rejetés, devront supporter les dépens, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.

L'équité commande de décharger la partie intimée des frais non répétibles qu'elle s'est trouvée contrainte d'exposer. Il lui sera alloué la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Ordonne la jonction des affaires 17/14812, 17/14871, 17/14874, 17/14885 avec l'affaire 17/14810 ; Dit que, dans les ordonnances sur requêtes rendues par le président du Tribunal de grande instance de Paris le 7 septembre 2016, la mention " L. 716-6 " sera remplacée par " L. 716-7 "; Confirme en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues le 6 juillet 2017 par le juge des requêtes du Tribunal de grande instance de Paris ; ajoutant à celles-ci, Condamne in solidum la SA Saint-Herblain Automobiles et la SAS Réseaux Impulxion aux dépens et à payer à la société Hyundai Motor Company la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.