CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 17 mai 2018, n° 2016-16621
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Umicore France (SAS) , Umicore(SA) (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Michel Amsellem
Conseillers :
MM. Cladiere, Mollard
Avocats :
Mes Teytaud Wellinger, Lazarus
La Cour,
Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16- D-14 du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment ;
Vu le recours en réformation formé le 4 août 2016 par les sociétés Umicore France et Umicore devant la cour d'appel de Paris, complété par son mémoire venant au soutien de son recours, déposé le 12 septembre 2016 ainsi que son mémoire en réplique et récapitulatif du 7 septembre 2017 ;
Vu les observations de l'Autorité de la concurrence déposées au greffe de la cour d'appel le 8 juin 2017 ;
Vu les observations du Ministre chargé de l'économie déposées au greffe de la cour d'appel le 8 juin 2017 ;
Vu l'avis du Ministère public du 16 octobre 2017, notifié aux parties le même jour ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 19 octobre 2017 le conseil des sociétés Umicore France et Umicore, qui a été mis en mesure de répliquer et eu la parole en dernier, les représentants de l'Autorité de la concurrence et du Ministre chargé de l'économie, ainsi que le Ministère public.
Faits et procédure
1. La société belge Umicore SA/NV est la société mère d'un groupe mondial de sociétés spécialisées dans la technologie des matériaux, notamment, les métaux précieux et le zinc. Ce groupe dispose d'une branche d'activité dédiée aux matériaux de performance, au sein de laquelle se trouve l'unité de production des produits de construction en zinc.
2. Cette société dispose d'une filiale en France, la société Umicore France, qui, en 2010, soit postérieurement aux pratiques reprochées dans le cadre de la présente affaire, a transféré la branche d'activité " produits de construction " à la société Umicore building products France (la société UBPF). À cette date, la société Umicore France est alors devenue une société holding détenant, notamment, les participations des filiales opérationnelles françaises.
3. Sur le marché des produits en zinc le groupe Umicore est essentiellement en concurrence avec un groupe allemand dénommé Rheinzink, lequel est leader mondial pour la fabrication de zinc titane destiné au bâtiment.
4. Les groupes Rheinzink et Umicore sont également façonniers sur le marché français. En effet, ils fabriquent des produits façonnés à partir de leur propre production de zinc laminé.
5. Les produits en zinc destinés à la construction sont essentiellement distribués par l'intermédiaire de négociants, répartis en trois catégories :
- les négociants généralistes, qui offrent l'ensemble des produits de construction et s'adressent aux entreprises générales du bâtiment. Leurs produits en zinc sont centrés sur le c'ur de gamme et représentent une part très faible de leur activité ;
- les négociants spécialisés dans les produits de sanitaire chauffage, qui s'adressent aux plombiers zingueurs dont la spécialité n'est pas la couverture des toits. Comme les négociants généralistes, leur offre se limite généralement au c'ur de gamme des produits en zinc ;
- les négociants spécialistes de la couverture, qui s'adressent aux couvreurs. Ils offrent des gammes de produits de construction en zinc très étendues et une expertise poussée. La commercialisation des produits en zinc représente une part importante de leur activité.
6. En 1993, la société Umicore France a mis en place un réseau de distributeurs composé de points de ventes qu'elle a agréés pour la vente des produits de sa marque " VM Zinc " (" VM " signifiant " Vieille Montagne ", appellation qui figurait dans la désignation de la société d'origine de la société Umicore) et qui sont dénommés " Centres VM Zinc ". Ces centres étaient sélectionnés sur la base de critères qualitatifs fixés dans un contrat de collaboration technique et commerciale. La société Umicore France avait pour politique de ne quasiment pas approvisionner directement les distributeurs n'ayant pas l'agrément VM Zinc, mais ne refusait néanmoins pas de le faire, s'ils en faisaient la demande, mais à des conditions moins favorables que celles accordées aux centres VM Zinc.
7. Les centres VM Zinc comprennent les distributeurs commercialisant les plus gros tonnages de produits en zinc. On y trouve :
- certains façonniers ;
- la plupart des distributeurs spécialisés en couverture ayant une activité importante dans la distribution de produits en zinc ;
- certains distributeurs généralistes ou spécialistes de sanitaire chauffage qui ont développé une activité importante de vente de produits de couverture en zinc.
8. Un grand nombre de ces centres VM Zinc sont exploités sous les enseignes Larivière et Asturienne, cette dernière regroupant, en outre, des entreprises appartenant au groupe de sociétés Point P Saint Gobain. Ces enseignes sont les deux principaux distributeurs de produits en zinc en France. Leur activité représente environ le tiers des volumes de vente des produits de construction en zinc sur le territoire national (respectivement 13 % et 19 % en 2012). Ces deux enseignes représentaient, en 2012, respectivement 20 et 36 % des ventes de la société Umicore France.
9. À la suite de la réception, en novembre 2010, d'un rapport administratif d'enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci après la DGCCRF), l'Autorité de la concurrence (ci après l'Autorité) s'est, par une décision du 17 janvier 2011, saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment.
10. À la suite de l'instruction, deux griefs d'entente sur les fondements des articles L. 421-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci après le TFUE), ainsi que deux griefs d'abus de position dominante sur les fondements des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, ont été notifiés, notamment, aux sociétés Umicore France, UBPF et Umicore, le 12 mars 2014, par les services d'instruction.
11. Il était reproché :
" 1. Aux sociétés Umicore France, UBPF et Umicore d'avoir :
- lié les centres VM Zinc par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc ;
- lié l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P Saint Gobain, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc ;
- lié l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P Saint Gobain, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc ;
- lié l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc.
Ces pratiques d'accords exclusifs, mises en œuvre de 1999 à ce jour, ont eu pour effet actuel et potentiel de fausser la concurrence sur le marché des produits de couverture en zinc et des produits EEP en zinc. Elles sont prohibées par l'article 101 du TFUE et par l'article L. 420-1 du code de commerce.
2. Aux sociétés Umicore France, UBPF et Umicore d'avoir :
- lié les centres VM Zinc par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc ;
- lié l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P Saint Gobain, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc ;
- lié l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P Saint Gobain, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc ;
- lié l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc.
Ces pratiques d'accords exclusifs, mises en œuvre de 1999 à ce jour, ont tendu à évincer les concurrents sur le marché des produits de couverture en zinc et des produits EEP en zinc. Elles sont prohibées par l'article 102 du TFUE et par l'article L. 420-2 du code de commerce.
3. Aux sociétés Umicore France, UBPF et Umicore d'avoir bloqué les importations par les distributeurs situés dans d'autres États membres de produits VM Zinc à destination de la France.
Ces pratiques, mises en œuvre de mai 2002 à février 2008, ont eu pour objet et pour effet de renforcer le cloisonnement territorial, afin de maintenir les différentiels de prix existant entre la France et les autres États membres. Elles sont prohibées par les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
4. Aux sociétés Umicore France, UBPF et Umicore d'avoir bloqué les importations par les distributeurs situés dans d'autres États membres de produits VM Zinc à destination de la France.
Ces pratiques, mises en œuvre de mai 2002 à février 2008, ont tendu à renforcer le cloisonnement territorial, afin de maintenir les différentiels de prix existant entre la France et les autres États membres. Elles sont prohibées par les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce".
12. Le 20 avril 2015, les rapporteures ont adressé leur rapport aux sociétés Umicore (ci après le rapport), qui y ont répondu par des observations.
13. À la suite de la séance qui s'est tenue le 31 mars 2016, l'Autorité a rendu sa décision le 23 juin 2016 qui est la décision attaquée et sera désignée comme telle.
14. L'Autorité a estimé que deux marchés pertinents étaient concernés : le premier portant sur les produits de couverture en zinc, le second sur les produits et accessoires servant à l'évacuation des eaux pluviales (les produits EEP) en zinc.
15. Sur ces deux marchés, l'Autorité a considéré que la société Umicore France détenait une position dominante en raison tant de sa part de marché très élevée, située loin devant celle de son premier concurrent, la société Rheinzink France, que d'un faisceau d'indices attestant de son pouvoir de marché envers ses distributeurs.
16. S'agissant des pratiques reprochées, d'une part, l'Autorité a dit qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure en ce qui concerne les pratiques visées par les griefs n° 1, 3 et 4.
17. D'autre part, concernant le grief n° 2, l'Autorité a tout d'abord relevé que les contrats conclus entre la société Umicore France et les centres VM Zinc, entre 1999 et 2003, contenaient des obligations explicites d'achat exclusifs, en ce que ces contrats prévoyaient que ces centres devaient assurer " la promotion des produits et des marques d'UMF [de la société Umicore France], à l'exclusion des produits et marques concurrentes ".
18. Elle a également constaté que, si cette clause avait été supprimée dans les contrats entrés en vigueur en janvier 2004, la société Umicore France avait continué à mettre en œuvre une politique commerciale tendant, dans les faits, à l'exclusivité. Sur ce point, elle a estimé que les dispositions du nouveau contrat avaient été interprétées par les parties au contrat et appliquées par la société Umicore France, qui s'est appuyée, notamment, sur un système de surveillance et de représailles, mis en œuvre à tout le moins jusqu'à la fin 2007, et sur des dispositions spécifiques aux grandes enseignes Asturienne et Larivière, comme une exclusivité à laquelle les distributeurs VM Zinc se sont conformés pour la plus grande part de leurs approvisionnements (décision attaquée, § 863).
19. Elle a considéré que ces pratiques, mises en œuvre par la société Umicore France et appliquées aux centres VM Zinc, y compris ceux appartenant aux enseignes Asturienne et Larivière, ont conduit à verrouiller l'accès des concurrents aux principaux distributeurs de produits de couverture en zinc et de produits EEP en zinc. Ces obligations d'exclusivité ont eu pour effet potentiel et réel de fausser la concurrence sur les marchés concernés (décision attaquée, § 893).
20. L'Autorité en a conclu que ces pratiques d'obligations d'achat exclusif liant les centres VM Zinc, les enseignes Asturienne et Point P du groupe Point P Saint Gobain, ainsi que l'enseigne Larivière du groupe SIG Larivière, ont tendu à évincer abusivement les concurrents du marché des produits de couverture en zinc et du marché des produits EEP en zinc et qu'elles étaient prohibées par l'article 102 du TFUE ainsi que par l'article L. 420-2 du code de commerce.
21. Appliquant les principes de calcul énoncés par son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci après le communiqué sanctions), l'Autorité a infligé solidairement à la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques objet du grief n° 2, et à la société Umicore SA/NV, en tant que société mère, une sanction pécuniaire d'un montant de 69 243 000 euros. Elle a par ailleurs ordonné la publication d'un texte résumant la décision attaquée dans les journaux, " Les Echos " et " Le Moniteur du bâtiment et des travaux publics ".
22. La société de droit belge Umicore et la société Umicore France qui est désormais la société holding (voir § 2) (ci après, ensemble, les sociétés Umicore) ont formé un recours unique contre cette décision.
23. Elles demandent à la cour :
à titre principal, de :
- dire et juger que la décision attaquée (et la procédure d'instruction l'ayant précédée) est viciée par l'illégalité du communiqué de procédure du 2 mars 2009, dont elle confirme l'application, est insuffisamment motivée, ne remédie pas au défaut d'impartialité ayant vicié la procédure, n'a pas respecté le principe de l'égalité des armes et a commis des erreurs manifestes d'appréciation ;
- dire et juger qu'il convient d'annuler la décision attaquée " par voie de conséquence " de la censure de cette décision par l'effet de l'arrêt à intervenir du Conseil d'État ;
- en conséquence, annuler la décision attaquée (et la procédure d'instruction l'ayant précédée) sur la base du bien fondé de l'ensemble (ou de l'un quelconque) des moyens (ou branches des moyens) n° 1, 2 et/ou 3 du présent recours ;
à titre subsidiaire, de :
- constater que la décision attaquée retient une définition erronée des marchés de produits pertinents pour les motifs développés au ( x) moyen ( s) n° 4, 5 et/ou 6 ;
- dire et juger que les erreurs commises dans la définition des marchés vicient l'ensemble des allégations de l'Autorité relatives à l'abus de position dominante dans le chef des sociétés Umicore France et Umicore ;
- en conséquence, annuler ou réformer la décision attaquée sur la base du bien fondé de l'ensemble (ou de l'un quelconque) des moyens (ou branches des moyens) n° 4, 5 et/ou 6 du présent recours ;
à titre infiniment subsidiaire, de :
- dire et juger que la décision attaquée est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation, d'un défaut de motivation et/ou méconnaît les règles et principes décrits sous l'ensemble (ou l'un quelconque) des moyens (ou branches des moyens) n°'7 à 14 ci dessus ;
- en conséquence :
- annuler la décision attaquée sur la base du bien fondé de l'ensemble (ou l'un quelconque) des moyens (ou branches des moyens) n° 7, 8, 9, 10, 11 du présent recours ;
- réformer la décision attaquée sur la base du bien fondé de l'ensemble (ou l'un quelconque) des moyens (ou branches des moyens) n° 8, 9, 10, 11, 12, 13 et/ou 14 du présent recours ;
en tout état de cause, de condamner l'Autorité de la concurrence aux entiers dépens et au paiement de la somme de 30 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
24. La cour examinera successivement les moyens concernant la procédure (I), le fond (II) et les sanctions (III).
25. Toutefois, les moyens critiquant le défaut de motivation de la décision attaquée, qui sont formulés à chaque stade de l'analyse de l'Autorité, bien qu'ils soient des moyens de procédure, seront examinés, pour faciliter la lecture, dans le cadre des moyens relatifs au fond et à la sanction, pour ce qui concerne ces parties de la décision attaquée.
26. En revanche, les moyens relatifs à la prescription, qui sont présentés dans le cadre des moyens relatifs au fond, seront traités dans la partie procédure.
I. SUR LA PROCÉDURE
A. Sur la prescription
27. Dans le cadre de leur défense au fond, les sociétés Umicore invoquent l'acquisition de deux types de prescription. La prescription quinquennale, prévue par l'article L. 462-7, alinéa 1er, du code de commerce, qui dispose que l'Autorité de la concurrence ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans (moyen 8) et la prescription décennale énoncée par l'article L. 462-7, alinéa 3, du code de commerce, selon lequel la prescription est acquise lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé, sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle ci (moyen 9).
1. Sur la prescription quinquennale
28. Les sociétés Umicore exposent que le juge des libertés et de la détention (le JLD) de Bobigny dans une ordonnance du 30 avril 2009, rendue dans le cadre du recours qu'elles ont formé contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées en février 2008, a considéré qu'" aucune poursuite ne peut être exercée pour des faits remontant à plus de cinq ans " et " qu'une saisie d'un document de plus de cinq ans concernerait nécessairement la saisie d'un document concernant des faits à les supposer reprochables, prescrits " (pièce n° 6 des sociétés Umicore).
29. Elles font valoir que selon les termes de cette ordonnance, les faits antérieurs au 10 avril 2002 sont prescrits. Or l'Autorité a, aux paragraphes 410 à 415 de la décision attaquée, refusé de considérer que cette ordonnance avait l'autorité de la chose jugée à son égard et décidé qu'elle ne lui était pas opposable.
30. Les sociétés Umicore font valoir qu'outre la violation de l'autorité de la chose jugée dont est revêtue l'ordonnance du 30 avril 2009, l'Autorité a, par ce refus, méconnu les articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (droit à un recours effectif), le principe de légalité (l'action de toute administration devant toujours être conforme aux traités et conventions internationales, ainsi qu'aux principes généraux du droit), le principe de séparation des pouvoirs (l'administration devant prêter son concours à l'exécution d'une décision juridictionnelle), l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif, enfin, les articles 2 et 4 de ladite Déclaration consacrant le droit au secret du domicile privé, au secret de la vie privée et au secret des correspondances.
31. Les requérantes exposent qu'une ordonnance rendue par le JLD en application des règles de procédure pénale, comme c'est le cas en l'espèce, revêt l'autorité absolue de la chose jugée. Elles indiquent que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 9 octobre 2001 (pourvoi n° 00-17. 007, Bull. 2001, IV, n° 161), expressément reconnu que l'autorité de la chose jugée s'applique aux décisions judiciaires constatant l'extinction de l'action publique, dont la prescription est l'une des causes, et que cette autorité de la chose jugée existe au regard tant du dispositif de l'ordonnance, que des motifs de celle ci nécessaires au soutien du dispositif.
32. Elles font encore valoir que la Cour de cassation a également reconnu l'autorité du pénal sur le civil et a confirmé, depuis un arrêt du 7 mars 1855, Quertier, que l'autorité de la chose jugée s'impose à la juridiction civile, quand bien même le jugement pénal, passé en force de chose jugée, comporterait une appréciation erronée. Selon elles, ce principe est applicable en l'espèce, puisque le JLD a conclu sur les mêmes faits que ceux sur lesquels l'Autorité a eu à se prononcer et qu'il a " définitivement, nécessairement et certainement " décidé que tous les faits sur lesquels l'Autorité a eu à statuer, qui étaient antérieurs au 10 avril 2002, étaient prescrits. Elles indiquent que l'autorité absolue de la chose jugée s'attache à sa décision et qu'il importe peu à cet égard, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, que ces faits n'aient fait l'objet d'aucune décision relative à la culpabilité ou à la relaxe des sociétés Umicore.
33. L'Autorité de la concurrence renvoie aux motifs de la décision attaquée par lesquels elle a rejeté le moyen (§ 400 à 415) et ajoute que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'autorité absolue de chose jugée est uniquement attachée aux décisions de juridictions de jugement telles que les tribunaux de police, les tribunaux correctionnels, les cours d'appel, lorsqu'ils ou elles se prononcent en matière correctionnelle, ou les cours d'assises qui statuent sur le fond de l'action publique, c'est-à- dire les condamnations, les relaxes ou les acquittements, et qui sont devenues définitives.
34. Le principe jurisprudentiel de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, invoqué en l'espèce par les requérantes, signifie que ce qui a été définitivement jugé par le juge pénal quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auquel le fait est imputé, s'impose au juge civil et a effet à l'égard de tous.
35. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'invoquent expressément les requérantes, " l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé " ( Voir Com. , 3 mai 2006, pourvoi n° 03-14. 171, Bull. 2006, IV, n° 105 ; 2ème Civ. , 4 juin 2009, pourvoi n° 08-11. 163, Bull. 2009, II, n° 140 ; 1ère Civ. , 22 octobre 2014, pourvoi n° 13-24. 32 ; Com. , 8 juin 2017, pourvoi n° 16-11. 110 ) et " les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé " (Voir Com. , 9 février 2010, pourvoi n° 09-10. 388).
36. Il s'en déduit que pour avoir autorité absolue de la chose jugée, il faut que la décision statue sur une action pénale. Or tel n'est pas le cas en l'espèce où le JLD a statué sur des opérations qui ne sont pas de nature pénale, effectuées à la demande du Ministre chargé de l'économie, lequel n'est pas chargé de poursuites pénales, et dans l'objectif de poursuivre des pratiques anticoncurrentielles, qui ne font pas l'objet d'une incrimination pénale.
37. Au surplus et à titre surabondant, si tant est que la décision du JLD puisse être qualifiée de décision pénale, celui ci, n'a, en tout état de cause, pas décidé que les pratiques antérieures à 2002 étaient prescrites.
38. En effet, l'ordonnance rendue le 30 octobre 2009 par le JLD de Bobigny (pièce n°6 des sociétés Umicore) indique, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 462-7, alinéa, 1er du code de commerce, qu' " aucune poursuite ne peut être exercée pour des faits remontant à plus de cinq ans " et " qu'une saisie d'un document de plus de cinq ans concernerait nécessairement la saisie d'un document concernant des faits à les supposer reprochables, prescrits ". Le dispositif énonce ensuite " Ordonnons la restitution des pièces 17 (documents couverts par la prescription) ". Par cette motivation, le JLD a seulement dit que des documents datés de plus de cinq années avant l'ouverture de la procédure concerneraient des faits qui seraient prescrits. Il n'a, ce faisant, pas statué sur la prescription des pratiques, ni sur l'extinction de poursuites qui pourraient être mises en œuvre, mais seulement ordonné la restitution de pièces qui pourraient concerner des faits prescrits en vertu du principe selon lequel des faits remontant à plus de cinq ans ne peuvent être poursuivis. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, cette ordonnance n'a pas retenu que " sont prescrits les faits antérieurs au 10 avril 2002 ". Cette phrase qui n'est énoncé que dans l'exposé des moyens des demandeurs, n'a pas été reprise à son compte par le JLD ni dans le dispositif, ni dans les motifs de l'ordonnance.
39. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, cette solution ne revient pas à priver d'effectivité le recours, qui portait sur la validité des opérations de visite et saisie, exercé par les parties devant le JLD.
40. Il s'en déduit que l'Autorité n'a pas commis d'erreur de droit au regard du principe de l'autorité absolue de la chose jugée en considérant que les pratiques objet des griefs n° 1 et 2 ne seraient pas atteintes par la prescription prévue par l'article L. 462-7, alinéa, 1er du code de commerce. Elle n'a, par voie de conséquence, pas non plus méconnu les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le principe de légalité, le principe de séparation des pouvoirs, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles 2 et 4 de ladite Déclaration consacrant le droit au secret du domicile privé, au secret de la vie privée et au secret des correspondances.
41. En conséquence, c'est par une juste motivation que la cour adopte que l'Autorité a considéré que, dans la mesure où elle n'était pas partie à la procédure devant le JLD et que l'objet de la saisine de ce dernier ' la validité des opérations de visites et saisies ' n'était pas identique à celui de sa propre saisine ' la conformité au droit de la concurrence des pratiques de la société Umicore France ', la décision du JLD n'avait pas à son égard autorité de la chose jugée (décision attaquée, § 410 à 413).
42. Par ailleurs, il est constant que, pour les pratiques à caractère continu, la prescription ne commence à courir qu'à compter de leur cessation. Dès lors, ayant constaté à juste titre, ainsi qu'il sera examiné ci dessous, que la pratique en cause avait été continue depuis 1999 jusqu'en 2007, l'Autorité a exactement considéré, aux paragraphes 414 et 415 de la décision attaquée, que la prescription quinquennale n'était pas acquise lors de sa saisine le 11 janvier 2011.
2. Sur la prescription décennale
43. Les sociétés Umicore contestent encore l'analyse par laquelle l'Autorité a considéré que les faits reprochés constituaient une pratique unique et continue, depuis 1999 jusqu'à 2007, en refusant de reconnaître l'acquisition de la prescription décennale prévue par l'article L. 462-7, alinéa 3, du code de commerce (moyen 9).
44. Il est rappelé sur ce point que l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, a introduit à l'article L. 462-7 du code de commerce un nouvel alinéa qui instaure un délai butoir de dix ans en énonçant que " la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle ci ".
45. Les requérantes contestent que l'on puisse considérer comme une pratique unique, d'un côté, la mise en œuvre des clauses d'exclusivité prévues par les contrats conclus avec les distributeurs entre 1999 et 2004, de l'autre, les pratiques postérieures à 2004 ayant consisté à maintenir dans les faits des obligations d'achat exclusif, alors que le contrat avait été modifié et que toutes les clauses litigieuses avaient été supprimées. Ce faisant, la décision attaquée aurait violé le principe in dubio pro reo, la présomption d'innocence, les règles relatives à la charge de la preuve et la règle nulla poena sine culpa.
46. L'Autorité oppose qu'en tout état de cause, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 février 2014 (pourvoi n° 12-27. 697, Bull. 2014, IV, n° 38), a jugé que le délai de dix ans prévu par l'alinéa 3 de l'article L. 462-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008, court à compter du 15 novembre 2008, date de l'entrée en vigueur de cette nouvelle disposition, à l'égard des pratiques ayant cessé avant le 15 novembre 2008 mais ayant fait l'objet d'une notification de griefs à une date postérieure. L'Autorité déduit de ce principe que cette disposition n'est pas applicable aux pratiques même si l'on considérait qu'elles ont pris fin, pour partie, en 2004.
47. Les sociétés Umicore, se fondant sur les dispositions transitoires fixées par le II et le III de l'article 5 de l'ordonnance du 13 novembre 2008, objectent qu'en l'espèce, tant la saisine de l'Autorité que l'envoi de la notification de griefs sont postérieurs au 2 mars 2009, date de la première réunion de l'Autorité visée dans ces dispositions transitoires. Elles en déduisent que le 23 juin 2016, lorsque la décision attaquée a été adoptée, la prescription décennale était acquise pour la prétendue infraction qui avait cessé en 2004.
48. L'ordonnance du 13 novembre 2008 est un texte de procédure d'application immédiate, mais dépourvu d'effet rétroactif. Le nouveau délai préfix qu'il instaure ne peut donc courir, pour ce qui concerne les pratiques ayant cessé avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, qu'à compter de celle ci, soit le 15 novembre 2008. En conséquence, quand bien même considérerait on que les pratiques ont pris fin en 2004, la prescription n'aurait été acquise, à défaut de tout acte interruptif, que le 15 novembre 2018.
49. Les dispositions transitoires énoncées par l'article 5 II de l'ordonnance du 13 novembre 2008 prévoient que " [l]a validité des actes de poursuite, d'instruction et de sanction accomplis antérieurement à la première réunion de l'Autorité de la concurrence est appréciée au regard des textes en vigueur à la date à laquelle ils ont été pris ou accomplis ". Mais, même si la notification de griefs a été adressée postérieurement au 2 mars 2009, date de la première réunion de l'Autorité de la concurrence, et que la validité des actes de poursuite, d'instruction et de sanction accomplis doit être appréciée au regard des dispositions de cette ordonnance, cette règle ne peut avoir pour effet de faire courir le délai de dix ans avant le 15 novembre 2008, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008.
50. En l'espèce, quelle que soit la date à laquelle les pratiques poursuivies ont pris fin, dès lors que le prononcé de la décision attaquée est intervenu le 23 juin 2016, soit dans un délai inférieur à dix ans à compter du 15 novembre 2008, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008, la prescription décennale n'était pas accomplie.
51. Par ailleurs, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que les pratiques reprochées constituaient des pratiques continues pendant toute la durée de leur mise en œuvre. En effet, si l'exclusivité d'achat imposée à compter de 2004 ne trouvait plus sa source dans les clauses explicites du contrat, notamment, celle selon laquelle les centres VM Zinc avaient l'obligation d'assurer la promotion des produits et marques d'Umicore France " à l'exclusion des produits et marques concurrentes ", il n'en demeure pas moins qu'ainsi qu'il sera développé dans la suite du présent arrêt, une telle obligation a continué à être appliquée en conséquence de l'interprétation des nouvelles clauses et de la combinaison de celles ci.
52. Si, comme l'indiquent les sociétés Umicore, ces pratiques ont été distinctes, se sont matérialisées par des moyens différents, et même si leur caractère anticoncurrentiel ne relève pas de la même démarche de qualification, il n'en demeure pas moins que l'objectif poursuivi par leur mise en œuvre, faire obstacle au développement d'une concurrence non faussée, a été le même. Elles se sont, en outre, inscrites dans une continuité infractionnelle de mise en œuvre de moyens ne relevant pas de la concurrence par les mérites, sans qu'importe que les manquements ne soient pas matériellement identiques.
53. En outre, les sociétés Umicore ne sont pas fondées à soutenir que la mise en œuvre des principes rappelés ci dessus, régissant l'application non rétroactive du nouveau délai préfix à compter du 15 novembre 2008, conduirait à sanctionner les faits qui leur sont reprochés plus de vingt ans après leur cessation, ce qui ne constituerait pas un délai raisonnable. En effet, outre qu'ainsi qu'il sera précisé dans les développements relatifs aux moyens contestant le fond, ces pratiques n'ont pas pris fin en 2004, mais ont été poursuivies jusqu'à la fin de l'année 2007, la cour relève que l'Autorité a reçu le rapport administratif d'enquête de la DGCCRF en novembre 2010, qu'elle s'est saisie d'office des pratiques en janvier 2011 et que, si la notification de griefs a été adressée en mars 2014, dans un délai qui s'explique par la complexité des pratiques mises en œuvre et l'ampleur du dossier, la décision attaquée a ensuite été rendue dans un délai raisonnable, sans qu'il soit d'ailleurs invoqué et encore moins démontré que ce délai a porté atteinte aux droits des sociétés Umicore.
54. En conséquence, c'est de façon inopérante que les sociétés Umicore soutiennent que ne faire courir le délai de dix ans qu'à compter du 15 novembre 2008, serait contraire au principe d'application rétroactive de la loi plus douce, dès lors qu'en tout état de cause, les pratiques ayant été continues à partir de 1999 et n'ayant cessé qu'en 2007, ainsi qu'il vient d'être relevé, il s'est écoulé moins de dix ans entre la fin desdites pratiques et leur sanction par la décision attaquée, le 23 juin 2016.
55. Il s'en déduit que les moyens pris de l'accomplissement des délais de prescription quinquennale et décennale sont rejetés.
B. Sur la contestation de la compétence des services d'instruction pour refuser aux sociétés Umicore l'ouverture d'une procédure d'engagements et la discrimination alléguée par celles ci
56. Les sociétés Umicore demandent l'annulation de la décision attaquée en ce qu'elle a conclu à la compétence des rapporteures pour leur refuser de façon arbitraire l'ouverture d'une procédure d'acceptation d'engagements et en ce qu'elle a rejeté leur demande tendant à l'ouverture d'une telle procédure (moyen 1, branche 1).
57. Elles exposent que la société Umicore France a demandé à plusieurs reprises à l'Autorité de la concurrence (dans leurs lettres des 15 janvier 2013 et 16 décembre 2013, puis dans leurs observations en réponse à la notification de griefs déposées le 23 juin 2015) d'explorer la voie d'un recours à des engagements afin de remédier aux éventuelles préoccupations de concurrence que l'affaire pourrait soulever. Elles indiquent que leurs demandes ont été rejetées oralement par les services d'instruction : une première fois au motif qu'un grief d'entente devait également être retenu, alors que ce grief a cependant été abandonné et n'est pas repris dans la décision attaquée ; une deuxième fois au motif que les griefs à notifier auraient concerné des pratiques trop longues, qui auraient perduré dans le temps (jusqu'au 14 avril 2015 selon le rapport).
58. Elles font valoir que le pouvoir d'exclure la voie des engagements appartient à l'Autorité, et non aux services d'instruction, et que l'Autorité a commis une erreur de droit en écartant leur moyen de nullité fondé sur cette incompétence des services d'instruction. Elles ajoutent que le point 16 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence (ci après le communiqué engagements) est, à cet égard, illégal, car c'est en violation des articles L. 464-2 et R. 464-2 du code de commerce, qu'il confère aux rapporteurs un pouvoir de décision qui n'appartient qu'à l'Autorité, à savoir le collège. Elles précisent que la répartition de compétences entre les services d'instruction et le collège de l'Autorité est fondamentale, car ce n'est pas du tout la même chose pour celui ci d'avoir à statuer sur une évaluation préliminaire, positive ou négative, des rapporteurs ou sur un dossier d'instruction complet, avec notification des griefs et rapport. En effet, dans ce dernier cas, des moyens humains et du temps ont déjà été investis dans l'instruction et l'ouverture d'une procédure d'engagements à ce stade est complètement illusoire, puisqu'elle n'a plus aucun intérêt pour l'Autorité. Selon elles, la décision attaquée est donc bien entachée d'une illégalité qui s'étend à la régularité de l'ensemble de la procédure.
59. L'Autorité oppose que l'application de la procédure d'engagements est une faculté dont disposent les autorités de concurrence, sans qu'elles soient tenues de satisfaire aux demandes des mis en cause. Elle ajoute que la procédure suivie a été régulière et conforme aux règles procédurales qui la gouvernent.
60. Le Ministre chargé de l'économie expose, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 463-2, alinéa 1er, du code de commerce et sur le point 16 du communiqué engagements, qu'il appartient aux seuls services d'instruction, et non au collège de l'Autorité, de se prononcer, au cours de l'instruction, conduite sous la seule direction du rapporteur général, sur l'opportunité de régler l'affaire dont ils sont saisis en passant par la voie contentieuse ou par celle de la procédure d'engagements.
61. Le Ministère public partage cette analyse.
62. L'article L. 464-2 I, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, dispose :
" L'Autorité de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Elle peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 ou contraires aux mesures prises en application de l'article L. 410-3 ".
63. L'article R. 464-2 du code de commerce pris pour l'application de ce texte, énonce :
" Lorsque l'Autorité de la concurrence envisage de faire application du I de l'article L. 464-2 relatif à l'acceptation d'engagements proposés par les entreprises, le rapporteur fait connaître aux entreprises ou organismes concernés son évaluation préliminaire des pratiques en cause. Cette évaluation peut être faite par courrier, par procès verbal ou, lorsque l'Autorité est saisie d'une demande de mesures conservatoires, par la présentation d'un rapport oral en séance. Une copie de l'évaluation est adressée à l'auteur de la saisine et au commissaire du Gouvernement, sauf lorsqu'elle est présentée oralement lors d'une séance en présence des parties.
Le délai imparti aux entreprises ou organismes pour formaliser leurs engagements à l'issue de l'évaluation préliminaire est fixé, soit par le rapporteur dans le cas où l'évaluation a été faite par courrier ou par procès verbal, soit par l'Autorité de la concurrence dans le cas où cette évaluation a été présentée oralement en séance. Ce délai ne peut, sauf accord des entreprises ou organismes concernés, être inférieur à un mois.
A réception des engagements proposés par les entreprises ou organismes concernés à l'issue du délai mentionné au deuxième alinéa, le rapporteur général communique leur contenu à l'auteur ou aux auteurs de la saisine ainsi qu'au commissaire du Gouvernement. Il publie également, par tout moyen, un résumé de l'affaire et des engagements pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations. Il fixe un délai, qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de communication ou de publication du contenu des engagements, pour la production des observations des parties, du commissaire du Gouvernement et, le cas échéant, des tiers intéressés. Ces observations sont versées au dossier.
Les parties et le commissaire du Gouvernement sont convoqués à la séance par l'envoi d'une lettre du rapporteur général accompagnée de la proposition d'engagements trois semaines au moins avant le jour de la séance. Ils peuvent présenter des observations orales lors de la séance ".
64. Il ressort du libellé même de l'article R. 464-2 du code de commerce que c'est uniquement si le collège envisage de recourir à la procédure d'engagements que le rapporteur est tenu d'établir une évaluation préliminaire des pratiques, préalable à l'enclenchement de cette procédure. Dans le cas contraire, le rapporteur n'a aucune obligation de le faire.
65. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, n'est en rien contraire aux dispositions légales et réglementaires précitées.
66. Aux termes du point 16 de ce communiqué, " le rapporteur n'établit pas d'évaluation préliminaire s'il estime nécessaire de notifier des griefs à l'entreprise concernée ou s'il n'est pas en mesure d'identifier des préoccupations de concurrence sans mettre en œuvre des mesures d'instruction ou d'investigation approfondies ".
67. S'il résulte d'une lecture a contrario de ce point que l'Autorité a prévu la possibilité pour le rapporteur d'établir d'initiative une évaluation préliminaire " éventualité qui ne prive pas le collège du pouvoir de refuser d'enclencher formellement ou non la procédure, cette faculté relevant de son appréciation en opportunité ", rien dans ledit communiqué n'interdit au collège, qui envisagerait d'accepter des engagements proposés par une entreprise, de demander au rapporteur d'établir une telle évaluation, lequel serait alors tenu de le faire, quand bien même il ne serait pas favorable à cette procédure.
68. En l'espèce, les requérantes n'allèguent pas que le collège, qui n'est ni dessaisi ni privé d'accès au dossier pendant la phase d'instruction, aurait envisagé de faire application du I de l'article L. 464-2 relatif à l'acceptation d'engagements proposés par les entreprises.
69. Il s'ensuit que le refus de recourir à la procédure d'engagements découle de la décision négative implicite du collège qui, alors qu'il avait tout loisir de demander aux rapporteures une évaluation préliminaire des pratiques, ne l'a pas fait, la cour rappelant que la décision de recourir ou non à la procédure d'engagements est discrétionnaire et que le collège n'a donc pas à formaliser ni, a fortiori, à motiver sa décision.
70. La cour ajoute, au surplus, qu'il ne saurait être reproché aux rapporteures d'avoir refusé d'établir de leur seule initiative une évaluation préliminaire des pratiques dès lors que, ainsi qu'elles l'ont indiqué aux sociétés Umicore, elles jugeaient inopportun le recours à la procédure d'engagements. Elle souligne, en tant que de besoin, que les motifs ayant justifié ce refus et qui sont, selon les sociétés Umicore, pour le premier refus, la possible notification d'un grief d'entente qui aurait été finalement été abandonné et, pour le second refus, la durée importante de mise en œuvre des pratiques, sont des motifs objectifs et pertinents de refus d'ouvrir une procédure d'engagements, peu important que le grief d'entente n'ait finalement pas été repris par le collège dans la décision attaquée.
71. Les sociétés Umicore contestent la décision attaquée pour ne pas avoir répondu à leurs arguments fondés sur la méconnaissance de l'obligation d'impartialité et sur le traitement discriminatoire, dont elles auraient fait l'objet par rapport à la décision de l'Autorité n° 10- D-27 du 15 septembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés Manufacture française des pneumatiques Michelin et Pneumatiques Kléber. Elles font observer que, dans cette affaire, où les pratiques reprochées étaient "'similaires'" et mettaient en cause une entreprise, dont à la fois la position dominante et les pratiques abusives avaient été qualifies à plusieurs reprises par des décisions antérieures, l'Autorité avait néanmoins accepté d'appliquer la procédure d'engagements (moyen 1, branches 2 et 3).
72. Elles font valoir que la société Umicore France et le groupe auquel elle appartient n'avaient, jusqu'à la décision attaquée, jamais fait l'objet d'une condamnation par une autorité de concurrence européenne ou nationale et avaient bénéficié d'une décision de concentration de la Commission de l'Union européenne (ci après la Commission), dans laquelle cette dernière avait adopté une approche différente de celle des services d'instruction et de l'Autorité sur la question de la définition des marchés pertinents, laquelle aboutissait à une définition plus vaste. Elles estiment qu'en référence à l'affaire Michelin, elles auraient dû bénéficier de la procédure d'engagements.
73. Sur ce point, la cour relève que, si une procédure d'engagements peut être ouverte lorsqu'il est, ou pourrait être, constaté une atteinte actuelle à la concurrence, l'objectif assigné à cette procédure est de mettre fin rapidement à cette atteinte et d'obtenir de l'entreprise en cause des modifications de son comportement pour l'avenir. Dans ce cadre, les services d'instruction et le collège, lorsque la demande lui est adressée, apprécient discrétionnairement l'opportunité d'ouvrir une telle procédure au regard des circonstances juridiques et économiques propres à l'affaire en cause et au contexte économique dans lequel elle s'inscrit. En conséquence, le fait que l'Autorité ait pu, dans d'autres affaires similaires ou semblables, mais dans des contextes différents, accepter la mise en œuvre de la procédure d'engagements ne démontre pas que les sociétés Umicore, auxquelles elle a été refusée, auraient fait l'objet d'une discrimination.
74. Il convient d'observer à ce sujet que les pratiques concernées par l'affaire Michelin, invoquée par les sociétés Umicore, avaient été de faible durée, puisqu'elles avaient débuté dix huit mois avant la lettre de prise d'engagements, qu'elles n'avaient concerné que certains distributeurs et n'avaient pas été considérées comme susceptibles de porter une atteinte grave et immédiate à la concurrence dans le cadre de l'examen de la demande de mesures conservatoires ayant accompagnée la saisine (décision de l'Autorité n° 09- D-12 du 18 mars 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Vulco développement et le groupement d'intérêt économique Pneuman à l'égard de pratiques des sociétés Manufacture française des pneumatiques Michelin et Pneumatiques Kléber). L'affirmation que la procédure d'engagements aurait été ouverte dans des affaires où le dommage à l'économie était, selon les requérantes, important (moyen 1, branche 4), est dépourvue de fondement. En effet, ainsi que le relève l'Autorité, dans ses observations, sa décision n° 15- D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Booking. com B. V. , Booking. com France SAS et Booking. com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne, n'évoque pas l'ampleur du dommage à l'économie, mais une potentielle atteinte à la concurrence résultant de la pratique, ce qui ne relève pas du même domaine. Par ailleurs, si la décision de l'Autorité n° 14- D-09 du 4 septembre 2014 sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Nestlé, Nestec, Nestlé Nespresso, Nespresso France et Nestlé Entreprises dans le secteur des machines à café expresso, fait état, dans l'extrait cité par les sociétés Umicore, de l'invocation par une société tierce d'un dommage à l'économie, ce dommage à l'économie invoqué n'est pas repris ou confirmé par la décision.
75. Le fait que le marché pertinent ait, par le passé, été défini de façon plus large que ce qu'il a été dans la décision attaquée est sans influence, puisque l'analyse ainsi invoquée était réalisée dans le cadre d'une opération de concentration, opérations pour lesquelles l'examen prospectif est différent de celui relatif aux pratiques anticoncurrentielles, cette différence d'analyse justifiant, à rebours de ce que prétendent les sociétés Umicore, une instruction approfondie. Le fait encore que les sociétés Umicore n'aient jamais jusqu'alors fait l'objet d'une sanction pour des pratiques anticoncurrentielles est lui aussi impuissant à démontrer qu'elles auraient fait l'objet d'un traitement discriminatoire, compte tenu des différences circonstancielles précédemment décrites (moyen 1, branches 1 et 2).
76. Enfin, en exposant, au paragraphe 438 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a considéré que le refus opposé par les services d'instruction à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagements était légitime et justifié, l'Autorité a suffisamment répondu aux moyens par lesquels les sociétés Umicore soutenaient l'existence d'une discrimination qu'elles auraient subies au regard du traitement dont a bénéficié la société Michelin.
77. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que le moyen par lequel les sociétés Umicore soutiennent l'annulation de la procédure d'instruction est rejeté en chacune de ses branches.
C. Sur la demande d'annulation par voie de conséquence de la censure de la décision à intervenir par arrêt du Conseil d'État (moyen 2)
78. Les sociétés Umicore exposent qu'elles ont déféré au Conseil d'État la décision attaquée en tant qu'elle a rejeté leur demande tendant à l'ouverture d'une procédure d'acceptation d'engagements. Elles concluent à l'annulation de la décision attaquée par la cour par voie de conséquence de l'arrêt d'annulation de la procédure qui sera prononcé par le Conseil d'État.
79. Cependant, par un arrêt du 11 octobre 2017, le Conseil d'État a rejeté le recours formé par les sociétés Umicore comme étant formé devant une juridiction incompétente pour en connaître.
80. En conséquence, le moyen manque par le fait même qui lui sert de base et il doit être rejeté.
D. Sur la violation par les services d'instruction et par l'Autorité des obligations d'objectivité, d'impartialité et de loyauté leur incombant
81. Les sociétés Umicore font valoir que les motifs qui soutiennent la décision attaquée ainsi que l'enquête qui l'a précédée font apparaître un préjugé de leur culpabilité, attentatoire à leurs droits de la défense et à leur droit à un procès équitable (moyen 3, branche 1). Elles ajoutent que le principe de l'égalité des armes, principe inhérent à la notion de procès équitable, n'a pas été respecté (moyen 3, branche 2).
1. Sur le préjugé de culpabilité allégué
82. Les sociétés Umicore soutiennent que le préjugé de culpabilité des services d'instruction ressort de plusieurs éléments qu'elles ont détaillés dans leurs observations en réponse au rapport et qu'elles énoncent à nouveau comme étant les suivants :
"- le constat d'une position dominante dans le chef de la société Umicore France avant même que ne soit défini le marché sur lequel cette prétendue dominance trouverait à s'exercer (et même avant toute évaluation préliminaire et avant instruction) ;
- des questions formulées de façon manifestement orientée aux professionnels du secteur ;
- l'écartement systématique des réponses et données non conformes aux préjugés des services d'instruction ;
- une interprétation tronquée d'autres données du dossier ;
- une intransigeance injustifiée dans le traitement procédural d'Umicore, et
- la position selon laquelle les services d'instruction n'auraient en toute hypothèse pas égard aux éléments permettant à la société Umicore de renverser la présomption d'influence déterminante d'une maison mère (Umicore) sur sa filiale (Umicore France) ".
83. Cependant, elles n'apportent devant la cour d'appel aucun élément permettant d'étayer leurs accusations selon lesquelles, d'une part, les questions aux professionnels du secteur auraient été, de façon déloyale, " formulées de façon manifestement orientée ", d'autre part, les réponses et données " non conformes aux préjugés des services d'instruction " auraient été systématiquement écartées, enfin, les données du dossier auraient fait l'objet " d'une interprétation tronquée " ou d'un traitement procédural injustifié.
84. L'ensemble de ces accusations repose, en effet, sur une divergence d'interprétation d'éléments de preuve ou d'analyse des données du dossier, qui relèvent de l'appréciation des questions de fond qui seront traitées dans le cadre des moyens de légalité interne ci dessous. Il en va de même de la question de la présomption d'influence déterminante de la société mère Umicore sur sa filiale Umicore France qui, elle, n'est pas contestée au fond.
85. En outre, le fait que les services d'instruction aient pu envisager que la société Umicore France puisse se trouver en position dominante, avant même d'avoir circonscrit le marché pertinent, relève des hypothèses qu'ils avaient à examiner et éventuellement à établir, et ne démontre pas leur prétendue partialité. Il en va de même des motifs pour lesquels ils ont justifié leur refus d'ouverture d'une procédure d'engagements en s'appuyant sur des éléments de leur propre analyse du dossier.
86. Enfin, il ne peut être reproché aux rapporteurs d'avoir retenu les éléments " à charge " des entreprises et écarté les éléments que celles ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu'ils ont pour fonction d'instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité ayant en charge d'examiner le bien fondé des éléments ainsi retenus. À ce titre, seule la déloyauté dans l'interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d'interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties, ce qui n'est en l'espèce nullement démontré.
87. C'est ainsi à juste titre que le collège de l'Autorité a écarté les critiques développées précédemment au motif que celles ci portaient, sous couvert d'une prétendue déloyauté, sur des questions de fond.
88. À ce sujet, la cour relève que les sociétés Umicore soutiennent, au point 92 de leurs conclusions récapitulatives, que, à l'instar de la notification de griefs et du rapport, la décision attaquée inverse les stades du raisonnement, ce qu'elles ont signalé à plusieurs reprises dans le contexte d'une instruction effectuée sur la base d'un préjugé de culpabilité du groupe Umicore. Elles n'apportent, toutefois, aucun élément qui permettrait de comprendre en quoi les stades du raisonnement auraient été inversés dans l'analyse de l'Autorité et en quoi cette inversion, qui ne ressort pas de la décision attaquée, aurait été de nature à porter atteinte à l'objectivité de l'Autorité ou à nuire à leur défense
89. Enfin, pour les raisons précédemment exposées, aucune déloyauté ne saurait résider dans la prétendue contradiction qui pourrait résulter entre l'analyse du marché pertinent par l'Autorité et la justification du rejet de la pertinence du sondage présenté par les sociétés Umicore, cette contradiction, quand bien même existerait elle, ne démontrerait pas, à elle seule, la partialité de l'Autorité, mais seulement, éventuellement, une erreur d'appréciation. Il en va de même des désaccords relevés par les sociétés Umicore sur les éléments d'analyse du fond de l'affaire énumérés dans les notes de bas de page 65 et 67 de leurs dernières conclusions qui ne concernent que l'interprétation du sens ou de la portée des documents.
2. Sur la violation prétendue du principe d'égalité des armes
90. Les sociétés Umicore font valoir que l'Autorité n'a pas respecté le principe d'égalité des armes, inhérent à la notion de procès équitable, en ce qu'elle s'est fondée sur un dossier, dont les conditions d'accès étaient complexes et dont le contenu différait substantiellement du dossier qui leur a été transmis (moyen 3, branche 2).
91. Elles invoquent à ce titre, en note de bas de page de leur mémoire en réplique (NdBP n° 69, p. 94), une liste de références de cotes citées dans certains paragraphes de la décision attaquée, en indiquant que ces cotes ne leurs ont pas été accessibles ou, à tout le moins, pas sous cette numérotation. Elles renvoient également à une note de bas de page n° 199 de ce même mémoire qui indique, notamment, que deux cotes numérotées 15 760 et 15 914, citées au paragraphe 631 de la décision attaquée, ne figurent pas dans les documents des supports informatiques n° 1, 2 et 3 qui leur ont été transmis par l'Autorité.
92. À la suite des éclaircissements apportés par l'Autorité, les sociétés Umicore contestent les quatre points suivants au titre du non respect de l'égalité des armes :
93. Premièrement, pour ce qui concerne les cotes 173 à 176 et 239, qui sont des pages du rapport administratif d'enquête de la DGCCRF, si elles reconnaissent avoir eu communication de ce rapport, elles estiment que l'équité aurait voulu que l'Autorité utilise et se réfère aux cotes de la version qui leur a été transmise, la version non confidentielle, plutôt qu'aux cotes d'une version qui ne leur a pas été accessible, la version confidentielle.
94. La cour observe cependant, que le support n°1 (pièce Umicore n° 8) contient bien, en annexe 7, la version non confidentielle du rapport administratif d'enquête de la DGCCRF et donc les pages concernées. Il suffisait donc d'ouvrir cette annexe pour trouver les pages en cause. S'il eût été préférable que l'Autorité apporte cette précision, il ne peut lui être reproché d'avoir porté atteinte au principe d'égalité des armes en se référant aux numéros de pages de la version confidentielle de ce rapport, sur laquelle elle s'est fondée.
95. Deuxièmement, pour ce qui concerne les cotes 675, 1560 et 15914, les requérantes exposent que, si ces cotes correspondent à des pièces pour lesquelles elles avaient elles mêmes demandé le secret des affaires, elles ne pouvaient pas savoir que ces pièces avaient été ainsi cotées.
96. La cour relève que l'Autorité n'apporte aucun élément justifiant qu'elle aurait averti les sociétés Umicore de cette numérotation.
97. Troisièmement, pour ce qui concerne les cotes 24780, 24826 et s. , 24848, 2485 et 24896, qui correspondent à des numéros de pages de la notification des griefs, les sociétés Umicore indiquent à juste titre que la notification des griefs qu'elles ont reçue ne comporte pas de cotes et qu'elles ne pouvaient pas deviner ces références.
98. Quatrièmement, pour ce qui concerne les cotes 26350 et 26372 citées au paragraphe 780 de la décision attaquée, les requérantes admettent que celles ci correspondent effectivement aux tableaux n° 1 et 2 joints en annexe au rapport des rapporteures, comme l'indique l'Autorité dans ses observations, mais elles ajoutent, à juste titre, que le support électronique qu'elles ont reçu ne comporte pas ces numéros de cotes.
99. Il résulte de ces trois dernières constatations que certains des numéros de cotes citées dans la décision attaquée ne sont pas aisément identifiables dans les pièces communiquées sur supports informatiques, ce qui ne facilite pas la vérification de la correspondance entre les constatations de la décision attaquée et les références qui les justifient.
100. Cependant, cette difficulté ne démontre pas que les services d'instruction ou l'Autorité auraient eu accès à un dossier différent de celui communiqué aux sociétés Umicore et qu'il en aurait résulté une atteinte au principe d'égalité des armes.
101. Par ailleurs, ce problème d'identification de certains numéros de pièces ne s'est pas posé dans le cadre de l'exercice des droits de la défense devant l'Autorité, puisqu'il ne provient que des références de cotes indiquées dans la décision attaquée. Il concerne donc seulement l'exercice des droits de la défense devant la cour dans le cadre du présent recours.
102. Or l'Autorité, dans ses observations, a apporté toutes les précisions permettant aux requérantes de retrouver les pièces citées dans la décision attaquée qu'elles ne parvenaient pas à identifier, ce qui leur a permis de procéder à l'examen nécessaire à l'exercice de leurs droits et de pleinement les faire valoir.
103. Enfin, les sociétés Umicore n'exposent ni ne démontrent en quoi la confusion, ainsi relevée, les aurait empêchées de se défendre ou d'invoquer un quelconque moyen qui aurait pu aboutir à une analyse différente des éléments cités.
104. Il s'en déduit qu'elles ne sont pas fondées à soutenir qu'elles n'ont pas eu accès au dossier dans les mêmes conditions que les services d'instruction et le collège de l'Autorité et que le principe de l'égalité des armes n'aurait pas été respecté devant l'Autorité ou devant la cour. Ce moyen est en conséquence rejeté.
II. SUR LE FOND
A. Sur les marchés de produits pertinents
105. L'Autorité a considéré que les marchés de produits pertinents étaient en l'espèce, d'une part, celui du zinc laminé destiné à la couverture, d'autre part, celui des systèmes (ou produits, selon la terminologie utilisée) EEP en zinc.
106. Concernant le premier marché, elle a en effet retenu, premièrement, qu'un épisode de flambée du cours du zinc en 2006 n'a pas conduit à un report sensible de la demande de produits de couverture en zinc vers d'autres matériaux ; deuxièmement, que la faible substituabilité du zinc ressort également de documents internes à la société Umicore France ; troisièmement, que, sur le segment de la rénovation, qui correspond à une part très substantielle des tonnages de produits de couverture en zinc, la substituabilité entre le zinc et d'autres matériaux est limitée, compte tenu de la nécessité de remplacer du zinc par du zinc, du fait des contraintes techniques et des règles d'urbanisme ; quatrièmement, que l'étude des caractéristiques intrinsèques des produits de couverture en d'autres matériaux que le zinc montre que ces produits ne sont pas substituables à ceux en zinc, même si la question de l'inclusion dans le marché des autres produits de couverture en feuille métallique peut être laissée ouverte. Elle a en revanche considéré que le zinc laminé à destination des façonniers apparaît substituable au zinc laminé destiné à la couverture (décision attaquée, § 460 et suivants).
107. Concernant le second marché, l'Autorité a relevé que la faible substituabilité des produits EEP en zinc avec ceux en PVC ou en aluminium est attestée par un faisceau d'indices convergents. Elle constaté, à ce titre, l'absence d'effet de la forte hausse du cours du zinc en 2006 sur la vente de ces produits, ainsi que le fait que les écarts de prix entre les produits EEP en zinc et ceux en PVC sont non seulement importants, mais également variables dans le temps, sans que cette variation des prix relatifs ait un quelconque effet sur les quantités vendues. Elle a aussi relevé plusieurs déclarations faisant état d'une faible substituabilité entre les produits EEP en zinc et ceux en PVC ou en aluminium, compte tenu des caractéristiques propres à certains bâtiments, ainsi que le fait que les produits EEP en zinc sont commercialisés au travers de circuits de distribution spécifiques. Elle a, enfin, constaté que le positionnement tarifaire de la société Umicore France par rapport à ses concurrents est, selon les documents internes à cette entreprise, établi sur la seule base de produits en zinc (décision attaquée, § 591 et suivants).
108. Les sociétés Umicore reprochent à l'Autorité d'avoir défini les marchés pertinents en s'appuyant sur la mise en œuvre du test du monopoleur hypothétique, alors qu'elle a reconnu que le prix n'est pas un facteur déterminant dans les secteurs en cause pour lesquels la demande émane de l'architecte, sans que le prix soit pris en compte (moyen 4).
109. Selon elles, la décision attaquée est en conséquence entachée d'une contradiction de motifs (branche 1) et d'une erreur manifeste d'appréciation (branche 2), car le test du monopoleur hypothétique n'est pas adapté à la définition du marché en cause.
110. Par ailleurs, les sociétés Umicore exposent que l'Autorité a commis de multiples erreurs manifestes d'appréciation et des incohérences de raisonnement en retenant une absence de substituabilité du fait de facteurs techniques, de règles d'urbanisme, des caractéristiques intrinsèques des produits de couverture autres que le zinc, des caractéristiques propres à certains bâtiments et circuits de distribution spécifiques (moyen 5).
111. Enfin, les sociétés Umicore soutiennent que la définition des marchés pertinents viole les principes de coopération loyale et de bonne administration, en ce qu'elle ne tient aucunement compte des analyses différentes des marchés pertinents effectuées dans des décisions précédentes des autorités de concurrence européenne, allemande et française rendues en matière de concentration. Elles reprochent à l'Autorité de ne pas avoir discuté le bien fondé de ces analyses et de ne pas avoir exposé les raisons qui l'ont poussée à s'en écarter (moyen 6).
1. Sur la mise en œuvre du monopoleur hypothétique pour la définition des deux marchés
112. Selon les sociétés Umicore l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation, doublée d'une contradiction de motifs, en mettant en œuvre le test du monopoleur hypothétique, alors qu'elle a reconnu, dans la décision attaquée, que le prix n'est pas un facteur déterminant dans les secteurs de la couverture et des produits EEP. Cette erreur de raisonnement et cette incohérence vicieraient irrémédiablement l'analyse figurant dans la décision attaquée quant aux marchés de produits pertinents.
113. L'Autorité fait observer que le test du monopoleur hypothétique ne constitue qu'un des éléments de son analyse des marchés pertinents et qu'en tout état de cause, elle a utilisé ce test à bon escient, aucune raison économique ou juridique ne commandant de l'exclure lorsque la demande est peu sensible aux prix. Elle fait observer que la décision attaquée fait état d'une faible sensibilité aux prix et non d'une absence totale de sensibilité aux prix. Elle rappelle l'ensemble des éléments des faisceaux d'indices retenus dont elle défend la pertinence.
114. Le Ministre et le Ministère public concluent au rejet de ce moyen
115. Au point 7 de sa Communication 97/C 372/03 " sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence ", publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 9 décembre 1997 (C 372, p. 5), la Commission souligne qu'" [u]n marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés ". Cette définition est reprise par l'Autorité. Par le passé, le Conseil de la concurrence a précisé qu'" une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, [il] regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande " (décision n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, § 158 et 159, citée par la décision attaquée, § 453).
116. Le test du monopoleur hypothétique, ou test SSNIP " small but significant and non transitory increase in price ", que les sociétés Umicore reprochent à l'Autorité d'avoir mis en œuvre, consiste à observer les conséquences sur la demande d'une augmentation des prix de 5 % sur une durée minimale de temps. Le constat d'une baisse de la demande dans le cas d'augmentation du prix témoigne d'un report aisé de la demande et donc d'une forte élasticité ; à l'inverse, le faible mouvement de la demande, ou son absence de mouvement, montre une faible élasticité de celle ci, ce qui constitue un indice qu'il existe un marché circonscrit au produit ou service étudié.
117. En l'espèce, il a été observé que les cours mondiaux du zinc avaient connu une forte progression en 2006, le prix ayant été multiplié par 2,3 en un an, ce qui représente une hausse bien supérieure à 5 ou 10 %, sans que le volume des ventes des produits ait été affecté. L'Autorité en a déduit qu'il n'y "'a pas eu de report de la demande vers d'autres matériaux potentiellement substituables, ni de renoncement à la consommation de produits à base de zinc'" (décision attaquée, § 467).
118. Après avoir vérifié que cette absence de report n'était pas justifiée par une hausse équivalente des prix d'autres produits qui auraient pu être substituables (décision attaquée, § 470 et suivants), l'Autorité a considéré que ce constat de la faible sensibilité à la hausse de prix pouvait être pris en compte dans son analyse, bien qu'elle s'explique, en partie, par le fait que la demande émane principalement des architectes et, dans certains cas, des maîtres d'ouvrage, lesquels sont peu sensibles aux prix, et que l'arbitrage entre matériaux se fonde sur d'autres paramètres que le prix.
119. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, la décision attaquée n'est, sur ce point, pas entachée de contradiction interne. En effet, d'une part, le constat que le choix du matériau se fonde sur d'autres critères que le prix, n'implique pas que celui ci n'entre pas en ligne de compte, au moins pour partie, ce que les documents internes de la société Umicore France démontrent, ainsi qu'il sera exposé ci dessous. D'autre part, et ainsi qu'il sera aussi examiné dans les développements qui suivent, l'Autorité a examiné les autres critères pris en compte par la demande et s'est déterminée au regard de la concordance des résultats de cet examen, la faible sensibilité aux prix n'étant qu'un des éléments, parmi plusieurs autres, du faisceau d'indices précis et concordants qu'elle a retenus.
120. S'agissant du caractère adapté de l'usage du test du monopoleur hypothétique, la cour observe que l'espèce ne concerne pas un bien gratuit ou un secteur dans lequel les prix sont régulés et que, dans ce contexte, le constat résultant du test n'est pas inopérant.
121. Par ailleurs, il ne peut être affirmé que, concernant le zinc laminé destiné la couverture et les produits EEP en zinc, le prix est sans aucun impact. En effet, deux documents internes de la société Umicore datant de 2006 et 2007, analysés aux paragraphes 478 et 479 de la décision attaquée, montrent que cette société considérait qu'il existait un risque de substitution d'autres matériaux au zinc si son prix continuait à augmenter. Si ces documents mentionnent d'autres critères déterminants du choix du zinc, comme les règles environnementales et la qualité, il n'en demeure pas moins que la portée du risque de l'augmentation des prix sur les volumes de demande y est qualifiée en anglais de " main ", soit en français, de " principale ", par rapport aux autres risques d'évolution des règles environnementales et de qualité, qui sont eux considérés comme étant " low " ou " faibles ". Il s'en déduit que c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que l'absence de variation de la demande durant la période de haute augmentation du prix du zinc constituait un indice de l'existence des marchés du zinc laminé destiné à la couverture des bâtiments et des produits EEP en zinc.
122. En outre, les sociétés Umicore ne sont pas fondées à soutenir que la période de hausse aurait été insuffisamment longue pour permettre d'en tirer des conclusions fiables, puisqu'il résulte du graphique 6 figurant au paragraphe 470 de la décision attaquée, que celle ci a commencé en septembre 2005 pour atteindre son pic en novembre 2006, le niveau de prix de 2005 n'étant retrouvé qu'en mai 2008. Une telle durée, de plus de 18 mois, permet une observation pertinente des réactions de la demande des professionnels concernés.
123. Enfin, si la faible incidence des hausses de prix sur la demande de produits de couverture en zinc ou de produits EEP en zinc, décrites aux paragraphes 77 et suivants de la décision attaquée s'explique par la circonstance que le matériau est choisi non par le consommateur final, mais par son architecte et avant que le prix de celui ci ne soit négocié, l'ensemble des travaux faisant l'objet d'une enveloppe globale, il n'en demeure pas moins que le constat d'une faible sensibilité aux prix contribue à montrer l'existence d'une demande spécifique pour le matériau zinc.
124. Il est sans portée que, dans sa décision du 26 février 2007 (Affaire COMP/M. 4450 ' Umicore /Zinifex/Neptune), déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration des sociétés Umicore et Zinifex avec la société Neptune, la Commission n'ait pas utilisé de test de prix et ait indiqué, au point 51 de cette décision, qu' " il existe une variété de matériaux alternatifs pour fabriquer les produits concernés [éléments de toiture et systèmes d'évacuation des eaux fluviales] lesquels sont hautement substituables les uns avec les autres du point de vue de l'utilisation finale ". En effet, la cour rappelle que l'examen des marchés dans le cadre de la concentration d'entreprises est prospectif et procède d'un objectif différent de celui auquel il est procédé en matière de pratiques anticoncurrentielles. La substituabilité affirmée dans cette décision dans un contexte différent de celui auquel il doit être procédé en l'espèce est, en particulier, contredite, d'une part, par les documents internes de la société Umicore France décrits précédemment, d'autre part, par les éléments qui seront examinés ci dessous.
125. Les sociétés Umicore reprochent encore à l'Autorité d'avoir écarté le caractère probant du sondage qu'elles ont fait réaliser par l'institut I+C et qu'elles avaient produit (décision attaquée, § 505) au motif que la question du prix n'était pas posée aux personnes interrogées, motif qui serait inopérant compte tenu du caractère inapproprié du critère du prix.
126. Ce reproche est dépourvu de fondement. Il constitue une dénaturation de la décision attaquée, dont le paragraphe 505 relève seulement que les résultats de ce sondage apparaissent en contradiction avec les comportements observés au moment de la hausse du prix des produits de couverture en zinc. Par ailleurs, le fait que 76 % des architectes interrogés pour ce sondage aient déclaré ne jamais utiliser de zinc ne permet pas, contrairement à ce que font valoir les requérantes, de conclure à la substituabilité de ce matériau. En effet, ainsi qu'il sera précisé ci dessous, le zinc est utilisé dans des situations particulières et il n'est pas démontré que les architectes interrogés aient été concernés par ces situations.
127. Il s'ensuit que l'Autorité n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni entaché sa décision de contradiction interne en relevant, dans le cadre de son analyse des marchés pertinents, que la demande de matériau en zinc pour les produits de couverture et d'évacuation des eaux de pluie était peu sensible aux prix et que ce constat constituait un indice de l'existence de marchés pertinents de ces produits.
128. Les moyens contestant cette analyse sont en conséquence rejetés.
2. Sur l'examen de la non substituabilité au regard des données de nature qualitative
a) S'agissant des produits destinés à la couverture
129. Il ressort de la décision attaquée que, selon les estimations des sociétés Umicore, en 2011, le zinc a représenté en France 3,5 % des produits de couverture, tous matériaux confondus, et 8,5 % des produits de couverture en métal, lesquels représentent un peu plus de 40 % des matériaux de couverture (décision attaquée, § 508). Ces données chiffrées ne sont pas contestées.
130. Il s'en déduit que, concernant les matériaux utilisés pour la couverture des bâtiments, d'autres matériaux que le zinc sont utilisés.
131. Dans la situation de l'espèce, où le critère du prix n'est à lui seul pas suffisamment déterminant pour permettre de considérer qu'il existe un marché du zinc pour les produits de couverture, la question de la substituabilité de ce matériau au regard de tous ceux qui peuvent être utilisés pour la couverture des bâtiments, conduit à s'interroger sur le point de savoir si, lorsque le zinc est choisi, il l'est pour des raisons rendant ce choix incontournable ou difficilement modifiable, que celles ci relèvent des caractéristiques propres de ce matériau ou soient extérieures.
132. En l'espèce, l'Autorité a relevé, au paragraphe 483 de la décision attaquée, que, sur le segment de la rénovation, qui représente 55 % de la superficie du zinc posé en couverture, soit une part substantielle, celui ci est peu substituable par les autres matériaux pour des raisons à la fois techniques et liées aux règles d'urbanisme. Elle précise à ce titre que le zinc est un matériau qualifié de noble, souvent utilisé sur des immeubles de caractère ou relevant du patrimoine ancien ou sur des bâtiments à valeur patrimoniale. Elle ajoute que, s'il n'existe pas de règles générales prescrivant le remplacement à l'identique des couvertures en zinc, il est néanmoins de pratique courante de remplacer le zinc par du zinc.
133. Les sociétés Umicore soutiennent qu'il est inexact de soutenir que, sur le segment de la rénovation tout comme sur celui des constructions neuves, le zinc serait peu substituable par les autres matériaux pour des raisons liées aux règles d'urbanisme.
134. Elles font valoir que la décision attaquée établit une confusion entre la rénovation et la préservation du patrimoine, laquelle ne représente qu'une fraction infime du chiffre d'affaires de la société Umicore France. Elles contestent le postulat selon lequel le zinc ne pourrait, dans tous les cas, être remplacé que par du zinc, qui n'est étayé par aucun élément. De même un tel postulat ne trouverait, selon elles, pas à s'appliquer pour le neuf ou la rénovation à proprement parler.
135. Ce moyen n'est pas fondé. En effet, l'affirmation selon laquelle, dans le secteur de la rénovation, il est de pratique courante que le zinc soit remplacé par le zinc est étayée par de nombreuses déclarations d'opérateurs de divers corps de métiers, architectes ou dirigeants de sociétés de couverture, citées aux paragraphes 489 à 498 de la décision attaquée, dont la crédibilité n'est pas contestée et auxquelles la cour renvoie. Cette affirmation s'explique, en outre, par les réglementations d'urbanisme et par le fait que ce matériau est utilisé pour des immeubles de caractère, souvent présents dans les centres villes où l'existence d'un patrimoine historique protégé, ou la recherche d'une certaine unité, impliquent des exigences particulières des services municipaux. À ce sujet, l'Autorité a relevé de manière pertinente, au paragraphe 484 de la décision attaquée, que, pour ce type d'immeubles, les travaux entraînant une modification de l'aspect extérieur de la toiture requièrent une déclaration préalable et que, sans être explicitement prescrite par les règles applicables, l'utilisation dans la rénovation des matériaux précédemment mis en œuvre, comme le zinc, permet d'éviter tout obstacle tel qu'une décision défavorable des services municipaux, ce qu'établissent suffisamment les déclarations précédemment évoquées.
136. Sur ce point, les sociétés Umicore ne démontrent pas que l'Autorité aurait confondu les activités de rénovation avec la préservation du patrimoine, qui, si elle est mentionnée, ne l'est que comme l'une des préoccupations conduisant, en matière de rénovation, à préférer utiliser le matériau d'origine. Par ailleurs, rien dans les développements de la décision attaquée ne permet de constater que l'Autorité n'aurait pas considéré l'activité de rénovation comme " le remplacement intégral d'une toiture " ou aurait confondu cette activité avec la simple réparation. Le fait que, dans le cadre de la rénovation, et ainsi qu'en témoigne un chef d'entreprise dont l'attestation est produite dans les conclusions des sociétés Umicore, " [t]ous les types de matériaux sont envisageables à ce stade ", n'est pas exclusif du constat selon lequel, de façon générale, le matériau de remplacement est identique au matériau d'origine.
137. S'agissant des bâtiments neufs, l'Autorité a relevé, au paragraphe 486 de la décision attaquée, sans que ce point soit contesté, que les plans locaux d'urbanisme comportent souvent un article spécifique édictant les règles d'insertion de la construction dans le bâti environnant, conduisant à ce que les toitures soient d'un type similaire à celui qui est utilisé dans le secteur où la construction nouvelle est appelée à s'insérer.
138. À ce sujet, le fait, invoqué par les sociétés Umicore, que, selon l'étude de l'institut I+C qu'elles ont produite, les installateurs interrogés n'ont mentionné une absence d'alternative au zinc que dans 10 % des cas, pour le neuf, et dans 5 % des cas, pour la rénovation, n'est pas probant.
139. En effet, cette étude est le résultat d'une enquête réalisée par contacts téléphoniques auprès de 100 architectes et 100 installateurs (entreprises de couverture et entreprises générales) intervenant principalement dans le secteur des maisons individuelles, et non dans ceux pour lesquels le zinc est principalement utilisé, c'est-à- dire celui des immeubles collectifs des grandes villes. De plus, les trois quart des architectes interrogés ont indiqué ne jamais prescrire de zinc. Cette base insuffisamment représentative ne permet donc pas de considérer cette étude comme un élément fiable.
140. En outre, la question de la substituabilité est, ainsi que l'a relevé l'Autorité au paragraphe 505 de la décision attaquée, posée de façon insuffisamment précise aux personnes interrogées pour que les réponses puissent être exploitées. Non parce qu'elle ne se référerait pas à d'éventuelles hausses de prix, comme l'a relevé à tort l'Autorité dans la décision attaquée, mais parce que, ainsi qu'il a été retenu précédemment, de nombreux autres matériaux sont utilisés en matière de couverture des bâtiments, et que ce n'est qu'au regard d'un certain nombre de considérations et de situations précises que le choix de ce matériau ne peut être remplacé par un autre. Or la question sur la substituabilité posée de manière générale, sans référence à ces situations, conduit à des réponses nécessairement générales, sans qu'il soit possible de discerner si la personne interrogée a pris en compte les situations spécifiques qui ont conduit au choix du zinc par rapport à d'autres matériaux.
141. Les sociétés Umicore opposent encore à ce titre que, s'agissant de la préservation du patrimoine, la décision attaquée ignore l'existence de nombreux matériaux esthétiquement comparables au zinc et ne répond pas aux arguments soulevés par elles dans leurs observations en réponse au rapport.
142. Cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, la préservation du patrimoine n'est qu'une des raisons parmi d'autres considérations qui conduit au constat de l'insubstituabilité du zinc par un autre matériau ; de plus, les requérantes n'apportent aucune démonstration de l'existence de ces matériaux prétendument substituables au zinc, qu'elles ne citent d'ailleurs pas. Enfin, l'Autorité ayant suffisamment motivé sa décision en fait et en droit sur ce point, elle n'était pas tenue de répondre à la totalité des arguments développés par les parties.
143. La cour relève au surplus que les allégations énoncées dans les documents commerciaux de certains fournisseurs d'acier, de PVC, d'aluminium ou de polyisobutylène, selon lesquels leurs produits seraient semblables au zinc, ou auraient l'aspect de celui ci, cités par les sociétés Umicore au point 242 de leurs observations en réponse au rapport, ne sont pas de nature à contredire les indications émanant des professionnels utilisateurs de zinc et reprises dans la décision attaquée.
144. Les requérantes invoquent aussi un certain nombre de pièces qui démontreraient, selon elles, que, sans leur travail important de démarchage des architectes, le zinc ne serait plus utilisé comme produit du bâtiment en France. Cependant, les pièces citées ne rapportent pas la preuve de cette affirmation.
145. En effet, le rapport de l'institut I+C (pièce Umicore n° 41) ne peut, ainsi qu'il a déjà été expliqué, être retenu comme un élément probant. La liste des chantiers de couverture en zinc perdus au profit d'autres matériaux entre 2009 et 2010 (pièce Umicore n° 34), qui, au demeurant, ne concerne pas la période des pratiques, lesquelles, pour mémoire, ont pris fin en 2007, comporte pour de nombreux cas signalés, la mention " Autre zinc ", ce dont il se déduit que, si les sociétés Umicore n'ont pas été attributaires de ces marchés, du zinc a néanmoins été utilisé. L'étude de juin 2015, intitulée " Observatoire de la construction neuve ' Le marché de la couverture dans la construction en 2014 " (pièce Umicore n° 44), qui ne concerne pas, elle non plus, la période des pratiques, est elle aussi insuffisamment précise dans la mesure où rien ne permet de constater quel a été le périmètre de l'enquête réalisée. Les deux documents, intitulés " Quelques exemples de chantiers perdus au profit d'autres matériaux que le zinc " et " Quelques exemples de chantiers en zinc gagnés au détriment d'autres matériaux en 2014 " (pièces Umicore n° 56 et 57), qui, comme leurs titres l'indiquent, ne concernent que quelques exemples et ne portent pas sur la période des pratiques, sont aux aussi insuffisamment complets et précis pour contredire utilement les éléments précédemment retenus.
146. Les sociétés Umicore opposent encore qu'aucune raison technique n'imposerait le choix du zinc. Cette affirmation est cependant démentie par deux attestations, reprises au paragraphe 489 de la décision attaquée, selon lesquelles la pratique du remplacement du zinc par du zinc " répond à une raison technique et architecturale. Le changement de matériau nécessite des études particulières avec en pratique des travaux additionnels au niveau de la charpente (. . . ) ". Cette indication, émanant d'un responsable d'une société de couverture, est confirmée par un professionnel de l'Union nationale des chambres syndicales de couverture et de plomberie de France (décision attaquée, § 498). La cour relève que les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait de démontrer le caractère erroné des indications ainsi reprises.
147. Les sociétés Umicore contestent, par ailleurs, la pertinence des réponses apportées, aux paragraphes 503 et 504 de la décision attaquée, à un certain nombre de leurs moyens. Elles font valoir à ce titre qu'elles ont apporté des éléments démontrant que les producteurs de matériaux concurrents offrent des produits esthétiquement comparables et que la décision attaquée méconnaît le fonctionnement du marché en matière de rénovation tel qu'elles le décrivent dans leurs propres conclusions.
148. C'est cependant à juste titre que l'Autorité a considéré que les prétentions publicitaires mises en avant par des fabricants sur leurs sites Internet étaient à elles seules impropres à démontrer que les produits présentés par ces sites sont substituables au zinc, ces mentions publicitaires ne permettant pas d'apprécier la réalité et l'ampleur de la substituabilité ainsi invoquée. Par ailleurs, si l'affirmation selon laquelle " les feuilles d'acier galvanisé n'ont pas de comparaison avec le zinc ", n'est, comme les requérantes le relèvent, pas davantage étayée, elle est toutefois confortée par plusieurs déclarations qui seront reprises ci dessous (voir § 161). De même, l'appréciation de l'acier comme étant un produit " bas de gamme " est confortée par d'autres déclarations, notamment, celle du délégué régional Nord Pas de Calais de l'association des architectes du Patrimoine, selon lequel " Il s'agit de deux mondes différents. Le zinc est connoté qualité à la différence du bac acier qui lui est un matériau économique " (décision attaquée, § 547), ou celles du directeur de la société Pliage moderne du Nord, pour qui " [l]es bâtiments collectifs et habitation sont du ressort des produits en zinc plus esthétiques que les bacs en acier " (décision attaquée, § 549). La cour relève que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la présentation, par certains fabricants sur leurs sites Internet, de l'acier comme étant, de façon générale, substituable au zinc, sans autre précision, ne permet pas de contredire utilement les déclarations reprises par l'Autorité dans la décision attaquée démontrant que sur le segment de la rénovation des toitures en zinc, ce matériau n'est, dans les faits, pas substituable par un autre.
149. Les sociétés Umicore contestent le bien fondé de l'analyse de l'Autorité selon laquelle " les caractéristiques intrinsèques des produits de couverture en zinc les rendent peu substituables " (décision attaquée, § 508 à 582).
150. Elles font valoir qu'elles s'interrogent sur la pertinence de cette analyse au regard des indications des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, qui mettent l'accent sur la fonction des produits. Elles indiquent qu'en ne se plaçant pas du point de vue de l'architecte, qui pourtant choisit le matériau, l'Autorité commet une erreur d'appréciation et que l'on ne peut déduire l'existence d'un marché pertinent de prétendues caractéristiques intrinsèques différentes de chacun des produits puisque, dans ce cas, chacun des produits représenterait à lui seul un marché. Elles ajoutent qu'il ressort de la pratique de la Commission que la fonction du produit est un critère plus important que le matériau dont il est composé, lorsqu'il s'agit de lui trouver des substituts pour définir le marché pertinent.
151. Toutefois, si la fonction des produits constitue certainement un élément important dans le cadre de la recherche du marché pertinent, il n'en demeure pas moins que leurs caractéristiques intrinsèques sont elles aussi des indices utiles à l'analyse, dans la mesure où elles peuvent permettre de déceler ce qui conduit les demandeurs à sélectionner, dans l'éventail des offres, tel produit plutôt que tel autre et de vérifier si des raisons objectives permettent de constater la non substituabilité des produits entre eux. En l'espèce, l'Autorité s'est bien référée, dans une première étape de son analyse, à la fonction des produits en cause, puisqu'elle a examiné les secteurs des produits de couverture des bâtiments, d'une part, des produits EEP, d'autre part. C'est dans une seconde étape de son analyse qu'elle a examiné les caractéristiques intrinsèques des produits, après avoir étudié d'autres éléments, comme le test dit du monopoleur hypothétique (décision attaquée, § 466 à 472) et les témoignages attestant de l'absence de substituabilité entre le zinc et d'autres matériaux pour une part très substantielle de la demande (décision attaquée, § 483 à 507). Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, l'Autorité n'a pas déduit l'existence d'un marché pertinent des caractéristiques intrinsèques des produits, mais a intégré les conclusions qu'elle pouvait tirer de l'examen de ces caractéristiques à l'ensemble des indices.
152. Les sociétés Umicore contestent les constatations tirées par l'Autorité, au paragraphe 563 de la décision attaquée, d'un rapport MSI de 2004, faisant valoir, d'une part, que ce rapport n'était pas destiné à définir un marché pertinent au regard du droit de la concurrence, d'autre part, que la présentation faite par l'Autorité témoigne d'une méconnaissance totale du marché.
153. Elles indiquent que le " concept de matériaux en feuilles métalliques " ne veut rien dire dans le contexte d'une définition du marché de la couverture et expliquent à ce sujet qu'aucune feuille n'est jamais placée en couverture sous son aspect feuille, mais comme un produit intermédiaire qui sera transformé avant d'être utilisé. En effet ces feuilles sont transformées en bac soit en usine (acier, aluminium, inox) ou sur le site (plomb, zinc, cuivre).
154. Elles font valoir que, sachant que les feuilles d'acier représentent de loin la majeure partie des matériaux de couverture métalliques, l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant d'inclure l'acier en tant que matériau en feuilles métalliques et en laissant ouverte la question de l'inclusion des produits de couverture en feuilles métalliques dans le marché de la couverture. Elles estiment que la décision attaquée n'est pas motivée à suffisance de droit lorsque l'Autorité y considère que cela ne changerait rien à l'analyse.
155. Enfin, elles contestent l'interprétation faite par l'Autorité des notes de M. L. , directeur général de la société Larivière, et soutiennent que ces notes traitent des tonnages de zinc de cuivre et d'inox dans le bâtiment en France et n'affirment pas que le zinc représenterait plus de 85 % des surfaces de couverture.
156. L'étude MSI a été produite par la société Savoie Métal Toiture, lorsqu'elle a été interrogée par les rapporteures. Elle date de 2004 et porte sur le " marché français des matériaux de couvertures de toit ", dont elle étudie la situation entre 2000 et 2004 et ses possibilités d'évolution. Elle précise qu'elle présente le marché français des matériaux de couvertures de toit installés lors de la construction neuve ou de l'entretien rénovation de logements et de bâtiments non résidentiels.
157. La cour observe que l'objectivité de cette étude, qui reprend les indications des professionnels du secteur, n'est pas contestée. Il était loisible à l'Autorité de la retenir comme élément de preuve dans sa recherche du marché pertinent, sans qu'importe que tel n'ait pas été son objectif.
158. Selon cette étude, sur le segment de la couverture métallique, " on distingue les matériaux non ferreux, [le zinc, le cuivre, le plomb] de l'acier car leurs propriété sont très différentes ". Selon cette même étude, en 2004, l'acier devait représenter 79 % du marché de la couverture métallique, le zinc devant représenter " 13 % du total [. . . ] contre 6 % pour les couvertures en aluminium. Les couvertures en cuivre compteront pour les 2 % restant " (annexe 255, cote 15 346). Le tableau n° 52 de ladite étude, auquel se réfèrent les sociétés Umicore, permet de constater que, sur les cinq années de 2000 à 2004, l'acier a représenté entre 23 % et 20 % des ventes de couvertures métalliques, tandis que le zinc a représenté un peu plus de 3 % et l'aluminium, le cuivre et le plomb environ 1,5 % pour le premier, 0,3 % pour le deuxième et 0,1 % pour le dernier.
159. Il se déduit de l'ensemble de ces indications que, si l'on examine les matériaux utilisés pour les couvertures métalliques en distinguant les matériaux ferreux (l'acier) des non ferreux (le zinc, l'aluminium, le cuivre, le plomb), qui, pour les professionnels, n'ont pas les mêmes propriétés et ne répondent donc pas aux mêmes attentes, c'est à juste titre et sans erreur d'appréciation que l'Autorité a relevé que " parmi les matériaux utilisés pour la couverture en feuilles métalliques (le zinc, l'aluminium, le cuivre, le plomb) le zinc représente plus de 85 % des surfaces ". Comme le relève à juste titre l'Autorité au paragraphe 510 de la décision attaquée, ces indications sont de surcroît confirmées par les notes manuscrites prises par le directeur général de la société Larivière lors d'une réunion avec le directeur commercial de la société Umicore France, sans que les circonstances dans lesquelles ces notes ont été prises et invoquées par les sociétés requérantes ne permettent de remettre en doute la concordance des informations qui en résultent.
160. C'est par ailleurs en vain que les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité aurait commis une erreur d'appréciation en comparant, pour l'exclure, l'acier avec des produits se trouvant à des stades de transformation différents, alors que, dans tous les cas, tous les grands éléments de couverture métalliques sont des feuilles ayant été profilées pour être transformées en bac de couverture avant leur pose.
161. En effet, la différence entre le zinc et l'acier résultant d'une part, de la taille de la couverture à réaliser, d'autre part, de la technique de pose, a été signalée par de nombreuses personnes, dont les déclarations sont reprises par la décision attaquée. Ainsi, selon un ingénieur du Centre scientifique et technique du bâtiment (le CSTB), " Le zinc fait partie de la couverture en feuilles métalliques, alors que le bac acier fait partie de la couverture en grands éléments. La couverture en feuilles métalliques est posée sur un support continu en raison de son absence de rigidité. Rien qu'en considération de ce critère de rigidité, les feuilles métalliques constituent un marché spécifique par rapport aux autres matériaux. Le choix de la technique va être fonction du prix global de la couverture, de l'esthétisme et des règles d'urbanisme. La couverture en zinc nécessite un support absorbant la condensation (volige en bois), ainsi qu'une ventilation de ce support. Ces deux critères correspondent aux couvertures en feuilles métalliques. (. . . ). ([Annexe 105], cote 6998, soulignement ajouté) " (décision attaquée, § 541). Cette affirmation est confortée par plusieurs déclarations selon lesquelles les bacs en acier sont principalement utilisés pour les bâtiments industriels dont les surfaces à couvrir sont plus vastes (décision attaquée, § 544,545, 546, 547, 554), ce matériau permet une longueur de pose plus importante que le zinc (décision attaquée, § 545, 556, 557), le savoir faire de mise en œuvre est totalement différent entre les deux matériaux (décision attaquée, § 547) et, enfin, l'acier est deux fois moins onéreux (décision attaquée, § 546, 547) et sa durée de vie moins longue que celle du zinc (décision attaquée, § 545).
162. L'ensemble de ces éléments montrent que le zinc correspond à des usages différents de l'acier et répond une demande spécifique pour laquelle l'acier n'est pas substituable à ce matériau, et que c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré qu'ils ne se trouvaient pas dans le même marché pertinent.
b) Concernant les produits EEP
163. Les sociétés Umicore critiquent la décision attaquée en ce que l'Autorité a estimé que les accessoires et profilés étaient compris dans le marché des produits EEP. Elles font valoir que la motivation de la décision attaquée sur ce point est contradictoire, qu'elle constitue une erreur manifeste de raisonnement et que l'Autorité n'ayant pas analysé les accessoires et profilés, elle a manqué à l'obligation de motivation de sa décision.
164. Toutefois, l'Autorité a précisé, au paragraphe 588 de la décision attaquée, que les produits EEP " sont des produits servant à l'évacuation des eaux de toitures : gouttières, chéneaux, tuyaux de descentes et divers accessoires façonnés en zinc faisant partie des systèmes d'évacuation des eaux pluviales (descentes, moignons, talons, crochets, joints de dilatation, bagues, manchons, cuvettes, etc. ) " (soulignement ajouté par la cour). Elle a donc, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, détaillé ce qu'étaient les produits accessoires et suffisamment motivé sa décision sur ce point. Par ailleurs, rien dans cette liste ne permet de considérer que l'Autorité aurait compris dans les accessoires des produits qui ne seraient pas liés aux systèmes d'évacuation des eaux pluviales, ou qui n'en feraient pas partie en tant qu'accessoires, comme les chatières, les faîtages, les bandes de rive ou les solins. La cour observe, à ce sujet, que le paragraphe 373 de la notification de griefs, auquel les sociétés requérantes renvoient en se référant à leurs observations en réponse au rapport, indique que " [l]es produits destinés à recouvrir les façades (ou " bardage "), dans la mesure où ils mettent en jeu des quantités marginales de zinc, ne feront pas l'objet d'une définition de marché spécifique et seront pris en compte parmi les produits en zinc laminé destinés à la couverture ". Rien ne permet de constater que ces produits auraient, en tout cas au stade de la définition des marchés, été inclus dans le marché des produits EEP. La question de leur éventuelle intégration dans le montant de base de la sanction sera, si cela est nécessaire, examinée dans la partie du présent arrêt consacrée au calcul de la sanction. Les critiques formulées par les sociétés Umicore ne sont en conséquence pas fondées.
165. Enfin, il convient de relever que l'analyse de la substituabilité à laquelle l'Autorité a procédé et qui fait l'objet des moyens que la cour examinera dans les développements qui suivent, concerne bien les éléments de système EEP, notamment, lorsqu'ils sont évoqués par les déclarations reprises dans la décision attaquée, et non d'autres éléments qui ne concerneraient pas ces systèmes. Il s'en déduit que le moyen qui critique la prise en compte au titre des systèmes EEP d'éléments qui n'en seraient pas les accessoires, est en tout état de cause inopérant.
166. L'Autorité a fondé son constat de l'existence d'un marché pertinent des produits EEP en zinc sur la réunion de cinq indices. Le premier est l'absence de diminution des quantités de produits EEP vendues lors de la forte hausse des prix du zinc en 2006 (décision attaquée, § 592 et suivants), le deuxième consiste dans l'existence d'écarts de prix significatifs entre le zinc et le PVC, qui traduisent de fortes différences de qualité et de durabilité (décision attaquée, § 597 et suivants), le troisième repose sur la réunion de plusieurs déclarations concordantes de professionnels faisant état d'une substituabilité limitée entre le zinc et d'autres matériaux sur le segment de la rénovation (décision attaquée, § 607 et suivants), le quatrième réside dans l'existence de circuits de distribution distincts (décision attaquée, § 624 et suivants), et le dernier relève du constat de l'existence d'une analyse tarifaire effectuée par rapport aux seuls produits en zinc (décision attaquée, § 632).
167. Le fait qu'il existe, en matière de système EEP, des produits en cuivre, en aluminium, en acier galvanisé, en acier galvanisé laqué, en acier inoxydable et en PVC n'implique pas que ceux ci soient substituables au sens du droit des pratiques anticoncurrentielles.
168. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été précisé précédemment, il n'y a pas lieu d'écarter les constatations relatives à l'évolution des prix dans l'analyse des marchés des produits en zinc, puisque, si la demande est d'une sensibilité relative à ce paramètre, elle ne peut cependant en être totalement détachée. La cour adopte l'analyse de l'Autorité sur ces points et renvoie en tant que de besoin aux paragraphes 592 à 606 de la décision attaquée, qui ne sont pas autrement critiqués par les requérantes.
169. Les sociétés Umicore opposent l'insuffisante force probante des déclarations retenues par l'Autorité. Elles exposent que celle ci a indiqué, au paragraphe 607 de la décision attaquée, que " certaines déclarations " confirment que le marché des produits EEP n'est pas limité au zinc, ce qui était aussi la conclusion du rapport administratif d'enquête de la DGCCRF. Elles soutiennent que plusieurs déclarations indiquent qu'il conviendrait de regarder le type de bâtiment concerné et que, si ce constat était exact, ce qu'il n'est pas, il aurait dû conduire à une délimitation plus étroite du marché pertinent. Elles ajoutent que l'Autorité a repris des déclarations sans tenir compte, d'une part, de ce que l'une d'entre elles ferait une distinction entre le neuf et la rénovation, d'autre part, de ce qu'une autre préciserait que l'on peut respecter les formes avec des matériaux différents du zinc. Elles contestent l'affirmation selon laquelle le chéneau devrait nécessairement être en zinc.
170. Les déclarations reprises dans la décision attaquée (§ 609 à 623) montrent que, pour les produits EEP, comme pour les produits de couverture des bâtiments, un choix entre plusieurs matériaux s'offre aux professionnels et que plusieurs critères entrent dans la détermination de ces choix, parmi lesquels on retrouve la nature des bâtiments (maisons individuelles, immeubles de logements collectifs, locaux industriels), mais aussi leur caractère neuf ou ancien, ou la nature des travaux (construction ou rénovation). À l'instar de ce qui a été relevé précédemment pour les produits de couverture, il résulte des déclarations que le zinc est considéré par les professionnels comme étant un matériau de qualité et correspondant à certaines exigences esthétiques (décision attaquée, § 610, 611, 616), lequel est fréquemment utilisé pour remplacer du zinc (décision attaquée, § 613), mais aussi qu'il est mieux adapté aux bâtiments qui ne sont pas standardisés et pour lesquels il est nécessaire d'adapter la forme de l'élément à la géométrie de la construction à laquelle il s'intègre (décision attaquée, § 613, 614, 615) et de mettre en œuvre un savoir faire particulier (décision attaquée, § 626 et 627) .
171. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, pour les produits EEP, le zinc est un matériau choisi pour des caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui le rendent insubstituable par d'autres matériaux.
172. Il est sans portée que des produits EEP existent en d'autres matériaux que le zinc, dès lors que celui ci est choisi pour ses propriétés propres et des usages spécifiques pour lesquels les professionnels estiment qu'il n'est pas substituable par d'autres. Il est tout autant dépourvu de conséquence que le rapport administratif d'enquête de la DGCCRF ait conclu différemment, l'Autorité n'étant nullement tenue par cette appréciation. Enfin, le fait que, s'agissant de bâtiments neufs, d'autres matériaux soient préférés au zinc n'est pas contradictoire avec le constat que, pour un certain nombre d'usages, le zinc est le seul matériau utilisé et qu'il n'est pas substituable par un autre.
173. Par ailleurs, si les déclarations citées dans la décision attaquée exposent que le zinc correspond à certains types d'immeubles ou de travaux, il en résulte qu'il dispose, pour ces situations variées, un caractère insubstituable qui conduit à considérer qu'il existe bien un marché des produits EEP en zinc, sans qu'il soit justifié de caractériser un marché pertinent réduit à chacune de ces situations propres et diverses. S'agissant des chéneaux, les sociétés Umicoren'apportent aucun élément qui permettrait de contredire utilement les déclarations selon lesquelles " [l]es chéneaux sont à 95 % en zinc [. . . ] " ou " les chéneaux sont obligatoirement en zinc [. . . ] " ou encore celle selon laquelle " le chéneau doit toujours être façonné en zinc car il faut tenir compte de la quantité d'eau à évacuer " (décision attaquée, § 621, 622, 623).
174. Sur ce point, les sociétés Umicore renvoient, dans leurs dernières conclusions, à un document issu d'un site internet intitulé " goutière. comprendrechoisir. com ", produit en annexe de leurs observations en réponse au rapport, qui indique, au sujet du chéneau : " dans les constructions anciennes, il était en pierre, en terre cuite ou en bois recouvert de plomb. Aujourd'hui le chéneau est disponible dans le même matériau que les goutières PVC, zinc, cuivre ou aluminium ". Toutefois, si ce document démontre qu'il peut exister des chéneaux en d'autre matériau que le zinc, il n'infirme pas le constat d'une préférence exprimée par les professionnels dans les déclarations rappelées ci dessus.
175. De plus, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, le fait, non contesté par elles, que les produits EEP en zinc soient distribués par des circuits différents de ceux en PVC, contribue à montrer que ces produits ne s'adressent pas à la même clientèle, et constitue un indice complémentaire du caractère spécifique du zinc pour ces produits.
176. De la même façon, les documents internes montrant que les sociétés Umicore procédaient à une veille concurrentielle au regard des seuls produits concurrents en zinc, et non de ceux réalisés en d'autres matériaux, ajouté aux autres indices précédemment examinés, contribuent à démontrer l'existence d'un marché pertinent des produits EEP en zinc. Le fait, invoqué par les sociétés requérantes, que ces documents n'avaient pas été préparés dans une perspective de définition des marchés, s'il doit conduire à ne pas se référer à eux seuls pour circonscrire le marché, n'empêche toutefois pas que les constats qui en résultent puissent être utilisés dans un faisceau d'indices.
177. Les sociétés Umicore font encore valoir que l'Autorité n'a pas pris en compte le fait que le groupe Umicore consacre une partie importante de ses ressources à démarcher les architectes en vue de faire la promotion des produits en zinc et de les convaincre de leurs avantages par rapport aux produits concurrents. Elles exposent qu'aucune entreprise n'effectuerait de telles dépenses pour assurer une demande qu'elle sait captive. Elles renvoient aussi à la liste qu'elles ont produite de projets (neufs ou en rénovation) que la société Umicore France a perdus sur la période de 2009 à 2013, au profit d'autres matériaux que le zinc.
178. Cependant, il résulte des éléments du dossier relatifs au travail de prescription développé auprès des architectes et maîtres d'œuvre par la société Umicore France (cf. notamment, annexe 187, cote 11954, ou annexe 196, cote 20311 et s. ) que le travail de démarchage du groupe vise à renforcer et appuyer la notoriété de la marque VM Zinc afin qu'elle soit mentionnée dans les cahiers des clauses techniques particulières (CC TP). Si ces efforts contribuent, dans un même mouvement, à promouvoir le zinc, il ne peut en être déduit que, sans ces investissements, les produits en zinc qui correspondent à des usages spécifiques auraient vocation à disparaître.
179. S'agissant des listes produites par les sociétés Umicore énumérant les marchés de couverture qu'elle qualifie de " perdus " entre 2009 et 2013, la cour relève que, outre qu'elles concernent une période postérieure à celle des pratiques, en l'absence d'informations sur les caractéristiques de ces chantiers permettant de vérifier s'ils correspondaient aux situations dans lesquelles le zinc est difficilement remplaçable par un autre matériau, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que ces listes ne démontraient pas la substituabilité soutenue par les sociétés Umicore. Le fait que, sur un certain nombre de ces marchés, un autre produit que le zinc ait été choisi, bien que la société Umicore France ait été " active pour la fourniture de zinc ", ne permet pas, à lui seul et faute des informations précitées, de contredire l'ensemble des éléments précédemment relevés.
180. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les sociétés Umicore, ce n'est pas le seul épisode de forte hausse des prix du zinc en 2006, mais l'ensemble des indices retenus par l'Autorité qui démontrent qu'il existe, compte tenu des caractéristiques du zinc propres à satisfaire une demande spécifique, un marché des produits de couverture en zinc et un marché des produits EEP en zinc, sans qu'aucune de ces spécificités ne justifie de réduire les marchés à un périmètre plus étroit.
181. Les moyens des sociétés Umicore sur l'ensemble des points qui précèdent sont en conséquence rejetés.
c) sur la prétendue violation des principes de coopération loyale et de " bonne administration "
182. Les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité a dans son analyse des marchés pertinents violé les principes de coopération loyale et de " bonne administration " en ne tenant aucunement compte des précédents des autorités de concurrence européenne, allemande et française, alors que, selon ces précédents, elles ne pouvaient raisonnablement pas s'attendre à ce qu'il soit considéré qu'elles se trouvaient en position dominante (moyen 6).
183. Elles rappellent que, dans sa décision du 26 février 2007 dans l'affaire COMP/M. 4450 ' Umicore/Zinifex/Neptune, la Commission a relevé que " [l]'enquête de marché a notamment confirmé que pour les deux types de produits [produits de couverture en zinc et systèmes d'évacuation des eaux pluviales en zinc], il existe une variété de matériaux alternatifs pour fabriquer les produits concernés, lesquels sont hautement substituables les uns avec les autres du point de vue de l'utilisation finale '", et a conclu que " à la fois pour les produits de couverture et pour les systèmes d'évacuation des eaux pluviales, ['] un marché de produits se limitant seulement aux produits de couverture en zinc ou aux systèmes d'évacuation des eaux pluviales en zinc est trop étroit'". Elles indiquent qu'au surplus, au point 48 de cette décision, la Commission s'est référée à des décisions de l'autorité de concurrence allemande (le Bundeskartellamt), laquelle, dans deux affaires (B5-27400- U114/98 ' décision Rheinzink I du 28 janvier 1999 et B5-27532- U120/01 ' décision Rheinzink II du 22 janvier 2002), a retenu que le marché des produits pertinents ne se limite nullement au zinc et a conclu, sur la base de ce constat, que la société Rheinzink ne détenait pas de position dominante, les produits de construction en zinc étant dans tous les cas soumis à la forte concurrence de produits substituables.
184. Les requérantes ajoutent que l'Autorité elle même a procédé à une analyse identique dans le cadre de sa décision n° 12- DCC-107 du 13 août 2012 relative à l'acquisition de la société Savoie Métal Toiture SAS par la société Decaber SA, dans laquelle elle a retenu comme pertinents " les marchés des systèmes de récupération des eaux de pluie et des autres matériaux de toiture tout matériaux confondus ".
185. Elles font valoir qu'en vertu du principe de coopération loyale prévu par l'article 4, paragraphe 3, du TFUE, "'les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union " et " facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union ". (Branche 1)
186. Elles rappellent qu'en application de l'article 16, paragraphe 2, du règlement CE n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, " [l]orsque les autorités de concurrence des États membres statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l'article [101] ou [102] du [TFUE] qui font déjà l'objet d'une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission " et que cette force contraignante s'étend aux constatations en droit qui soutiennent cette décision.
187. Si elles admettent que la décision de la Commission ne concerne pas les mêmes " accords, décisions ou pratiques " que la décision attaquée, de sorte que l'Autorité n'était pas tenue de parvenir aux mêmes conclusions que celles de la Commission, elles soutiennent que le principe de coopération loyale implique, plus généralement, d'assurer le bon fonctionnement du réseau des autorités de concurrence et, notamment, d'assurer l'homogénéité des décisions qui y sont prises, de sorte qu'il incombait à l'Autorité de prendre dûment en considération les constatations opérées par la Commission, ainsi que celles opérées par l'autorité de concurrence allemande, à l'égard des marchés des produits de couverture et des produits EEP. Or l'Autorité n'aurait pas discuté le bien fondé de ces décisions ni expliqué les raisons pour lesquelles elle estimait nécessaire de s'en écarter.
188. Elles soutiennent en outre, qu'en refusant de prendre en compte (fût ce pour les discuter) les décisions précitées et prises antérieurement sur la délimitation des marchés pertinents, l'Autorité a manqué à l'obligation de motivation qui pèse sur elle au titre du principe de bonne administration.
189. La cour rappelle qu'ainsi qu'il a déjà été précisé au paragraphe 124 du présent arrêt, l'analyse des marchés en matière de concentration ne vise pas les mêmes objectifs que ceux poursuivis par l'analyse à laquelle il est procédé en matière de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles. En effet, dans la première situation, il convient de rechercher quel impact aura dans un avenir proche, où plus lointain, l'acquisition d'une entreprise par une autre et donc la réduction de l'intensité de la concurrence, tandis que dans la seconde, il est recherché quel est le marché concerné par la mise en œuvre de pratiques actuelles ou passées.
190. Ceci explique que l'analyse à laquelle il est procédé en matière de concentration puisse être moins précise et que le champ dans lequel elle se déploie puisse être plus vaste. Ainsi, au point 53 de sa décision du 26 février 2007 dans l'affaire COMP/M. 4450 ' Umicore/Zinifex/Neptune, la Commission indique t elle, selon les termes de la traduction libre fournie par les sociétés requérantes, d'une part, qu'il n'y a pas un marché global pour tous les matériaux de construction, d'autre part, que les éléments de toiture et les systèmes d'évacuation des eaux pluviales font partie de deux marchés de produits distincts, enfin que " l'enquête de marché suggère à la fois pour les produits de couverture et pour les systèmes d'évacuation des eaux pluviales, qu'un marché de produits se limitant aux produits [ . . . ] en zinc est trop étroit " (soulignement ajouté par la cour). Au point 54 de cette même décision, la Commission ajoute " Cependant, l'enquête de marché ne permet pas de tracer les limites exactes de chacun des deux marchés de produits. La question de la définition [de ces marchés] peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où quelle que soit la définition retenue, le résultat de l'analyse concurrentielle est identique ".
191. Saisie en matière de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité n'était pas tenue par cette analyse de marché, réalisée dans le cadre juridique différent d'une concentration d'entreprises, et formulée dans des termes circonstanciels qui laissaient ouverte la possibilité de conclusions alternatives. Elle n'a, ainsi, pas adopté une position contraire à une décision prise par la Commission, ni pris de mesure qui serait susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union. Il en est de même à l'égard des décisions de l'Autorité de concurrence allemande auxquelles se réfèrent les sociétés requérantes. Par ailleurs, la motivation développée par l'Autorité, dans la décision attaquée, au soutien de son analyse des marchés pertinents, validée précédemment par la cour, explique de façon précise les raisons pour lesquelles l'Autorité a, en l'espèce, procédé à une détermination différente des marchés pertinents, sans qu'il soit nécessaire d'apporter de justifications complémentaires. Par ailleurs, et compte tenu du cadre juridique différent dans lequel s'inscrit la décision attaquée par rapport à celui des décisions ainsi invoquées, il ne peut être fait grief à l'Autorité de ne pas avoir utilisé la possibilité de solliciter l'avis de la Commission sur la définition des marchés pertinents en application de l'article 11, point 5, du règlement n° 1/2003, lequel ne prévoit aucune obligation à cet égard.
192. Pour les mêmes raisons, les sociétés Umicore ne pouvaient escompter qu'il ne pourrait être procédé à aucune analyse différente des marchés sur lesquels elles interviennent et sur lesquels elles ont déployé les pratiques reprochées. La motivation précédemment approuvée par la cour est, ainsi qu'il vient d'être précisé, suffisamment complète, détaillée et explicite pour permettre aux sociétés Umicore de comprendre pourquoi l'Autorité a circonscrit les marchés pertinents comme elle l'a fait. Il est, sur ce point, sans portée que l'inspecteur de la DGCCRF ait pu avoir une analyse différente des marchés.
193. Il s'ensuit que les griefs selon lesquels l'Autorité n'aurait pas respecté les principes de coopération loyale et de bonne administration ne sont pas fondés et doivent être rejetés.
B. Sur la position dominante
194. Les sociétés Umicore reprochent à l'Autorité d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation (moyen 7, branche 1) et entaché sa décision d'un défaut de motivation (moyen 7, branche 2) en décidant que la société Umicore France se trouvait en position dominante, sans tenir compte de la puissance d'achat compensatrice de ses clients et sans examiner les éléments factuels qu'elles avaient produits pour démontrer cette circonstance de fait.
195. Elles rappellent que dans sa communication 2009/C 045/02 intitulée " Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes ", publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 24 février 2009 (C 45, p. 7), la Commission précise que la puissance d'achat des clients d'une entreprise doit être prise en compte afin de déterminer l'existence d'une position dominante, et ce même en présence d'une part de marché prétendument élevée (point 18), principe que l'Autorité met elle même en œuvre.
196. Elles précisent que les deux principaux clients de la société Umicore France, les groupes Saint Gobain et SIG, représenteraient à eux seuls environ 50 % du chiffre d'affaires de l'activité zinc bâtiment en France sur l'intégralité de la période 1999-2007, et que cette puissance d'achat des groupes de distributeurs est par ailleurs expressément admise par les distributeurs eux mêmes.
197. Elles ajoutent que les " contrats européens " témoignent de la puissance d'achat de ces distributeurs. Ainsi, ces contrats ne constitueraient nullement une rémunération pour " monomarquisme ", mais seraient des contrats imposés par les grands groupes afin d'augmenter leur marge. Selon elles, la société Umicore France n'avait d'autre choix que de les accepter si elle voulait demeurer un fournisseur pouvant livrer à ces groupes.
198. Elles exposent que l'appréciation de l'Autorité méconnaît la réalité du marché et font valoir, d'une part, que la société Umicore France a fait l'objet de menaces de déréférencement, ainsi que l'illustre une lettre de la société Yvon du 15 janvier 2007, d'autre part, que la décision attaquée passe sous silence la faible part de ses produits dans le chiffre d'affaires de ses fournisseurs. Elles indiquent avoir fourni de très nombreux éléments démontrant que les distributeurs (centres VM Zinc et autres) vendent et présentent côte à côte des produits de couverture et des produits EEP de différents types de matériaux métalliques et non métalliques. Elles soutiennent que la société Umicore France se trouve ainsi à la merci de ses plus gros clients, et ce d'autant plus que le secteur est caractérisé par des coûts fixes élevés nécessitant un taux d'activité élevé pour atteindre un niveau de rentabilité satisfaisant.
199. L'Autorité, le Ministre chargé de l'économie et le Ministère public concluent au rejet du moyen.
200. Ainsi que le rappelle l'Autorité aux paragraphes 649 et suivants de la décision attaquée, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (ci après la Cour de justice ou la CJUE), la position dominante visée par l'article 102 du TFUE s'entend d'une situation de puissance économique qui donne à l'entreprise concernée le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui permettant de se comporter, dans une certaine mesure, de manière indépendante vis-à- vis de ses concurrents, de ses clients, et finalement des consommateurs (CJUE, arrêts du 13 février 1979, Hoffmann La Roche/Commission. , 85/76, point 38, et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C-457/10 P, point 175). La preuve de la position détenue par une entreprise sur un marché s'apprécie au moyen d'un faisceau d'indices (décision attaquée, § 650), parmi lesquels les parts de marché constituent un paramètre essentiel (décision attaquée, § 651), la Cour de justice ayant précisé sur ce point, sans que cette jurisprudence ait été à ce jour modifiée, que " des parts extrêmement importantes constituent par elles mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Tel est le cas d'une part de marché de 50 % comme celle constatée en l'espèce " (CJUE, arrêt du 3 juillet 1991, Akzo/Commission, C-62/86, point 60 ; voir également, TUE, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T-321/05, point 288).
201. En l'espèce, l'Autorité a tenu compte de l'importance des parts de marché au cours de la période de mise en œuvre des pratiques sur les deux marchés concernés (produits de couverture en zinc et produits EEP). Sur le marché des produits de couverture en zinc, ces parts ont été supérieures à 70 %, en incluant la part de marché de la société de droit péruvien Ieqsa, acquise par le groupe Umicore en 2003, et plus de trois fois supérieures aux parts de marché de son concurrent le plus puissant, la société Rheinzink, aucun des autres intervenants ne dépassant 8 % de parts de marché (décision attaquée, § 658). De même, sur le marché des produits EEP, ces parts ont été comprises, sur la période concernée par les pratiques, entre 64, pour le début, à 53 %, à la fin, soit trois fois plus que celles de la société Rheinzink (décision attaquée, § 661).
202. L'Autorité a complété cet indice par quatre autres. En premier lieu, la forte notoriété de la société Umicore France, acteur historique sur le marché français et déployant un important travail de promotion auprès des clients (décision attaquée, § 666), en deuxième lieu, la reconnaissance au sein de son personnel de sa position dominante, établie par un courrier électronique de son directeur commercial (décision attaquée, § 669), en troisième lieu, le constat que, sur les deux marchés, l'ensemble de la profession se fonde sur les prix des produits Umicore pour établir sa tarification (décision attaquée, § 670), en quatrième lieu, le fait que la société Umicore France soit parvenue à maintenir, sur l'ensemble de la période concernée par les pratiques, des parts de marché élevées, tout en pratiquant des prix de 5 à 15 % supérieurs à ceux de ses concurrents sur le marché français (décision attaquée, § 671).
203. Enfin, l'Autorité a examiné la puissance d'achat des clients de la société Umicore France, invoquée par les requérantes. Elle a estimé que, bien que la part très importante de ces clients dans l'ensemble des ventes (les trois principaux représentant à eux seuls 72 % en 2012 et les deux premiers ' groupes Point P et Larivière ' 57 % en 2013), cette puissance d'achat ne pouvait être
qualifiée de compensatrice. Elle a fondé cette appréciation sur la très forte préférence des clients des distributeurs en question pour la marque VM Zinc et la faculté du groupe de s'adapter aux critères esthétiques du marché français, dont elle a déduit qu'il était difficile pour un distributeur de changer rapidement de fournisseur (décision attaquée, § 675).
204. Ainsi qu'il ressort de cette motivation, que la cour adopte, l'Autorité n'a pas négligé la puissance d'achat des clients de la société Umicore France, ni refusé d'examiner les moyens et les pièces afférentes des parties.
205. Il convient encore de rappeler que le pouvoir de grands distributeurs vis-à- vis de leurs fournisseurs s'exerce plus difficilement lorsque ceux ci disposent de marques à forte notoriété.
206. En l'espèce, le fait que les groupes, principaux clients de la société Umicore France, exercent davantage de pression dans le cadre des négociations annuelles avec cette société est, comme l'indiquent les requérantes, une démonstration de leur puissance d'achat. Cette pression n'a toutefois pas empêché que, sur la période considérée, les prix pratiqués par la société Umicore France ont été de 5 à 15 % supérieurs à ceux de ses concurrents sur le marché français, ce qui conduit à conforter l'analyse selon laquelle cette puissance d'achat n'est pas compensatrice de la position dominante. À ce sujet, il convient d'observer que l'ancien directeur des achats de la société Larivière a déclaré, lors de l'enquête, " avec Umicore il n'y a pas de discussion possible. Le prix de vente du fournisseur est fonction du LME et les bonifications de fin d'année sont décidées unilatéralement par Umicore " (annexe 145, cote 5984) [la cour précise que l'acronyme LME signifie " London metal exchange " et qu'il est défini au paragraphe 107 de la décision attaquée]. S'agissant des contrats européens, qui, selon les sociétés requérantes, sont imposés par les grands groupes, la cour relève que ces contrats, décrits aux paragraphes 176 et suivants de la décision attaquée et conclus à partir de juillet 2008, soit après la cessation des pratiques, comportent des clauses très avantageuses pour la société Umicore France, incitatives pour le groupe Point P Saint Gobain à la référencer préférentiellement. En outre, les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait à la cour de constater que les clauses de ces contrats ne seraient pas conformes à leurs intérêts ni, comme elles le prétendent, qu'elles n'auraient pas pu les négocier.
207. Au surplus, la lettre du directeur commercial de la société Yvon adressée à la société Umicore le 15 janvier 2007, indiquant " Nous vous confirmons notre décision de ne plus travailler avec la société Umicore (. . . ) ", est motivée par le fait que celle ci " n'est pas référencée GEDIMAT " et que la société Yvon a " opté pour un fournisseur référencé ". Cette rupture de relations commerciales pour un motif qui n'a aucun lien avec la pratique tarifaire ou contractuelle de la société Umicore France, ne témoigne pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, de la menace de déréférencement qui pèserait sur la société Umicore France et ne démontre pas la puissance d'achat compensatrice de ses clients. De même, les deux lettres des 19 septembre 2012 et 3 avril 2013 produites par les requérantes (pièces 32 et 33) par lesquelles le directeur commercial de la société Umicore France prend acte de la décision de la société Larivière d'arrêter la distribution de la marque VM Zinc dans trois, puis quatorze points de vente, sont postérieures aux pratiques et ne peuvent témoigner d'une puissance particulière de cette société à l'égard de la société Umicore France à la période concernée par la décision attaquée. De plus, le fait que la société Larivière, qui, selon le graphique figurant au paragraphe 60 de la décision attaquée, regroupait quatre vint neuf " centres VM Zinc cible ", ait souhaité arrêter la distribution de la marque VM Zinc pour dix sept d'entre eux ne rapporte pas la preuve d'une soumission de la société Umicore France à la menace de déréférencement de ses distributeurs, d'autant que cette enseigne ne regroupe que 20 % des ventes de la société Umicore en 2012 (Voir décision attaquée, § 65).
208. C'est en vain que les requérantes soutiennent que, réalisant leurs chiffres d'affaires, lesquels sont de surcroît très importants, avec d'autres produits que ceux de la société Umicore France, les quatre plus gros distributeurs clients de cette société ne seraient pas substantiellement dépendants d'elle. En effet, le caractère compensateur de la puissance de marché des clients de l'entreprise en position
dominante ne dépend nullement d'une telle condition. Il n'est, de surcroît, pas contesté qu'il existe sur les marchés pertinents une forte préférence des clients des distributeurs pour la marque VM Zinc, ce qui a pour conséquence que la capacité à changer rapidement de fournisseur pour un distributeur apparaît très limitée (décision attaquée, § 675). À ce sujet, le fait que certains distributeurs vendent et présentent, côte à côte, des produits de couverture et des produits EEP de différents types de matériaux métalliques et non métalliques, qui, ainsi qu'il a été relevé précédemment, ne se trouvent pas en concurrence avec les produits en zinc, n'est pas de nature à rapporter la preuve contraire à la position dominante de la société Umicore France, telle qu'elle a été établie. En outre, cette préférence marquée des clients distingue la situation de la société Umicore France, en France, de celle de la société Rheinzink, en Allemagne, et justifie que l'Autorité ait, en l'espèce, procédé à une analyse différente de celle suivie par l'Autorité de concurrence allemande dans la décision du 28 janvier 1998, dite Rheinzink I.
209. Enfin, le fait que le secteur soit caractérisé par des coûts fixes élevés nécessitant un taux d'activité élevé pour atteindre un niveau de rentabilité satisfaisant, n'est lui non plus pas suffisant pour remettre en cause la position dominante de la société Umicore France, opérateur historique en France. Cette société est en effet, au regard de ses parts de marchés, ainsi que de sa notoriété, la plus à même d'absorber les pertes que peuvent causer la perte de certains clients, d'autant que, compte tenu des préférences affichées par les clients des distributeurs, il est loin d'être exclu que ceux ci ne reporteraient pas leurs achats vers d'autres distributeurs proposant la marque VM Zinc.
210. Il se déduit de ce qui précède que le moyen des sociétés Umicore contestant l'existence d'une position dominante est rejeté.
C. Sur l'abus
211. À titre liminaire, la cour relève qu'en dehors des moyens relatifs à la prescription (moyens 8 et 9), qui ont été précédemment rejetés, les sociétés Umicore ne contestent pas la décision attaquée en ce qu'elle a qualifié d'abus de position dominante les pratiques mises en œuvre pendant la période écoulée entre 1999 et fin 2003.
212. La cour adopte, sur ce point, les motifs de la décision attaquée par lesquels l'Autorité a conclu qu'il est établi d'une part que, de 1999 à 2004, la société Umicore France a imposé à tous les centres VM Zinc, y compris ceux appartenant aux enseignes Point P, Asturienne et Larivière, une obligation d'achat exclusif fondée sur des stipulations contractuelles explicites (décision attaquée, § 693) et, d'autre part, que plusieurs documents internes datés de 2002 montraient que cette fidélisation participait de la politique commerciale d'Umicore consistant à poursuivre une stratégie tendant à " repousser la deuxième marque " (décision attaquée, § 694).
1. Sur l'application du contrat VM Zinc entre 2004 et 2007 (moyen 10, branche 1)
213. Concernant la période de 2004 à 2007, l'Autorité a constaté que la suppression, à partir de 2004, de la clause expresse d'achat exclusif dans les contrats avait été suivie de la mise en œuvre d'une politique commerciale tendant à une exclusivité de fait. Elle a, à ce titre, relevé que de nouvelles stipulations avaient été introduites permettant d'inciter dans les faits à l'exclusivité, telles la clause interdisant d'utiliser la marque VM Zinc ou les produits et services comme vecteur de vente pour des produits de marques concurrentes, la clause de stock correspondant à un mois de vente, et l'instauration d'un système de bonification élaboré de façon à inciter à la fidélité et la loyauté ainsi qu'à la mise en avant d'une gamme spécifique de produits (décision attaquée, § 697 à 700).
214. Elle a également constaté qu'en mai 2004, la société Umicore France avait conclu avec la société Asturienne une " Charte de partenariat Umicore/Asturienne " (ci après, la charte de partenariat) qui prévoyait que les agences Asturienne agréées VM Zinc devaient assurer " exclusivement la promotion de la gamme Umicore " et qui indiquait ensuite que " 5 dépôts, Villeneuve d'Ascq,
Saint Malo, Saint Denis, Libourne, Toulouse distribueront une marque concurrente ", ces dépôts se voyant simultanément interdire de faire " la double cotation (offre VM ZINC et offre concurrente pour une même affaire ou un même client) " (annexe 27, cote 1491) (décision attaquée, § 701).
215. Enfin l'Autorité a relevé qu'à partir de 2005, la société Larivière, alors que ses centres s'approvisionnaient pour plus de 95 % de leurs besoins auprès de la société Umicore France, avait obtenu de celle ci une bonification supplémentaire intitulée " Bonification de fin d'année développement " (ci après la BFAD), s'ajoutant à une première bonification, intitulée, jusqu'en 2007, " Bonification de Fin d'Année Établissement ", puis renommée, à partir de 2007, " Bonification Qualitative Semestrielle Agence " (ci après la BFAE). La BFAD a été versée hors contrat au début et a été officialisée en 2009 (décision attaquée, § 702 et s. ). Elle a, ensuite, constaté la concomitance de l'octroi de cette nouvelle prime avec le choix de la société Larivière de déréférencer les produits de la société Rheinzink (décision attaquée, § 851 et constat au § 184).
216. L'Autorité a ensuite précisé que les éléments du dossier montraient que la société Umicore France interprétait toujours ces dispositions comme le fondement d'une obligation d'exclusivité (décision attaquée, § 704 à 715), et qu'il en était de même pour les centres VM Zinc, en particulier les centres des enseignes Asturienne et Larivière (décision attaquée, § 716 à 756).
217. Enfin, elle a détaillé les éléments de fait démontrant l'application d'une politique commerciale incitant à l'exclusivité, fondée, notamment, sur un système de surveillance et de représailles applicable de façon générale aux centres VM Zinc au travers, d'une part, de l'application des clauses de promotion, de stock, de prévision unilatérale d'achat (décision attaquée, § 757 à 815), d'autre part, de l'application de mesures de représailles consistant à réduire voire à supprimer la bonification des distributeurs VM Zinc ayant distribué du zinc concurrent, mais aussi dans certains cas, à retirer le statut de centres VM Zinc (décision attaquée, § 816 à 836).
218. Les sociétés Umicore soutiennent que la décision attaquée contient de nombreuses erreurs manifestes d'appréciation lorsque, malgré l'ensemble des éléments fournis par elles, elle conclut à l'existence d'obligations d'achat exclusif de fait liant les centres VM Zinc de 2004 à 2007 et à des griefs distincts pour les enseignes Point P, Asturienne et Larivière. Selon elles, ces erreurs vicient irrémédiablement l'analyse et la conclusion de l'Autorité quant au bien fondé des griefs reprochés. Elles ajoutent que la motivation de la décision attaquée n'est que sommaire et n'aborde pas la raison de la préférence des clients pour les produits VM Zinc, qui avait pourtant été longuement exposée dans leurs observations en réponse au rapport des rapporteures, ce qui viole leurs droits de la défense (moyen 11).
219. L'Autorité souligne, que contrairement aux allégations des requérantes, les distributeurs appartenant aux grandes enseignes n'ont pas fait l'objet d'un grief distinct, ceux ci étant visés par le grief d'abus de position dominante notifié aux sociétés Umicore, au même titre que les autres centres VM Zinc.
220. Elle conteste ensuite le bien fondé des reproches formulés par les sociétés Umicore, en renvoyant aux développements de la décision attaquée.
221. Le Ministre chargé de l'économie fait observer que la qualification d'abus ne requérait en l'espèce aucune obligation formelle ou contraignante et qu'il suffit de démontrer que les pratiques comportent une incitation vis-à- vis des clients à ne pas s'adresser à des fournisseurs concurrents et à s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins auprès de ladite entreprise. Il estime que cette preuve est rapportée par l'Autorité. Le Ministre chargé de l'économie conteste que les menaces et représailles relevées par l'Autorité soient marginales car elles sont, selon lui d'une particulière gravité. Il expose qu'il n'était nul besoin pour la société Umicore France d'étendre les mesures prises à l'ensemble des distributeurs concernés pour conforter l'exclusivité imposée, car de telles mesures sont forcément connues de l'ensemble du réseau et servent d'exemple pour dissuader les comportements considérés comme déviants.
222. Le Ministère public conclut au rejet du moyen en rappelant les motifs de la décision attaquée et en renvoyant aux pièces citées par celle ci.
a) Sur l'absence de clause contractuelle empêchant les centres VM Zinc de s'approvisionner auprès de concurrents
223. Les sociétés Umicore font valoir que l'Autorité a ignoré leur argumentation selon laquelle aucune clause du contrat centre VM Zinc de 2004 n'empêchait ces centres de s'approvisionner chez des fournisseurs de produits de zinc concurrents, alors qu'elles avaient démontré, dans leurs observations en réponse au rapport, qu'aucune clause de ce contrat n'était la base d'une quelconque obligation de s'approvisionner auprès d'elle.
224. Ce moyen est inopérant.
225. Ainsi que l'a jugé le Tribunal de l'Union européenne (ci après le Tribunal de l'Union ou le TUE) dans son arrêt du 9 septembre 2010, Tomra Systems e. a. /Commission T-155/06, point 59), " il n'est pas nécessaire que les pratiques d'une entreprise en position dominante lient les acheteurs par une obligation formelle pour établir qu'elles constituent une exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 82 CE [devenu l'article 102 du TFUE]. Il suffit que ces pratiques comportent une incitation, vis-à- vis des clients, à ne pas passer par des fournisseurs concurrents et à s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise ".
226. En l'espèce, l'exposé du cadre contractuel applicable aux centres VM Zinc à partir de 2004, tel qu'il est rappelé par l'Autorité aux paragraphes 697 à 700 de la décision attaquée, permet de constater que, ainsi que le soutiennent les sociétés Umicore, le contrat liant la société Umicore France aux centres VM Zinc ne contenait plus de clause explicite interdisant à ces centres de vendre des produits concurrents de ceux de cette société.
227. Cependant, cette clause, ainsi que certaines autres, avait été remplacée par d'autres clauses qui, ajoutées aux incitations financières à l'achat de produits Umicore, lesquelles avaient été renforcées, avaient pour résultat d'inciter les distributeurs à ne distribuer que les produits VM Zinc, ou à tout le moins à entraver le plus possible la distribution de produits concurrents.
228. Il s'ensuit que, sans se prononcer à ce stade sur le bien fondé de la motivation de la décision attaquée, qui sera examiné ci après, l'Autorité n'avait pas à répondre davantage qu'elle l'a fait dans la décision attaquée, aux moyens qui soutenaient qu'il n'y avait pas dans le contrat de clause expresse interdisant la vente de produits concurrents et que le grief de défaut de motivation doit sur ce point être rejeté.
b) Sur l'approvisionnement des centres VM Zinc auprès d'autres distributeurs invoqué par les sociétés requérantes
229. Les sociétés Umicore soutiennent, dans leur moyen 10, qu'il ressort clairement du dossier que, contrairement à ce qu'indique la décision attaquée, à partir de 2004, les centres VM Zinc n'ont pas continué à se conformer à une prétendue obligation d'exclusivité. Elles relèvent plusieurs déclarations reprises dans la décision attaquée qui démontrent, selon elles, que les centres VM Zinc restaient libres du choix de leurs sources d'approvisionnement.
230. La cour relève que les passages repris dans les conclusions des sociétés Umicore sont toutefois contestés par d'autres passages des mêmes déclarations ou par d'autres éléments du dossier.
231. Ainsi, si le directeur de la société Comptoirs des fers a déclaré que sa société avait refusé l'exclusivité que la société Umicore France voulait imposer, il n'en demeure pas moins que, comme le relève l'Autorité dans ses observations, il a aussi déclaré que " [l]e contrat avec Umicore était (. . . ) un contrat d'exclusivité, même si le terme n'est pas utilisé dans le contrat ", et que les griefs formulés dans des lettres des 16 mai et 12 décembre 2006 étaient " l'expression d'une demande sans équivoque d'exclusivité de la part de notre fournisseur puisqu'il nous reproche de vendre d'autres produits. D'ailleurs dans mes conversations avec [le directeur commercial France] le terme d'exclusivité a bien été prononcé. De plus l'attitude des commerciaux (. . . ) allaient dans ce sens de la vérification dans cette politique. Ils s'informaient sur la présence de produits autres que Vieille Montagne ". Il a enfin indiqué que la sociétéUmicore France était le fournisseur de sa société à 90 % (annexe 100, cote 5343 à 5347).
232. Le sens de cette déclaration est confirmé par celles du responsable des achats de la société Desenfans, qui a indiqué qu'il lui avait été demandé " très clairement (. . . ) de ne plus faire de marque concurrente et ce au regard des termes du contrat, qui certes n'indique pas formellement de ne vendre que la marque Umicore, mais qui, dans l'esprit et la demande des commerciaux d'Umicore voulait bien dire de ne pas vendre de produits concurrents " (annexe 111, cote 5425).
233. Par ailleurs, si, ainsi que l'ont indiqué le dirigeant de la société Au Faîte 21, le directeur commercial de la société Schmerber et le chef du service gros œuvre de la société Comafranc, ces sociétés ne s'approvisionnaient pas exclusivement auprès de la société Umicore France, il n'en demeure pas moins que ces trois sociétés ont reçu des lettres de ce fournisseur (24 janvier 2006 pour Au Faîte 21, 16 octobre 2006 pour les sociétés Schmerber et Comafranc) leur faisant reproche d'avoir fait la promotion d'autres marques que VM Zinc et les menaçant d'en tirer des conséquences concernant les bonifications. Le responsable de la société Au Faîte 21 a indiqué que, si cette lettre de menace de privation de la bonification n'a pas été mise à exécution, il interprétait ces termes comme exprimant " très clairement (. . . ) une volonté d'Umicore d'être le seul fournisseur ".
234. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la société Umicore France entendait, même après la suppression de la clause d'exclusivité des contrats, faire respecter ce principe par les distributeurs et que ceux ci interprétaient bien comme telle la volonté de leur fournisseur. Il est sans portée que les responsables des sociétés Schmerber et Comafranc, aient déclaré que les courriers qui leur avaient été adressés n'avaient eu aucune suite (annexe 95, cote 5436 et s. , Annexe 147, cote 5460 et s. , Annexe 99, cote 5472), dès lors que la seule menace ainsi énoncée suffisait à faire connaître la volonté d'exclusivité de la société Umicore France. Par ailleurs, il ne peut être tiré argument du fait que ces distributeurs aient, en dépit de ces lettres, distribué des produits concurrents, dès lors qu'il résulte de leurs déclarations qu'ils procédaient déjà à ces ventes avant 2004, c'est à dire sous l'empire du contrat contant des clauses d'exclusivité.
c) Sur l'interprétation du cadre contractuel modifié
i) Sur le défaut de motivation
235. Les sociétés Umicore contestent l'appréciation des pièces du dossier par l'Autorité, dont elle a tiré qu'en dépit des modifications formelles des contrats, la société Umicore France et les centres VM Zinc interprétaient toujours les dispositions de ceux ci comme fondant une obligation d'exclusivité. Elles font valoir que la décision attaquée se borne à reprendre les éléments du rapport, sans tenir compte des arguments qu'elles avaient développés dans leurs observations en réponse au rapport.
236. Ce grief n'est pas fondé. En effet, il est, tout d'abord, légitime que l'Autorité reprenne dans la décision attaquée certains des éléments du rapport lorsqu'elle estime que ceux ci permettent de fonder son analyse et sa réponse aux moyens des parties. Par ailleurs, elle a détaillé, aux paragraphes 704 à 754 de la décision attaquée, les éléments de fait sur lesquels elle s'est fondée pour conclure que le cadre contractuel modifié était interprété par les personnels et le président de la société Umicore
France elle même, par les centres VM Zinc, par les centres VM Zinc sous enseigne Asturienne, et par les centres VM Zinc sous enseigne Larivière, comme emportant une obligation d'exclusivité.
237. Ces éléments résultent des déclarations faites par les représentants de plusieurs distributeurs ayant l'agrément Centre VM Zinc, complétées par les déclarations de représentants de centres VM Zinc exploitant sous les enseignes Point P, Asturienne et Larivière, mais aussi par des documents consistant en des notes et des échanges de correspondances recueillis au cours de l'enquête.
238. En visant et analysant ces éléments, qui seront examinés ci dessous, l'Autorité, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des sociétés Umicore, a fondé sa décision sur une motivation claire et explicite permettant aux sociétés Umicore de connaître le fondement de la sanction prononcée contre elles et de la contester, ainsi qu'à la cour d'exercer son contrôle.
239. Le moyen pris du défaut de motivation est donc rejeté.
ii) S'agissant de l'interprétation des contrats par la société Umicore France
240. Il ressort des éléments relevés aux § 705 à 714 de la décision attaquée que la société Umicore France a invoqué la clause de promotion (article 6 du contrat VM Zinc), énonçant que les distributeurs ne pouvaient " [u]tiliser la marque VM Zinc, ses produits, ses services et ses supports de communication comme vecteur de vente pour des produits de marque concurrente ", l'utilisant de manière extensive, comme un instrument permettant de reprocher aux distributeurs de commercialiser des produits concurrents aux siens. Elle a, par ailleurs, utilisé l'octroi des bonifications afin de sanctionner ceux qui distribuaient de tels produits, ce qui, selon elle, perturbait sa politique commerciale.
241. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, le fait que tous les clients VM Zinc de la société Umicore France aient signé le nouveau contrat en 2004 ne permet pas de constater que " le changement de politique commerciale a (. . . ) été signifié de manière claire et non équivoque aux centres VM Zinc ". En effet, aucun élément du dossier ne permet de constater que la société Umicore France aurait donné une quelconque publicité ou explication à ses distributeurs quant à la suppression de la clause d'exclusivité auparavant contenue dans le contrat.
242. Cette interprétation du contrat comme comportant une obligation d'exclusivité est encore confirmée par les déclarations reprises ci dessus aux § 231, 232 et 233.
243. Les indications des responsables des sociétés Au Faîte 21 et Comptoir des fers, selon lesquelles ils auraient néanmoins distribué des produits d'autres fournisseurs n'apparaissent nullement contradictoires avec cette interprétation qu'ils donnaient au contrat, puisqu'eux mêmes ont précisé qu'ils procédaient à ces ventes de produits concurrents en dépit des contrats et de la volonté de la société Umicore France. La cour renvoie sur ces points aux déclarations reprises ci dessus au § 231pour la société Comptoir des fers. S'agissant de la société Au Faîte 21, la cour relève qu'il résulte du procès verbal d'audition de son dirigeant qu'elle a commencé son activité en distribuant uniquement des produits de la société Rheinzink et que c'est lorsque cette activité s'est accrue, que la société Umicore France lui a proposé de distribuer ses propres produits. Celle ci lui a ensuite reproché de faire de la promotion pour les produits Rheinzink. Le dirigeant de la société Au Faîte 21 a précisé aux enquêteurs que " [l]es griefs qui m'ont été formulés par la suite dans le cadre du contrat doivent s'entendre très clairement comme une volonté d'Umicore d'être le seul fournisseur " (annexe 95, cotes 5436 et s. ).
244. Il n'est pas non plus contradictoire de relever que la société Comafranc, qui distribuait d'autres produits que ceux de la société Umicore France, a reçu en octobre 2006 une lettre d'un responsable régional de celle ci lui indiquant que, " [c]ette année, vous avez, à plusieurs reprises et ce, malgré nos recommandations, mis en avant une autre marque sur votre agence de Belfort et donc failli à votre engagement contractuel " et concluant que, dès lors, la société Comafranc ne pouvait prétendre à la bonification qualitative (annexe 99, cote 5475). Il en est de même du distributeur Desanfans dont les déclarations sont reprises au paragraphe 721 de la décision attaquée.
245. À l'inverse de ce que prétendent les sociétés Umicore, ces déclarations démontrent bien que la société Umicore France invoquait l'article 6 de son contrat non seulement pour empêcher les distributeurs de faire la promotion de produits concurrents liée à ses propres produits ou services, mais aussi pour empêcher la vente même ou la promotion de produits concurrents. Cette interprétation extensive de cette clause tendait bien à maintenir, dans l'esprit de ses distributeurs, la croyance qu'ils restaient tenus à une obligation d'exclusivité qui pourtant avait formellement disparu des contrats.
iii) S'agissant de l'interprétation des stipulations contractuelles par les centres VM Zinc exploitant sous l'enseigne Asturienne
246. L'Autorité a relevé, aux paragraphes 723 à 725 de la décision attaquée, que les centres de l'enseigne Asturienne interprétaient les dispositions contractuelles de façon identique à celle qui vient d'être exposée. Elle fonde son constat sur la charte de partenariat signée par le directeur général de la société Asturienne (cotes 1490 et 24826) et le directeur commercial de la société Umicore France en mai 2004. Elle précise que, selon ce texte, les agences Asturienne agréées VM Zinc devaient assurer " exclusivement la promotion de la gamme Umicore ", mais que " 5 dépôts, Villeneuve d'Ascq, Saint Malo, Saint Denis, Libourne, Toulouse distribueront une marque concurrente ", ces dépôts se voyant simultanément interdire de faire " la double cotation (offre VM ZINC et offre concurrente pour une même affaire ou un même client) " (annexe 27, cote 1491).
247. C'est par une exacte interprétation, que la cour adopte, que l'Autorité a considéré, au paragraphe 726 de la décision attaquée, qu' " [e]n restreignant la distribution de la marque Rheinzink à quelques agences, choisies d'un commun accord avec Umicore, la deuxième phrase de la Charte illustre parfaitement le fait que l'exclusivité "de promotion" exigée par la première phrase de ce document s'entend comme une exclusivité de vente ".
248. Les sociétés Umicore soutiennent que la décision attaquée est insuffisamment motivée dans son rejet des arguments qu'elles avaient invoqués et font valoir à ce titre que le dossier contient de nombreuses déclarations de distributeurs sous enseigne Asturienne démontrant que les distributeurs de cette enseigne ne se sentaient aucunement liés par une obligation d'achat exclusif auprès d'Umicore France. Elles ajoutent que l'Autorité s'est fondée sur des notes manuscrites " qui ne sont même pas écrites par Asturienne " et qui ne mentionnent nullement la charte de partenariat. Elles rappellent en outre que l'Autorité mentionne l'audition d'une personne en omettant de relever que celle ci a aussi indiqué ne plus avoir entendu parler de la charte de partenariat après 2004. Enfin, s'agissant des menaces reçues par certaines agences, les sociétés requérantes font observer qu'aucune ne mentionne la charte de partenariat et que ces menaces ont par ailleurs été contestées et expliquées par elles devant l'Autorité.
249. L'Autorité conteste le bien fondé de ces moyens et renvoie aux pièces du dossier qui démontrent, selon elle, que les distributeurs VM Zinc sous l'enseigne Asturienne interprétaient bien leurs relations avec la société Umicore France dans le sens de l'exclusivité. Elle rappelle à ce titre qu'en 2006, les agences Asturienne VM Zinc s'approvisionnaient à 92 % auprès de cette société.
250. Les sociétés Umicore ne contestent pas que la charte de partenariat entre le directeur général de la société Asturienne et le directeur commercial France de la société Umicore France a été conclue le 12 mai 2004, soit juste après la conclusion des nouveaux contrats. Or celle ci, en prévoyant, d'une part, que " l'ensemble des points de vente CVMZ assurera exclusivement la promotion de la gamme Umicore ", d'autre part, que " 5 dépôts (Villeneuve d'Ascq, Saint Malo, Saint Denis, Libourne Toulouse) distribueront 1 marque concurrente (. . . ) ", rétablissait, entre les distributeurs sous enseigne Asturienne et la société Umicore France, l'exclusivité qui avait été retirée du contrat.
251. Si, ainsi que le soulignent les sociétés Umicore, il ressort des déclarations de trois personnes entendues dans le cadre de l'enquête (M. P. , cote 6992 et s. , M. V. , cote 5430 et s. , et M. P. , cote 5468 et s. ) que d'autres centres VM Zinc sous enseigne Asturienne que ceux énoncés dans la convention distribuaient des produits de marques concurrentes, il n'en demeure pas moins que 92 % des produits en zinc distribués par cette enseigne étaient des produits VM Zinc, ce que les sociétés Umicore France ne contestent pas, et tant à démontrer que la charte de partenariat était appliquée quoiqu'en aient dit ces personnes.
252. La cour relève à ce sujet que, si l'ancien directeur général de la société Asturienne a déclaré que cette charte avait pour objet d'" apaiser les esprits chez Umicore " ou " rassurer les équipes Umicore ", il n'a pas nié qu'elle était néanmoins destinée à ce que le moins d'agences possibles de l'enseigne Asturienne puissent vendre des produits concurrents de ceux de la marque VM Zinc. En outre, la déclaration de ce dernier, selon laquelle, " à ma connaissance il n'y a pas eu de pression de la part d'Umicore pouvant mettre en jeu l'octroi des bonifications ", est démentie par les lettres adressées par M. G. , responsable région de la société Umicore France, adressées à M. P. , gestionnaire de centre VM Zinc sous l'enseigne Asturienne à Illzach les 10 novembre 2006 et 8 décembre 2006. La première de ces lettres rappelle que l'un des engagements du contrat de collaboration commerciale VM Zinc " consiste à assurer un soutien sans faille à notre marque et la promotion de nos produits et services auprès des clients appartenant à votre zone de chalandise ", reproche à son destinataire d'avoir substitué aux produits laminés VM Zinc, des produits concurrents et indique " Nous avons pris bonne note de ce que vous présentez un épiphénomène, vous rappelant néanmoins à vos devoirs envers VM Zinc ainsi que les enjeux économiques engendrés par de tels choix. ". La seconde lettre, reproche au même gestionnaire de centre d'avoir vendu des produits de la société Rheinzink et indique " En conséquence devant l'analyse de vos réponses, nous considérons que les engagements qui nous lient n'ont pas été respectés pour l'exercice 2006. Les critères liés à l'obtention de la BFAE ne sont donc pas atteints " (annexe 89, cote 5468 et s. ). Les termes de ces lettres sont semblables à ceux des lettres reprises au paragraphe 719 de la décision attaquée et montrant que l'agence sous enseigne Asturienne de Saint Grégoire a fait l'objet de menaces relatives aux bonifications au motif qu'elle proposait des produits de marque Rheinzink.
253. Ces déclarations et courriers sont complétés par des notes manuscrites prises par le directeur général de la société Larivière lors d'un entretien avec le directeur commercial France de la société Umicore France et décrites aux paragraphes 736 et 737 de la décision attaquée. Il se déduit de ces notes que l'enseigne Asturienne distribuait des produits Rheinzink dans les cinq agences énoncées par la charte de partenariat et que ce système fonctionnait encore en 2008. Il est sans portée que ces notes n'émanent pas d'une personne attachée à la société Asturienne et qu'elles ne mentionnent pas ladite charte.
254. Enfin, les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait à la cour de constater que les bonifications qualitatives que les agents commerciaux de la société Umicore France menaçaient de retirer aux centres ne respectant pas l'exclusivité, n'auraient finalement pas été supprimées. La seule déclaration de l'ancien directeur général de la société Asturienne selon laquelle " A ma connaissance il n'y a jamais eu de suppression par Umicorede bonification qualitative au motif de la vente de produits concurrents ", qui se limite à la mobilisation de souvenirs personnels de cette personne, alors que figurent au dossier au moins trois lettres invoquant cette menace à l'égard de distributeurs exerçant sous l'enseigne Asturienne, est insuffisante à rapporter cette preuve. En tout état de cause, il convient d'observer qu'à elle seule la menace de suppression des bonifications au motif de la distribution de produits concurrents suffit à démontrer que le contrat de 2004, auquel s'est ajoutée la charte de partenariat énonçant expressément une obligation d'exclusivité de la part des centres exploitant sous l'enseigne Asturienne, était interprété comme maintenant cette obligation en dépit de sa suppression formelle dans le contrat de 2004.
255. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, ainsi que de ceux rappelés dans la décision attaquée, en particulier les contrôles visant à vérifier que les centres VM Zinc ne vendaient pas ou très marginalement de produits Reinzink (décision attaquée, § 738 à 740), il est sans portée que l'ancien directeur commercial de la société Asturienne ait déclaré qu'après 2004, il n'avait plus entendu parler de la charte de partenariat, dès lors que celle ci a bien été mise en œuvre. De même, il est indifférent que M. P. , interrogé sur les lettres des 10 novembre 2006 et 8 décembre 2006, précitées, ait déclaré ne plus en avoir de souvenir et que n'ayant pas de dossier concernant Umicore et Rheinzink, il ne pouvait retrouver sa réponse à ces lettres.
iiii) S'agissant de l'interprétation des stipulations contractuelles par les centres VM Zinc exploitant sous l'enseigne Larivière
256. l'Autorité a relevé, aux paragraphes 742 à 754 de la décision attaquée, que les centres exploitant sous l'enseigne Larivière appréhendaient aussi les dispositions du contrat de 2004 dans le sens de l'exclusivité. Elle cite à ce sujet plusieurs déclarations explicites du directeur général de la société Larivière (décision attaquée, § 743), de l'ancien directeur des achats de cette enseigne (décision attaquée, §744) et d'un ancien directeur d'agence (décision attaquée, §745). Dans son analyse, l'Autorité a écarté un nouveau témoignage du directeur général de la société Larivière, postérieur à son audition par les enquêteurs, par lequel celui ci a indiqué : " Je n'ai jamais considéré que la relation contractuelle en place depuis 2004 avec la société Umicore France / UBPF ("Umicore") imposait à notre société une interdiction de revendre des produits concurrents à ceux d'Umicore. En pratique, notre société a revendu des produits concurrents depuis 2004. Par ailleurs, à ma connaissance, notre société n'a pas fait l'objet de représailles ou de pressions de la part d'Umicorepour non respect d'une hypothétique obligation d'achats exclusifs auprès d'Umicore " (cote 27295).
257. Les sociétés Umicore soutiennent que l'analyse de l'Autorité est entachée d'une contradiction flagrante entre ses motifs et son dispositif, car, au paragraphe 749 de la décision attaquée, l'Autorité, pour écarter le témoignage du directeur général de la société Larivière, indique que l'exclusivité se serait imposée "'non pas au niveau de la société Larivière mais au niveau des points de vente Larivière ayant la qualité de centres VM Zinc'", alors que l'article 1er de la décision attaquée énonce que l'infraction consiste à avoir lié non seulement les centres VM Zinc mais également "'l'enseigne Larivière'" elle même. Elles demandent en conséquence la réformation de l'article 1er de la décision attaquée.
258. Elles précisent que la seconde déclaration du directeur général de la société Larivière a autant de valeur probante que la précédente, laquelle n'est pas davantage contemporaine aux pratiques et a été élaborée a posteriori par les services d'instruction, puisque ce dernier était interrogé par eux.
259. Elles ajoutent que le dossier contient de nombreux autres éléments, repris dans leurs observations en réponse au rapport, démontrant que " l'enseigne Larivière, qui comprend à la fois des centres VM Zinc et des centres qui n'ont pas cette qualification, ne se sentait aucunement liée par une obligation d'achat exclusif auprès de la société Umicore France ". Elles invoquent à ce titre les déclarations du directeur des achats de la société Larivière.
260. L'Autorité conteste la contradiction invoquée par les sociétés requérantes. Elle observe que la déclaration du directeur général de la société Larivière, élaborée a posteriori et à la demande de la société Umicore, n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence des courriers et pièces contemporains aux pratiques et elle renvoie aux éléments cités dans la décision attaquée qui démontrent, selon elles, d'une part, l'exclusivité à laquelle se sont soumis les centres exploitant sous l'enseigne Larivière, d'autre part, le lien entre cette relation d'exclusivité et l'octroi d'une bonification supplémentaire.
261. La cour relève que, le 11 février 2013, interrogé par les enquêteurs, le directeur général de la société Larivière a déclaré : " Contractuellement, le stockage de produits de marque fait perdre à l'agence le statut de centre VM Zinc (. . . ) la vente de zinc concurrent n'est pas compatible avec le statut de centre VM Zinc " (décision attaquée, § 743). Il a aussi précisé, lors de la même audition, que " la vente de zinc concurrent n'est pas compatible avec le statut de centre VM Zinc " (décision attaquée, § 753).
262. C'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la contradiction entre des déclarations émanant de la même personne, l'une recueillie par les enquêteurs, le 11 février 2013, l'autre établie à la demande des sociétés Umicore, le 11 juin 2015, c'est-à- dire à une période où celles ci avaient reçu la notification de griefs, n'était pas de nature à remettre en cause, à tout le moins, les autres éléments du dossier démontrant que les centres VM Zinc exploitant sous l'enseigne Larivière s'estimaient liés à l'égard de la société Umicore France par une exclusivité, laquelle n'était pourtant plus inscrite dans les contrats.
263. C'est, par ailleurs, vainement que les sociétés requérantes invoquent une contradiction entre le paragraphe 749 de la décision attaquée et l'article 1er de son dispositif.
264. À l'article 1er du dispositif de la décision attaquée, l'Autorité a dit que l'infraction consiste à avoir lié non seulement les centres VM Zinc, mais également "'l'enseigne Larivière'" elle même. Or, cette référence à l'enseigne Larivière renvoie aux points de vente exploitant des centres VM Zinc sous l'enseigne Larivière, et non à la société Larivière, qui exploite également d'autres points de vente qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc, ainsi que l'expliquent au demeurant les sociétés Umicore. Partant, ledit article ne contredit pas le constat, fait au paragraphe 749 de la décision attaquée, que l'exclusivité de vente des produits de marque VM Zinc s'était imposée, " non pas au niveau de la société Larivière, mais au niveau des points de vente Larivière ayant la qualité de centres VM Zinc ".
265. La demande formée sur ce point doit en conséquence être rejetée.
266. Les sociétés Umicore invoquent encore de " nombreux éléments " qui démontreraient que les distributeurs VM Zinc exploitant sous l'enseigne Larivière " ne se sentai[en]t aucunement liés par une obligation d'achat exclusif auprès de la société Umicore France " qu'elles ont développés dans leurs observations en réponse au rapport.
267. Cependant, l'Autorité, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments développés par les sociétés Umicore, a, par la motivation pertinente contenue dans les paragraphes 743 à 754 de la décision attaquée, que la cour adopte, écarté ces éléments. En particulier, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré comme non fondé le moyen soutenant que ce serait dans son propre intérêt que la société Larivière aurait décidé que les centres exploitant sous son enseigne accorderaient une exclusivité à la société Umicore, en soulignant que l'intérêt que peut trouver le distributeur d'un fournisseur en position dominante dans une obligation d'exclusivité ne fait pas pour autant disparaître l'effet anticoncurrentiel de cette pratique, qui a pour objectif et pour effet de détourner les distributeurs des fournisseurs concurrents et de freiner leur entrée ou leur développement sur le marché.
268. S'agissant des déclarations de l'ancien directeur des ventes de la société Larivière (annexe 125, cotes 5981 et s. ) invoquées par les sociétés Umicore, la cour observe que ce dernier a confirmé l'exclusivité accordée à la société Umicore en déclarant : " Lorsque je suis arrivé dans l'entreprise, il y avait deux fournisseurs de zinc Umicore et Rheinzink France. En comité de direction, le référencement a amené à choisir Umicore pour fournisseur de zinc. (. . . ) Les centres VM Zinc ne pouvaient pas vendre de produits en zinc de marque concurrente, sauf exceptions sur prescription.
L'approvisionnement pour ces exceptions se faisait via un point de vente Larivière non centre VM Zinc. Il m'est arrivé de prévenir Umicore de ces cas d'exception par courtoisie. Les centres VM Zinc sont exclusifs Umicore (. . . ) ".
269. Si, comme le soutiennent les requérantes, il ressort aussi de ces déclarations que la " bonification hors contrat de développement " qu'il qualifie ensuite de " bonification de développement " était destinée à couvrir le besoin de trésorerie permettant de financer les stocks à l'ouverture des points de vente, plutôt que l'exclusivité, il n'en demeure pas moins que cette exclusivité était respectée par les centres VM Zinc de l'enseigne Larivière, alors qu'elle n'était plus précisée dans les contrats.
270. Il s'ensuit que les moyens relatifs à l'interprétation des dispositions contractuelles par les centres VM Zinc exploités sous enseigne Larivière sont rejetés.
d) S'agissant de la mise en œuvre d'un système de surveillance et de représailles
271. L'Autorité a considéré qu'il était établi que la société Umicore France avait veillé au respect des obligations d'achat exclusif par les centres VM Zinc au moyen de différentes modalités. Premièrement, une surveillance exercée par ses forces de vente sous prétexte de vérification de l'application de la clause de stock, afin de vérifier la présence de zinc concurrent au sein des centres. Deuxièmement, des reproches formulés à l'encontre des centres ayant soit disant violé les clauses de prévision de tonnage, afin de les dissuader de s'approvisionner et de vendre du zinc concurrent. Troisièmement, des représailles consistant en la suppression de la bonification qualitative et/ou en le retrait du statut de centre VM Zinc infligées à ceux qui avaient distribué du zinc concurrent (décision attaquée, § 757 à 794).
272. Les sociétés Umicore font valoir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, pour établir l'existence d'un système de surveillance et de représailles applicable aux centres VM Zinc, l'Autorité a retenu onze cas de prétendues menaces à l'encontre de quelques distributeurs qui se seraient approvisionnés en produits en zinc concurrents au cours de la période 2004 à 2007. Or, sur ces onze cas, deux seulement se seraient vus retirer indûment le bénéfice de leur bonification qualitative et deux auraient perdu le statut de centre VM Zinc. Elles précisent que ces onze cas ont tous été expliqués par elles dans leur mémoire en réponse, dans leur présentation en séance devant l'Autorité et dans leur pièce 30, qui consiste en un tableau reprenant les déclarations faites par les personnes interrogées au cours de l'enquête. Elles critiquent, en outre, les conclusions de l'Autorité, qui, dans ses observations, tenterait de discréditer ladite pièce 30, en ce qu'elle aurait été établie a posteriori par elles et pour les besoins de la procédure. Par ailleurs, les sociétés Umicore font valoir que les prétendues menaces, qui concerneraient moins de trois distributeurs par an et auraient été exécutées seulement à l'égard de deux d'entre eux, seraient insuffisantes pour considérer, comme l'a fait l'Autorité, qu'elles avaient pour effet de " discipliner " l'ensemble des clients de la société Umicore France.
273. L'Autorité conclut au rejet de ces moyens et renvoie aux paragraphes 755 et suivants de la décision attaquée. Elle précise qu'elle n'a pas considéré que onze cas de menaces et de représailles ont à eux seuls permis de " discipliner " l'ensemble des distributeurs, mais qu'ils ont pu dissuader les distributeurs VM Zinc " infidèles " à recourir à des approvisionnements alternatifs.
274. La cour renvoie aux constatations de l'Autorité figurant aux paragraphes 268 à 298 de la décision attaquée, auxquels renvoie le paragraphe 757, ainsi qu'à celles figurant aux paragraphes 760 à 780 de la décision attaquée, qui citent les éléments relatifs à onze distributeurs ayant fait l'objet de reproches et de menaces de la part de la société Umicore France pour s'être approvisionnés en zinc concurrent.
275. Les sociétés Umicore invoquent leur pièce 30 qui, selon elles, expliquerait ces situations. Tel n'est, cependant, pas le cas.
276. En effet, cette pièce consiste en un tableau qui retranscrit des extraits de déclarations de seize distributeurs, qui démontreraient, selon l'intitulé sous lequel ces extraits sont cités, que " [l]e grief d'obligation d'achats exclusifs est contredit par les déclarations des tiers interrogés eux mêmes ". Le principe de ce procédé est tout à fait conforme à l'exercice des droits de la défense et peut permettre, de façon pertinente, de réunir l'ensemble des éléments susceptibles de démontrer qu'un grief n'est pas constitué, sans qu'il importe que cette synthèse ait été réalisée par l'entreprise mise en cause et après l'instruction. Cependant, en l'espèce, la cour observe que les éléments réunis dans ce tableau ne permettent pas de trouver les explications invoquées par les sociétés requérantes.
277. Ainsi, la déclaration du responsable de l'agence Asturienne Illzach (pièce 30, p. 2, et cotes 5468 et s. ), se borne à une supputation ( " Je pense que les bonifications de fin d'année ont été versées pour 2006 ") ; celle du responsable de la société Au Faîte 21 (pièce 30, page 3), mentionne la justification de la suppression de la bonification de 2008, alors que les pratiques en cause ont cessé en 2007 ; le responsable de la société Comafranc (pièce 30, p. 5), après avoir indiqué qu'après la lettre de reproches reçue pour avoir distribué des produits concurrents, il avait persisté, a confirmé que les bonifications de 2006 n'ont pas été perçues ; le responsable de la société Defrancq (pièce 30, p. 8, et annexe 187, cotes 5104 et 5105) a certes déclaré que " [l]e versement de la remise n'était pas à mon souvenir conditionné au respect des objectifs de tonnages individuels ", mais il a ajouté, lors de la même audition : " Jusqu'en 2006, j'étais un "centre vieille montagne Umicore" cela me permettait d'avoir des bonifications supplémentaires (. . . ) En 2006, j'ai commencé à avoir des problèmes avec Umicore dès que j'ai commencé à vendre des feuilles de zinc d'importation de façon visible (. . . ) En 2006, ne n'ai pas eu la bonification de fin d'année liée à la mise en avant de la marque, par contre celle liée au volume, je l'ai obtenue ", sans que cette précision, qui contredit la thèse des requérantes, soit reprise dans le tableau figurant dans la pièce 30. La cour relève que les sociétés Umicore ne démontrent pas que, comme elles le prétendent, cette suppression de la BFAE, en 2006, était justifiée par le fait que ce distributeur utilisait la marque pour vendre des produits concurrents à des clients ayant demandé des produits VM Zinc en les présentant comme identiques mais moins chers.
278. S'il résulte de quelques témoignages figurant au dossier et repris dans la pièce 30 que les reproches adressés par la société Umicore France à ces distributeurs n'avaient, finalement, pas eu d'incidence sur les bonifications de fin d'année (responsables de la société Comptoirs des fers, pièce 30, p. 6 ; de la société Descours et Cabaud, pièce 30, p. 11 ; de la société Desenfans, pièce 30, p. 12, et de la société Coverpro, pièce 30, p. 7), il n'en demeure pas moins, d'une part, que les reproches d'avoir fait la " promotion " ou d'avoir " mis en avant " des marques concurrentes (voir décision attaquée, § 267 et s. ) ont été formulés, d'autre part, que la clause de stock a été appliquée, mais aussi, que des visites de stocks ont été effectuées dans le but de détecter la présence de produits concurrents (décision attaquée, § 784, 786, 787,789, 790 et 792 ) et que des reproches ont été adressés aux distributeurs chez lesquels avaient été trouvés des produits concurrents (décision attaquée, § 813 et 814).
279. Au regard de l'ensemble de ces éléments, auxquels s'ajoutent, notamment, les documents internes à la société Umicore France qui démontrent que la BFAE était utilisée pour sanctionner les ventes de produits concurrents (voir décision attaquée, § 818, 825 et 827), l'attitude de la société Umicore France concernant les sociétés Comptoirs des fers, Descours et Cabaud, Désenfans et Coverpro conduit à considérer que les pratiques de surveillance et de reproches sont établies.
280. C'est, ainsi, à juste titre que l'Autorité a retenu que, si ces menaces et représailles n'ont concerné qu'un nombre limité de distributeurs, dans la mesure où la majorité des centres VM Zinc se sont conformés à l'exigence de la société Umicore France, ce qui est démontré par le fait qu'en 2006, ces centres s'approvisionnaient, dans leur ensemble pour 93 % de leurs besoins en produits en zinc auprès de cette société (décision attaquée, § 832), elles ont permis, par effet de signal, de discipliner ceux de ses distributeurs qui seraient tentés de vendre des produits concurrents (décision attaquée, § 835).
281. Sur ce dernier point, la cour relève qu'il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas s'être interrogée sur les raisons de la préférence des clients pour les produits VM Zinc comme l'y invitaient les sociétés Umicore dans leurs observations en réponse au rapport. En effet, quand bien même est il incontestable que la marque VM Zinc jouit d'une forte notoriété auprès des clients finaux, les pratiques reprochées tendant à imposer une exclusivité de fait aux distributeurs, laquelle faisait obstacle au libre jeu de la concurrence et donc à une comparaison entre les produits, faussent par elles mêmes les conclusions que l'on pourrait tirer des raisons des préférences exprimées par les clients. La cour relève au surplus que les raisons ainsi invoquées n'ont pas été suffisantes pour dissuader la société Umicore de mettre en œuvre les pratiques d'exclusivité reprochées.
e) Sur les incitations spécifiques applicables aux grandes enseignes
282. L'Autorité a constaté que la société Umicore France avait, au surplus, conclu avec les sociétés Larivière et Asturienne des dispositions spécifiques destinées à les inciter à ne distribuer qu'une seule marque VM Zinc.
283. S'agissant de la société Larivière, comme il a été mentionné au paragraphe 215 du présent arrêt, l'Autorité a relevé que, alors que les centres VM Zinc exerçant sous l'enseigne Larivière s'approvisionnaient pour plus de 95 % de leurs besoins auprès d'elle, la société Umicore France leur avait accordé une bonification supplémentaire, la BFAD, s'ajoutant à la bonification de fin d'année la BFAE. La BFAD, versée au début hors contrat, a été officialisée en 2009. Son taux, initialement fixé à 0,75 %, a progressivement augmenté pour atteindre 1,25 % en 2008 (décision attaquée, § 849 et s. )
284. S'agissant de la société Asturienne, l'Autorité a relevé qu'en 2004, la société Umicore France avait conclu avec elle la charte de partenariat, au terme de laquelle il était convenu que seulement cinq centres VM Zinc exerçant sous l'enseigne Asturienne, choisis en accord avec la société Umicore France, pourraient distribuer, outre les produits VM Zinc, ceux de la société Rheinzink.
285. L'Autorité a considéré que ces conventions particulières avaient bien été exécutées et qu'ainsi, les centres VM Zinc appartenant aux grandes enseignes étaient doublement incités à l'exclusivité, dans la mesure où ils étaient, comme tous les centres VM Zinc, soumis au système de surveillance et de représailles mis en place par la société Umicore France et étaient, en outre, contraints par des dispositions nouvelles spécifiques (décision attaquée, § 858).
286. Les sociétés Umicore font valoir que les développements de la décision attaquée ne tiennent pas compte des arguments exposés par elles devant l'Autorité, de sorte que ladite décision est insuffisamment motivée. Elles ajoutent que c'est à tort que l'Autorité a invoqué, dans la décision attaquée, l'arrêt de la Cour de justice Hoffmann La Roche/Commission, précité, cette jurisprudence n'étant applicable qu'en présence, pour les acheteurs, d'une " 'obligation ou promesse de s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de [l'entreprise dominante]'", obligation ou promesse qui fait défaut en l'espèce.
287. Dans leurs observations en réponse au rapport, les sociétés Umicore avaient contesté que la société Umicore France ait lié " les enseignes Point P et Larivière " [la cour précise que pour le terme enseigne point P, il faut lire " Point P Asturienne "], ces deux enseignes étant regroupées (voir décision attaquée, § 690) par des obligations d'achat exclusif en produits VM Zinc, ce qui, selon elles, ressortait des déclarations figurant au dossier. Elles avaient fait valoir que les contrats européens conclus avec le groupe Larivière n'établissaient aucune exclusivité, contrairement à ce que soutenait la notification de griefs, et que la charte de partenariat signée avec la société Asturienne avait fait l'objet d'une interprétation erronée dans la notification de griefs, puisqu'elle était considérée comme impliquant la vente exclusive de produits VM Zinc, alors que seule la promotion de ceux ci était concernée. En ce qui concerne les bonifications développement, autrefois versée au groupe Saint Gobain Point P, les requérantes faisaient valoir que ces bonifications avaient été supprimées dans les contrats à partir de 2004, que s'agissant du groupe Larivière, la notification de griefs se livrait à un procès d'intention à l'égard de l'objet de cette remise. Elles invoquaient à ce titre les déclarations de l'ancien directeur général de la société Larivière. Elles contestaient la présentation de la bonification par la notification de griefs et le rapport, qu'elles estimaient contredite par les faits.
288. Les sociétés Umicore soutenaient encore que les contrats étaient dépourvus de clauses d'exclusivité et que, dès lors, la société Umicore France n'était pas impliquée dans les choix d'approvisionnement des distributeurs. Elles ajoutaient qu'il n'était pas démontré en quoi le fait que les groupes Larivière et Asturienne ne s'approvisionneraient pas ou plus auprès de la société Rheinzink serait dû à leur politique.
289. Ainsi qu'il a déjà été précisé, l'Autorité n'est pas tenue de répondre à la totalité des arguments développés dans leurs observations en réponse au rapport, dès lors qu'elle expose clairement les raisons pour lesquels elle estime que les griefs notifiés sont fondés et permet aux parties de comprendre les motifs de la sanction qui leur est infligée et à la cour d'appel d'exercer son contrôle du bien fondé de la motivation.
290. La cour relève qu'en l'espèce, l'Autorité a, dans la décision attaquée, exposé de façon claire et précise les motifs pour lesquels elle estimait qu'il existait un lien entre l'octroi de la BFAD et le déréférencement des produits de la société Rheinzink par les centres Larivière qui distribuaient ces produits. Elle a à ce titre relevé la concomitance de l'octroi de cette bonification, sa désignation identique à celle qu'elle octroyait précédemment à " Asturienne et Point P pendant la période où Rheinzink n'était pas référencé chez Asturienne " ainsi que des notes prises dans le cadre d'un entretien entre le directeur général de la société Larivière et un responsable de la société Umicore France, d'où il ressortait que, pour 2005, avait été exprimé un " souhait 100 % Umicore " en contrepartie de " commissions de fidélité ". Elle a en outre, relevé que le lien entre ces bonifications supplémentaires et l'exclusivité accordée à la société Umicore France a été confirmé par les déclarations de l'ancien directeur général de la société Larivière, dont les déclarations en sens inverse produites ensuite par les sociétés Umicore ont à juste titre été écartées par l'Autorité, ainsi qu'il a été précisé précédemment (décision attaquée, § 849 et s. ).
291. Par ailleurs, l'Autorité a considéré que les éléments du dossier démontraient que l'application de la charte de partenariat conclue avec la société Asturienne avait conduit à limiter la distribution des produits en zinc Rheinzink à cinq agences de cette enseigne seulement, de surcroît choisies en accord avec la société Umicore France (décision attaquée, § 856 et s. ).
292. Ainsi l'Autorité a t elle, par une analyse que la cour approuve, démontré que, quand bien même les contrats et la charte de partenariat conclus avec les représentants des enseignes Larivière et Asturienne ne contenaient pas de clause d'exclusivité expresse, un tel engagement s'appliquait bien entre les parties et avait été mis en œuvre. Cette analyse répond, en les écartant, aux moyens et arguments développés par les sociétés Umicore. La cour rappelle à ce titre qu'ainsi qu'il a été jugé par le Tribunal de l'Union dans l'arrêt Tomra Systems e. a. /Commission, précité (§ 59), il n'est pas nécessaire que les pratiques lient les acheteurs par une obligation formelle, il suffit que les pratiques comportent une incitation vis-à- vis des clients à ne pas s'adresser à des fournisseurs concurrents et à s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de l'entreprise en position dominante.
293. Il est, en conséquence, sans portée qu'une obligation d'exclusivité n'ait pas été expressément formulées dans les conventions des parties et c'est de manière fondée que l'Autorité a invoqué et appliqué les principes énoncés par l'arrêt de la Cour de Justice Hoffmann La Roche/Commission, précité.
294. Il s'ensuit que les moyens sont rejetés.
f) Sur la question des raisons de la préférence des clients
295. Les sociétés Umicore reprochent à l'Autorité de s'être bornée à constater que les centres VMZinc s'approvisionnent pour une grande partie de leurs besoins auprès de la société Umicore France, sans examiner les raisons de la préférence des clients pour les produits VM Zinc, qu'elles avaient pourtant longuement développées dans leurs observations en réponse au rapport. Elles ajoutent que, contrairement à ce que soutient l'Autorité dans ses conclusions, elles ont contesté les données chiffrées avancées à cet égard. Elles font valoir que la décision attaquée elle même reconnaît que les distributeurs VM Zinc ne se sentaient nullement liés par une quelconque obligation d'achat exclusif et qu'en l'absence d'un tel engagement, l'Autorité, qui ne saurait se retrancher derrière une obligation particulière liée à la position dominante de la société Umicore France, aurait dû examiner la question des raisons des préférences des clients pour ses produits.
296. L'Autorité rappelle que, selon une jurisprudence constante, la position dominante occupée par la société Umicore France sur le marché lui impose une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence non faussée. Elle fait valoir que les raisons alternatives de la préférence des distributeurs pour sa marque, notamment la qualité de ses produits, ne peuvent justifier la mise en œuvre de pratiques d'achats exclusifs tels que celles caractérisée en l'espèce.
297. L'Autorité a, comme le soulignent les sociétés Umicore, retenu qu'en 2006, les centres VM Zinc s'approvisionnaient pour 93 % de leurs besoins en produits en zinc auprès de la société Umicore France. Elle a aussi relevé que les ventes de cette société aux centres VM Zinc Asturienne ont représenté 92 % des approvisionnements de la société Asturienne en 2005 et que la part d'Umicore dans les tonnages des centres de la société Larivière atteignait respectivement 94, 9 %, 99,1 % et 99,9 % en 2005, 2006, 2007 (décision attaquée, § 832)
298. Dans leurs observations en réponse au rapport, les sociétés Umicore exposaient que la notification de griefs reprochait à la société UmicoreFrance d'obliger ses clients à acheter exclusivement ou quasi exclusivement des produits de la marque VM Zinc et qu'elle fondait ce reproche sur le fait que beaucoup de clients achetaient exclusivement ou quasi exclusivement leurs produits en zinc auprès de cette société.
299. Elles faisaient valoir que les raisons de ces achats préférentiels étaient diverses et liées, notamment, à la qualité des produits VM Zinc, à l'étendue de la gamme, à l'adéquation de ces produits avec le marché français, à la faiblesse des offres concurrentes ou encore à des considérations logistiques propres aux distributeurs. Elles rappelaient, en outre, les importants efforts qu'elles déployaient en matière de recherche et d'innovation, de développement et de promotion. Elles en concluaient que les choix de ceux ci n'étaient pas motivés par la politique commerciale de la société Umicore France ou une prétendue obligation d'exclusivité, mais qu'ils étaient déterminés librement au regard de leurs besoins et de l'attractivité des offres.
300. La cour relève, cependant, qu'après avoir lié ses clients distributeurs par des contrats contenant une clause explicite d'exclusivité, jusqu'en 2004, la société Umicore France a supprimé cette clause, mais a inséré dans ses nouveaux contrats de nouvelles clauses qu'elle a interprétées et fait interpréter par ses distributeurs comme conduisant à une quasi exclusivité de fait. Elle a, de plus, renforcé ces clauses par des dispositions spécifiques à l'égard de deux enseignes particulièrement importantes de ses acheteurs et regroupant de nombreux distributeurs en France, qui ont conduit ces enseignes, pour la première, l'enseigne Larivière, à déréférencer le principal concurrent de la société Umicore France, la société Rheinzink, pour la seconde, l'enseigne Asturienne, à n'accepter la distribution des produits de ce concurrent que dans cinq centres ayant le statut VM Zinc.
301. Dans ces circonstances, les sociétés Umicore ne sont pas fondées à soutenir que les achats préférentiels des produits de sa marque par les distributeurs seraient dus aux qualités intrinsèques de ceux ci et à son travail de démarchage, lesquels ne leur ont, en tout état de cause, pas semblés suffisants pour qu'elles s'abstiennent de la mise en œuvre des pratiques sanctionnées.
302. Il ne peut donc être reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à l'analyse que les requérantes réclamaient, puisqu'elle aurait été inopérante.
303. Enfin, s'agissant de la contestation des données en cause, la cour relève que les sociétés Umicore ont seulement fait observer que la part du marché " disputable ", c'est-à- dire celle sur laquelle on peut observer des variations de demandes, pouvait être d'au moins 30 % et pourrait atteindre 50 % (observations en réponse au rapport, § 397) et que les données chiffrées dataient de 2006 sans être corroborées par des données d'autres années (observations en réponse au rapport, § 508). Ce faisant, elles n'ont pas contesté l'exactitude des données.
304. Par ailleurs, elles n'ont apporté aucun autre élément qui permettraient de constater que les données utilisées par l'Autorité ne correspondaient pas à la réalité de ses parts de marché ni ne donnaient une image exacte de celles ci pour les autres années durant lesquelles se sont déroulées les pratiques.
305. Enfin, il est inexact de soutenir que l'Autorité aurait reconnu que les distributeurs VM Zinc ne se sentaient nullement liés par une quelconque obligation d'achat exclusif. Si l'Autorité a relevé que les contrats ne contenaient plus de clause d'exclusivité, ce que déclaraient d'ailleurs plusieurs distributeurs, il n'en demeure pas moins qu'il a été démontré que ceux ci se s'estimaient liés dans les faits par une telle obligation.
306. Il s'ensuit que les moyens contestant la mise en œuvre dans les faits d'une obligation d'exclusivité sont rejetés.
2. Sur l'examen de l'ensemble des circonstances permettant de constater que le rabais tendait à fausser le jeu de la concurrence et l'analyse de la capacité d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces (moyen 10, branche 2)
307. Rappelant les principes énoncés par la Cour de justice dans ses arrêts du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (C-322/81), du 6 octobre 2015, Post Danmark (C-23/14) et du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C-413/14'P), les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité aurait dû examiner si la politique commerciale mise en œuvre par la société Umicore France était susceptible de produire un effet anticoncurrentiel d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces [Test AEC (As efficient competitor)].
308. Répliquant aux observations de l'Autorité et du Ministre chargé de l'économie, qui opposent que cette analyse est dénuée de pertinence, dans la mesure où le système des rabais appliqués aux centres VM Zinc ne rend pas compte à lui seul de la réalité des pratiques reprochées, qui concernent la politique commerciale globale mise en œuvre par la société Umicore France et non pas seulement sa politique de rabais, les sociétés Umicore font valoir que l'Autorité n'a pas sanctionné un abus per se et qu'en tout état de cause elle aurait dû examiner l'ensemble des circonstances afin de déterminer si la politique commerciale en cause était susceptible de produire un effet anticoncurrentiel d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces, ce qu'elles avaient contesté dans leurs observations en réponse au rapport.
309. Elles ajoutent que, si les services d'instruction avaient procédé à cet examen ils auraient constaté que cet effet d'éviction n'était pas constitué, puisque la politique commerciale n'empêchait pas un concurrent aussi efficace que la société Umicore France d'entrer ou de se développer de façon profitable sur le marché.
310. Ainsi que l'a énoncé la Cour de justice au point 89 de son arrêt Hoffmann La Roche, précité), :
" (. . . ) pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier, fût ce à leur demande, des acheteurs par une obligation ou une promesse de s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 86 du traité [devenu l'article 102 du TFUE], soit que l'obligation est stipulée sans plus, soit qu'elle trouve sa contrepartie dans l'octroi d'un rabais ;
(. . . ) il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d'accords passés avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c'est-à- dire de remises liées à la condition que le client, quel que soit par ailleurs le montant de ces achats, s'approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l'entreprise en position dominante ".
311. La Cour de justice a précisé, au point 90 du même arrêt, que " les engagements d'approvisionnement exclusifs de cette nature, avec ou sans contrepartie de rabais ou l'octroi de rabais de fidélité en vue d'inciter l'acheteur à s'approvisionner exclusivement auprès de l'entreprise en position dominante, sont incompatibles avec l'objectif d'une concurrence non faussée dans le marché commun parce qu'ils ne reposent pas (. . . ) sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l'acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement et à barrer l'accès au marché aux autres producteurs ".
312. L'arrêt de la Cour de justice Intel/Commission, précité, invoqué par les requérantes, rappelle que tout effet d'éviction ne porte pas nécessairement atteinte au jeu de la concurrence, puisque, par définition, la concurrence par les mérites peut conduire à la disparition du marché ou à la marginalisation des concurrents moins efficaces (Voir aussi, notamment, CJUE, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C-209/10, point 22). Il ajoute qu'il convient de préciser la jurisprudence des a r r ê t s H o f f m a n n - L a R o c h e / C o m m i s s i o n , d u 2 7 m a r s 2 0 0 1 2 , P o s t D a n m a r k , e t Michelin/Commission, précités, sur les remises fidélisantes et que, s'agissant de remises d'exclusivité, qui étaient en cause dans ces affaires, " dans le cas où l'entreprise concernée soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l'appui, que son comportement n'a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d'éviction reprochés (. . . ), la Commission est non seulement tenue d'analyser, d'une part, l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et, d'autre part, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais elle est également tenue d'apprécier l'existence éventuelle d'une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces (voir, par analogie, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C-209/10, EU:C:2012:172, point 29) " (points 138 et 139).
313. En l'espèce, bien que les sociétés Umicore aient produit une étude concluant que la pratique de rabais ne pouvait empêcher un concurrent aussi efficace que la société Umicore France de la concurrencer, l'Autorité ne s'est pas appuyée, pour qualifier les pratiques au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, sur les résultats d'un test du concurrent aussi efficace, qui consiste à estimer le prix qu'un concurrent devrait offrir pour indemniser le client pour la perte du rabais conditionnel, si ce dernier s'adressait à ce concurrent plutôt qu'à l'entreprise en position dominante, pour une partie de sa demande ou une fraction pertinente de celle ci.
314. La cour relève que, si, dans le cadre de son analyse aboutissant à la qualification d'un abus prohibé par les articles 102 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, l'Autorité n'a pas non plus précisément relevé que la position dominante de la société Umicore était particulièrement forte, ce point se déduit des constatations opérées dans le cadre de l'examen de cette position et reprises au paragraphe 201du présent arrêt. Il est rappelé en particulier que ces parts de marché dépassent, sur les deux marchés, 50 % et qu'elles sont plus de trois fois supérieures aux parts du concurrent le plus puissant, la société Rheinzink, aucun des autres intervenants ne dépassant 8 % de parts de marché.
315. Par ailleurs, la cour rappelle que les pratiques reprochées ne se bornaient pas à l'application de remises d'exclusivité ou fidélisantes, mais à la mise en œuvre d'une politique commerciale d'ensemble visant, notamment, à dissuader les distributeurs d'offrir d'autres produits de ceux de la marque VM zinc et, lorsqu'ils procédaient à de telles offres, à les empêcher d'en faire la promotion. Au surplus, cette politique s'appliquait à l'ensemble des produits concernés par les marchés pertinents.
316. Dans ces circonstances, il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à l'application du test du concurrent au moins aussi efficace.
317. En effet, l'arrêt Intel n'a pas remis en cause l'affirmation de la jurisprudence européenne, selon laquelle " il n'est pas possible de déduire de l'article 82 CE [devenu l'article 102 du TFUE] ou de la jurisprudence de la Cour une obligation juridique de se fonder systématiquement sur le critère du concurrent aussi efficace pour constater le caractère abusif d'un système de rabais pratiqué par une entreprise en position dominante " (CJUE, arrêt du 6 octobre 2015, Post Danmark, C-23/14, point 57).
318. En outre, ce test se justifie lorsque l'instrument de la fidélisation est de nature financière et pourrait être mis en œuvre, au bénéfice des clients, par un concurrent au moins aussi efficace que l'entreprise en position dominante. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce, où est en cause une politique commerciale globale appliquée par la société Umicore France, fournisseur historique, qui tendait à entraver la pénétration sur le marché et le développement de ses concurrents en empêchant, autant que faire se peut, ses clients de s'approvisionner auprès de ces derniers par l'application de diverses clauses contractuelles, de mesures de surveillance et de rétorsion.
319. Dans ce cas de figure, même si un concurrent aussi efficace que la société Umicore France avait pu, par sa propre pratique de prix, compenser, pour les clients qui se seraient adressés à lui pour la part disputable du marché, la perte des avantages que constituaient les remises fidélisantes de la société Umicore France, il n'en demeure pas moins que ce concurrent aussi efficace se serait heurté, d'abord, à l'insistance de la société Umicore France pour que ces clients ne distribuent que ses produits, ensuite, à l'interdiction contractuelle faite à ces clients de promouvoir les produits concurrents de ceux de la marque VM Zinc, enfin, à l'application de la clause de stock obligeant les clients à maintenir un stock les empêchant de diversifier leurs approvisionnements. Or, l'ensemble des concurrents étant moins connus et moins réputés que la société Umicore France, fournisseur historique, ces obstacles ne pouvait qu'être de nature à les évincer du marché, ou tout au moins à les empêcher de s'y développer, y compris les concurrents aussi efficaces en terme de prix.
320. Ainsi, s'appuyant sur un mécanisme autre que celui de la concurrence par les mérites, la politique commerciale de la société Umicore tendait à enlever à l'acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement et à barrer l'accès au marché aux autres producteurs, sans que les concurrents, même ceux qui auraient été aussi efficaces qu'elle en terme de prix, puissent réagir à son comportement. Cette politique produisait en conséquence un effet d'éviction, y compris des concurrents aussi efficaces, effets au demeurant constatés par l'Autorité aux paragraphes 875 à 893 de la décision attaquée, auxquels la cour renvoie. Ces effets ont consisté en un verrouillage de l'accès à la " distribution de premier niveau ", lequel était le plus rentable, ainsi qu'en un verrouillage de l'accès aux grandes enseignes de la distribution de produits en zinc. Il est rappelé, s'agissant de la " distribution de premier niveau ", qu'en 2006, les centres VM Zinc s'approvisionnaient pour 93 % des produits en zinc auprès de la société Umicore France, alors que ces centres représentaient 70 % des ventes en tonnage de produits de construction en zinc (décision attaquée, § 883 et s. ). S'agissant des grandes enseignes de la distribution de produits en zinc il est établi par les pièces du dossier qu'en 2012, le groupe Point P s'est approvisionné, toutes enseignes confondues, à 95 % auprès de la société Umicore France, la société Larivière pour 97 % et l'enseigne Descours et Cabaud pour 89 %.
321. Il s'ensuit que le moyen reprochant à l'Autorité de ne pas avoir procédé au test du concurrent aussi efficace (Test AEC) est rejeté.
3. Sur l'existence prétendue d'un grief distinct pour les enseignes Point P, Asturienne et Larivière
322. Les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité a retenu à tort des griefs distincts concernant les enseignes point P, Asturienne et Larivière. Elles n'explicitent toutefois pas davantage ce reproche, qui est contesté par l'Autorité.
323. La cour relève qu'aucun grief particulier ou supplémentaire n'a été formulé sur ce point par l'Autorité, qui s'est bornée à considérer que la mise en œuvre auprès des distributeurs ayant le statut VM Zinc s'est traduite, pour ceux qui exploitaient sous les enseignes Asturienne (ou Point P, Asturienne, selon les sociétés requérantes) et Larivière, par des dispositions particulières propres à ces enseignes.
324. Ce grief est en conséquence rejeté.
325. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que les moyens développés par les sociétés Umicore concernant l'analyse conduite par l'Autorité dans la décision attaquée sont rejetés.
III. SUR LA SANCTION
326. Après avoir précisé que les dispositions du livre IV du code de commerce applicables en l'espèce sont celles issues de la loi n° 2001-420, du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite " loi NRE ", l'Autorité a indiqué qu'elle appliquait les critères légaux de détermination de la sanction, énoncés par l'article L. 464-2 I, alinéas 3 et 4, selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué sanctions). Par application de cette méthode, elle a fixé la sanction infligée solidairement à la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques, et à la société Umicore SA/NV, en sa qualité de société mère de la société Umicore France, à la somme de 69 243 000 euros.
A. Sur la durée des pratiques (moyens 12 et 13)
327. L'Autorité a retenu que les pratiques s'étaient déroulées à compter de 1999, année de la signature du contrat de collaboration technique avec les centres VM Zinc, et jusqu'au 31 décembre 2007, date de la dernière manifestation avérée, à savoir la suppression de la bonification qualitative du distributeur Baty fin 2007 (décision attaquée, § 1015). Les pratiques ayant duré 9 années, elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 5 au montant de base.
328. Les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation
en considérant que le " contrat de collaboration technique et commerciale VM Zinc - opération préférence " de 1999 (auquel la décision attaquée fait référence sous l'intitulé'" contrat de 1999 ") aurait pris cours le 1er janvier 1999. Elles exposent à ce titre que ce contrat a effectivement été signé en 1999, mais en fin d'année, avec prise d'effet au 1er janvier 2000, et qu'en conséquence, la durée des pratiques est de maximum 8 ans soit un coefficient multiplicateur de 4,5 au maximum, au lieu de celui de 5 retenu (moyen 12)
329. Elles font valoir que, selon une jurisprudence constante des juridictions de l'Union, il importe de tenir compte, lors de l'application d'un coefficient multiplicateur reflétant la durée de participation d'une entreprise donnée, de la durée exacte (au jour près) de la participation de cette entreprise à l'infraction.
330. L'Autorité précise que, selon les principes instaurés par les dispositions des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, ainsi que par la jurisprudence, la pratique débute le jour même de la signature du contrat prévoyant une exclusivité, sans attendre sa mise en œuvre, et qu'elle pouvait donc retenir que l'infraction avait débuté en 1999.
331. C'est à juste titre que l'Autorité soutient que l'infraction débute à la date de conclusion du contrat par lequel elle se manifeste, sans qu'importe le moment de sa mise en œuvre. Cependant, elle ne peut, en l'absence d'éléments qui démontreraient que les faits auraient débuté antérieurement, faire remonter au début d'une année la durée d'une pratique matérialisée par la signature d'un contrat qui ne l'aurait été qu'à la fin de cette année, point qu'elle ne conteste pas. Dans ces circonstances, la décision attaquée devra être réformée sur ce point et la sanction doit être réévaluée au montant qui sera précisé dans le dispositif en prenant en considération un coefficient multiplicateur de 4, 5 au lieu de 5.
332. Les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité a commis une autre erreur manifeste d'appréciation en considérant que la société UmicoreFrance avait supprimé la " bonification qualitative du distributeur Baty " en 2007, pour conclure que l'infraction avait perduré jusqu'au 31 décembre 2007. Elles font valoir que cette suppression n'a jamais eu lieu et que la durée des pratiques reprochées devrait donc, à tout le moins, être réduite à une période bien antérieure au 31 décembre 2007 (moyen 13).
333. L'Autorité oppose que le fait que le distributeur Baty aurait finalement reçu sa bonification pour le second semestre 2007 ne remet pas en cause l'existence de menaces abusives lors de ce semestre et la date de fin de la pratique retenue dans la décision attaquée. Elle souligne qu'il est démontré que le distributeur Baty a bien reçu de la part de la société Umicore France, une menace de lui supprimer cette bonification par lettre du 28 septembre 2007 et qu'au surplus, les échanges entre les représentants de la société Umicore France, datés des 5 octobre au 12 novembre 2007 et non contestés par les requérantes, témoignent de la volonté de sanctionner ce distributeur, alors même qu'il était reconnu qu'il ne pouvait être " légalement reproché à un VM Zinc de s'être approvisionné en zinc concurrent mais [seulement] de se servir de VM Zinc pour vendre du zinc concurrent ". L'Autorité fait enfin valoir un certain nombre d'éléments démontrant qu'à la même époque la société Umicore France a adressé d'autres courriers proférant les mêmes menaces que celles reçues par le distributeur Baty.
334. Les sociétés Umicore répliquent que l'Autorité ne saurait modifier, dans ses observations, l'élément qu'elle a elle même retenu dans la décision attaquée pour conclure que l'infraction avait perduré jusqu'au 31 décembre 2007.
335. L'Autorité a précisé, au paragraphe 1015 de la décision attaquée, que " la date de fin des pratiques, (. . . ) correspond au 31 décembre 2007, date de la dernière manifestation connue de
représailles d'Umicore vis-à- vis du distributeur Baty ".
336. Elle ne conteste pas que ce distributeur ait finalement été bénéficiaire de la bonification que la société Umicore France avait menacé de lui supprimer.
337. Toutefois, cette circonstance est sans portée. En effet, quand bien même ce motif serait il erroné en conséquence de cette circonstance, la cour relève que, dans la mesure où il n'est pas contesté que la lettre de menace de suppression de la bonification ait été adressée au distributeur Baty, par lettre du 28 septembre 2007, c'est donc bien à la fin de l'année 2007 que les pratiques ont pris fin et c'est donc à juste titre que l'Autorité a fixé à ce moment l'arrêt des pratiques. Il n'y a pas lieu au titre des trois derniers mois de l'année de réduire davantage le coefficient de 4,5 qui est proportionné à la durée des pratiques.
338. Il suit de là que les moyens contestant la durée des pratiques mises en œuvre de 2004 à 2007 doivent être rejetés.
B. Sur la valeur des ventes (moyen 14)
339. Dans le cadre de l'évaluation du montant de base, l'Autorité a précisé, au paragraphe 952 de la décision attaquée, que, compte tenu des marchés pertinents pour la mise en œuvre et pour les effets des pratiques, il convenait de retenir, pour la valeur des ventes, le chiffre d'affaires relatif aux produits en zinc de couverture et aux produits EEP. Elle a précisé que le premier de ces marchés incluait le segment du zinc laminé destiné aux façonniers et que le second comprenait aussi les " accessoires " et les " profilés ".
340. Les sociétés Umicore contestent cette analyse. Elles estiment que l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant dans la valeur des ventes, d'une part, le chiffre d'affaires relatif au zinc laminé destiné aux façonniers, d'autre part, celui relatif à ses ventes à des distributeurs qui n'étaient pas des centres VM Zinc, enfin, celui relatif aux ventes d'accessoires et de profilés. Elles ajoutent que la décision attaquée est à ce titre insuffisamment motivée, en ce qu'elle n'applique pas la règle de droit qu'elle rappelle pourtant dans ses principes, et que ce défaut de motivation viole leurs droits de la défense.
341. L'Autorité rappelle le point 33 du communiqué sanctions, selon lequel l'assiette de la sanction est " la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle ( s)- ci ".
342. Elle fait observer que les ventes de produits de couverture et de produits EEP en zinc réalisées par Umicore avec les distributeurs qui ne sont pas agréés VM Zinc, ne forment pas un marché distinct des ventes effectuées avec les distributeurs ayant cet agrément, que les produits de couverture en zinc vendus aux façonniers se trouvent sur le même marché et que de même, les produits accessoires et profilés en zinc se trouvent sur le même marché que les produits EEP en zinc.
343. Le Ministre chargé de l'économie ainsi que le Ministère public concluent que l'analyse de l'Autorité est conforme aux principes énoncés par la jurisprudence nationale et européenne et que dans ces conditions le moyen doit être rejeté.
1. Sur le défaut de motivation
344. Après avoir rappelé les principes légaux et jurisprudentiels applicables à la valeur des ventes, ainsi que les termes du communiqué sanctions (décision attaquée, § 947 à 949), l'Autorité a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait, d'un côté, que la valeur des ventes des produits de couverture en zinc devait inclure celles du segment du zinc laminé destiné aux façonniers (décision attaquée, §
952) et des centres autres que VM Zinc (décision attaquée, § 953), de l'autre, que la valeur des ventes des produits EEP en zinc devait inclure celles des accessoires et profilés (décision attaquée, § 952). Sur ces différents points, l'Autorité a précisé que ces éléments faisaient partie des marchés pertinents précédemment définis et que les pratiques en cause avaient freiné le développement des concurrents sur le marché français des produits de couverture en zinc ainsi que sur celui des produits EEP en zinc considérés dans leur ensemble et qu'elles avaient permis à la société Umicore France de préserver sa position dominante sur ces marchés (décision attaquée, § 953).
345. Ce faisant, l'Autorité a suffisamment exposé les raisons de son analyse et permis aux sociétés sanctionnées de la comprendre et de la contester, ainsi qu'à la cour d'exercer son contrôle.
346. À ce titre, la cour observe que, à supposer que l'Autorité n'ait pas, comme le lui reprochent les sociétés Umicore, respecté la règle de droit qu'elle avait pourtant rappelée, ce manquement relève du fond du litige et non d'un défaut de motivation.
347. Le défaut de motif n'étant pas constitué, la violation des droits de la défense prétendue ne l'est pas non plus. Ces moyens sont donc rejetés.
2. Sur la prise en compte des ventes de zinc laminé destiné aux façonniers, aux distributeurs non centres VM Zinc et des ventes d'accessoires et de profilés
348. Ainsi qu'il a déjà été jugé à de nombreuses reprises tant en droit national qu'en droit de l'Union, la valeur des ventes est celle des ventes réalisées sur le marché pertinent et concernent les produits en relation avec l'infraction. Le Ministre chargé de l'économie rappelle à juste titre, à ce sujet, que la notion de valeur des ventes ne peut être entendue comme ne visant que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par l'infraction (en ce sens, CJUE, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI e. a. /Commission, C-615/15 P, point 52 et jurisprudence citée).
349. Par ailleurs, l'Autorité a, dans le cadre de son analyse des marchés pertinents, précisé, d'une part, que le zinc laminé à destination des façonniers était substituable au zinc laminé destiné à la couverture (décision attaquée, § 460 et suivants), d'autre part, que les accessoires et profilés faisaient partie du marché pertinent des produits EEP en zinc (décision attaquée, § 589 et suivants). Son analyse, non contestée pour le zinc destiné aux façonniers, a été, pour ce qui concerne les accessoires et profilés, validée par la cour aux paragraphes 164 du présent arrêt.
350. S'agissant du marché des produits de couverture en zinc, les sociétés Umicore contestent en vain que les ventes aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc puissent être mises en relation avec l'infraction, dès lors que la pratique en cause a renforcé la position dominante de la société Umicore France sur le marché des produits de couverture en zinc et a ainsi nécessairement impacté les ventes de ces produits aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc.
351. Il en est de même s'agissant du marché des produits EEP en zinc. La pratique ne pouvait en effet avoir d'effet sur ces produits sans en avoir sur les accessoires et les profilés qui appartiennent au même marché.
352. Par ailleurs, les sociétés Umicore, qui soutenaient, dans le cadre de leurs moyens concernant les marchés pertinents, que l'Autorité aurait retenu dans ces marchés des produits qui n'auraient pas dû s'y trouver (voir § 164 du présent arrêt), ne démontrent pas, ce qui leur appartient de faire, que la valeur des ventes retenue aurait inclus celle des ventes de ces produits, ni quel montant serait concerné. Les tableaux produits aux cotes 26041 et 26042, auxquels elles renvoient, ne permettent pas, en effet, pas de constater que des ventes de produits qui ne concerneraient pas les marchés pertinents auraient été, de façon erronée, repris dans le calcul de la moyenne de valeur des ventes
entre 1999 et 2007 opéré par l'Autorité ( décision attaquée, § 956 et 957). Sur ce point, encore, la cour relève qu'il importe peu que les produits destinés à recouvrir les façades aient été inclus dans la valeur des ventes des produits EEP plutôt que dans celle des produits de couverture dès lors que l'Autorité a établi une moyenne des valeurs des ventes réalisées sur ces deux marchés.
353. Il est sans portée sur ces deux points que la pratique reprochée soit une pratique d'abus de position dominante et non de cartel.
354. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les moyens portant sur la valeur des ventes sont rejetés.
IV. SUR LA DEMANDE AU TITRE DE L'ARTICLE 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS
355. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés Umicore les frais irrépétibles qu'elles ont exposé dans le cadre du présent recours et leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
Par ces motifs, LA COUR, Rejette les moyens des sociétés Umicore pris de la prescription quinquennale, de la prescription décennale, de l'incompétence des services d'instruction pour refuser aux sociétés Umicore l'ouverture d'une procédure d'engagements et de la violation par les services d'instruction ainsi que par l'Autorité des obligations d'objectivité, d'impartialité et de loyauté leur incombant ; Rejette la demande d'annulation par voie de conséquence de la censure de la décision à intervenir par arrêt du Conseil d'État ; Réforme l'article 3 de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16- D-14 du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment ; Statuant à nouveau, Dit qu'au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 16- D-14, il est infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA/NV, une sanction pécuniaire d'un montant de 56 653 000 euros ; Rejette pour le surplus le recours formé par les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV contre la décision n° 16- D-14 ; Rejette la demande formée par les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Laisse la charge des dépens de l'instance de recours à la charge des sociétés Umicore France et UmicoreSA/NV. Dit qu'en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement (CE) n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81et 82 du traité, le présent arrêt sera transmis par la cour à la Commission de l'Union Européenne.