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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 septembre 2018, n° 16-10293

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chridami Communication (SARL)

Défendeur :

Ideat Éditions (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Discours, Buret, Gaussen

T. com. Paris, du 18 avr. 2016

18 avril 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société Chridami Communication, ci-après Chridami, est spécialisée dans le secteur d'activité de la régie publicitaire de médias.

La société Ideat Éditions, ci-après Ideat, est active dans l'édition de revues et périodiques. Elle exploite, notamment, les magazines Ideat et The Good Life.

En 1999, année de création du magazine Ideat, la société Chridami est inscrite dans l'ours de celui-ci comme responsable de sa régie publicitaire régionale et locale.

Dans le cadre de son activité de régie publicitaire, la société Chridami a, à partir de l'année 2007, vendu des espaces publicitaires pour le compte de la société Ideat, dans ses magazines, en contrepartie d'une commission. Ainsi, la société Ideat facturait le client final et réglait le montant de sa facture de commission à la société Chridami pour sa prestation, une fois la facture du client final encaissée.

A partir de 2011, la société Chridami a acheté directement à la société Ideat des espaces publicitaires dans le magazine The Good Life pour les revendre. Dès lors, la société Ideat émettait une facture de vente de pages de publicité à la société Chridami qui devait lui régler ces pages, à charge pour elle de les revendre ensuite.

Dans le courant du premier trimestre 2013, la société Ideat a souhaité créer et développer sa propre régie publicitaire.

Le 26 février 2013, la société Chridami a procédé au licenciement économique de Mme X, chef de publicité régie, chargée notamment de la commercialisation des pages de publicité locale des magazines Ideat et The Good Life.

Le 6 novembre 2013, par lettre recommandée, la société Ideat a annoncé à la société Chridami la fin de leur relation commerciale en lui octroyant un préavis de trois mois.

Le 6 janvier 2014, la société Ideat a embauché Mme X en vue de la poursuite de l'intégration de sa régie. Le même jour, la société Chridami a mis en demeure la société Ideat de lui verser la somme de 55 601,17 euros car elle estimait avoir subi un préjudice du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies qu'elle entretenait jusqu'alors avec la société Ideat.

Par courrier du 15 janvier 2014 envoyé à la société Chridami, la société Ideat a contesté être redevable de cette somme et a réclamé la somme de 59 202 euros au titre de factures impayées.

C'est dans ces conditions que la société Chridami a assigné la société Ideat devant le Tribunal de commerce de Paris, par acte du 3 février 2014.

Par jugement du 18 avril 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Ideat Éditions à payer à la société Chridami Communication la somme de 1 960 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

- débouté la société Chridami Communication de ses demandes au titre d'actes de concurrence déloyale,

- condamné la société Chridami Communication à payer à la société Ideat Éditions la somme de 59 202 euros TTC au titre de factures impayées,

- débouté la société Chridami Communication et la société Ideat Éditions de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent dispositif,

- condamné la société Chridami Communication et la société Ideat Éditions, chacune à la moitié des dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 de TVA.

La société Chridami a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 4 mai 2016.

La procédure devant la cour a été clôturée le 5 juin 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 30 mai 2017 par lesquelles la société Chridami, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1382 et 1383 anciens du Code civil, à :

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 avril 2016 en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,

- juger que la société Ideat Éditions a brutalement rompu la relation commerciale établie qu'elle entretenait depuis quinze ans avec elle,

- dire que cette rupture brutale lui a causé un important préjudice, en conséquence,

- condamner la société Ideat Éditions à lui payer la somme de 80 458,46 euros en réparation du préjudice que cette dernière a subi à raison de la rupture brutale de leur relation commerciale,

- juger que la société Ideat Éditions est l'auteur d'actes de concurrence déloyale à son détriment,

- dire que ces actes lui ont causé un préjudice considérable, notamment d'image et de réputation commerciale,

en conséquence,

- condamner la société Ideat Éditions à lui payer la somme de 100 000 euros,

- constater que la société Ideat Éditions reste lui devoir la somme de 22 081 euros au titre de factures impayées,

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 avril 2016 en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 59 202 euros au titre de factures impayées,

- réduire le quantum de cette condamnation à la somme de 37 121 euros,

- condamner la société Ideat Éditions à lui payer la somme de 11 250 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, et la somme de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Ideat Éditions aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Y ;

Vu les conclusions du 29 septembre 2016 par lesquelles la société Ideat, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

à titre principal :

- dire qu'il existe un usage fixant le préavis à 3 mois en matière de préavis dans les contrats de régie publicitaire,

- confirmer, en conséquence, le jugement du Tribunal de commerce de Paris,

dans tous les cas :

- dire que les annonceurs ne sont la propriété d'aucun acteur du marché de la publicité,

en conséquence,

- débouter la société Chridami Communication de sa demande au titre de la prétendue concurrence déloyale,

- confirmer la condamnation à titre reconventionnel, de la société Chridami Communication à lui payer la somme de 59 202 euros TTC

- condamner la société Chridami Communication à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Chridami Communication aux entiers dépens dont le recouvrement, pour ceux le concernant, sera directement poursuivi par Me Z, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Chridami soutient qu'elle entretenait avec la société Ideat une seule et unique relation commerciale établie depuis quinze ans. Elle affirme, en ce sens, qu'il ne doit pas être fait de distinction entre les activités d'achat-vente d'espaces publicitaires et l'activité de régie publicitaire dans la mesure où il existait une seule et unique relation commerciale entre elle et la société Ideat consistant à commercialiser, auprès d'annonceurs, les espaces publicitaires disponibles dans les magazines édités par Ideat. Ainsi, elle fait valoir que la société Ideat a mis un terme à une relation commerciale ayant un objet unique et qui avait débuté en juillet 1999.

Elle allègue que par courrier du 6 novembre 2013, la société Ideat a rompu l'intégralité de leur relation commerciale et a donc mis un terme tant à son activité de régie qu'à son activité d'achat/vente. Elle affirme, par ailleurs, qu'aucune faute de sa part ne saurait justifier la rupture de leur relation commerciale, en ce que, d'une part, le courrier n'énonce pas l'existence d'une faute concernant le non-paiement de factures et d'autre part, elle n'a reçu aucune mise en demeure préalable de la société Ideat concernant des factures impayées pouvant engendrer la rupture de leur relation.

Elle estime qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de quinze mois et que le préavis de trois mois accordés par la société Ideat était fictif. Elle affirme, par ailleurs, qu'aucun accord interprofessionnel ne couvre l'activité de commercialisation d'espace publicitaire, de sorte que l'affirmation de la société Ideat selon laquelle il existe un usage dans le secteur de la régie publicitaire réduisant le préavis à 3 trois mois est erronée.

Elle fait valoir qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 80.458,46 euros, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle entretenait depuis 15 ans avec la société Ideat.

En réplique, la société Ideat soutient que les contrats de régie publicitaire et de vente et d'achat publicitaire doivent être distingués, en ce sens que, seul le contrat de régie publicitaire a été rompu le 6 novembre 2013. Elle affirme que le contrat de régie publicitaire n'était pas formalisé et a débuté en 2007. Elle explique, à ce titre, que la société Chridami n'a réalisé aucun chiffre d'affaires en qualité de régie publicitaire avant cette date.

Elle estime que la rupture ne peut être qualifiée de brutale car elle n'était ni imprévisible, ni soudaine, ni violente aux vues des circonstances.

Elle fait valoir qu'il existe un usage en matière de contrat de régie de publicitaire selon lequel le préavis accordé pour la rupture d'une relation commerciale s'élève généralement à trois mois. Elle excipe, par ailleurs, avoir exécuté dûment le préavis jusqu'au 31 décembre 2014, soit pendant une période de deux mois.

Elle soutient que le calcul du préjudice de la société Chridami par cette dernière est vicié par plusieurs erreurs. Elle estime que la société Chridami ne pourrait prétendre qu'à une indemnité calculée sur 7 mois de marge, déduction faite de la période de deux mois de préavis effectuée par elle, soit 5 mois de marge commerciale.

Les parties s'opposent sur la durée de leurs relations commerciales, sur la brutalité de la rupture, sur l'effectivité du préavis et sur le préjudice subi par la société Chridami.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Sur la durée des relations commerciales établies

Une relation commerciale " établie " présente un caractère " suivi, stable et habituel " et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux.

La société Chridami ne communique de pièces comptables, qui démontrent des liens annuels continus avec la société Ideat, qu'à compter de l'année 2003 par son grand-livre global définitif (pièce n° 4), date et pièce non contestées par cette dernière.

En effet, la seule communication de trois ours datés de 1999, sur lesquels la société Chridami est créditée pour les pages immobiliers et idée shopping, ne peut suffire à établir le caractère continu et stable des relations commerciales entre les parties à compter de cette date.

Il ressort par ailleurs des éléments du dossier que l'activité qui liait les parties était la régie publicitaire, peu importe les modalités de son exercice. Les parties s'accordent sur le fait que la société Chridami avait exercé l'activité de régie publicitaire de la société Ideat mais aussi acheté et vendu des espaces publicitaires de la société Ideat. Ces deux activités ne peuvent être distinguées pour apprécier séparément la durée de la relation commerciale établie entre les parties, aucune distinction nette n'ayant été réalisée par celles-ci, mis à part les modalités de facturation nécessairement différentes. En outre, la société Ideat elle-même ne distingue pas les deux types de contrats, les échanges entre les parties portant sur les deux types de vente de pages de publicité, tel qu'il ressort des différents échanges courriels et courriers (pièces 13, 14, 18, 27). Enfin, la lettre du 6 novembre 2013 par laquelle la société Ideat signifie à la société Chridami mettre " un terme à [leur] collaboration après un préavis de trois mois à compter de la réception de cette lettre " et que leur " collaboration prendra fin après la commercialisation du numéro 106 d'Ideat daté de février " 2014, ne distingue pas les modalités de vente des espaces publicitaires de la société Ideat, seule la " collaboration " entre les deux sociétés étant évoquée.

De même, la société Ideat ne peut soutenir que le contrat de régie s'était poursuivi en 2014 en invoquant des ordres de publicité et un planning technique 2014, alors que le planning technique 2014 communiqué ne porte pas directement sur l'activité de la société Chridami, qu'en tout état de cause cette pièce est antérieure à la date d'envoi de la lettre de résiliation, et que la société Ideat a mis en demeure la société Chridami de cesser de vendre des espaces publicitaires en raison de la fin de leurs relations commerciales.

Dès lors, la relation commerciale entre les parties est établie depuis l'année 2003, s'agissant de la vente d'espaces publicitaires des magazines de la société Ideat par la société Chridami.

Sur les fautes de la société Chridami

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

La société Ideat fait état dans le cadre de cette instance de fautes imputables à la société Chridami pour justifier la rupture. Toutefois, elle ne démontre pas que ces fautes revêtent un caractère suffisamment grave pour justifier une rupture des relations commerciales établies sans préavis pour ne pas avoir mentionné ces griefs dans la lettre de rupture du 6 novembre 2013 ni mis en demeure la société Chridami de s'acquitter des factures impayées avant la lettre de résiliation, un accord ayant d'ailleurs été conclu entre les parties sur ce point (pièce 19 Ideat).

La société Ideat, qui a d'ailleurs accordé un préavis à la société Chridami, ne peut donc valablement invoquer des fautes imputables à cette dernière.

Sur la brutalité de la rupture

Il est de principe que le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.

La société Ideat ne peut utilement soutenir que la société Chridami avait connaissance de ce qu'elle entendait internaliser l'activité de régie publicitaire, des articles de presse parus à l'automne 2012 évoquant ce sujet, alors que celle-ci n'avait pas clairement fait connaitre à la société Chridami la date à laquelle leurs relations commerciales cesseraient. De même, le licenciement par la société Chridami de sa chef de publicité régie le 26 février 2013 a pour motif les difficultés économiques de cette dernière. Enfin, elle ne démontre aucun usage dans le secteur d'activité de la régie publicitaire, la communication de deux conventions ne pouvant établir cette affirmation, et en tout état de cause, l'existence d'un tel usage indépendant d'un accord interprofessionnel est inopérant en ce qui concerne l'appréciation de la brutalité de la rupture. Il ne peut dès lors en être tiré aucune conséquence quant à l'absence de brutalité de la rupture.

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le chiffre d'affaires réalisé par la société Chridami avec la société Ideat en 2010, 2011 et 2012, années de référence pour avoir été exécutées entièrement, est respectivement de 241 808 euros, 324 179 euros et 353 445 euros, soit une moyenne annuelle de 306 477 euros et une moyenne mensuelle de 25 539 euros.

La durée des relations commerciales établies entre les parties est au jour de la rupture de près de 11 années.

Eu égard à l'ensemble de ces seuls éléments communiqués par la société Chridami, et du temps nécessaire pour que celle-ci puisse se ré-organiser et re-déployer son activité, le préavis aurait dû être de 6 mois.

Dans ces conditions, la rupture des relations commerciales établies par la société Ideat avec la société Chridami est brutale, seul un préavis de 3 mois ayant été accordé par la société Ideat dans son courrier de rupture.

Sur l'effectivité du préavis

La société Ideat a accordé 3 mois de préavis à la société Chridami dans son courrier de rupture mais reconnaît que seuls deux mois de préavis ont été réellement exécutés par la société Chridami. Cette dernière ne démontre pas en outre qu'aux mois de novembre et décembre 2013, la société Ideat a refusé ses ordres de publicités et le seul courrier du 15 novembre 2013 ne démontre pas que la société Ideat a empêché toute nouvelle commande pendant ces deux mois, ce courrier évoquant des propositions de publicité pour toute l'année 2014 et non pas pour les numéros en cours de bouclage et concernés par le préavis, ce d'autant qu'elle a émis d'autres ordres de publicité avec deux autres clients au mois de janvier 2014.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Chridami n'a bénéficié que de deux mois de préavis effectif et non de trois.

Sur le préjudice

Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables moyenne des trois dernières années, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture. Ces éléments s'apprécient au jour de la rupture.

En l'espèce, la société Chridami doit être indemnisée à hauteur de la marge perdue pour les trois mois de préavis dont elle a été privée et du mois de préavis qui n'a pas été effectif, soit quatre mois.

Il ressort du tableau communiqué par la société Chridami (pièce n° 5), dont les chiffres ne sont pas contestés par la société Ideat, que la marge moyenne de la société Chridami était de 16,57 % en 2010, 20,23 % en 2011 et 18,31 % en 2012, soit une moyenne des trois dernières années pleines d'activité entre les parties de 18,37 %.

La moyenne mensuelle de chiffre d'affaires étant de 25 539 euros, la marge mensuelle perdue est donc de 4 691 euros.

Dès lors, le préjudice subi par la société Chridami en raison de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies avec la société Ideat est de 18 764 euros.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Ideat Éditions à payer à la société Chridami Communication la somme de 1 960 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, et statuant à nouveau de condamner la société Ideat Éditions à payer à la société Chridami Communication la somme de 18 764 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Sur la concurrence déloyale de la société Ideat

La société Chridami soutient avoir été victime de concurrence déloyale de la part de la société Ideat lui reprochant d'avoir contacté directement ses clients, alors qu'elle était encore en période de préavis, en utilisant son carnet d'adresses mis à sa disposition par Madame X, son ancienne salariée, en leur annonçant que leur relation était terminée, et ainsi, en captant sa clientèle à son profit. La société Chridami réclame, en conséquence, 100 000 euros en réparation de son préjudice d'image.

La société Ideat soutient qu'il ne peut être fait état de concurrence déloyale à son encontre dans la mesure où les clients de la société Chridami qui ont acheté des pages dans ses magazines ont quasiment tous été adressés à la société Chridami par elle. En outre, elle explique que la réintégration de sa propre régie publicitaire ne peut pas être considérée comme une activité concurrente. Elle relève, par ailleurs, qu'elle n'a pas pu se rendre coupable d'un détournement de clientèle dans la mesure où la société Chridami pouvait continuer à vendre à ces annonceurs des espaces publicitaires dans d'autres magazines ou supports. Enfin, elle souligne que la société Chridami ne justifie pas le quantum de sa demande en réparation de son préjudice d'image.

La société Chridami fait grief à la société Ideat d'avoir dès le mois de novembre 2013 :

- contacté directement ses clients,

- utilisé le carnet d'adresses mis à sa disposition par une ancienne salariée, recrutée par la société Ideat à compter du 6 janvier 2014,

- annoncé au mois de janvier 2014 que leurs relations étaient d'ores et déjà terminées, alors qu'au jour de l'annonce cette collaboration était encore supposée durer au moins jusqu'à la fin de la période de préavis,

- tenté de capter cette clientèle à son profit, la société Ideat ayant fait le choix d'accroître ses activités en développant sa propre régie publicitaire, en concurrence à la sienne.

Or, la société Ideat peut légitimement reprendre son activité de régie publicitaire sans que cette décision ne constitue un acte fautif de concurrence déloyale, celle-ci pouvant choisir les modalités de vente des pages publicitaires de ses parutions et continuer à prendre contact directement avec les anciens annonceurs uniquement pour ses propres parutions, dès lors qu'elle exerce cette activité uniquement pour ses propres magasines et non pas également pour le compte d'autres éditeurs.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Chridami de ce chef. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les comptes entre les parties

La société Chridami affirme que la société Ideat est débitrice envers elle de la somme de 22 081,15 euros. Elle estime, en conséquence, que la condamnation du jugement de première instance à son encontre à payer la somme de 59 202 euros doit être limitée à la somme de 37 121 euros.

La société Ideat soutient, concernant les contrats de vente et d'achat d'espaces publicitaires, que la société Chridami est débitrice envers elle de la somme de 59 202 euros au titre des factures impayées. Elle affirme, concernant la demande de la société Chridami de la somme de 22 081 euros que la société Chridami ne justifie pas sa créance.

Les parties s'accordent sur la somme de 59 202 euros au titre des factures impayées par la société Chridami à la société Ideat. Elles s'opposent sur la somme de 22 081,15 euros réclamée par la société Chridami à la société Ideat au titre de factures " Protis ". Or, il ressort de l'échange courriel entre les parties des 22 mai et 4 juin 2013 que ce point avait fait l'objet d'un accord entre les parties, la société Chridami proposant d'émettre un avoir à la société Ideat ou attendant une facturation de celle-ci suite aux factures qu'elle a émises et qui ont été refusées par la société Ideat. Ainsi, la société Chridami ne démontre pas la créance qu'elle invoque à l'égard de la société Ideat.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ideat Éditions doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. Les parties sont déboutées de leurs demandes de ce chef.

Par ces motifs : LA COUR, confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Ideat Éditions à payer à la société Chridami Communication la somme de 1 960 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie ; l'infirme sur ce point ; Et, statuant à nouveau, condamne la société Ideat Éditions à payer à la société Chridami Communication la somme de 18 764 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie ; Y ajoutant ; condamne la société Ideat Éditions aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; rejette toute autre demande.