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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 septembre 2018, n° 18-08165

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aqseptence Group GmbH (Sté) , Aqseptence Group (SAS)

Défendeur :

F2F (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Azoulay, Regnier, Masson

T. com. Rennes, du 17 avr. 2018

17 avril 2018

Faits et procédure

La société Aqseptence Group GmbH, anciennement dénommée Passavant Geiger puis Bilfinger, de droit allemand, est spécialisée dans le traitement des eaux usées.

La société Aqseptence Group SAS, de droit français, filiale de la société Aqseptence Group GmbH, est spécialisée dans la fabrication de machines et d'équipements.

La société F2F, qui vient aux droits de la société Simop qui vient aux droits de la société Franceaux, a une activité de conception, fabrication et commercialisation de produits d'équipement pour le traitement de l'eau, plus particulièrement dans le domaine du stockage/emballage destiné à l'industrie, l'agriculture et la viticulture.

Le 23 mars 2010, les sociétés Simop et Aqseptence Group GmbH ont conclu un contrat de distribution aux termes duquel la seconde a confié à la première la distribution de ses produits pour la France et les DOM-TOM.

Le 14 décembre 2015, la société Aqseptence Group GmbH a notifié par courrier à la société Simop la fin du contrat de distribution à effet le 23 mars 2016.

Par acte du 15 mai 2017, la société Simop a assigné les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS devant le Tribunal de commerce de Rennes, sollicitant :

- au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la condamnation de la société Aqseptence Group GmbH à lui verser la somme de 593 229 euros,

- au visa de l'article 1134 ancien, 1104 nouveau, et 1147 ancien, 1231-1 nouveau, du Code civil, la condamnation in solidum des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS à lui verser la somme de 593 229 euros.

Les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS ont soulevé in limine litis l'incompétence de la juridiction saisie.

Par jugement du 17 avril 2018, le Tribunal de commerce de Rennes, statuant exclusivement sur la compétence :

- s'est déclaré compétent ;

- a dit qu'à défaut d'appel prescrit par l'article 80 du Code de procédure civile, les parties devront se présenter pour plaider à l'audience du 21 juin 2018 à 14h00,

- a débouté les parties des surplus de leurs demandes in limine litis.

Les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 27 avril 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 25 juin 2018 par lesquelles les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS, appelantes, invitent la cour, au visa des articles 75, 81 alinéa 1er dans sa version en vigueur depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, 96 alinéa 1er dans sa version en vigueur à la date d'introduction de la présente instance du Code de procédure civile, 7, 8 et 25 du Règlement (CE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, à :

- dire que l'exception d'incompétence est recevable et bien fondée,

y faisant droit, et rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, à titre principal :

- dire que la clause attributive de juridiction stipulée à l'article 16 du contrat du 23 mars 2010 et à l'article X des conditions générales de vente de la société Aqseptence Group GmbH est valide et par conséquent y donner application conformément à l'article 25 du Règlement (CE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012,

- dire en conséquence que le Tribunal de commerce de Rennes est incompétent pour statuer sur l'intégralité des demandes de la société F2F, au profit des juridictions allemandes du siège de la société Aqseptence Group GmbH, à savoir le Landgericht de Wiesbaden,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la clause attributive de juridiction était jugée non valide :

- dire que la société F2F est mal fondée à invoquer l'option de compétence de l'article 8§1 du Règlement (CE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012,

- dire en conséquence que le Tribunal de commerce de Rennes est de plus fort incompétent pour statuer sur l'intégralité des demandes de la société F2F, au profit des juridictions allemandes du siège de la société Aqseptence Group GmbH, à savoir le Landgericht de Wiesbaden,

à titre encore plus subsidiaire :

- dire que le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande de la société F2F, au sens de l'article 7, 1 a) du Règlement (CE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, est situé à Aarberden,

- dire en conséquence que le Tribunal de commerce de Rennes est incompétent pour statuer sur l'intégralité des demandes de la société F2F, au profit du Landgericht de Wiesbaden,

en tout état de cause :

- renvoyer la société F2F à mieux se pourvoir devant le Landgericht de Wiesbaden, en Allemagne,

- condamner la société F2F à leur payer la somme de 10 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles ;

Vu les conclusions du 19 juin 2018 par lesquelles la société F2F, intimée, demande à la cour, au visa des articles 42, 46, 48 du Code de procédure civile, L. 442-6 et D 442-3 du Code de commerce, des dispositions du Règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale de :

- dire qu'elle est recevable et bien fondée dans toutes ses prétentions, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 17 avril 2018 en toutes ses dispositions,

- rejeter les demandes des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS, à titre principal,

- constater la pluralité des défendeurs et le fait que les demandes formulées à leur encontre sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps,

- constater l'inopposabilité de la clause attributive de juridiction à l'égard de la société Aqseptence Group,

- en conséquence, confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes et le déclarer compétent,

à titre subsidiaire,

- constater l'imprécision de la clause s'agissant de l'indication de la juridiction compétente,

- constater le caractère potestatif de la clause compte tenu de l'option laissée au seul fournisseur,

- constater l'imprécision de la clause quant à l'objet des litiges visés,

- constater le caractère d'ordre public de la compétence de l'article L. 442-6 III,

- en conséquence, confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes et le déclarer compétent,

en tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS à verser à la société Simop la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner in solidum les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS à payer la somme de 15 000 euros au profit de la société F2F, venant aux droits de la société Simop,

- condamner in solidum les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS aux entiers dépens de la procédure ;

Vu les conclusions du 27 juin 2018 par lesquelles la société F2F, intimée, demande à la cour, au préalable au visa des articles 15, 16, 135 du Code de procédure civile, de :

- rejeter des débats les conclusions signifiées le 25 juin 2018 à 19h15 par les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS,

et qui reprennent les demandes visées ci-dessus ;

Vu les conclusions du 27 juin 2018 par lesquelles les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS, appelantes, invitent au préalable la cour à :

- dire recevables les conclusions n° 2 signifiées par RPVA par elles le 25 juin 2018 ainsi que les présentes conclusions n° 3,

et qui reprennent les demandes visées ci-dessus ;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des conclusions signifiées le 25 juin 2018

La société F2F explique que les sociétés Aqseptence ont signifié leurs écritures et qu'elle y a répondu une dizaine de jours avant l'audience, alors que celles-ci ont transmis, le 25 juin 2018 à 19h15 soit l'avant-veille, de nouvelles écritures totalement remaniées. Elle fait valoir que la tardiveté de la communication de ces conclusions porte indéniablement atteinte à ses droits, n'ayant pas été en mesure de procéder à un examen complet des arguments développés et y répondre de manière circonstanciée.

Les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS expliquent que la société F2F a attendu le 19 juin 2018 pour répondre à leurs conclusions du 27 avril 2018, que la société F2F avait le temps de prendre connaissance des nouvelles écritures et y répondre, le cas échéant, le remaniement étant de pure forme, aucun élément nouveau n'étant apporté.

Par application conjuguée des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, les parties doivent notamment se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de preuve qu'elles produisent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; ainsi, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Par ailleurs, l'article 135 du même Code dispose que " Le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ".

En l'espèce, compte-tenu de la nature du litige, la procédure d'appel d'une décision statuant sur la compétence relève des articles 84 et 85 du Code de procédure civile, lesquelles prévoient que cet appel sera instruit et jugé en matière de procédure à jour fixe, étant relevé que les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS ont été autorisées par ordonnance du 9 mai 2018 à assigner à jour fixe la société F2F afin que la présente cour examine le recours sur la décision rendue par le Tribunal de commerce de Rennes.

Il apparaît que :

- les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS ont conclu le 27 avril 2018,

- la société F2F a conclu en réponse le 19 juin 2018,

- les sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS ont conclu à nouveau le 25 juin 2018.

Or, les conclusions des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS ne soulèvent aucun moyen nouveau ni aucune demande nouvelle, elles n'ont été remaniées que sur la forme, en raison d'un changement de conseil, de sorte que la société F2F bénéficiait du temps nécessaire pour en prendre connaissance et y répondre le cas échéant, avant l'audience du 27 juin 2018 à 14h00, étant par ailleurs relevé que les conclusions de la société F2F avaient été signifiées le 19 juin 2018 et que la présente procédure est à jour fixe impliquant ainsi des délais d'instruction raccourcis.

Dès lors, les conclusions des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS signifiées le 25 juin 2018 ont été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du Code de procédure civile.

Il y a donc lieu d'écarter la demande de rejet des conclusions des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS signifiées le 25 juin 2018.

Sur la compétence du Tribunal de commerce de Rennes

Les sociétés Aqseptence soutiennent que le Tribunal de commerce de Rennes est incompétent dans la mesure où le contrat de distribution sur lequel sont fondées les demandes de la société F2F comporte en son article 16 alinéa 3 une clause attributive de juridiction donnant compétence aux juridictions du domicile de la société Aqseptence Group GmbH. Elles indiquent également que les conditions générales de vente, auxquelles se reporte le contrat de distribution, contiennent aussi une clause attributive de juridiction donnant compétence aux juridictions du lieu d'établissement du fournisseur, c'est-à-dire la société Aqseptence Group GmbH. Par ailleurs, elles font valoir que l'article L. 442-6 du Code de commerce n'a pas un caractère d'ordre public international susceptible de faire échec à une clause attributive de juridiction. Elles expliquent que la clause attributive de compétence est opposable également à la société Aqseptence Group SAS, qui n'est pas signataire de ce contrat, au motif que la société F2F recherche la société Aqseptence Group SAS uniquement sur le fondement de la responsabilité contractuelle, pour manquement à ce même contrat. Elles excipent enfin que la clause est valable, en ce qu'elle permet de désigner de manière suffisamment claire la juridiction compétente. Elles affirment que la clause ne revêt pas de caractère potestatif, en ce que les critères de choix sont objectifs. Elles soulignent en outre que la clause attributive de compétence trouve son application dans les litiges fondés sur la rupture brutale des relations commerciales établies, étant par ailleurs relevé que cet article n'est pas susceptible de faire échec à une clause attributive de compétence.

Elles en concluent que les juridictions allemandes sont compétentes pour statuer sur le litige les opposant à la société F2F.

Elles relèvent également que le Tribunal de commerce de Rennes n'est pas compétent pour trancher le litige opposant la société Aqseptence Group SAS et la société F2F, aucune demande au titre de la brutalité de la rupture n'étant formée à son encontre. Elle en conclut que le Tribunal de commerce de Poitiers est compétent, le siège social de la société Aqseptence Group SAS étant situé sur le ressort de cette juridiction.

La société F2F soutient que la clause attributive de juridiction n'est pas opposable à la société Aqseptence Group SAS au motif que celle-ci est tiers au contrat qui la stipule. Par ailleurs, elle estime que la clause attributive n'est pas valable dans la mesure où elle n'indique, tout d'abord, pas précisément la juridiction compétente, et où elle est potestative, laissant, ensuite, une option au seul bénéfice du fournisseur entre la juridiction de son domicile et celle du domicile du distributeur la rendant. Elle soutient aussi que la clause ne vise pas les litiges concernant lesquels elle est censée s'appliquer, et que son action fondée sur la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie relève de la matière délictuelle. Enfin, elle explique que la clause attributive de juridiction est inefficace du fait du caractère d'ordre public de la compétence de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

En l'espèce, la société F2F a assigné dans le cadre du présent litige une société de droit français, la société Aqseptence Group SAS, et une autre de droit allemand, la société Aqseptence Group GmbH. Dès lors, afin de déterminer quel Tribunal est compétent pour trancher le litige les opposant, il convient de se référer aux dispositions du Règlement CE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ci-après, le Règlement Bruxelles 1 bis, dont les parties conviennent qu'il est applicable en la cause.

Aux termes de l'article 25 du Règlement Bruxelles 1 bis :

" 1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. (...) ".

L'article 16 alinéa 3 du contrat conclu entre la société Passavant Geiger, aux droits de laquelle vient la société Aqseptence Group GmbH, et la société Franceaux, aux droits de laquelle vient la société F2F, est rédigée comme suit, dans sa version traduite non contestée :

" La juridiction compétente pour toutes divergences relatives au présent contrat ou à des transactions particulières conclues dans sa mise en œuvre est celle du domicile de PG. Toutefois, PG est également fondée à former un recours contre le Distributeur Agréé devant le tribunal compétent pour son siège social ".

Il est constant que " PG " désigne la société Passavant Geiger, désormais Aqseptence Group GmbH.

Sur la validité de la clause

Sur la précision de la clause

En l'espèce, la clause prévoit que la juridiction compétente est celle du domicile de " PG ", qui désigne la société Passavant Geiger, désormais Aqseptence Group GmbH. L'adresse de la société apparaît très nettement en première page du contrat, à savoir à Aarbergen en Allemagne. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le droit interne allemand permet de déterminer sur le ressort de quelle juridiction se situe Aarbergen. Dès lors, la clause litigieuse, permettant de déterminer le tribunal spécialement compétent, est valable sur ce point.

Sur le caractère potestatif de la clause

En l'espèce, la clause laisse le choix à la société Aqseptence Group GmbH d'assigner son distributeur agréé soit au siège de son domicile soit au siège dudit distributeur. Si cette clause laisse effectivement le choix à la société Aqseptence Group GmbH, il n'en demeure pas moins qu'elle permet d'identifier les juridictions éventuellement amenées à se saisir d'un litige opposant les parties à l'occasion de litiges relatifs au contrat. Dans ces conditions, la clause attributive de compétence litigieuse répond à l'impératif de prévisibilité auquel elle doit répondre. La clause est donc valable sur ce point.

Sur la précision de la clause quant à l'objet des litiges visés

En l'espèce, la clause précise que la clause attributive de compétence a vocation à s'appliquer dès lors qu'un litige doit être tranché au titre de toutes les divergences relatives au présent contrat ou à des transactions particulières conclues dans sa mise en œuvre. Cette clause vise tous les problèmes liés à l'exécution du contrat, ce qui implique nécessairement la résiliation de celui-ci. La clause n'a pas à lister l'ensemble des griefs pouvant faire l'objet d'un différend relevant de son application pour être valable. La clause est donc valable sur ce point.

Sur l'applicabilité de la clause au présent litige

En l'espèce, la société F2F formule deux demandes séparées à l'encontre des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS, l'une visant uniquement la société Aqseptence Group GmbH sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies et l'autre à l'encontre des sociétés Aqseptence Group GmbH et Aqseptence Group SAS pour manquements contractuels à son exclusivité sur le territoire français.

Aux termes de l'article 8.1 du Règlement Bruxelles 1 bis : " Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ".

Il est de principe qu'une clause attributive de compétence conforme aux dispositions de l'article 25 précité crée une compétence exclusive au profit de la juridiction désignée et prime la compétence spéciale de l'art. 8, § 1er du Règlement Bruxelles 1 bis, concernant la pluralité de défendeurs.

Sur les demandes dirigées contre la société Aqseptence Group GmbH

Les actions en réparation des préjudices subis du fait de la rupture brutale des liens commerciaux et de manquements contractuels, initiées par la société F2F sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1134 et 1147 anciens du Code civil, se rattachent à la matière contractuelle, les relations étant établies entre les parties sur la base d'un contrat de distributeur.

Dès lors, les demandes fondées sur ces articles relèvent de l'application de la clause attributive de compétence, qui a aussi vocation à s'appliquer à la rupture brutale, la clause attribuant compétence aux juridictions du lieu du domicile de la société Aqseptence Group GmbH pour " toutes divergences relatives au (...) contrat ".

Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne peuvent faire obstacle à l'application de la clause attributive de compétence.

Enfin, la clause attributive de compétence est exclusive des dispositions de l'article 8.1 dudit Règlement.

Dès lors, les juridictions allemandes sont compétentes pour statuer sur le litige opposant les sociétés F2F et Aqseptence Group GmbH sur les demandes formées au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies comme des manquements contractuels.

Il y a donc lieu d'inviter la sociétés F2F à mieux se pourvoir s'agissant de ses demandes à l'encontre de la société Aqseptence Group GmbH.

Sur les demandes formées contre la société Aqseptence Group SAS pour manquements contractuels

En l'espèce, la société F2F recherche la responsabilité de la société Aqseptence Group SAS sur le fondement de la responsabilité contractuelle, lui reprochant, aux termes de l'assignation, sa collusion avec la société Aqseptence Group GmbH en violation de la clause d'exclusivité du contrat de distribution du 23 mars 2010.

De l'article 25.1 du Règlement Bruxelles 1 bis précité, il est de principe que la clause invoquée doit avoir été acceptée par les cocontractants.

En l'espèce, il est constant que les sociétés F2F et Aqseptence Group SAS ne sont pas liées par le contrat de distribution du 23 mars 2010, et que donc la société F2F n'a pas accepté ladite clause dans ses rapports contractuels avec la société Aqseptence Group SAS.

Dans ces conditions, la clause attributive de compétence n'est pas opposable à la société F2F dans ses rapports avec la société Aqseptence Group SAS.

L'article 7 du Règlement Bruxelles 1 bis énonce notamment que :

Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas ;

En l'espèce, la société F2F soutient avoir entretenu une relation contractuelle avec la société Aqseptence Group SAS. Toutefois, la société F2F ne définit pas la nature de cette relation entre elle.

Pour autant, dans son assignation devant le Tribunal de commerce de Rennes, la société F2F reproche la violation par la société Aqseptence Group GmbH de la clause d'exclusivité du contrat de distribution les liant, et la collusion de la société Aqseptence Group SAS avec cette dernière dans la violation de cette clause.

Il y a donc lieu de se référer aux dispositions du contrat de distribution pour déterminer la nature des prestations ainsi que le lieu d'exécution de l'obligation.

Contrairement à ce que soutient la société F2F, un contrat de distribution ne peut être considéré par nature comme étant un contrat de fourniture de services. En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat portait sur la distribution par la société F2F des produits de la société Aqseptence Group GmbH.

Les factures émises par la société Aqseptence Group GmbH à l'égard de la société Simop aux droits de laquelle vient la société F2F, communiquées par la société F2F (pièces 20, 27 et 28) relatives à la commandes des marchandises mentionnent comme incoterms CPT, ce qui implique que la prestation de vente des marchandises se réalise au lieu de la livraison de celle-ci, à savoir en l'espèce en France, et plus particulièrement à Montdidier (80). L'annexe 7 au contrat invoquée par la société Aqseptence Group SAS ne précise pas les conditions dans lesquelles la prestation de livraison des marchandises doit être exécutée. Il ne peut donc en être tiré aucun argument.

Dans ces conditions, la France est compétente pour statuer sur les demandes formulées par la société F2F à l'encontre de la société Aqseptence Group SAS.

Le litige n'opposant plus que deux sociétés dont le siège est situé en France, il y a donc lieu de faire application de l'article 42 du Code de procédure civile qui dispose que " la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ".

Le siège de la société Aqseptence Group SAS étant situé sur le ressort du Tribunal de commerce de Poitiers, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Poitiers pour statuer sur les manquements contractuels invoqués par la société F2F.

Le jugement doit être intégralement infirmé.

Il y a lieu de condamner la société F2F aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer les sommes suivantes par application de l'article 700 du Code de procédure civile :

- 4 000 euros à la société Aqseptence Group SAS,

- 4 000 euros à la société Aqseptence Group GmbH.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société F2F.

Par ces motifs : LA COUR, Déboute la société F2F de sa demande de rejet des conclusions du 25 juin 2018 ; Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Renvoie la société F2F à mieux se pourvoir s'agissant de ses demandes à l'encontre de la société Aqseptence Group GmbH ; Renvoie l'affaire opposant la société F2F et la société Aqseptence Group SAS devant le Tribunal de commerce de Poitiers ; Y ajoutant ; Condamne la société F2F aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer les sommes suivantes par application de l'article 700 du Code de procédure civile : - 4 000 euros à la société Aqseptence Group SAS, - 4 000 euros à la société Aqseptence Group GmbH ; Rejette toute autre demande.