Cass. com., 26 septembre 2018, n° 17-15.502
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gibmedia (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2017), que la société Gibmedia, spécialisée dans la mise à disposition de contenus numériques à usage du grand public, a fait l'objet d'une plainte pour abus de confiance déposée par le gérant de la société Howard de Luz Edition Limitée-HDL avec laquelle elle entretenait des relations commerciales ; qu'invoquant la publication dans le journal La Dépêche d'un article intitulé "Accusation d'arnaques aux connexions", repris sur le site internet LaDépêche.fr dans lequel M. Renard s'expliquait sur les agissements faisant l'objet de sa plainte, la société Gibmedia, autorisée par ordonnance du 7 mai 2014, l'a assigné le 13 mai 2014 en réparation de son préjudice résultant de la publicité donnée à une enquête pénale en cours sur le fondement de l'article 1382 du Code de civil ; que M. Renard a opposé la nullité de l'assignation sur le fondement des articles 29, 53 et 54 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que la société Gibmedia fait grief à l'arrêt de constater la nullité de l'assignation, la caducité de l'ordonnance et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu'elle soit ou non exacte ; qu'un tel dénigrement, constitutif de concurrence déloyale, est sanctionné sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle ; que la société Gibmedia, en l'espèce, avait sollicité, dans son assignation introductive d'instance, l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la publicité donnée par M. Renard à une plainte pénale qu'il aurait déposée à son encontre, et faisait valoir qu'il s'agissait d'une campagne de communication orchestrée par Xavier Renard dans la seule et unique intention de nuire à Gibmedia ; que la cour d'appel, pour dire nul l'acte introductif d'instance, faute d'être conforme aux exigences de la loi du 29 juillet 1881, a énoncé que le passage incriminé constituait l'imputation de faits précis et déterminés de malversation, dont le mécanisme est détaillé, susceptibles de faire l'objet d'une offre de preuve et portant atteinte à l'honneur et à la considération de la société Gibmedia ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, si le simple fait pour M. Renard d'avoir donné dans un journal des renseignements sur une procédure pénale qu'il avait initiée contre Gibmedia ne constituait pas un dénigrement fautif de nature à jeter le discrédit sur cette société et constitutif en conséquence d'une faute délictuelle engageant sa responsabilité à raison du préjudice qui avait pu en résulter, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même Code ; 2°) qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que, hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ; que l'arrêt relève que les passages incriminés de l'article litigieux indiquent que M. Renard, qui avait porté plainte contre son ancien partenaire, la société Gibmedia, s'était aperçu rapidement que tout l'argent qui lui était dû ne lui avait pas été reversé, qu'il avait estimé son préjudice à plus de 500 000 euros sur deux ans, et qu'il n'était pas la seule victime "puisque pour certains c'étaient des millions d'euros" ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que les imputations litigieuses, qui portaient sur des faits constitutifs d'infractions pénales, visaient uniquement la société Gibmedia, personne morale, à l'exclusion de ses produits ou services, la cour d'appel a, sans méconnaître les termes du litige, exactement retenu que le passage incriminé constituait l'imputation de faits précis et déterminés de malversations portant atteinte à l'honneur et à la considération de cette société et que cette atteinte s'analysait en une diffamation dont la réparation ne peut être poursuivie que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.