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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 28 septembre 2018, n° 17-08310

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

WNP Agency (SAS)

Défendeur :

Agatha Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Léger, Beaudoin

T. com. Paris, du 6 févr. 2017

6 février 2017

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société WNP Agency (anciennement dénommé No Good Industry, ci-après WNP) est une agence de conseil de communication.

La société Agatha est une marque de bijoux et d'accessoires de mode.

Depuis 2008, la société WNP a réalisé pour Agatha des campagnes publicitaires et l'édition de catalogues.

A partir de juillet 2015, Agatha n'a plus passé de commandes à WNP et a réalisé une campagne d'affichage sans que WNP n'ait été ni consultée ni informée ; le chiffre d'affaires avec Agatha en 2015 a été en forte diminution à 255 750 euros par rapport à 1 452 142 euros en 2013.

Par lettre du 12 novembre 2015, WNP a mis en demeure Agatha de régler les factures impayées et a pris acte de la rupture des relations en se réservant la faculté de solliciter des dommages et intérêts.

Le 18 novembre 2015, Agatha a répondu qu'elle a été contrainte de réduire son budget de communication sans toutefois rompre les relations et a affirmé qu'un échéancier de règlement des factures impayées avait été défini avec WNP ; elle a constaté la rupture des relations du fait de WNP.

Par acte du 19 avril 2016, WNP a assigné Agatha devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer principalement une somme de 265 154 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, demande à laquelle s'est opposée Agatha en sollicitant le prononcé d'une amende civile et 100 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive.

Par jugement contradictoire rendu le 6 février 2017, non assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

Condamné Agatha à payer à WNP la somme de 51 775 euros au titre d'une rupture brutale des relations commerciales, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

Débouté Agatha de ses demandes visant à la condamnation de WNP une amende civile et au versement de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal énonce en ses motifs que :

Sur l'exclusion de l'application des dispositions l'article L. 442-6 du Code de commerce :

La jurisprudence citée par Agatha, écartant l'application de l'article L. 442-6 concerne exclusivement des professions réglementées et s'appuie sur l'exclusion explicite par des dispositions réglementaires de tout caractère commercial à ces activités, ne peut s'appliquer en l'espèce lorsqu'il s'agit d'activités de conseil en communication en l'absence de texte excluant cette application. Il n'est pas démontré que les prestations de WNP sont par essence civiles et correspondant à la définition légale de l'activité libérale.

Agatha et WNP sont deux sociétés commerciales qui par leur nature, exercent par principe une activité commerciale.

Sur le caractère établi des relations commerciales :

Le caractère établi d'une relation commerciale n'étant pas conditionné à l'existence d'un contrat-cadre, il peut résulter de la succession de contrats indépendants les uns des autres même conclus verbalement dès lors que la relation s'instaurait dans la durée ce dont témoigne le flux d'affaires par l'importance de son volume et avait légitimement vocation à perdurer, alors qu'Agatha ne rapporte pas la preuve d'une mise en concurrence préalable de WNP pour ces prestations.

Elle n'établit pas avoir avisé WNP que le nouveau catalogue et la nouvelle campagne seraient réalisés sans agence de publicité, ni apporté de visibilité sur des commandes futures.

L'arrêt des commandes en juillet 2015 a marqué la rupture des relations commerciales établies entre les parties.

La rupture s'est effectuée sans préavis écrit ou sous une autre forme; tenant compte de ce que les relations établies avaient duré sept ans au mois de juillet 2015, WNP n'était pas en situation de dépendance économique vis-à-vis de Agatha, il existait de nombreuses opportunités résultant des mises en concurrence dans le secteur, le volume des prestations avait diminué de façon sensible en 2014 par rapport aux six années précédentes et le budget de communication a été fortement réduit en 2015, il existait des retards dans le payement des factures, Agatha aurait dû délivrer un préavis de trois mois afin de permettre à WNP de réorganiser son activité.

En analysant les éléments permettant de calculer les marges brutes tirées de l'activité exercée par WNP depuis l'année 2008 jusqu'à l'année 2014, les calculs d'Agatha non représentatifs de la réelle marge brute réalisée par WPN doivent être écartés, de sorte que doit être retenu pour le calcul du préjudice les montants mentionnés à l'attestation du commissaire aux comptes de WNP.

Compte tenu de la baisse des budgets de communication d'Agatha en 2014 rapport aux quatre années précédentes, le préjudice est ainsi calculé sur la durée du préavis de trois mois sur la base du montant de marge réalisée en 2014, soit une somme de 51 775 euros.

WNP dont l'action a été partiellement reconnue pour son bien-fondé, ayant supporté des retards de règlement, n'a ni agit de façon abusive ni fait subir à Agatha un harcèlement. Les demandes de cette dernière visant à la condamnation de WNP à une amende civile et au versement de dommages et intérêts sont rejetées.

WNP a interjeté appel par déclaration le 20 avril 2017.

La société Agatha a également relevé appel le 21 avril 2017.

La jonction des deux instances a été ordonnée le 9 novembre 2016.

Vu les dernières conclusions notifiées et signifiées le 4 septembre 2017 par la société WNP Agence, aux fins de voir la cour :

Vu l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce et l'article 1382 (1240 dans sa version en vigueur) du Code civil :

Déclarer la société WNP Agency recevable et bien fondée en son appel, Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 février 2017 en ce qu'il a jugé que :

Les relations commerciales ayant existé entre WNP Agency et Agatha relèvent bien du champ d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Ces relations commerciales ont un caractère établi eu égard à la régularité et au volume du flux d'affaires ayant existé entre 2008 et 2014 ;

La société Agatha a mis fin à ces relations brutalement et sans préavis écrit. La société Agatha a en conséquence engagé sa responsabilité délictuelle.

Le réformer en ce qu'il n'a retenu qu'un préavis de trois mois et quant au quantum des dommages et intérêts alloués à la société WNP Agency, Dire et juger que la société Agatha aurait dû respecter un préavis d'une durée minimale de douze mois,

Condamner la société Agatha à payer à la société WNP Agency une somme de 265 154 euros en réparation du préjudice subi, Condamner la société Agatha à payer à la société WNP Agency une indemnité de 15 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Marie Léger, avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

Rejeter l'ensemble des demandes formées par Agatha. L'appelante fait valoir que :

L'ensemble des pièces visées dans les conclusions d'appel ont été communiquées par porteur le 4 juillet 2017 à l'adresse du conseil de la société Agatha, de sorte que sa demande du rejet des pièces communiquées ne sont pas justifiées.

Selon la jurisprudence constante, la relation entre WNP, agence de communication de publicité et Agatha, est une relation commerciale qui relève du champ d'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qui s'applique tant à la fourniture d'un produit qu'à celle de prestations de services. Dans un arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a ainsi appliqué cet article précité aux relations entre un architecte et une société commerciale, ce qui rappelle qu'une activité " par essence civile " ne permet pas d'écarter cette application, la seule exception ne concernant que les professions règlementées statutairement incompatibles avec le commerce. De plus, WNP est un agent de publicité au sens de l'instruction fiscal dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Toutes les commandes passées entre les parties entre 2008 et 2015 portent sur le même objet, les prestations fournies étant récurrentes. L'article L. 442-6-1-5 a vocation à régir toutes les relations d'affaires, qu'elles fassent ou non l'objet d'un contrat-cadre. Au regard de l'ancienneté des relations établies entre WNP et Agatha et de l'importance des chiffres d'affaires réalisés, les relations commerciales s'étant poursuivies pendant huit ans sans mise en concurrence, sont incontestablement établies.

La jurisprudence a précisé les critères afin de déterminer le caractère " brutal " dans la rupture d'une relation commerciale établie. En l'absence d'un préavis écrit notifié à WNP, Agatha a cessé de passer des commandes dès juillet 2015. Cette dernière a fait réaliser un catalogue et une campagne d'affichage au cours du mois de novembre 2015 pour laquelle WNP n'avait été ni consultée ni informée. La relance pour le paiement des factures impayées par WNP envers Agatha ne constitue pas une faute de WNP dans la rupture des relations. Sans dénonciation écrite ni préavis avisé, Agatha a violé les dispositions de l'article L. 442-6-5°.

L'appelante fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'il n'a pas existé une dépendance économique et qu'il en a été déduit que " la fluidité du secteur qui se caractérise par des mises en concurrence génère de nombreuses opportunités ". Même si aucun accord interprofessionnel n'a été conclu dans le secteur de la publicité, il convient de se référer aux usages du commerce.

La durée du préavis est appréciée par la jurisprudence au regard des relations commerciales antérieures. L'appelante soutient qu'un préavis de 12 mois se justifie par le cycle de communication d'Agatha lequel s'est toujours établi sur une année, avec des évènements récurrents. A l'appui de l'attestation du Commissaire aux comptes sur le chiffre d'affaires et la marge brute sur les campagnes publicitaires Agatha de 2008 à 2015, WNP aurait dû percevoir une marge brute pendant la période de 12 mois. La moyenne annuelle de la marge brute réalisée au cours des années entre 2010 et 2014 s'élève ainsi à 265 154 euros.

Contrairement aux difficultés financières alléguées par Agatha, elle a en réalité continué ses investissements publicitaires en novembre 2015. De plus, la situation financière d'Agatha n'a pas constitué un cas de force majeure.

Vu les dernières conclusions notifiées et signifiées le 4 novembre 2017 par la société Agatha Diffussion tendant à voir la cour :

Vu les articles L. 110-1, L. 110-2, L. 121-1, L. 210-1, L. 442-6 5°du Code de commerce,

Vu l'article 5 du Code civil,

Vu les articles, 32-1, 696, 700 et 906 du Code de procédure civile,

Vu les pièces produites, Réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de débouter la société WNP Agency de toutes ses demandes et de faire droit aux demandes reconventionnelles de la société Agatha Diffusion, comme rappelé ci-dessous.

In limine litis, Ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 17/08310 et RG 17/08428.

Écarter des débats les pièces numérotées de 1 à 30, citées par la société WNP Agency, ces pièces n'ayant pas été communiquées régulièrement en même temps que ses conclusions notifiées le 30 juin et le 21 juillet 2017.

Au fond, Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et juger qu'Agatha Diffusion n'a pas rompu brutalement une relation commerciale établie avec la société WNP Agency.

En tout état de cause, juger qu'Agatha Diffusion pouvait résilier sans préavis la relation d'affaires du fait de l'inexécution par WNP Agency de ses obligations.

En tout état de cause, juger qu'Agatha Diffusion a subi un cas de force majeure qui lui permettait de résilier sans préavis la relation d'affaires en étant exonérée de toute responsabilité.

Débouter la société WNP Agency de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires.

Condamner la société WNP Agency à une amende civile de 3 000 euros et à payer à la société Agatha Diffusion des dommages-intérêts d'un montant de 100 000 euros, pour la procédure introduite abusivement.

Condamner la société WNP Agency aux entiers dépens et à payer à la société Agatha Diffusion une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée réplique :

Les pièces numérotées de 1 à 30 citées par WNP n'ayant pas été communiquées simultanément à la notification ses conclusions notifiées le 30 juin et 21 juillet 2017 par voie électronique, doivent être écartées en application l'article 906 du Code de procédure civile.

L'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce n'est pas applicable aux professions libérales. Si la nature commerciale d'une relation est écartée dans le cas d'une profession soumise à un statut interdisant de se livrer à des actes de commerce, cela ne saurait dispenser de caractériser la nature commerciale des relations qui n'impliquent pas de telles professions libérales Des services de conseil en communication fourni par WNP à Agatha constituent des activités civiles par essence, s'agissant des prestations intellectuelles.

Il ne saurait y avoir de relation établie en cas de succession de contrats indépendants intervenant en fonction de l'activité d'une société, en l'absence de conclusion d'un accord-cadre et en l'absence de quelconque garantie de chiffre d'affaires ou d'exclusivité, la durée de la relation n'ayant aucune incidence. La société WNP ayant été créée en 2015, aucun élément n'a permis de démontrer la volonté d'Agatha de poursuivre avec WNP la relation initialement nouée avec No Good Industry. La poursuite d'un courant d'affaires ne permet pas à elle seule de considérer que l'intention de poursuivre la relation commerciale initiale, comme le rappelle l'arrêt du 15 septembre 2015 de la Cour de cassation.

L'intimée fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'elle n'a pas produit des écrits établissant la mise en concurrence, alors qu'aucun écrit n'est imposé et que les pratiques font que les échanges sont essentiellement oraux. De plus, la charge de preuve incombe à WNP qui a introduit l'action. Les prétendus chiffres d'affaires annuels réalisés par WNP et le volume annuel global ne démontrent aucunement la relation commerciale établie entre elle et Agatha.

L'historique des dépenses marketing d'Agatha depuis 2008 jusqu'à la fin 2016 et attesté par son commissaire aux comptes témoigne d'une forte réduction dans le budget de communication, elle n'a ainsi pas réalisé une campagne ou un catalogue autre que celui de fin 2015 auprès de WNP entre juillet 2015 et juin 2016. La jurisprudence prend en considération le comportement de la personne qui se prétend à tort victime d'une rupture abusive pour apprécier si l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce est applicable. L'arrêt des commandes n'étant pas justifié par WNP, l'absence de consultations sur la période du mois juillet au mois novembre 2011 ne peut s'analyser en une rupture des relations existantes.

La liberté d'entreprendre a également pour corollaire la liberté de cesser toute relation commerciale à condition que la rupture ne se réalise pas de façon soudaine, violente et imprévisible. Agatha a cherché une solution acceptable afin de WNP pour réduire temporairement le volume des prestations alors avant même que cette solution soit effectivement appliquée, sans laisser aucune possibilité de négociations, WNP a rendu impossible la poursuite d'une collaboration par son attitude agressive en contentieux.

La jurisprudence constante indique que le préavis est apprécié en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture. WNP n'est pas fondée à invoquer l'antériorité de la relation d'affaires entre No Good Industry et Agatha, la relation entre WNP et Agatha n'ayant seulement d'une durée de six mois. Agatha estime qu'un préavis de quinze jours est suffisant.

Concernant le préjudice allégué par WNP, il résulte d'une situation de grave crise économique et non d'une faute d'Agatha. Le chiffre d'affaires de WNP ayant augmenté entre 2014 et 2015, son préjudice estimé à 12 mois de marge brute moyenne des années 2010 à 2014 est injustifié.

Les correspondances intervenues du 2 septembre 2015 au 18 mars 2016 démontrent qu'Agatha a informé à temps WNP de la diminution de son budget de communication, alors que WNP a dénoncé brutalement un accord quant à l'échéancier de paiement de ses dernières factures. Compte tenu de l'inexécution des obligations par WNP, Agatha a légitimement résilié sans préavis la relation d'affaires. En tout état de cause, Agatha a subi un cas de force majeure compte tenu de ses difficultés financières qui lui permettaient de résilier sans préavis la relation d'affaires en étant exonérée de toute responsabilité.

MOTIFS

LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

Déjà ordonnée le 9 novembre 2016, la demande de jonction est sans objet.

1. Sur la demande de rejet des pièces formée par la société Agatha :

L'appelant justifiant d'une communication de ses pièces le 4 juillet 2017 (lettre officielle de communication de pièces) puis, d'une nouvelle communication le 4 septembre 2017(accusé de réception de l'envoi des pièces), ces communications sont intervenues en temps utile pour permettre à la société Agatha de conclure le 4 novembre 2017, dans un temps largement antérieur à l'envoi de l'avis de fixation le 24 mai 2018 pour l'audience du 21 juin 2018. Aucune autre sanction que le respect du contradictoire n'assortissant l'obligation de communication simultanée des pièces et conclusions édictée par l'article 906 du Code de procédure civile, principe en l'espèce respecté, la demande de rejet des pièces, infondée, est rejetée.

L'intimée soutient ensuite vainement sur le fondement de l'article 906 du Code de procédure civile que les pièces doivent être communiquées par la voie électronique alors que seuls les actes de procédure sont soumis à l'obligation de remise à la juridiction en la forme électronique conformément à l'article 930-1 du même Code.

2. Sur l'applicabilité au litige des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce : Aux termes de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce,

"I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels...Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".

L'intimée conteste l'applicabilité au litige des dispositions protectrices susvisées au motif que la nature de la relation commerciale est une condition nécessaire à l'application du texte et que les prestations fournies par WNP ne constituent pas une entremise dans la circulation des richesses avec intention spéculative, qu'elles sont au contraire, principalement des prestations intellectuelles, par essence civiles.

Or la société WNP, société commerciale qui exerce l'activité de conseil en communication pour la conception et la réalisation de messages publicitaires sur tout support, réplique à bon droit que les relations entre une agence de publicité et ses clients ont toujours relevé du champ d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

En effet, non seulement cette société est une société commerciale par la forme, qui accomplit des actes de commerce, mais les prestations réalisées ne relèvent pas d'activités réglementées ni d'un statut particulier excluant l'application du texte susdit, ainsi que justement énoncé par le premier juge.

Alors que l'appelante établit qu'il y a bien entremise dans la circulation des richesses en réalisant des prestations publicitaires constituant bien un élément clef de l'offre de produits de Agatha, incitant les clients à l'achat des produits mis en vente et qu'elle réalise des prestations de conception, élaboration, réalisation, exécution d'une publicité, ainsi qu'il résulte des devis et factures détaillant les prestations effectuées par WNP (catalogues, PLV, illustrations, prises de vues, épreuves pour visuels, préparation de CD visuels Internet, impression ), prestations et services présentant un caractère commercial, l'intimée échoue à démontrer que les prestations fournies ne sont que des prestations intellectuelles de nature civile qui seraient exclues du champ d'application du droit de la concurrence et tout particulièrement des dispositions sanctionnant la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

C'est dès lors exactement que le premier juge a retenu, par motifs circonstanciés que la cour adopte, que les relations entre les parties entraient dans le champ d'application de L. 442-6 du Code de commerce.

3. Sur le caractère établi des relations commerciales :

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la relation commerciale établie doit présenter un caractère suffisamment prolongé, significatif et stable entre la victime et l'auteur de la rupture, permettant d'anticiper légitimement et raisonnablement pour l'avenir la persistance d'un flux d'affaires.

C'est par des motifs que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la prétention à la nécessité d'un accord-cadre régissant dans leur ensemble les relations entre les parties et comprenant la garantie d'un chiffre d'affaires, et a retenu que la relation établie peut résulter de la succession de contrats indépendants les uns des autres, conclus verbalement, dès lors que la victime pouvait légitimement considérer que, par son ancienneté, son intensité et sa stabilité, la relation s'installait dans la durée.

La société WNP immatriculée le 5 janvier 2000, produisant un avis de publication du 24 décembre 2005 d'une fusion de la société " Talent Only " à la société " Nogood Industry " laquelle substitue l'actuelle dénomination à celle de " WNP Agency " et l'extrait Kbis de la société WNP portant mention de l'opération, il en résulte que la société appelante est bien la société anciennement dénommée Nogood Industry avec laquelle la société intimée était en relations d'affaires ainsi qu'elle le reconnaît dans ses dernières écritures depuis le commencement de la relation en 2008, et que celle-ci soutient alors vainement que WNP n'est pas l'entité avec laquelle Agatha a entretenu les relations en litige.

L'appelante justifie en outre par la production des factures et devis susmentionnés, que le courant d'affaires entre 2008 et 2015 concerne des prestations récurrentes, et qu'elle a réalisé avec l'intimée au titre des années susdites un chiffre d'affaires régulier tel qu'il résulte des mentions portées par le commissaire aux comptes en-tête du document produit :

- 2008 : 1 852 144 euros - 2009 : 1 217 922 euros - 2010 : 1 743 104 euros - 2011 : 1 541 439 euros - 2012 : 1 362 296 euros - 2013 : 1 452 142 euros - 2014 : 834 159 euros

Ce qui établit une continuité de flux d'affaires pendant sept années, et laissait légitimement espérer à la société WNP la poursuite pour l'avenir des relations commerciales.

La continuité instaurée n'est pas valablement contredite par la vaine contestation de Agatha soutenant des commandes aléatoires résultant du recours à la procédure d'appels d'offre qu'elle dit toutefois ne pouvoir justifier à raison de la pratique d'échanges oraux entre partenaires commerciaux, ne produisant en particulier aucun courriel électronique alors que, par ailleurs il résulte des productions des parties qu'une telle pratique de communication existait entre elles, l'intimée ne rapportant pas la preuve du bien fondé de ses allégations.

4. La responsabilité de l'auteur est engagée par le fait "De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit ...

L'intimée conteste toute rupture. Elle fait valoir que les échanges entre les parties établissent que WNP s'est acharnée à rendre les rapports conflictuels.

Les demandes faites à Agatha début septembre 2015 de régulariser des factures impayées exigibles au mois d'avril 2015 d'un montant total de 126 800 euros, dont WNP mentionne expressément que de tels retards sont susceptibles de compromettre son équilibre financier, suivies d'une mise en demeure de payer la somme restant due de 73 200 euros le 12 novembre 2015, dans le contexte d'une absence de commandes depuis l'été 2015, présentent un caractère légitime et la dégradation des relations qui en est suivie est insusceptible dans de telles conditions de constituer un comportement fautif de WNP.

Il résulte d'un écrit d'Agatha du 14 décembre 2015 que celle-ci avait dès le début du mois de septembre 2015, " informé une collaboratrice de WNP, Mme X, du souhait de Agatha de réaliser en interne le catalogue de fin d'année, pour des raisons budgétaires ; que WNP était dès lors parfaitement informée des intentions de Agatha ".

Agatha ne justifie pas pour autant avoir donné par écrit une telle information.

En tout état de cause, une telle annonce qui n'a été suivie d'aucune commande de campagne et de catalogue pour la fin de l'année 2015 auprès de WNP, caractérise une rupture des relations établies.

Dans le même temps, la réalisation d'une campagne d'affichage réalisée par Agatha sans que WNP n'ait été consultée ni informée, ce dont WNP justifie sans être valablement contredite dans son courrier du 23 février 2016 portant à la connaissance de Agatha la découverte au mois de novembre 2015 de cette réalisation, constitue un élément probant d'une rupture brutale.

Agatha succombe à démontrer que la " prise d'acte " par WNP d'une rupture des relations établies imputable à Agatha opérée dans de telles circonstances constitue un acte fautif de WNP.

L'internalisation des prestations soutenue par Agatha n'est pas exclusive d'un acte de rupture des relations établies et ne dispense pas l'auteur de la rupture de la délivrance d'un préavis écrit.

Il est suffisamment établi qu'Agatha n'a délivré aucun préavis écrit de rupture des relations alors qu'elle a cessé toute commande auprès de WNP depuis plusieurs mois tout en réalisant par ailleurs des prestations publicitaires pour la diffusion et la vente de ses produits.

Aux termes de l'article L. 442-6, I. 5° du Code de commerce, " ...Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. "

Le moyen d'un cas de force majeure ou d'une inexécution contractuelle permettant de résilier sans préavis ne dispensant pas de la notification écrite de la rupture il s'ensuit que le moyen est écarté.

5. Sur la durée du préavis qui devait être consenti :

La durée du préavis s'appréciant en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances prévalant au moment de la notification de la rupture, en l'espèce une durée de sept ans, sans que ne soit démontrée une dépendance économique de WNP vis-à-vis d'Agatha, des difficultés pour retrouver des partenaires commerciaux, et en tenant compte de la réduction du volume des prestations en 2014 par rapport aux six années précédentes, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à six mois la durée de préavis.

6. Sur le préjudice subi :

Le préjudice s'évalue en comparant la marge qui aurait du être perçue en l'absence de rupture, pendant le préavis qui aurait dû être octroyé, à la marge effectivement perçue.

D'après l'attestation du commissaire aux comptes, les marges brutes calculées sur les montants qui lui ont été communiqués par la direction de WNP, s'élèvent à :

Chiffre d'affaires communiqué :

- 2012 :1 362 296 euros

- 2013 : 1 452 142 euros

- 2014 : 834 159 euros

Marge brute communiquée :

- 2012 : 201 875 euros

- 2013 : 394 479 euros

- 2014 : 207 102 euros

Or le montant du chiffre d'affaires réalisé entre les deux sociétés est contesté par l'intimée, laquelle souligne que WNP inclut dans le montant du chiffre d'affaires les frais divers facturés à Agatha et que WNP ne peut en réclamer l'indemnisation. Elle soutient que le montant moyen des honoraires qu'elle a versé s'élève à 209 834 euros l'an.

L'examen des productions démontre que WNP facture des frais à Agatha qu'elle expose pour les besoins des prestations qu'elle réalise. De tels frais n'ont pas été exposés dès lors que WNP n'a plus reçu de commandes d'Agatha et ne font pas partie dès lors du préjudice indemnisable. Ces frais pourront être évalués à 30 % des montants du chiffre d'affaires.

Sur les trois dernières années, le chiffre d'affaires total s'élève à 3 648 597 euros ; minoré des 30 % précédents (1 094 579,10 euros), il s'élève à 2 554 017,90 euros/3 = 851 339 euros l'an, montant sur lequel sera calculé la marge brute.

L'activité de WNP consistant à la fois en la conception de campagnes publicitaires qui constituent des prestations de service, la réalisation de supports publicitaires divers qui nécessite des achats de fournitures, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer le taux de marge brute à 30 % du chiffre d'affaires réalisé avec Agatha, soit 255 401,79 euros l'an arrondi à 255 400 euros, soit pour six mois la somme de 127 700 euros, montant auquel sera condamné Agatha.

Par l'effet de la succombance, la société Agatha est déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement dont appel sauf du montant des dommages et intérêts alloués à la société WNP Agency, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Agatha à payer à la société WNP Agency la somme de 127 700 euros pour l'indemnisation d'un préavis d'une durée de six mois ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Agatha à payer à la société WNP Agency la somme de 10 000 euros ; Rejette toute demande autre ou plus ample ; Condamne la société Agatha aux entiers dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.