Livv
Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 27 septembre 2018, n° 16-01331

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fusion Hair (EURL)

Défendeur :

Nouvel Hair Expansion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mmes Cordier, Roques

T. com. Douai, du 10 févr. 2016

10 février 2016

Faits et procédure:

Le 5 février 2009, la société Nouvel Hair Expansion et la société Fusion Hair ont conclu un contrat de franchise.

Soutenant que le franchiseur n'aurait pas respecté ses engagements contractuels, l'EURL Fusion Hair a fait assigner, par acte du 13 mars 2014, la SARL Nouvel Hair Expansion devant le Tribunal de commerce de Douai à l'effet de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat liant les parties et condamner la société Nouvel Hair Expansion à lui rembourser la somme de 29 907,29 euros au titre des redevances annuelles.

Par jugement contradictoire rendu le 10 février 2016, le Tribunal de commerce de Douai :

- s'est déclaré être compétent pour connaître du présent litige;

- a déclaré la société Fusion Hair recevable en son action;

- a débouté la société Fusion Hair de sa demande de résolution de franchise;

- a condamné la société Fusion Hair à payer à la SARL Nouvel Hair Expansion la somme de 6 416, 91 euros au titre des redevances échues et non payées;

- a débouté la société Nouvel Hair Expansion de sa demande de dommages et intérêts;

- a condamné la société Fusion Hair à payer à la société Nouvel Hair Expansion la somme de 1 000 euros TTC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

- a condamné la société Fusion Hair aux entiers frais et dépens en ce compris tous les frais à la charge de Nouvel Hair Expansion en application de l'article 10 du tarif des huissiers modifié par le décret du 8 mars 2001;

- a fixé les dépens à la somme de 81,12 euros TTC.

L'EURL Fusion Hair a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 mars 2016.

Moyens et prétentions des parties:

Par des conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2017, l'EURL Fusion Hair prie la cour de:

- dire bien appelé, mal jugé;

- infirmer la décision entreprise en sa totalité;

en conséquence:

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise conclu le 5 février 2009 entre l'EURL Fusion Hair et la SARL Nouvel Hair Expansion;

à titre subsidiaire, sur la rupture:

- constater la résiliation du contrat de franchise du fait de sa cession sans accord de l'EURL Fusion air;

en conséquence:

- condamner la société Nouvel Hair Expansion à verser à l'EURL Fusion Hair la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts;

- condamner la société Nouvel Hair Expansion à rembourser à l'EURL Fusion Hair la somme de 29 907, 29 euros réglée au titre du droit d'entrée et de redevances annuelles;

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l'EURL Fusion Hair à verser à la société Nouvel Hair Expansion la somme de 6 416, 91 euros;

- condamner en cause d'appel la société Nouvel Hair Expansion au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de la SCP Z avocats aux offres de droit.

Par des conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2017, la société Nouvel Hair Expansion demande à la cour de:

- dire mal appelé, bien jugé ;

- in limine litis, dire et juger les prétentions de la société Fusion Hair prescrites en ce qu'elles tendent à obtenir la résolution du contrat de franchise pour non respect des obligations précontractuelles et/ou sur le fondement du défaut de conformité du DIP (document d'informations précontractuelles) ;

- dire et juger prescrites, par voie de conséquence, les demandes de la société Fusion Hair tendant à obtenir le remboursement des sommes payées à la signature du contrat ;

- subsidiairement, constater, dire et juger que la société Fusion Hair PC n'est plus recevable à solliciter la résiliation du contrat de franchise compte tenu d'une décision de justice définitive rendue par le Tribunal de grande instance de Cambrai, le 6 avril 2017, qui a tranché la question et qui a prononcé la résiliation dudit contrat à compter du 31 janvier 2015 ;

- pour le surplus, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à condamner la société Fusion Hair PC au paiement d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et une somme complémentaire de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel ;

- condamner la société Fusion Hair PC aux entiers frais et dépens de l'instance et d'appel, en ce compris tous les frais à la charge de la société Nouvel hair Expansion en application de l'article 10 du tarif des Huissiers modifié par le décret du 8 mars 2001.

Sur ce,

- Sur la prescription,

La société Nouvel Hair Expansion soutient que la demande de résolution du contrat de franchise pour non-respect des obligations précontractuelles et défaut de conformité du document d'informations précontractuelles est prescrite, qu'en conséquence sa demande tendant à obtenir le remboursement des sommes payées à la signature du contrat se trouve prescrite.

Fusion Hair s'y oppose faisant valoir que sa demande de résolution repose sur le non-respect par le franchiseur de ses obligations contractuelles durant toute la durée du contrat.

La société Nouvel Hair Expansion oppose une prescription quinquennale, plus de 5 ans s'étant écoulés entre la date du contrat de franchise (5 février 2009) et la date de l'assignation, (13 mars 2014), au motif que la résolution du contrat serait fondée sur un vice de consentement initial lié à un défaut d'information. Or, elle ne se prévaut d'aucun texte au soutien de cette exception et que même à admettre qu'elle se réfère implicitement aux articles 1108 et suivants du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause, relatifs aux vices de consentement de la partie qui s'oblige, force est de constater que seule l'action en nullité ou en rescision (articles 1117 et 1304 du Code civil) se prescrit par cinq ans alors que l'appelante demande la résolution du contrat.

L'exception de prescription est en conséquence rejetée.

- Sur l'irrecevabilité de la demande de résiliation du contrat de franchise

La société Nouvel Hair Expansion se prévaut du jugement du Tribunal de grande instance de Cambrai du 6 avril 2017 dont elle indique qu'il est définitif, rendu dans le litige opposant Fusion Hair à la société Partner Protect Development ayant rachetée sa franchise, jugement qui a prononcé la résiliation du contrat de franchise conclu le 4 avril 2002 à compter du 31 janvier 2015, et qui a fait injonction à Fusion Hair d'avoir à retirer l'enseigne et les signes distinctifs de la marque.

Elle en déduit que la société Fusion Hair n'est plus recevable à pouvoir solliciter la résiliation de ce même contrat de franchise.

Fusion Hair rétorque que si la société Partner Protect Development a acquis de Nouvel Hair Expansion la franchise litigieuse le 19 février avec effet à compter du 1er janvier 2014 et que le jugement a constaté la résiliation du contrat de franchise à compter du 31 janvier 2015, elle sollicite la résolution du contrat du 5 février 2009 au 1er janvier 2014.

Il convient de constater que la société Fusion Hair se prévaut à titre principal de la résolution de ce contrat.

Dès lors cette fin de non-recevoir ne sera examinée que si cette demande n'est pas accueillie.

- Sur la résolution du contrat

Fusion Hair invoque au soutien de sa demande de résolution du contrat, sur le fondement des articles 1134 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ainsi que des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, le caractère erroné ou partiel du contenu du document d'informations précontratcuelles (DIP), et ainsi le manquement à son obligation d'information, s'agissant :

- de la référence faite à la liste des salons ouverts alors que le salon Nouvel Hair Prestige de Nieul-sur-Mer était fermé depuis le 27 mars 2008,

- la liste des membres du réseau ne précise pas "la date d'entrée de chacun des franchisés, la nature du contrat signé, ...",

- de la mention qu'aucune des entreprises listées n'a quitté le réseau dans l'année précédant celle de l'année de délivrance du document (mai 2008), alors que des entreprises avaient quitté le réseau du fait qu'elles avaient été radiées,

- du fait que les deux derniers exercices obligatoires n'étaient pas annexés au contrat,

- de la mention "que le premier salon Nouvel Hair qui avait été créé à Cambrai en 1988 était leader du réseau avec un chiffre d'affaires de 700 000 € en 2004", alors que le chiffre d'affaires de cette franchise pilote était en fin d'année 2008 de 130 000 euros et qu'aucun des franchisés n'a dépassé un chiffre d'affaires de 200 000 euros,

Elle soutient avoir ainsi subi un vice du consentement qui a pour conséquence la résolution du contrat de franchise conclu 5 février 2009.

Elle ajoute que :

- le franchiseur n'a pas respecté ses obligations contractuelles: assistance lors de l'ouverture du salon, communication de document, remise de la bible ou formation pour la gérante et ses salariés, faisant valoir qu'elle n'a jamais été destinataire des courriers et invitations versés aux débats,

- le franchiseur ne s'est nullement préoccupé de sa réussite, de son développement et de ses attentes, ne lui rendant aucune visite, ne lui passant aucun appel téléphonique en 6 ans d'activité, aucun courriel, même lorsqu'il a eu connaissance de ses difficultés financières par sa demande de sursis au paiement des loyers arriérés.

Elle déplore ainsi l'absence de proposition " de fournisseur de produits annexes ", de plan de communication de l'enseigne, plans vitrines, réunion de franchisés, proposition d'agencement du salon, publicité, ...

Nouvel Hair Expansion rétorque sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, que la Fusion Hair n'apporte pas la preuve d'un manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles, que le document d'informations précontractuelles contient toutes les informations prévues aux article L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, qu'elle a respecté l'ensemble de ses obligations contractuelles, ayant assisté le franchisé lors de l'ouverture du salon et pendant l'exécution du contrat (assistance en matière commerciale, de gestion et d'approvisionnement, de formation professionnelle du personnel).

Elle ajoute que si la cour devait considérer qu'elle a manqué à son devoir d'information, un tel manquement ne peut donner lieu à la résolution du contrat que si un vice du consentement est établi, ce que ne démontre pas le franchisé, mais seulement à des dommages-intérêts.

Enfin, elle fait valoir que le franchisé a été défaillant dans le règlement des redevances, puisqu'il n'a pas réglé ses redevances depuis le mois de décembre 2012 et se trouve encore redevable de la somme de 6 416, 91 euros TTC.

Selon l'article 1184 alinéa 1er du Code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisferait point à son engagement.

L'article L. 330-3 du Code de commerce dispose:

"Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité , est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie, un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause.

Ce document dont le contenu est fixé par décret , précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent".

L'article R. 330-1 du Code de commerce précise les informations que doit contenir le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3.

Fusion Hair produit le document d'informations précontractuelles (DIP) qui mentionne sa remise le 19 mai 2008 à Cambrai.

Elle affirme que les deux derniers exercices obligatoires n'étaient pas annexés au contrat.

Si le DIP mentionne en page 1 "après la situation nette comptable du dernier exercice social, (voir annexe I)", cette seule mention est insuffisante pour établir que l'information exigée par les dispositions de l'article R. 330-3 a été donnée alors qu'en tout état de cause, le DIP ne fait pas état des comptes annuels des deux derniers exercices.

Egalement, il n'est pas contesté qu'est erronée la mention du salon Nouvel Hair Prestige de Nieul-sur-Mer sur la liste des 12 salons ouverts figurant dans le DIP alors que ce salon était radié depuis le 27 mars 2008 (pièce 11 de l'appelante). Il en résulte qu'est de même erronée la mention qu'aucune des entreprises listées n'a quitté le réseau dans l'année précédant celle de l'année de délivrance du document. En outre, la date d'entrée de chacun des franchisés, la nature du contrat signé ,... n'y figurent pas alors qu'ils constituent des éléments importants d'appréciation du développement d'un réseau dans le temps et de son attrait potentiel pour un nouveau franchisé.

De même, alors qu'il résulte de la pièce 20/1 de l'intimée que le salon <adresse> avait en 2013 un chiffre d'affaires de 278 000 euros et que l'appelante justifie qu'en 2004 le salon de Nieul-sur-Mer présentait un chiffre d'affaires de 176 000 euros à une époque où il était franchisé (pièce 11), Nouvel Hair Expansion ne justifie pas de la véracité de la mention "que le premier salon Nouvel Hair qui avait été créé à Cambrai en 1988 était leader du réseau avec un chiffre d'affaires de 700 000 € en 2004" par l'attestation de son expert-comptable certifiant (sa pièce 23) d'un chiffre d'affaires globalisé de 1 072 246 € HT de Nouvel Hair et de ses salons de coiffure franchisés (Lille, Lens, Douai et Valenciennes).

Ainsi, Fusion Hair justifie ce qu'elle a bénéficié d'informations incomplètes et erronées figurant dans le DIP qui ont brouillé l'image de ce réseau et l'attrait potentiel qu'il pouvait présenter pour elle.

En outre, Nouvel Hair Expansion n'établit pas avoir satisfait à ses obligations durant la vie du contrat puisqu'elle se borne à produire des lettres à l'intention de ses franchisés (ses pièces 1 à 16) sans justifier de l'envoi ou de réponse à ses propositions ni même d'une quelconque action en faveur de sa franchisée.

A cet égard, sont insuffisantes l'attestation de Mme A, franchisée Nouvel Hair depuis 10 ans sur Lille, en date du 15 janvier 2015 disant avoir reçu régulièrement de M. B, fondateur du groupe Nouvel Hair, des courriers concernant des formations diverses pour ses coiffeurs, et celle de M. C du 15 janvier 2015, à cette date devenu le gérant de la nouvelle société franchiseur, disant que Nouvel Hair Expansion a satisfait à ses obligations contractuelles au regard de celles produites par Fusion Hair : attestation d'une employée et deux attestations d'anciennes employées disant n'avoir jamais été témoin d'une quelconque proposition, manifestation ou venue de la société Nouvel Hair. En outre, la lettre du 28 juillet 2014 de M. C, en sa qualité de gérant de la société Partner Protect Development, adressée à Nouvel Hair en ces termes "En qualité de franchiseur, pour vous prouvez que désormais le réseau Nouvel Hair prend un autre virage et qu'à la fois notre désir et notre volonté sont de vous porter vers le haut en vous amenant des atouts considérables (...). Nous espérons que ce premier petit plus commencera à changer votre regard sur la franchise Nouvel Hair ...", démontre que le franchiseur ne satisfaisait pas à ses obligations.

Il convient, au regard de la gravité des manquements aux obligations lui incombant, de prononcer la résolution du contrat aux torts de la société Nouvel Hair Expansion.

En conséquence, il y a lieu, infirmant le jugement entrepris, de faire droit à la demande de condamnation de cette dernière à payer à Fusion Hair la somme de 29 907,29 euros versée au titre du droit d'entrée et des redevances annuelles (pièce 4 de l'appelante).

- Sur les autres demandes,

La demande de dommages-intérêts de Fusion Hair est rejetée en l'absence de preuve d'un préjudice non réparé par la somme allouée.

Le sens de l'arrêt conduit à débouter la société Nouvel Hair Expansion de sa demande en paiement de la somme de 6 416,91 euros au titre des redevances du mois de décembre 2012 et de l'année 2013 ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Les autres chefs du jugement non critiqués sont confirmés.

En revanche, la société Nouvel Hair Expansion est condamnée à payer à Fusion Hair la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement sauf en ce qu'il : - s'est déclaré être compétent pour connaître du présent litige, - a déclaré la société Fusion Hair recevable en son action, - a débouté la société Nouvel Hair Expansion de sa demande de dommages et intérêts ; Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, Rejette l'exception de prescription soulevée par la société Nouvel Hair Expansion ; Prononce la résolution du contrat du 5 février 2009 liant les parties aux torts de la société Nouvel Hair Expansion ; Condamne la société Nouvel Hair Expansion à payer à la société Fusion Hair la somme de 29 907,29 euros au titre du remboursement du droit d'entrée et des redevances annuelles payées ; Déboute la société Fusion Hair de sa demande de dommages-intérêts ; Déboute la société Nouvel Hair Expansion de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Nouvel Hair Expansion aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile ainsi qu'à payer à la société Fusion Hair la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.