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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 4 octobre 2018, n° 16-15633

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mercedes-Benz France (SAS)

Défendeur :

Maio, Marion, Bosquet 17 (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poinseaux

Conseillers :

Mmes Lefèvre, Bou

Avocats :

Mes Lallement, Morillo-Lucas, Etevenard, Traesch, Kohen, Rousseau, Boccon Gibod, Majerholc-Oiknine

TGI Paris, du 7 juin 2016

7 juin 2016

Le 23 avril 2001, la société Bosquet 17, concessionnaire de véhicules fabriqués par le constructeur Mercedes-Benz, a vendu à M. Arnaud Marion un véhicule neuf de marque Mercedes type Vito 220 CDI.

M. Marion a confié l'entretien du véhicule à la société Bosquet 17 jusqu'à sa revente. Le 12 septembre 2008, M. Marion a vendu à M. Fernand Maio ce véhicule qui affichait alors environ 80 000 kms au compteur moyennant un prix de 16 000 euros. Le 22 juillet 2012, le véhicule est tombé en panne alors que son kilométrage était d'environ 130 000 kms.

Le 20 décembre 2012, M. Maio a assigné M. Marion en référé pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire. Par ordonnance du 20 février 2013, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. Gamory. Saisi à cette fin par assignation 28 février 2014, le juge des référés a, par ordonnance du 20 mars 2014, rendu commune à la société Bosquet 17 et à la société Mercedes-Benz France, importateur et concédant du réseau de distribution en France, l'ordonnance du 20 février 2013.

Par actes d'huissier des 3 et 10 février 2015, M. Maio a fait assigner M. Marion et les sociétés Bosquet 17 ainsi que Mercedes Benz-France devant le Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir notamment l'annulation de la vente du véhicule et la restitution du prix de vente.

Le 9 février 2015, M. Gamory a déposé son rapport d'expertise au terme duquel il conclut que la détérioration d'un injecteur est à l'origine de la destruction du moteur et que l'injecteur défectueux a généré des contraintes thermiques si élevées et surtout si répétitives qu'elles ont provoqué la fissure macroscopique relevée dans la chambre de combustion.

Par jugement contradictoire du 7 juin 2016, le Tribunal de grande instance de Paris, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- Fait droit à l'action rédhibitoire de M. Maio envers M. Marion, ainsi qu'à l'appel en garantie de la société Mercedes-Benz France par M. Marion,

- condamné in solidum M. Marion et la société Mercedes-Benz France à payer à M. Maio la somme de 16 000 euros contre restitution par celui-ci du véhicule muni de sa carte grise,

- dit que le véhicule sera quérable par la société Mercedes-Benz France au lieu que lui indiquera M. Maio,

- débouté M. Maio de ses plus amples demandes tant à l'égard de la société Mercedes- Benz France, que vis-à-vis de la société Bosquet 17 et de M. Marion,

- débouté la société Bosquet 17 et M. Marion de leurs plus amples demandes,

- condamné in solidum M. Marion et la société Mercedes-Benz France à payer la somme de 4 000 euros à M. Maio en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Mercedes-Benz France à payer, à chacun, la somme de 1 000 euros à M. Marion et à la société Bosquet 17 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Mercedes-Benz France à garantir M. Marion de toutes les condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et intérêts,

- condamné la société Mercedes-Benz France aux dépens de l'instance, qui comprendront les frais et honoraires de M. Gamory, lesquels seront recouvrés par Maîtres Traesch, Bousquet et Kohen, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le 18 juillet 2016, la société Mercedes-Benz France a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 11 juin 2018, la société Mercedes-Benz France demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants du Code de procédure civile, de l'article L. 110-4 du Code de commerce et des articles 1641 et 1240 du Code civil, de dire que toute action à l'encontre de la société Mercedes-Benz France est prescrite et irrecevable, d'infirmer le jugement en ce qu'il est entré en voie de condamnation à son égard, de débouter toutes parties de leurs demandes à son encontre et de condamner M. Maio au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, d'expertise, de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand & Lallement en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 décembre 2016, M. Fernand Maio demande à la cour, au visa des articles 1137 et 1641 et suivants du Code civil, de :

- Juger recevables les demandes et action à l'encontre de la société Mercedes-Benz France,

* à titre principal :

- Annuler la vente du véhicule,

- condamner in solidum M. Marion et la société Mercedes-Benz France au remboursement à M. Maio du prix d'achat de 16 000 euros en contrepartie de la restitution du véhicule,

* à titre subsidiaire :

- Juger que M. Marion s'est rendu coupable d'un dol et d'une violation de son obligation d'information affectant le consentement à la vente du véhicule,

- condamner la société Mercedes-Benz France à hauteur de la somme de 16 000 euros pour violation de son obligation d'information sur un défaut connu du représentant du constructeur en France, ainsi qu'à hauteur de la somme de 10 000 euros pour résistance abusive,

* en tout état de cause :

- Débouter toutes parties de leurs demandes dirigées contre M. Maio,

- condamner in solidum M. Marion et la société Mercedes-Benz France à la somme de 10 950 euros au titre du préjudice de jouissance lié à l'immobilisation du véhicule au 26 juillet 2015, cette somme étant à parfaire au jour de l'arrêt,

- condamner in solidum M. Marion et la société Mercedes-Benz France à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, notamment la somme de 4 784 euros au titre des frais d'expertise judiciaire. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 8 juin 2018, M. Marion demande à la cour, au visa des articles 1147 ancien et 1240 du Code civil, de :

* A titre principal,

- infirmer le jugement ;

statuant à nouveau,

- débouter M. Maio de l'intégralité de ses demandes,

* à titre subsidiaire,

- déclarer les appels en garantie formées par M. Marion à l'égard des professionnels non prescrits,

- juger que les sociétés Bosquet 17 et Mercedes-Benz France devront relever et garantir M. Marion de toute éventuelle condamnation,

* en tout état de cause,

- rejeter toute demande formée contre M. Marion,

- condamner tout succombant à verser à M. Marion la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nicolas Kohen en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 février 2017, la société Bosquet 17 demande à la cour, au visa des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce, de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formées à l'encontre de la société Bosquet 17,

- déclarer prescrite et subsidiairement mal fondée la demande en garantie formée par M. Marion à l'encontre de la société Bosquet 17 et débouter M. Marion de toutes ses demandes à l'encontre de Bosquet 17,

- en cas de confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à l'action rédhibitoire de M. Maio, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Mercedes-Benz France à payer à la société Bosquet 17 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation à l'encontre de la société Bosquet 17, condamner la société Mercedes-Benz France à relever et garantir la société Bosquet 17 de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- en tout état de cause, condamner in solidum tous succombants à verser à la société Bosquet 17 en cause d'appel la somme complémentaire de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2018.

Motifs de la décision

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Mercedes- Benz France

La société Mercedes-Benz France soulève l'irrecevabilité de toutes les demandes formées contre elle, à titre principal ou en garantie, sur le fondement de l'article L. 110-4 du Code de commerce. Elle soutient que le délai de deux ans de l'action en garantie des vices cachés se trouve enfermé dans le délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 susvisé et que le point de départ de ce délai doit être fixé au jour de la première mise en circulation du véhicule, le 3 mai 2001, alors que l'assignation en référé ne lui a été délivrée que le 28 février 2014. Elle ajoute que les dispositions des articles 2224 ou 2233 et suivants du Code civil n'ont pas vocation à s'appliquer en présence des dispositions de droit spécial visées par le Code de commerce et que le point de départ de la prescription n'a pas lieu d'être suspendu ou interrompu en cas d'action récursoire. Elle en déduit que toute demande au titre de la garantie des vices cachés formée à son encontre est irrecevable.

M. Maio s'oppose à la prescription en faisant valoir que l'action en garantie des vices cachés est une action extra-contractuelle dont les modalités sont prévues par les articles 1641 et suivants du Code civil et que le point de départ du délai de prescription est la date de la révélation des désordres. Il soutient que la société Mercedes-Benz France est également responsable des vices cachés relatifs aux pièces détachées et aux produits d'entretien qu'elle a fournis tout le long de la vie du véhicule. Il estime en outre que l'action délictuelle n'est pas prescrite en se référant à l'article 2224 du Code civil, arguant que la prescription de cette action court à compter du jour où le dommage s'est révélé.

M. Marion réplique que le délai d'action de la garantie des vices cachés ne peut être soumis au délai de prescription de droit commun. Il fait notamment valoir que la jurisprudence invoquée par l'appelante est contestable car aboutissant à l'impossibilité pour le revendeur d'agir contre le constructeur dans l'hypothèse où le vice se révèle après la fin du délai de droit commun, que le délai spécial de prescription plus court de l'article 1648 du Code civil doit prévaloir et qu'aucun texte ne prévoit un enfermement du délai de l'action en garantie des vices cachés dans le délai de droit commun. Il affirme que le délai de deux ans de l'action en garantie des vices cachés a couru à compter de la découverte du vice, soit au 16 juin 2016, date du jugement, l'expert judiciaire n'ayant pas lui-même identifié de vice. Il ajoute que ce délai ne serait pas non plus acquis si la date de découverte du vice devait être fixée au jour de l'assignation par le sous-acquéreur. En toute hypothèse, si la cour devait considérer que le délai de l'article 1648 du Code civil est enfermé dans le délai de droit commun, il estime que le point de départ de l'action récursoire doit être suspendu et reporté au jour de l'assignation délivrée par le sous-acquéreur.

La société Bosquet 17 ne formule pas d'observation sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Mercedes-Benz France.

M. Maio agit à l'encontre de la société Mercedes-Benz France à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés et, à titre subsidiaire, sur celui de la responsabilité délictuelle, M. Marion et la société Bosquet 17 sollicitant, en cas de condamnation prononcée à leur encontre, la garantie de la société Mercedes-Benz France au titre des vices cachés.

L'article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, la loi précitée ayant réduit le délai de dix ans à cinq ans. Selon l'article 26 II de ladite loi, les dispositions réduisant la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, l'action engagée à l'égard de la société Mercedes-Benz France, commerçante, pour une obligation née à l'occasion de son commerce, se trouve soumise aux dispositions de l'article L. 110-4 précité.

Il est de principe que le délai de l'action en garantie des vices cachés prévu à l'article 1648 du Code civil alinéa premier du Code civil, qui a pour point de départ la découverte du vice, ne peut courir qu'à l'intérieur du délai de prescription résultant de l'article L. 110-4 susvisé.

S'agissant d'une action engagée à l'encontre de l'importateur, représentant du constructeur et concédant du réseau de distribution en France, le point de départ du délai de la prescription de l'article L. 110-4 court à compter de la vente initiale du bien en cause. En effet, le point de départ de ce délai est fixé en application de ce texte au jour de la naissance de l'obligation, la garantie légale du vendeur courant à compter de la vente.

En l'occurrence, la cour ignore la date à laquelle le véhicule a été acquis par la société Bosquet 17 mais il a été vendu par celle-ci à M. Marion le 23 avril 2001 et a été mis en circulation pour la première fois le 3 mai 2001. Le délai de prescription de dix ans a donc commencé au plus tard à cette dernière date. Il était en cours à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et a été réduit à cinq ans à compter du 19 juin 2008 mais sans pouvoir excéder la durée initiale de 10 ans. Il a dès lors expiré en 2011, avant toute assignation de la société Mercedes-Benz France qui n'a été citée pour la première fois que par son assignation en référé en 2014.

Si M. Maio argue que la société Mercedes-Benz France doit aussi répondre des vices cachés relatifs aux pièces détachées et produits d'entretien fournis et vendus par elle tout au long de la vie du véhicule, cette argumentation ne saurait lui permettre d'échapper à la prescription de sa demande en garantie des vices cachés formée à l'encontre de la société Mercedes-Benz France dans la mesure où il résulte de son exposé portant sur "la cause de la casse moteur" et sur le "vice antérieur qui rend le véhicule impropre à son usage" que les seuls vices dont il se plaint en réalité sont un vice de conception et de fabrication des injecteurs équipant le véhicule depuis l'origine, et, plus accessoirement, d'un défaut du système de refroidissement. En effet, M. Maio s'explique de manière longue et développée sur ces vices, spécialement sur les défauts des injecteurs, ainsi que sur des manquements dans l'entretien du véhicule, mais sans jamais apporter d'élément, ni la moindre précision sur d'éventuels vices de produits d'entretien ou de pièces détachées.

La prescription à l'égard de la société Mercedes-Benz France joue pour toutes les demandes formées contre elle qui sont fondées sur les vices cachés, qu'elles soient faites en principal ou en garantie, dès lors que le point de départ et la durée de la prescription vis-à-vis de cette société sont les mêmes pour l'acquéreur final, à savoir M. Maio, et pour le vendeur intermédiaire, M. Marion. Par ailleurs, la prescription étant acquise dès 2011, il ne saurait, en tout état de cause, être question de suspension du délai au bénéfice du vendeur intermédiaire, M. Marion, jusqu'à ce qu'il ait été assigné en 2012. En conséquence, il convient de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées à l'encontre de la société Mercedes-Benz France au titre de la garantie des vices cachés.

S'agissant des demandes de M. Maio visant à mettre en cause la responsabilité délictuelle de la société Mercedes-Benz France pour ne pas avoir informé les consommateurs des défauts du modèle et pour résistance abusive, la prescription d'une telle action court du jour de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance. En l'occurrence, le préjudice résultant du prétendu défaut d'information ne s'est révélé à M. Maio que par la panne survenue en 2012 sur son véhicule et celui consécutif à la résistance abusive invoquée qu'ultérieurement à sa réclamation.

Il y a lieu dès lors de rejeter pour le surplus la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Mercedes-Benz France.

Sur la garantie des vices cachés à l'encontre de M. Marion

M. Maio fait valoir que les tests effectués lors des opérations d'expertise ont révélé que deux injecteurs du véhicule étaient défectueux, que le vice de conception et de fabrication de ces éléments est confirmé par des articles de journaux et que les injecteurs sont destinés à durer en parfait état de fonctionnement au minimum 200 000 kms, l'expert ayant selon lui souligné l'anormalité de l'usure de l'injecteur et de la destruction du moteur. Il ajoute que le mauvais entretien du véhicule par M. Marion et la société Bosquet 17 ont accentué les conséquences dommageables du vice. Il invoque qu'il s'agit d'un vice antérieur à la vente, non apparent pour un acheteur non professionnel, rendant le véhicule impropre à la circulation. Il sollicite en conséquence, en application des articles 1641 et suivants du Code civil, l'annulation de la vente et le remboursement du prix de vente.

M. Marion conteste l'existence d'un vice caché. Selon lui, le rapport d'expertise impute la panne à une usure d'un injecteur et met hors de cause l'entretien du véhicule. Il reproche au tribunal d'avoir opéré une confusion entre les dires de M. Maio sur la durée de vie moyenne d'un injecteur et les conclusions de l'expert, lequel aurait au contraire indiqué que cette durée est aléatoire. Il en déduit que l'expertise n'a établi l'existence d'aucun élément caractérisant un vice caché antérieur à la vente intervenue en 2008 et pouvant justifier l'apparition de la panne et soutient que les articles de presse produits par M. Maio sont inopérants car ne concernant pas le véhicule litigieux.

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1642 du même Code dispose que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché.

Dans son rapport, l'expert judiciaire explique qu'il a fait contrôler les injecteurs et qu'il est apparu que deux injecteurs étaient défaillants, avec un défaut conséquent sur l'un d'entre eux. Dans ses conclusions, il estime comme indiscutablement établi que la défaillance de cet injecteur est à l'origine de la destruction du moteur. Il exclut que le travail de la société Bosquet 17, notamment son intervention du 11 avril 2008 pour un changement de culasse, soit à l'origine du dysfonctionnement de l'injecteur. Il relève que les articles de presse transmis par l'avocat de M. Maio concernent d'autres types de motorisation et de systèmes d'injection. Il explique que le dysfonctionnement d'un injecteur peut être causé soit par l'usage d'un carburant pollué ou non conforme, hypothèse qu'il exclut en l'absence de dégradation s'étendant à tous les composants du circuit d'alimentation, soit par son usure, l'expert indiquant qu'une pièce industrielle subit des contraintes qui inévitablement génèrent une usure du fait des très nombreux cycles de fonctionnement de la pièce.

L'expert a répondu de manière circonstanciée aux observations de l'avocat de M. Maio qui a fait état auprès de lui d'articles de presse allemands évoquant la défectuosité de certaines pièces, de ce que les injecteurs seraient destinés à durer en parfait état de fonctionnement au minimum 200 000 kms, de ce qu'un changement de moteur à 130 000 kms ne relève pas d'une usure normale et de l'accentuation des conséquences du vice de fabrication par des problèmes d'étanchéité et un manque d'entretien. Ainsi, l'expert indique avoir lu les articles de presse fournis, relève que les injecteurs ne sont pas cités dans ces articles comme source de problème et que si les injecteurs Delphi ont généré des problèmes, il ne s'agit pas de ceux en cause. Il précise, pour répondre à l'affirmation du conseil de M. Maio concernant la durée de vie d'un injecteur, que celle-ci est aléatoire et que la présence d'eau, de bactérie ou de pollution la réduit considérablement. Il précise encore qu'une pièce a toujours des défauts d'un point de vue microscopique, des microfissures existant dès le début de vie de la pièce qui n'atteignent une taille critique que par l'évolution des contraintes mécaniques et thermiques dans le temps. Il ajoute que l'hypothèse d'un système de refroidissement défectueux comme cause de la destruction de la tête de piston doit être exclue au regard de la plainte adressée par M. Marion à la société Mercedes-Benz France ne mentionnant qu'une fuite du liquide de refroidissement et qu'un manque d'entretien du circuit d'alimentation en gasoil se caractérise par la destruction de toutes les pièces du circuit, ce qui n'est pas avéré.

M. Maio ne fournit ni élément nouveau, ni explication susceptible de remettre en cause l'avis étayé de l'expert.

Si celui-ci a estimé qu'il était anormal de remplacer un moteur à 130 000 kms, il n'a, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, en aucun cas validé l'affirmation du conseil de M. Maio selon laquelle la durée de vie minimale d'un injecteur était de 200 000 kms, l'expert ayant relevé que celle-ci était précisément aléatoire et pouvait être réduite par divers éléments. Il a exclusivement imputé la panne à une usure d'un injecteur résultant de très nombreux cycles de fonctionnement de la pièce, laissant ainsi apparaître que la défaillance du moteur était due à la vétusté normale d'un injecteur. Il n'est donc pas établi que le véhicule était atteint d'un vice caché lors de la vente passée avec M. Marion dont il convient de souligner qu'elle a eu lieu près de quatre ans avant la panne, alors que le véhicule avait 50 000 kms de moins au compteur et que celui-ci a fonctionné sans difficulté dans l'intervalle, la défaillance ayant été soudaine. Dès lors, M. Maio sera débouté de son action rédhibitoire pour vices cachés à l'encontre de M. Marion.

Sur la demande de nullité du contrat pour dol

Invoquant les dispositions de l'article 1116 ancien du Code civil et l'obligation d'information pré-contractuelle pesant sur le vendeur, M. Maio reproche à M. Marion de ne pas l'avoir averti de la défectuosité depuis l'origine du système de refroidissement et d'avoir faussement affirmé qu'il avait effectué toutes les révisions nécessaires aux échéances prévues. Il en déduit que la vente doit être annulée pour dol. M. Marion soutient avoir communiqué l'information à M. Maio lors de la vente, notamment lui avoir remis les factures d'entretien et celle du changement de culasse. Il relève en toute hypothèse que le remplacement de la culasse est sans lien avec la panne survenue.

Aux termes de l'article 1116 du Code civil dans sa version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

En l'espèce, M. Maio se fonde sur une lettre adressée le 19 mars 2008 par M. Marion à la société Mercedes-Benz France dans laquelle celui-ci se plaignait d'un problème récurrent de fuite sur le véhicule. Mais cette lettre ne démontre pas que les conditions d'un dol par réticence sont réunies dans la mesure où, à supposer que M. Marion se soit abstenu d'informer M. Maio de ce problème lors de la vente, il n'est pas établi que ce manquement ait été à l'origine d'une erreur déterminante pour ce dernier. En effet, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la fuite du système de refroidissement a été, après plusieurs interventions de la société Bosquet 17, résolue plusieurs mois avant la vente du véhicule par le remplacement de la culasse qui a eu lieu le 11 avril 2008. Rien ne justifie que de nouvelles fuites se soient ensuite produites et l'expert a exclu l'hypothèse d'un système de refroidissement défectueux comme cause de la panne. De même, le tribunal a justement retenu que M. Maio ne prouve pas que M. Marion aurait volontairement omis de lui remettre des factures dans le but de lui dissimuler des interventions antérieures sur le véhicule.

Par ailleurs, M. Maio ne justifie pas que M. Marion l'ait trompé sur l'entretien régulier du véhicule. L'allégation suivant laquelle M. Marion aurait affirmé avoir fait toutes les révisions en temps et en heure n'est pas prouvée. De plus, l'expert judiciaire a exclu un défaut d'entretien comme cause de la panne survenue de sorte qu'une erreur déterminante provoquée par un mensonge sur l'entretien régulier du véhicule n'est pas non plus établie. La demande de nullité du contrat fondée sur le dol sera donc aussi rejetée. Sur la demande de dommages et intérêts pour privation de jouissance M. Maio fait valoir que la privation de son véhicule affecté d'un vice caché caractérise une privation de jouissance constituant un préjudice indemnisable dont il sollicite réparation à hauteur de 10 euros par jour.

L'existence d'un vice caché n'étant pas retenue, cette demande doit être rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation par la société Mercedes-Benz France de son obligation d'information

M. Maio reproche à la société Mercedes-Benz France d'avoir violé son obligation d'information et de conseil en n'informant pas les consommateurs des défauts connus et récurrents sur ce type de modèle, tout en tentant de leur vendre des pièces détachées et divers produits via son réseau de réparateurs agréés. Il affirme qu'il n'aurait pas acheté le véhicule s'il avait été informé des défectuosités.

La société Mercedes-Benz France conteste avoir commis une quelconque faute délictuelle (ou contractuelle), estimant que les développements de M. Maio sur les défauts du véhicule ne reposent que sur ses affirmations et des articles de presse inopérants.

La mise en cause de la responsabilité délictuelle de la société Mercedes-Benz France suppose de prouver qu'elle a commis une faute à l'origine d'un préjudice pour M. Maio. Or, en l'occurrence, il résulte du rapport de l'expert judiciaire, qui a notamment relevé que les articles de presse fournis par M. Maio ne concernaient pas le matériel en cause dans le présent litige, que l'existence d'un vice de conception et de fabrication de l'injecteur équipant son véhicule n'est pas établie. Aucun autre défaut de conception ou de fabrication "connu et récurrent" affectant le type de véhicule litigieux n'est justifié. M. Maio ne saurait donc reprocher à la société Mercedes-Benz France de ne pas avoir communiqué à ces sujets. En outre, il ne caractérise pas en quoi la commercialisation par la société Mercedes- Benz France de pièces détachées et de produits constitue une faute et lui a causé un préjudice personnel.

Il sera donc également débouté de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la société Mercedes-Benz France

M. Maio argue de l'obstruction systématique dont font preuve les constructeurs en cas de vice de fabrication et fait valoir que la société Mercedes-Benz France aurait pu prendre en charge les frais de réparation nécessaires de l'injecteur défectueux depuis plusieurs années. La société Mercedes-Benz France conclut au caractère non fondé des demandes de dommages et intérêts de M. Maio.

Il résulte des énonciations précédentes qu'aucune résistance abusive de la société Mercedes-Benz France n'est caractérisée si bien que M. Maio sera aussi débouté de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant en ses demandes, M. Maio sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire de M. Gamory, qui seront recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et débouté de toute demande au titre des frais irrépétibles. Il sera condamné à payer à chacune des autres parties la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Confirme le jugement du 7 juin 2016 du Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a débouté M. Maio de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance à l'encontre de M. Marion et de la société Bosquet 17, de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l'encontre de la société Mercedes-Benz France et de sa demande au titre des frais irrépétibles à l'encontre de la société Bosquet 17 ; Infirme le jugement en ses autres dispositions ; Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant : Déclare irrecevables comme prescrites les demandes formées à l'encontre de la société Mercedes-Benz France au titre de la garantie des vices cachés ; Rejette pour le surplus la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Mercedes-Benz France ; Déboute M. Maio de ses autres demandes à l'encontre de M. Marion ; Déboute M. Maio de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'information et au titre des frais irrépétibles à l'encontre de la société Mercedes-Benz France ; Condamne M. Maio à payer à : - la société Mercedes-Benz France la somme de 1 000 euros, - M. Marion la somme de 1 000 euros, - la société Bosquet 17 la somme de 1 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Maio aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire de M. Gamory, qui seront recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.