CA Chambéry, 2e ch., 4 octobre 2018, n° 17-01422
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Compagnie de Gestion Hôtelière (SAS), Tokio Marine Europe Insurance Limited (SA), Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thomassin
Conseiller :
M. Madinier
Exposé du litige
Madame Valérie G., épouse B., a loué auprès de la société Compagnie de Gestion Hôtelière un appartement au sein de la [...] pour la période du 15 au 22 mars 2014.
Le 15 mars en soirée, elle a été brûlée à l'abdomen par le sèche-serviette de la salle de bains.
Le directeur de la résidence est intervenu, a appelé le SAMU et a invité Madame G. à se rendre au cabinet médical de La Plagne.
La société Compagnie de Gestion hôtelière a adressé un courrier d'excuses à Madame G. en date du 20 mars 2014 et lui a accordé un dédommagement à hauteur de 1.095,45 à titre commercial.
Par actes d'huissier en date des 17 et 19 février 2016, Madame Valérie G. a assigné la Compagnie de Gestion Hôtelière, la compagnie d'assurance Tokio Marine Europe Insurance Limited et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône devant le Tribunal d'Annecy, aux fins de voir la société de gestion hôtelière déclarée responsable du préjudice subi, avec les conséquences indemnitaires à assumer avec l'assureur de cette dernière.
Par jugement, en date du 28 avril 2017, le Tribunal d'Instance d'Annecy a :
- jugé que Madame Valérie G., épouse B., ne rapporte pas la preuve d'un manquement fautif de la Compagnie de Gestion Hôtelière à son obligation contractuelle de sécurité,
- rejeté en conséquence l'ensemble des demandes de Madame B. à l'encontre de la Compagnie de Gestion Hôtelière et de la SA Tokio Marine,
- débouté la CPAM des Bouches du Rhône de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la Compagnie de Gestion Hôtelière et la SA Tokio Marine de leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné Madame B. aux dépens.
Par déclaration au Greffe de la Cour d'Appel de Chambéry, Madame Valérie B. a interjeté appel de ce jugement le 20 juin 2017.
Par conclusions en date du 26 février 2018, Madame Valérie B. sollicite de la Cour que cette dernière :
- dise que la société Compagnie de Gestion Hôtelière est entièrement responsable du préjudice subi par Madame Valérie B.,
- accueille favorablement la demande d'indemnisation présentée par Madame B.,
- condamne in solidum la Compagnie de Gestion Hôtelière et la SA Tokio Marine à verser à Madame B. la somme globale de 7.980 à titre de réparation de son entier préjudice, se décomposant comme suit :
° frais divers de transports 150
° déficit fonctionnel temporaire 330
° souffrances endurées 3 000
° préjudice esthétique temporaire 3 500
° préjudice esthétique permanent 1 000
- condamne la Compagnie de Gestion Hôtelière in solidum avec son assureur la compagnie Tokio Marine Europe à verser à Madame Valérie G. la somme de 4 000 au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers de première instance et d'appel.
Madame B. fait valoir que l'existence de ses brûlures et leur imputation au sèche-serviette de la résidence ne sont contestées par personne.
Elle indique que cet appareil présentait manifestement une défectuosité pour atteindre une chaleur telle qu'elle provoque des brûlures au premier et au troisième degré, et que le technicien qui est intervenu sur place l'a mis hors service.
Par courrier du 20 mars 2014, le directeur de la Compagnie Hôtelière a présenté ses excuses à Madame B. et lui a accordé un dédommagement, même si celui-ci est qualifié de geste commercial, ce qui équivaut à une reconnaissance de responsabilité.
Le directeur a, par ailleurs, reconnu expressément le ' problème de sèches-serviettes défaillants '.
Madame B. fait valoir que l'argumentation de la compagnie d'assurance Tokio Marine selon laquelle l'action de l'appelante relèverait du régime de la responsabilité des produits défectueux n'est pas sérieuse. Madame B. ayant été victime d'un accident au sein d'une résidence hôtelière, cette résidence lui devait une obligation de sécurité.
La responsabilité de la résidence hôtelière est bien engagée sur le fondement de l'article 1147 ancien du Code civil.
Elle reprend la liste des postes de préjudice dont elle demande l'indemnisation.
A titre subsidiaire, elle sollicite la tenue d'une expertise médicale.
Par conclusions du 28 mai 2018, la Compagnie de Gestion Hôtelière requiert de la Cour :
- la confirmation du jugement de première instance,
A titre subsidiaire,
- de dire que Madame Valérie B. a commis une faute ayant le caractère de la force majeure, exonératoire de responsabilité, et débouter cette dernière de l'intégralité de ses demandes,
- si la Cour ne devait pas retenir un comportement fautif ayant le caractère de la force majeure, de dire que Madame B. a commis une faute exonératoire de responsabilité lui laissant 80 % de responsabilité du fait de sa faute,
Plus subsidiairement encore,
- de dire que la Compagnie Générale Hôtelière a déjà compensé la gène invoquée au titre du préjudice fonctionnel temporaire par son geste commercial,
A titre infiniment subsidiaire,
- de réduire les indemnités sollicitées par Madame B. à de plus justes proportions,
- de condamner la société Tokio Marine Europe à relever et garantir la société CGH de toute condamnation prononcée à son encontre,
En tout état de cause
- de condamner Madame Valérie B. à payer à la société CGH une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
En premier lieu, la société hôtelière fait valoir que Madame B. ne démontre pas, eu égard aux dispositions de l'article 1147 du Code civil, une inexécution fautive, par la société hôtelière, de son obligation de moyen.
La société rappelle que comme l'a noté le premier juge, Madame B. raisonne par déduction, mais n'établit pas une faute de la société au regard de son obligation de moyen d'assurer la sécurité de ses clients.
A titre subsidiaire, la Cour devrait retenir l'existence d'une faute de la victime, exonératoire de responsabilité.
Les circonstances de l'accident sont obscures. Le comportement de Madame B. apparaît comme imprévisible et irrésistible.
Plus subsidiairement, la société hôtelière fait valoir que Madame B. ne fournit pas de date de consolidation et évalue l'ampleur et l'indemnisation de son préjudice elle-même par une sorte d'auto-expertise.
Dans leurs dernières conclusions du 6 novembre 2017, la compagnie d'assurance Tokio Marine sollicite de la Cour de :
- dire que Madame B. ne rapporte pas la preuve d'un manquement de la société CGH à ses obligations contractuelles de moyens, le geste commercial comme la réaction de l'établissement ne pouvant être assimilés à une reconnaissance de responsabilité,
- confirmer le jugement de première instance,
- dire que Madame B. invoquant une responsabilité du fait d'un sèche-serviette défectueux doit exclusivement agir contre le fabricant dudit produit,
- débouter Madame B. de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société CGH et la compagnie Tokio Marine,
En tout état de cause,
- dire que Madame B. a commis une faute participant à 80 % à la réalisation de son dommage,
- à défaut débouter Madame B. de ses demandes indemnitaires, ramener ces dernières à de plus justes proportions,
- condamner Madame B. à payer à la compagnie d'assurance Tokio Marine une somme de 1.500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La compagnie d'assurance rappelle que la responsabilité de la société CGH ne peut être engagée que par la démonstration d'une faute. En l'espèce, Madame B. se contente de déduire la responsabilité des circonstances de l'accident, circonstances qui restent inexpliquées.
L'assureur fait valoir que Madame B. invoque en réalité la défectuosité d'un sèche-serviette, laquelle relève du régime de responsabilité du fait des produits défectueux (loi du 18 mai 1998).
Il lui appartient de diriger son action contre la société Finimital sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, régime d'application exclusive.
S'agissant des prétentions indemnitaires, Madame B. ne peut, en l'absence de consolidation, estimer d'elle-même avoir subi des préjudices temporaires et subir un préjudice définitif.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône a adressé à la Cour le montant de ses débours par un courrier en date du 29 août 2017.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 mai 2018.
Sur Ce
Il convient en premier lieu de rappeler qu'aux termes des articles 1242 et 1231-1 du Code Civil, il appartient au demandeur d'une réparation, de démontrer l'existence d'un dommage, d'une faute et d'un lien de causalité entre les deux.
* Sur la responsabilité de la SAS Compagnie de Gestion Hôtelière
Il n'est pas contesté que Madame B. s'est brûlée le 15 mars 2014 au contact du sèche-serviette de la salle de bains, dans l'appartement qu'elle avait loué à La Plagne.
Un certificat médical daté du 15 mars 2014 émanant du Centre médical de La Plagne mentionne que Madame B. " présente des brûlures au 1er et 2ème degré par contact avec le porte serviette selon la patiente ".
Un second certificat médical du 24 mars 2014 indique avoir examiné Madame B. le même jour " qui présente quatre bandes de 1cm à 1,5 cm de largeur sur 4 à 7cm de longueur, parallèles, suite à un accident qui serait survenu le 15 mars 2014 vers 22h à Plagne Soleil ".
Un autre certificat du 23 juin 2015 indique que Madame B. s'est faite examiner le même jour " suite à l'accident du 15 mars 2014 ".
Si les certificats médicaux constatent et décrivent les blessures, ils ne font que reprendre les déclarations de la patiente quant à la cause de l'accident, et n'éclairent donc pas sur les circonstances de celui-ci.
Dans un courrier du 7 avril 2014 adressé à son assureur, Madame B. indique :
" Nous sommes arrivés dans la résidence le 15 mars dans l'après-midi, j'ai constaté que les sèches serviettes des deux salles de bain étaient chauds mais impossible à baisser puisque le boîtier de réglage était verrouillé.
Vers 21h00, j'ai pris une douche et en sortant de la baignoire et voulant attraper ma serviette qui était accrochée sur le côté du sèche serviette, j'ai malencontreusement frôlé ce dernier et ressenti une vive douleur à l'abdomen. Des cloques, saignement, liquide et peau marron sont immédiatement apparus ".
Force est de constater que Madame B. livre dans ce courrier une version obscure des faits.
Elle parle de sèches-serviettes chauds, et non brûlants, et semble ne faire aucune démarche dans l'après-midi auprès de l'établissement hôtelier pour remédier au problème, ce qui semble d'autant plus illogique qu'elle mentionne l'impossibilité de régler la température des dits sèches-serviettes.
Surtout, elle ne décrit pas les circonstances qui ont pu l'amener à avoir l'abdomen en contact avec le sèche-serviette, ce qui est d'autant plus regrettable que ce contact apparaît pour le moins insolite, voire inexplicable.
Elle précise avoir 'frôlé' le sèche-serviette, ce qui parait incompatible avec les blessures occasionnées, qui évoquent plutôt une pression assez forte sur l'abdomen.
Elle ne verse au dossier aucun témoignage de membres de sa famille qui étaient présents sur les lieux le soir des faits et qui ont pu aisément se livrer à un certain nombre de constatations et recueillir les premières explications de l'appelante.
Ainsi, Madame B. ne démontre pas l'existence d'une faute de la société hôtelière par manquement de cette dernière à son obligation de sécurité.
Madame B. se prévaut du courrier de la société hôtelière du 20 mars 2014 qui lui accorde un dédommagement à titre strictement commercial pour un montant de 1 095,45 .
Ce courrier ne peut en aucune façon être considéré comme une reconnaissance de responsabilité, mais constitue, comme il le mentionne explicitement et sans équivoque, un simple geste commercial envers un client insatisfait.
Enfin, Madame B. verse au débat l'avis d'un client du centre hôtelier, déposé sur le site de réservation " Tripadvisor " en juillet 2014, faisant état du risque de brûlures dû aux sèches-serviettes.
Ce document anonyme, dont l'authenticité est invérifiable, ne peut pas constituer un élément de preuve, à l'appui des prétentions de Madame B..
Il ressort de la combinaison des articles 9 et 146 du Code de Procédure Civile qu'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention et qu'il n'appartient pas au juge de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Il résulte de ces développements que Madame Valérie B. n'apporte pas d'éléments suffisants au soutien de sa demande, et ne démontre pas une faute de la société hôtelière.
En conséquence, le jugement du 28 avril 2017 du Tribunal d'Instance d'Annecy sera confirmé en toutes ses dispositions et Madame Valérie B., née G., sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.
L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les dépens de l'instance seront supportés par Madame Valérie B., partie succombante.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute Madame Valérie B., née G., de l'intégralité de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Madame Valérie B. aux dépens, avec recouvrement direct des frais exposés au profit de la SCP B.-A. pour la Compagnie de Gestion Hôtelière, et de la Selarl Solia Conseils d'entreprise pour la SA Tokio Marine Europe Insurance Limited, Avocats, au sens de l'article 699 du Code de procédure civile. Ainsi prononcé publiquement le 04 octobre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Monsieur Franck Madinier, Conseiller en remplacement de la Présidente légalement empêchée et Madame Sylvie Durand, Greffier.