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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 1 octobre 2018, n° 16-02101

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

DM Menuiseries (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belieres

Conseillers :

MM. Rouger, Muller

TI Toulouse, du 22 mars 2016

22 mars 2016

Exposé du litige

Selon devis établi le 27 octobre 2014 et accepté le lendemain, M. Michel M. a passé commande auprès de la SARL DM Menuiseries pour la fourniture et la pose d'un portail et d'un portillon en aluminium référencés " Catamaran:RAL 3004 Fidji " au prix de 3 720 euros, après avoir choisi le modèle en magasin, puis le coloris à son domicile lors de la prise des mesures le 24 octobre 2014.

Après versement d'un acompte de 1 500 euros à la commande, il a refusé la livraison le 4 décembre 2014 au motif que le coloris rouge du portail et du portillon ne correspondait pas à celui choisi dans les tons marrons/bruns, approchant la teinte des boiseries extérieures existantes et restant en harmonie avec l'environnement, et il n'a pu obtenir leur remplacement.

Par acte d'huissier en date du 22 mai 2015, il a fait assigner la SARL DM Menuiseries devant le tribunal d'instance de Toulouse afin d'obtenir, sur le fondement des articles 1604 et 1135 du Code civil, L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation, le remplacement du bien livré non conforme à la demande par un portail et un portillon Catamaran de coloris marron et le paiement de la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1110 du Code civil, l'annulation du contrat pour erreur et la restitution de l'acompte et, en tout état de cause, l'exécution provisoire de la décision à intervenir et l'allocation de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL DM Menuiseries a conclu au débouté et sollicité reconventionnellement la résiliation du contrat aux torts de M. Michel M., la conservation de l'acompte et le paiement des sommes de 2 220 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au solde dû sur la commande, outre intérêts, de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 22 mars 2016, le tribunal a prononcé la résolution du contrat, condamné M. Michel M. à verser à la SARL DM Menuiseries la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, l'acompte de 1 500 euros du 28 octobre 2014 restant acquis à la société, dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation par année entière, rejeté les autres demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et condamné M. Michel M. à payer à la SARL DM Menuiseries la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Suivant déclaration en date du 22 avril 2016, M. Michel M. a relevé appel général de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions (récapitulatives) notifiées par voie électronique le 15 février 2018, il demande à la cour, réformant le jugement dont appel, au visa des articles 1604, 1135 et 1110 du Code civil, L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation, de :

- à titre principal, dire et juger que la société DM Menuiseries a commis une faute en livrant un portail non conforme à ses demandes, en conséquence, ordonner le remplacement du bien livré par un portail et un portillon Catamaran de coloris marron et condamner celle-ci à lui payer la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information

- à titre subsidiaire, dire et juger que son consentement a été vicié par l'erreur du fait de la société DM Menuiseries, en conséquence, prononcer la nullité du contrat et condamner celle-ci à lui restituer la somme de 1 500 euros versée à titre d'acompte

- en toute hypothèse, débouter la société DM Menuiseries de son appel incident, écarter des débats, au visa de l'article 202 du Code de procédure civile, les attestations produites par celle-ci et la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du même Code, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant ceux de l'article 10 du décret du 8 mars 2001-2012 (sic) modifié par le décret 2007-1851 du 26 décembre 2007 et avec distraction au profit de Me F. de la Selarl CLF.

Dans ses dernières conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 26 février 2018, la SARL DM Menuiseries demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1184, 1657, 1582, 1583 du Code civil, de :

- dire et juger qu'elle a rempli son obligation de livraison conforme et son obligation d'information et que le consentement de M. Michel M. n'a pas été vicié, en conséquence, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes et prononcé la résolution du contrat à ses torts et, la réformant en ce qu'elle a fixé le préjudice par elle subi à la somme de 3 000 euros et rejeté sa demande, condamner M. Michel M. à lui payer la somme de 3 720,20 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal et capitalisation par année entière à compter du jugement de première instance, dire et juger qu'elle conservera le bénéfice de l'acompte de 1 500 euros déjà versé et que celui-ci devra lui verser la somme de 2 220 euros correspondant au solde restant dû sur le montant de la commande au titre de cette condamnation et le condamner également à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son comportement abusif et déloyal

- à titre subsidiaire, dire et juger que la demande de dommages et intérêts formée par M. Michel M. à son encontre est mal fondée en son quantum et l'en débouter

- en tout état de cause, condamner M. Michel M. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonner l'exécution provisoire et condamner celui-ci aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Mélanie LE N.-R., avocate, dans les termes de l'article 699 du même Code.

Motifs de la décision

Sur le manquement du vendeur à ses obligations de délivrance conforme et d'information

En droit, la non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme posée à l'article 1604 du Code civil.

En outre, il ressort de l'article L. 111-1 du Code de la consommation que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel doit lui communiquer, de manière lisible et compréhensible, diverses informations dont les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le coloris rouge du portail et du portillon litigieux qui, suite au refus de M. Michel M. d'en prendre livraison le 4 décembre 2014, sont restés entreposés dans les locaux de la SARL DM Menuiseries, tel que cela a été constaté par huissier le 16 du même mois, correspond exactement à la référence RAL 3004 figurant au devis accepté valant bon de commande, selon le système de codification universel des couleurs mis au point dès 1927 et connu sous l'acronyme RAL.

En outre, M. Michel M. ne rapporte pas la preuve de son allégation selon laquelle l'indication de cette référence procède d'une erreur manifeste de transcription de la SARL DM Menuiseries qui, entre la prise de notes manuscrites à son domicile et l'établissement du devis, aurait confondu avec la référence RAL 8004 de teinte marron correspondant à son souhait, alors que le catalogue du fabricant RD Productions ne comporte aucun coloris marron dans les douze teintes RAL standard de la gamme aluminium Naval à laquelle appartient le modèle Catamaran commandé, que le devis a été chiffré sur la base d'une teinte standard sans supplément de prix et que le nuancier professionnel AKZO produit par M. Michel M. et comprenant un coloris brun cuivre référencé RAL 8004 n'est pas celui utilisé par la SARL DM Menuiseries, ainsi qu'il en convient.

Il s'en déduit que le portail et le portillon vendus sont conformes aux spécifications contractuelles.

En conséquence, M. Michel M. ne peut qu'être débouté de sa demande principale d'exécution forcée tendant à leur remplacement par un portail et un portillon du même modèle mais de coloris marron.

De même, quelle que soit l'information qu'il a reçue du vendeur sur les teintes disponibles et sur la signification du Code de couleur mentionné au devis, il ne peut qu'être débouté de sa demande accessoire de dommages et intérêts qui tend exclusivement à l'indemnisation d'un préjudice matériel et de jouissance causé par le seul retard dans la livraison d'un portail et d'un portillon conformes.

Sur la nullité du contrat pour erreur sur la substance

En droit, il résulte de l'article 1110 ancien du Code civil que l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l'objet et qu'elle présente un caractère déterminant.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que le coloris fait partie des qualités substantielles du portail et du portillon vendus amenés à agrémenter la maison de M. Michel M. et à s'insérer dans un environnement bâti préexistant.

Toutefois, celui-ci ne justifie pas que son consentement a été déterminé par sa croyance erronée dans le choix d'un coloris marron le plus approchant possible de celui des menuiseries extérieures existantes, qu'il s'agisse du portail et du portillon en bois qu'il souhaitait remplacer ou des portes, fenêtres et volets en bois de sa maison.

En effet, d'une part, les explications des parties divergent quant au nuancier à partir duquel a été opéré le choix de la couleur, qui consistait selon M. Michel M. en une simple plaquette possédant un dégradé de trois tons marrons et selon la SARL DM Menuiseries en un nuancier OUVEO de vingt sept teintes ne comprenant que deux coloris marrons référencés RAL 8014 et RAL 8019, plus foncés que celui des menuiseries existantes et écartés par M. Michel M. en raison du supplément de prix qu'ils entraînaient.

D'autre part, l'affirmation de la SARL DM Menuiseries selon laquelle a été remis à M. Michel M., lors du choix de la couleur, le catalogue RD Productions permettant de visualiser, en page 67, les douze teintes RAL standard de la gamme aluminium Naval dont le coloris rouge 3004 est, nonobstant les dénégations de ce dernier, corroboré par les annotations manuscrites qu'il a portées sur le devis, qui témoignent de l'attention soutenue avec laquelle il a examiné ce devis avant de l'accepter le 28 octobre 2014 et rendent improbable le fait qu'il ne se soit pas inquiété de l'absence de précision de la couleur, pourtant déterminante, du portail et du portillon si, comme il le prétend, il a pensé que la référence RAL 3004 était celle des profilés aluminium rentrant dans la fabrication du produit, alors qu'il a, notamment, pris soin de noter que l'entreprise effectuerait l'enlèvement du matériel existant à titre gratuit, d'indiquer le montant et les références de son chèque d'acompte et de remplacer la forme 'C' du portillon, correspondant selon le catalogue à une forme en chapeau de gendarme, par une forme 'rectangulaire' ou droite.

Enfin, il n'est pas démontré que M. Michel M. n'avait d'autre possibilité qu'opter pour un coloris marron dans la mesure où le coloris rouge pourpre RAL 3004 ne contrevient pas aux prescriptions de l'article UA 11.2 du plan local d'urbanisme de Tournefeuille approuvé le 9 février 2012, qui, à le supposer applicable, impose que les volets et les menuiseries partie intégrante des constructions soient en harmonie avec la couleur de la construction concernée et des constructions voisines et interdit l'utilisation de couleurs vives et où, si l'article 6 du règlement du groupe d'habitations 'Les squares de Tournefeuille' prévoit qu'en aucun cas, la teinte des façades et des menuiseries extérieures ne pourra être modifiée, cette règle d'urbanisme contenue dans un document annexé le 3 mars 1986 à l'arrêté d'autorisation de lotir est devenue caduque au terme de dix années à compter de la délivrance de cette autorisation conformément à l'article L. 442-9 du Code de l'urbanisme, ce que confirment les disparités de forme, de matière et de couleur des portails des maisons voisines, qui ressortent du constat d'huissier dressé le 28 août 2015.

En conséquence, M. Michel M., qui ne fait pas la preuve de l'erreur déterminante qu'il allègue, ne peut qu'être débouté de sa demande de nullité du contrat pour vice du consentement.

Sur la résolution du contrat pour inexécution et l'indemnisation du préjudice subi

Sur le fondement de l'article 1184 ancien du Code civil, la SARL DM Menuiseries est en droit d'obtenir la résolution du contrat aux torts de M. Michel M. qui a manqué à ses obligations essentielles de prendre livraison du bien et d'en payer le prix.

Elle est également en droit d'obtenir indemnisation du préjudice en résultant qui, compte tenu du coût des menuiseries litigieuses fabriquées sur mesures, facturé le 27 novembre 2014 par RD Productions pour un montant de 2 428,88 euros TTC et acquitté, de la valeur très résiduelle de ces menuiseries restant sa propriété et pouvant, au mieux, être bradées au profit de tiers, du manque à gagner sur le bénéfice escompté de la vente résolue et des frais de pose qu'elle n'a pas eu à assumer, a été justement évalué par le premier juge à la somme globale de 3 000 euros, payable à concurrence de 1 500 euros par conservation de l'acompte de ce montant versé par M. Michel M..

En revanche, en l'absence de caractérisation d'un comportement abusif et déloyal de ce dernier autre que celui sanctionné par la résolution du contrat, comme de preuve d'un préjudice distinct, elle ne saurait prétendre à l'allocation de dommages et intérêts complémentaires et sa demande à ce titre a, à bon droit, été rejetée.

Le jugement dont appel sera donc intégralement confirmé.

Sur les frais et dépens

Partie perdante, l'appelant supportera, en sus des frais et dépens de première instance déjà mis à sa charge, les entiers dépens d'appel, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée en application de l'article 700 1° du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne M. Michel M. aux entiers dépens d'appel, à recouvrer directement par Me Mélanie LE N.-R., avocate, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. Le Condamne à payer à la SARL DM Menuiseries la somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article 700 1° du Code de procédure civile.