TUE, 3eme ch., 9 octobre 2018, n° T-884/16
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Multiconnect GmbH
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frimodt Nielsen
Juges :
MM. Forrester (rapporteur), Perillo
Avocats :
Mes Schultze, Pautke, Ehlenz
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
Antécédents du litige
1 Par décision C(2014) 4443 final, du 2 juillet 2014, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l'accord EEE (affaire M.7018 Telefónica Deutschland/E-Plus), la Commission européenne a déclaré l'acquisition (ci-après la " concentration ") d'E-Plus Mobilfunk GmbH & Co. KG (ci-après " E-Plus ") par Telefónica Deutschland Holding AG (ci-après " Telefónica Deutschland ") compatible avec le marché intérieur et avec l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), sous réserve du respect par Telefónica Deutschland de certains engagements définitifs tels qu'ils sont annexés à ladite décision (ci-après les " engagements définitifs "). Les engagements définitifs se composent de trois volets : un volet dit " opérateur de réseau mobile " (ci-après le " volet ORM "), un volet dit " opérateur de réseau mobile virtuel - accès au réseau mobile haut débit " (ci-après le " volet ORMV MBA ") et un volet dit " opérateur ne disposant pas de son propre réseau " (ci-après le " volet non-ORM ").
2 En vertu du volet non-ORM, Telefónica Deutschland s'engage notamment à ce qui suit (points 79 et 80 des engagements définitifs) :
" b) accès 4G pour tous les ORMV/prestataires de services
S'agissant de l'accès à la 4G, [Telefónica Deutschland] s'engage à accorder, [...] mois après le dernier Lancement Technique du ou des [acquéreurs du volet ORMV MBA], à tous les ORMV/prestataires de services un accès de gros à son réseau 4G sur la base d'un contrat ORMV/prestataire de services.
L'accès au réseau 4G (ainsi qu'au réseau 2G et 3G) en vertu desdits contrats ORMV/prestataires de services sera fourni au moins jusque fin [...] (ou toute autre date antérieure à laquelle [Telefónica Deutschland] cesserait d'offrir des produits 4G à ses propres clients). [Telefónica Deutschland] offrira aux prestataires de services/ORMV les meilleurs prix par rapport aux conditions de référence pour des produits, volumes et modèles commerciaux/opérationnels comparables que [Telefónica Deutschland] offre à d'autres prestataires de services/ORMV (à l'exclusion des [acquéreurs du volet ORMV MBA]). "
3 Un résumé de la décision C(2014) 4443 final a été publié le 13 mars 2015 au Journal officiel de l'Union européenne (JO 2015, C 86, p. 10) et une version non confidentielle de ladite décision a été publiée le 15 décembre 2015 sur le site Internet de la Commission.
4 Le 31 décembre 2015, la requérante, Multiconnect GmbH, a demandé un accès aux services 4G de Telefónica Deutschland.
5 Par courriel du 5 février 2016, Telefónica Deutschland a soumis une première offre à la requérante. Il ne s'agissait cependant que d'une offre de prix de détail minoré, selon le modèle dit de " Retail Minus ", s'adressant à des prestataires de services.
6 Le 3 mars 2016 a eu lieu une réunion entre Telefónica Deutschland et la requérante au cours de laquelle la requérante a exigé une offre destinée aux ORMV à part entière au lieu d'une offre destinée aux prestataires de services.
7 À la suite de cette réunion, Telefónica Deutschland n'a cependant proposé à la requérante qu'une offre destinée aux prestataires de services ne lui permettant pas de mettre en œuvre un modèle d'entreprise ORMV.
8 Le 14 avril 2016, la requérante a envoyé un courriel à la Commission et au Monitoring Trustee chargé de contrôler la mise en œuvre des engagements définitifs (points 87 et suivants des engagements définitifs, ci-après le " Monitoring Trustee "). Dans ce courriel, la requérante déclarait vouloir attirer l'attention de la Commission et du Monitoring Trustee sur l'attitude de Telefónica Deutschland et " déposer formellement plainte " à la suite du refus de cette dernière de lui faire une offre pour un accès ORMV à son réseau. La requérante indiquait ainsi notamment que Telefónica Deutschland se limitait à offrir des produits avec un prix de détail minoré ainsi qu'un modèle de fourniture de gros dans lequel la requérante devait se fournir en cartes SIM auprès de Telefónica Deutschland à un prix exorbitant et n'était pas libre dans la conception de ses produits. La requérante concluait son courriel en demandant conseil à la Commission.
9 Le 21 juin 2016, la requérante a envoyé par courriel des observations supplémentaires à la Commission.
10 Le 11 octobre 2016, M. Z., un membre de l'équipe de la direction générale de la concurrence de la Commission chargée de l'affaire, a envoyé un courriel à la requérante en réponse à son courriel du 14 avril 2016. Ce courriel était rédigé comme suit :
" [...] Nous sommes actuellement toujours en discussion avec le Monitoring Trustee et en interne à propos des caractéristiques techniques que vous avez demandées. Nous devrions être en mesure de vous fournir une réponse à propos des problèmes que vous avez mentionnés dans votre courriel sous peu.
Veuillez noter que, dans la mesure où, selon notre interprétation des engagements définitifs, Telefónica [Deutschland] n'est pas tenue de soumettre une offre ORMV à part entière, toute offre ORMV à part entière qui serait faite par Telefónica [Deutschland] à Mass Response [sic] ou à toute autre partie le serait en dehors du champ d'application des engagements définitifs. "
11 Le 29 octobre 2016, M. Z. a envoyé un second courriel à la requérante en réponse aux demandes de celle-ci. Ce courriel indiquait notamment ce qui suit :
" À ce stade, notre avis préliminaire, confirmé par le Monitoring Trustee, consiste à dire que l'aptitude à émettre ses propres cartes SIM et à contrôler son trafic peut, en principe, relever des points 79 et 80 des [engagements définitifs], dans la mesure où ces caractéristiques techniques peuvent être obtenues sans qu'il soit requis que le prestataire de services/ORMV dispose de son propre réseau. Toutefois, dès lors qu'il semble qu'à l'heure actuelle aucun des contrats de référence ne prévoit de telles fonctionnalités, Telefónica [Deutschland] n'est pas tenue à l'heure actuelle d'inclure l'aptitude à utiliser ses propres cartes SIM ou à contrôler son trafic dans les conditions contractuelles de référence qui forment la base de négociations de bonne foi.
[...]
Veuillez noter que ce courriel ne constitue pas une décision de la Commission. Il reflète l'opinion des services en charge du contrôle des concentrations au sein de la direction générale de la concurrence sur la base des informations que vous avez fournies et ne peut lier la Commission elle-même. "
12 Le présent recours est dirigé contre les prétendues décisions de la Commission qui seraient contenues dans les courriels des 11 et 29 octobre 2016, dont référence est faite aux points 10 et 11 ci-dessus (ci-après les " courriels des 11 et 29 octobre 2016 ").
Procédure et conclusions des parties
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.
14 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2017, Telefónica Deutschland a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.
15 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2017, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur celle-ci dans les délais impartis.
16 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2017, Drillisch AG, établie à Maintal (Allemagne), a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.
17 Par décision du 28 septembre 2017, le Tribunal a décidé d'ouvrir la phase orale de la procédure en vertu de l'article 130, paragraphe 6, du règlement de procédure.
18 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler les décisions de la Commission contenues dans les courriels des 11 et 29 octobre 2016 en ce qu'elles concluent que le volet non-ORM est limité aux seuls prestataires de services ;
- à titre subsidiaire, annuler la décision C(2014) 4443 final ;
- condamner la Commission aux dépens.
19 Dans son exception d'irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme irrecevable ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
20 Par son exception d'irrecevabilité, la Commission conteste la recevabilité du recours dans son intégralité.
Sur le premier chef de conclusions, tendant à l'annulation des courriels des 11 et 29 octobre 2016
21 S'agissant du premier chef de conclusions, dans son exception d'irrecevabilité, la Commission soutient que les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne constituent pas des actes attaquables, car ils ne produisent pas d'effets juridiques obligatoires. À l'appui de sa thèse, la Commission invoque notamment l'arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine (C 351/15 P, EU:C:2017:27, points 35 à 37). Elle fait valoir que lesdits courriels ne font que confirmer la décision C(2014) 4443 final et les engagements définitifs, qui seraient les seules sources de droits et obligations de la requérante et de Telefónica Deutschland. En particulier, ces courriels ne pourraient pas constituer des décisions par lesquelles la Commission aurait modifié la décision C(2014) 4443 final ou les engagements définitifs dans la mesure où, notamment, ils ne seraient pas adressés à Telefónica Deutschland. De plus, le contenu des courriels en question confirmerait qu'ils ne constituent pas des actes attaquables.
22 La requérante conteste cette argumentation. Elle soutient que les courriels des 11 et 29 octobre 2016 constituent des actes susceptibles de recours, au sens de l'article 263, paragraphe 4, TFUE, car ils produisent des effets juridiques à son égard. Lesdits courriels ne se borneraient pas à répéter le contenu de la décision C(2014) 4443 final et des engagements définitifs. Selon la requérante, ils les interpréteraient en sens contraire, en niant l'obligation qu'aurait Telefónica Deutschland, dans le cadre de son engagement à fournir un accès 4G en vertu du volet non-ORM, de permettre à un ORMV d'utiliser son propre réseau central et d'émettre ses propres cartes SIM. À cet égard, l'interprétation du concept d'ORMV contenue dans la décision C(2014) 4443 final devrait primer sur la définition du concept d'" ORMV/prestataires de services " insérée dans les engagements définitifs.
23 La requérante conteste également que les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne soient qu'une interprétation informelle des engagements définitifs. Selon elle, la Commission aurait fixé définitivement sa position et aurait directement appliqué son interprétation des engagements définitifs envers Telefónica Deutschland. Or, il aurait déjà été jugé qu'un recours en annulation visant une telle application à un cas concret était recevable (ordonnance du 2 septembre 2009, E.ON Ruhrgas et E.ON Földgáz Trade/Commission, T 57/07, non publiée, EU:T:2009:297, point 31). À l'appui de sa thèse, la requérante invoque également le droit à une protection juridictionnelle effective.
24 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'il découle d'une jurisprudence bien établie concernant la recevabilité des recours en annulation que, pour déterminer si un acte est susceptible de faire l'objet d'un tel recours, il convient de s'attacher à la substance même de cet acte, la forme dans laquelle il a été pris étant, en principe, indifférente à cet égard (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C 521/06 P, EU:C:2008:422, points 42 et 43, et du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C 351/15 P, EU:C:2017:27, point 35).
25 Il résulte également d'une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation que les mesures qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C 521/06 P, EU:C:2008:422, point 29, et du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C 351/15 P, EU:C:2017:27, point 36).
26 Ainsi, le recours en annulation n'est, en principe, ouvert qu'à l'encontre d'une mesure par laquelle l'institution concernée fixe, au terme d'une procédure administrative, définitivement sa position. En revanche, des actes intermédiaires, dont l'objectif est de préparer la décision finale, ainsi que des actes confirmatifs ou bien de pure exécution ne sauraient être qualifiés d'attaquables, en ce qu'ils ne visent pas à produire des effets juridiques obligatoires autonomes par rapport à ceux de l'acte de l'institution de l'Union européenne qui est préparé, confirmé ou exécuté (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C 131/03 P, EU:C:2006:541, point 55 ; du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord, C 516/06 P, EU:C:2007:763, point 29, et du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C 351/15 P, EU:C:2017:27, point 37).
27 En l'espèce, il y a dès lors lieu de déterminer si, par les courriels des 11 et 29 octobre 2016, la Commission a adopté des actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l'article 263 TFUE.
28 À cet égard, il convient tout d'abord de constater que, par les courriels des 11 et 29 octobre 2016, dont le contenu a été rappelé aux points 10 et 11 ci-dessus, la Commission a, en substance, d'une part, interprété les engagements définitifs et, d'autre part, conclu qu'il n'y avait pas lieu de prendre de mesures envers Telefónica Deutschland.
29 En premier lieu, dans la mesure où les courriels des 11 et 29 octobre 2016 interprètent les engagements définitifs comme n'obligeant pas Telefónica Deutschland à faire une offre ORMV à part entière, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une manifestation d'opinion écrite ou une simple déclaration d'intention ne saurait constituer une décision de nature à faire l'objet d'un recours en annulation, dès lors qu'elle n'est pas susceptible de produire des effets juridiques ou qu'elle ne vise pas à produire de tels effets (ordonnances du 2 septembre 2009, E.ON Ruhrgas et E.ON Földgáz Trade/Commission, T 57/07, non publiée, EU:T:2009:297, point 31 ; du 12 février 2010, Commission/CdT, T 456/07, EU:T:2010:39, point 55, et arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 96).
30 Certes, si l'interprétation d'une disposition juridique proposée par la Commission ne constitue pas un acte attaquable, il est exact, comme le soutient la requérante, que son application à une situation donnée peut, en principe, produire des effets juridiques (voir ordonnance du 2 septembre 2009, E.ON Ruhrgas et E.ON Földgáz Trade/Commission, T 57/07, non publiée, EU:T:2009:297, point 31 et jurisprudence citée).
31 Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il convient de constater qu'en l'espèce, les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne font que confirmer les engagements définitifs sans modifier la situation juridique de la requérante. Même si les courriels des 11 et 29 octobre 2016 prennent en compte des éléments factuels apparus postérieurement à l'adoption de la décision C(2014) 4443 final, à savoir l'offre de prix de détail minoré faite par Telefónica Deutschland à la requérante en tant que prestataire de services, lesdits courriels se bornent, en substance, à réitérer le contenu des engagements définitifs sans contenir d'élément nouveau de fait ou de droit par rapport à ceux-ci (voir, en ce sens, ordonnances du 7 décembre 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C 521/03 P, non publiée, EU:C:2004:778, point 47, et du 17 février 2011, RapidEye/Commission, T 330/09, non publiée, EU:T:2011:48, points 28 et 29 et jurisprudence citée). En effet, les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne sont pas susceptibles de modifier de façon substantielle la situation juridique de la requérante, dans la mesure où seuls les engagements définitifs règlent les droits et les obligations de Telefónica Deutschland et des opérateurs non-ORM souhaitant bénéficier du volet non-ORM des engagements définitifs (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T 186/98, EU:T:2001:42, point 51).
32 Les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne constituent pas non plus un réexamen des obligations de Telefónica Deutschland à la lumière de faits nouveaux et substantiels, mais une simple réitération de celles-ci, telles qu'elles sont stipulées dans les engagements définitifs et rendues obligatoires par la décision C(2014) 4443 final après un examen de la Commission. Partant, les courriels des 11 et 29 octobre 2016 sont des actes purement confirmatifs. Il convient donc de distinguer la présente affaire de celles dans lesquelles l'acte attaqué avait été jugé ne pas être purement confirmatif d'une décision antérieure en raison de la circonstance qu'il avait été adopté sur la base d'éléments de fait et de droit différents de ceux précédemment examinés et sur la base de motifs différents de ceux ayant fondé la décision antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 107).
33 Il en est d'autant plus ainsi que Telefónica Deutschland n'est pas destinataire des courriels des 11 et 29 octobre 2016 et que ceux-ci n'ont pas été adoptés en vertu de l'article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1). Lesdits courriels ne peuvent donc pas être de nature à modifier de quelque façon que ce soit les obligations de Telefónica Deutschland telles qu'elles ressortent des engagements définitifs ni, par conséquent, la situation juridique de tiers, tels que la requérante, en général ou à l'égard de Telefónica Deutschland.
34 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que Telefónica Deutschland puisse chercher à utiliser les courriels des 11 et 29 octobre 2016 pour faire valoir qu'elle n'est pas tenue de faire d'offre ORMV à part entière en vertu des engagements définitifs, ne modifie en rien leur nature (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2005, Italie/Commission, C 301/03, EU:C:2005:727, point 30 et jurisprudence citée, et ordonnance du 2 septembre 2009, E.ON Ruhrgas et E.ON Földgáz Trade/Commission, T 57/07, non publiée, EU:T:2009:297, point 49). En effet, comme cela a été exposé aux points 31 à 33 ci-dessus, les courriels des 11 et 29 octobre 2016 se limitent à réitérer le contenu des engagements définitifs sans être destinés à produire d'effets juridiques propres. L'interprétation des engagements définitifs donnée par la Commission dans lesdits courriels n'ajoute rien aux droits et aux obligations qui en découlent et ne lie aucunement une juridiction nationale qui serait amenée à trancher un différend entre les parties à ce sujet.
35 Il s'ensuit que les courriels des 11 et 29 octobre 2016, en ce qu'ils interprètent la portée des engagements définitifs, ne constituent pas des décisions susceptibles de recours, mais de simples déclarations juridiquement non obligatoires que la Commission est autorisée à faire dans le cadre de la surveillance a posteriori de la mise en œuvre correcte de ses décisions en matière de contrôle des concentrations (voir, par analogie, ordonnance du 17 février 2011, RapidEye/Commission, T 330/09, non publiée, EU:T:2011:48, point 44).
36 En second lieu, dans la mesure où les courriels des 11 et 29 octobre 2016 considèrent qu'il n'y a pas lieu de prendre de quelconques mesures envers Telefónica Deutschland en réponse aux demandes en ce sens de la requérante, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ne suffit pas qu'une lettre ait été envoyée par une institution de l'Union à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu'une telle lettre puisse être qualifiée d'acte au sens de l'article 263 TFUE ouvrant ainsi la voie du recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission, T 83/92, EU:T:1993:93, point 30 et jurisprudence citée).
37 En l'espèce, force est de constater que la requérante ne dispose d'aucun droit individuel d'obliger la Commission à adopter une décision par laquelle elle constaterait que Telefónica Deutschland aurait violé les engagements définitifs et prendrait des mesures pour rétablir les conditions d'une concurrence effective en vertu de l'article 8, paragraphes 4 ou 5, du règlement no 139/2004, et ce quand bien même les conditions qui justifieraient une telle décision seraient remplies (voir, en ce sens, ordonnances du 27 janvier 2015, UNIC/Commission, T 338/14, non publiée, EU:T:2015:59, point 29, et du 24 novembre 2015, Delta Group agroalimentare/Commission, T 163/15, non publiée, EU:T:2015:911, points 29 et 39). Les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne sauraient donc constituer des décisions susceptibles de produire des effets juridiques à l'égard de la requérante, de nature à modifier sa situation juridique.
38 Il convient en effet de constater que ni le règlement no 139/2004, ni le règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1) ne prévoient de procédure par laquelle des tiers à une concentration seraient habilités à déposer une plainte formelle auprès de la Commission à l'encontre des parties à ladite concentration pour violation des conditions assortissant la décision déclarant ladite concentration compatible avec le marché intérieur, même lorsque ces tiers sont potentiellement bénéficiaires de ces conditions. Même s'il s'agissait d'une lacune en matière de contrôle des concentrations, il reviendrait, le cas échéant, au législateur et non au juge de l'Union de la combler.
39 Par voie de conséquence, contrairement à ce qui est prévu à l'article 7 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18) et à l'article 12 du règlement (UE) no 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d'application de l'article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), il convient de constater qu'il n'existe aucune obligation à la charge de la Commission de répondre aux éventuelles plaintes qui seraient déposées pour non-respect des décisions en matière de contrôle des concentrations par une décision susceptible de recours en annulation. La jurisprudence relative au rejet de plainte en matière d'aide d'État est donc dénuée de pertinence pour la présente affaire.
40 Dès lors, les courriels des 11 et 29 octobre 2016, par lesquels la Commission informe la requérante, en substance, qu'elle ne prendra aucune mesure à l'encontre de Telefónica Deutschland, ne produisent pas d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante (voir, en ce sens, ordonnances du 27 janvier 2015, UNIC/Commission, T 338/14, non publiée, EU:T:2015:59, point 29, et du 24 novembre 2015, Delta Group agroalimentare/Commission, T 163/15, non publiée, EU:T:2015:911, points 29 et 39).
41 Par ailleurs, force est de constater que, dès lors que les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne constituent pas des décisions (voir point 35 ci-dessus) et ne produisent pas d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante (voir point 40 ci-dessus), les arguments de la requérante cherchant à établir qu'elle était directement et individuellement affectée par lesdits courriels sont inopérants (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2005, Commission/max.mobil, C 141/02 P, EU:C:2005:98, point 70, et ordonnance du 23 septembre 2011, Vivendi/Commission, T 567/10, non publiée, EU:T:2011:528, points 16 et 25 et jurisprudence citée).
42 De plus, il convient également de rappeler que le contexte dans lequel les actes attaqués s'inscrivent ainsi que l'intention de leur auteur, bien que n'étant pas déterminants, peuvent néanmoins être pris en compte pour déterminer leur aptitude à produire des effets de droit (voir, en ce sens, ordonnance du 27 octobre 2015, Belgique/Commission, T 721/14, EU:T:2015:829, point 18).
43 À cet égard, premièrement, s'agissant du libellé des courriels des 11 et 29 octobre 2016 et de l'intention de leur auteur, force est de constater que le courriel du 11 octobre 2016 indique expressément : " Nous sommes actuellement toujours en discussion avec le Monitoring Trustee et en interne à propos des caractéristiques techniques que vous avez demandées. Nous devrions être en mesure de vous fournir une réponse à propos des problèmes que vous avez mentionnés dans votre courriel sous peu. " Il ressort donc clairement du libellé même de ce courriel qu'il ne s'agissait pas d'un acte par lequel la Commission " fixe définitivement sa position " au sens de la jurisprudence (voir arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C 351/15 P, EU:C:2017:27, point 37 et jurisprudence citée).
44 Quant au courriel du 29 octobre 2016, force est de constater qu'il indiquait expressément qu'il ne s'agissait que d'un avis préliminaire, que la Commission enquêtait toujours sur les conditions commerciales que Telefónica Deutschland devait offrir en vertu des engagements définitifs et que ce courriel " ne constitu[ait] pas une décision de la Commission [et] reflétait l'opinion des services en charge du contrôle des concentrations au sein de la direction générale de la concurrence ". Il ressort donc clairement du libellé même de ce courriel qu'il ne visait pas à produire des effets de droit quelconques (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 1980, Sucrimex et Westzucker/Commission, 133/79, EU:C:1980:104, point 17). Or, si la Commission ne saurait soustraire un acte décisionnel au contrôle du juge de l'Union par l'insertion d'une phrase de ce type, l'existence de cette phrase vient renforcer la conclusion à laquelle le Tribunal est arrivé à la suite de l'examen de la substance des courriels des 11 et 29 octobre 2016.
45 Deuxièmement, s'agissant du contexte des courriels des 11 et 29 octobre 2016, il convient de rappeler que, lorsqu'un acte de la Commission revêt un caractère négatif, il doit être apprécié en fonction de la nature de la demande à laquelle il constitue une réponse (arrêts du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C 15/91 et C 108/91, EU:C:1992:454, point 22, et du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission, T 83/92, EU:T:1993:93, point 31).
46 Or, force est de constater que la requérante a conclu son dernier courriel en se plaignant de l'attitude de Telefónica Deutschland et en demandant à la Commission d'intervenir, en date du 14 avril 2016, par les termes " veuillez nous donner votre avis " (" please advise " dans l'original). Il ressort donc de la demande même de la requérante, à laquelle les courriels des 11 et 29 octobre 2016 répondent, que celle-ci ne pouvait s'attendre à ce que la réponse de la Commission constitue un acte décisionnel modifiant sa situation juridique et susceptible de recours au sens de l'article 263 TFUE.
47 Il s'ensuit que le libellé, le contexte et l'intention de l'auteur des courriels des 11 et 29 octobre 2016 confirment que ces courriels ne constituent pas des actes susceptibles de recours au sens de l'article 263 TFUE.
48 La conclusion formulée aux points 35, 40 et 47 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l'affirmation de la requérante selon laquelle le rejet du premier chef de conclusions pour irrecevabilité serait de nature à violer son droit à une protection juridictionnelle effective.
49 À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que les particuliers doivent pouvoir bénéficier d'une protection juridictionnelle effective des droits qu'ils tirent de l'ordre juridique de l'Union. Le droit à une protection juridictionnelle effective a été formellement consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui dispose que " [t]oute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article ".
50 De plus, aux termes de l'article 19 TUE, " les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union ".
51 Par conséquent, le traité FUE, par son article 263, d'une part, et par son article 267, d'autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge de l'Union. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l'article 263 TFUE, attaquer directement des actes de l'Union, ont la possibilité de faire valoir l'invalidité de tels actes devant les juridictions nationales et d'amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l'invalidité de ces actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles.
52 Deuxièmement, il convient de rappeler que le contrôle des concentrations a pour objet de fournir aux entreprises concernées l'autorisation nécessaire et préalable à la réalisation de toute opération de concentration de dimension européenne. Dans le cadre de ce contrôle, ces entreprises peuvent proposer des engagements à la Commission afin d'obtenir une décision constatant la compatibilité de leur opération avec le marché intérieur (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 448).
53 Selon l'état d'avancement de la procédure administrative, les engagements proposés doivent permettre à la Commission soit de considérer que l'opération notifiée ne soulève plus de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur au stade de l'enquête préliminaire (article 6, paragraphe 2, du règlement no 139/2004), soit de répondre aux objections retenues dans le cadre de l'enquête approfondie (article 18, paragraphe 3, lu conjointement avec l'article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004). Ces engagements permettent donc, tout d'abord, d'éviter l'ouverture d'une phase d'enquête approfondie ou, par la suite, d'éviter l'adoption d'une décision déclarant l'incompatibilité de l'opération avec le marché intérieur (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 449).
54 L'article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 permet, en effet, à la Commission d'assortir une décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur, en application du critère défini à l'article 2, paragraphe 2, dudit règlement, de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché intérieur (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 450).
55 Il résulte donc des termes mêmes de l'article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 que la Commission peut, par voie de décision, rendre obligatoires des engagements offerts par les entreprises concernées, lorsqu'ils sont de nature à rendre l'opération notifiée compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 452).
56 Ce faisant, en rendant obligatoire un comportement donné d'un opérateur envers des tiers, une décision adoptée au titre de l'article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 peut comporter indirectement des effets juridiques erga omnesque l'entreprise concernée n'aurait pas été en mesure à elle seule de créer.
57 En l'espèce, il convient de constater que, en vertu des engagements définitifs, Telefónica Deutschland s'est engagée, de manière juridiquement contraignante, à accorder à tous les ORMV ou prestataires de services un accès de gros à son réseau 4G sur la base d'un contrat ORMV ou prestataire de services et qu'elle est tenue de publier une offre de principe visant à conclure un accord de fourniture d'accès de gros à son réseau 4G (points 79 et 84, deuxième tiret, des engagements définitifs). Dans ces circonstances, les engagements définitifs ont indirectement créé des effets juridiques au bénéfice des tiers visés par les dispositions du volet non-ORM, dont le respect est soumis au contrôle des juridictions nationales compétentes, sans préjudice des prérogatives reconnues à la Commission, en la matière, par le droit de l'Union. Par conséquent, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de constater une violation des engagements définitifs et de prendre les mesures qu'elle juge appropriées par le biais d'une décision adoptée en vertu de l'article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement no 139/2004, il est tout à fait loisible aux tiers visés par les dispositions du volet non-ORM, dont la requérante peut faire partie, de s'en prévaloir devant les juridictions nationales compétentes. Il appartiendra ensuite à ces dernières de trancher de tels litiges relatifs à la mise en œuvre des engagements définitifs. Dans ce contexte, toute opinion exprimée par la Commission quant à l'interprétation à donner aux engagements définitifs ne constitue qu'une interprétation possible qui n'a, contrairement aux décisions prises en vertu de l'article 288 TFUE, qu'une valeur de persuasion et qui ne lie pas les juridictions nationales compétentes. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 267 TFUE, ces juridictions peuvent ou doivent poser une question préjudicielle à la Cour quant à la validité ou à l'interprétation des engagements définitifs ou de la décision C(2014) 4443 final.
58 À la lumière de tout ce qui précède, il convient de conclure que les courriels des 11 et 29 octobre 2016 ne constituent pas des actes décisionnels susceptibles de recours en annulation en vertu de l'article 263 TFUE. Par conséquent, le premier chef de conclusions de la requérante doit être rejeté comme étant irrecevable.
Sur le second chef de conclusions, à titre subsidiaire, tendant à l'annulation de la décision C(2014) 4443 final
59 S'agissant du second chef de conclusions, présenté à titre subsidiaire par la requérante, dans son exception d'irrecevabilité, la Commission soutient que le recours aurait été déposé hors délai. À l'appui de sa thèse, elle rappelle qu'en vertu de l'article 263, paragraphe 6, TFUE tout recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois. En l'espèce, le délai courait à compter de la publication de l'acte, étant donné que la requérante n'est pas destinataire de la décision C(2014) 4443 final. À cet égard, la Commission souligne qu'un résumé a été publié le 13 mars 2015 et que la version intégrale non confidentielle a été publiée sur le site Internet de la Commission le 15 décembre 2015. Or, il incomberait à la requérante de consulter régulièrement le site Internet de la Commission. Par conséquent, le présent recours aurait été déposé hors délai.
60 La Commission réfute également l'existence de toute erreur excusable de la requérante dans la mesure où cette dernière disposait de tous les éléments nécessaires pour introduire son recours dès la publication de la version intégrale non confidentielle le 15 décembre 2015. Au surplus, il n'existerait aucune différence de fond entre les courriels des 11 et 29 octobre 2016 et la décision C(2014) 4443 final ou les engagements définitifs.
61 La requérante conteste cette argumentation. En particulier, elle soutient que le délai de recours fixé à l'article 263, paragraphe 6, TFUE n'a pas commencé à courir dans la mesure où la décision C(2014) 4443 final n'a pas été publiée intégralement au Journal officiel. En effet, le résumé de ladite décision publié au Journal officiel n'en aurait pas reproduit l'essentiel et la mise en ligne de la version non confidentielle de ladite décision n'aurait fait l'objet d'aucune publicité.
62 De plus, même si le Tribunal devait considérer que le délai de recours a commencé à courir le jour de la mise en ligne de la version non confidentielle de la décision C(2014) 4443 final, la requérante soutient que son recours n'est pas tardif en raison d'une erreur excusable au sens de l'arrêt du 15 mars 1995, COBRECAF e.a./Commission (T 514/93, EU:T:1995:49, point 40). En effet, elle n'aurait pu réaliser le contenu effectif de ladite décision qu'à la réception des courriels des 11 et 29 octobre 2016. Selon la requérante, la Commission elle-même n'aurait pas été certaine du contenu de l'engagement non-ORM et de ses conséquences avant d'envoyer lesdits courriels. La requérante fait donc valoir que déclarer le présent recours irrecevable la priverait de toute possibilité de recours, en violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.
63 À cet égard, il convient tout d'abord de rappeler que, selon l'article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.
64 Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, s'agissant d'un acte dont le requérant n'est pas destinataire, la date pertinente pour faire courir le délai de recours visé à l'article 263 TFUE est celle de la publication de l'acte en question (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T 48/04, EU:T:2009:212, points 47 et 48). Il s'agit là d'une règle d'ordre public.
65 De plus, selon une jurisprudence bien établie, le fait, pour la Commission, de donner aux tiers un accès intégral au texte d'une décision placée sur son site Internet, combiné à la publication d'une communication succincte au Journal officiel avisant de cette possibilité d'accès par Internet, doit être considéré comme une publication au sens de l'article 263 TFUE (ordonnance du 19 septembre 2005, Air Bourbon/Commission, T 321/04, EU:T:2005:328, point 34 ; voir également, en ce sens, arrêts du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T 17/02, EU:T:2005:218, point 80, et du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T 48/04, EU:T:2009:212, point 53).
66 En l'espèce, il convient de constater que la décision C(2014) 4443 final a fait l'objet de la publication d'un résumé au Journal officiel le 13 mars 2015 (JO 2015, C 86, p. 10). Ledit résumé comportait une mention renvoyant à une publication intégrale sur le site Internet de la Commission dans les termes suivants : " Une version non confidentielle du texte intégral de la décision dans la langue de procédure faisant foi se trouve sur le site internet de la direction générale de la concurrence, à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/comm/competition/index_en.html ".
67 Il n'est pas non plus contesté par les parties qu'une version non confidentielle du texte intégral de la décision C(2014) 4443 final a bien été publiée le 15 décembre 2015 sur le site Internet de la Commission.
68 Par conséquent, il convient de conclure que le délai de recours dont dispose la requérante a commencé à courir à compter de la publication de la version non confidentielle du texte intégral de la décision C(2014) 4443 final sur le site Internet de la Commission, à savoir le 15 décembre 2015. Or, la requête ayant été déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2016, soit près d'un an après ladite publication, elle est manifestement tardive.
69 Les autres arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.
70 Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que la publication du résumé de la décision C(2014) 4443 final dans le Journal officielet la publication de la version non confidentielle du texte intégral de ladite décision sur le site Internet de la Commission n'ont pas été simultanées est dénué de toute pertinence. En tout état de cause, la publication de la version non confidentielle du texte intégral de la décision C(2014) 4443 final sur le site Internet de la Commission a fait courir le délai de recours prévu à l'article 263 TFUE en vertu de la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus.
71 Deuxièmement, la requérante ne démontre aucunement l'existence d'une quelconque erreur excusable de sa part.
72 À cet égard, il convient de rappeler que, s'agissant des délais de recours, qui, selon une jurisprudence constante, ne sont à la disposition ni du juge ni des parties et présentent un caractère d'ordre public, la notion d'erreur excusable doit être interprétée de façon restrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles (arrêt du 15 mars 1995, COBRECAF e.a./Commission, T 514/93, EU:T:1995:49, point 40 ; ordonnances du 13 janvier 2009, SGAE/Commission, T 456/08, non publiée, EU:T:2009:1, points 17 et 18, et du 1er avril 2011, Doherty/Commission, T 468/10, EU:T:2011:133, points 27 et 28).
73 En l'espèce, la requérante n'a pas établi l'existence d'une quelconque erreur excusable au sens de la jurisprudence rappelée au point 72 ci-dessus.
74 S'agissant de la première prétendue erreur excusable, tirée de l'absence de nouvelle communication au Journal officielavertissant les tiers de la mise en ligne de la version non confidentielle du texte intégral de la décision C(2014) 4443 final, force est de constater que la Commission n'est aucunement tenue de publier une telle communication. Il appartenait à la requérante de faire preuve de diligence et de consulter régulièrement le site Internet de la Commission pour vérifier si et quand la version non confidentielle du texte intégral de la décision C(2014) 4443 final était disponible.
75 S'agissant de la deuxième prétendue erreur excusable, tirée d'une différence présumée de contenu entre le résumé et le texte intégral de la décision C(2014) 4443 final, force est de constater que les arguments de la requérante sont inopérants, puisque la requérante était en mesure de repérer les prétendues différences en question dès la publication de la version non confidentielle du texte intégral de la décision C(2014) 4443 final sur le site Internet de la Commission.
76 S'agissant de la troisième prétendue erreur excusable, tirée de la différence présumée de contenu entre la décision C(2014) 4443 final et les courriels des 11 et 29 octobre 2016, la requérante soutient, en substance, que seuls les courriels des 11 et 29 octobre 2016 permettaient de révéler la portée véritable du volet non-ORM des engagements définitifs et, donc, leur caractère inadéquat pour résoudre les problèmes de concurrence identifiés dans la décision C(2014) 4443 final. Selon la requérante, la décision C(2014) 4443 final et les engagements définitifs créaient en elle une attente légitime de pouvoir bénéficier d'une offre d'accès " ORMV à part entière " au réseau 4G de Telefónica Deutschland. Ce ne serait qu'après réception des courriels des 11 et 29 octobre 2016 que la requérante se serait rendue compte que Telefónica Deutschland n'était pas tenue de faire une telle offre. Par conséquent, la requérante soutient que seuls les courriels des 11 et 29 octobre 2016 peuvent constituer le point de départ pour introduire un recours en annulation à l'encontre de la décision C(2014) 4443 final.
77 Cette argumentation doit être rejetée. Un différend avec la Commission quant à l'interprétation de la portée des engagements définitifs rendus obligatoires par une décision autorisant une concentration ne constitue pas une erreur excusable et n'est donc pas de nature à rouvrir la possibilité pour un tiers, tel que la requérante, d'introduire une demande tendant à l'annulation de ladite décision au-delà du délai de deux mois à compter de la publication de la décision en question. En conclure autrement risquerait de porter atteinte à l'exigence de sécurité juridique, qui se traduit par l'acquisition par les décisions de la Commission d'un caractère définitif lorsqu'elles ne sont pas attaquées dans le délai de recours et qui a pour conséquence que le délai de recours constitue une limitation inhérente au droit d'accès au juge (arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C 122/16 P, EU:C:2017:861, point 84 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C 469/11 P, EU:C:2012:705, point 50 et jurisprudence citée).
78 À la lumière de tout ce qui précède, le second chef de conclusions de la requête doit être déclaré irrecevable et, partant, le recours dans son intégralité.
Sur les demandes d'intervention
79 En application de l'article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, il n'y a plus lieu de statuer, le recours étant irrecevable, sur les demandes d'intervention introduites respectivement par Telefónica Deutschland et par Drillisch.
Sur les dépens
80 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a donc lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.
81 Par ailleurs, en application de l'article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, Telefónica Deutschland et Drillisch supporteront leurs propres dépens afférents à leurs demandes d'intervention.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'intervention introduites par Telefónica Deutschland Holding AG et par Drillisch AG.
3) Multiconnect GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission européenne.
4) Telefónica Deutschland Holding supportera ses propres dépens afférents à la demande d'intervention.
5) Drillisch supportera ses propres dépens afférents à la demande d'intervention.