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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 2 octobre 2018, n° 16-00481

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Palacio Loisirs (SARL)

Défendeur :

Louisiane (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Jeorger-Le Gac

T. com. Saint-Brieuc, du 14 sept. 2015

14 septembre 2015

La SAS Louisiane, située dans les Côtes d'Armor, fabrique et commercialise des résidences mobiles, et entre le 17 juin 2009 et le 8 décembre 2011 en a vendu 13 dont 8 modèles "Pacifique" à la société Palacio Loisirs, elle-même située dans les Pyrénnées Atlantiques.

La société Palacio Loisirs destine ces résidences mobiles, soit à la location, soit à la vente.

Par courrier recommandé du 24 mai 2010, la société Palacio Loisirs a formé des réclamations sur la qualité des résidences livrées en avril 2010 et les parties se sont réunies le 11 janvier 2011 pour les évoquer, conduisant la société Louisiane à former un certain nombre de propositions par courrier du 9 mars 2011.

Par courrier du 31 mars 2011 la société Palacio Loisirs a pris acte de ces propositions mais invoquant des problèmes non solutionnés a bloqué le paiement de la facture n° 1112036 du 8 décembre 2011 s'élevant à la somme de 27 199,77 euros, d'autant qu'elle en contestait le montant, qui selon elle aurait dû être de 26 764,78 euros; elle a enfin refusé le règlement d'une facture de 897 euros du 21 septembre 2010 correspondant à sa participation à un salon professionnel, au motif qu'elle était présente en tant qu'invitée de la société Louisiane et ne devait pas contribuer aux frais du salon.

Par acte du 22 juillet 2014, la société Louisiane a assigné la société Palacio Loisirs devant le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc aux fins de la voir condamner à lui payer en principal la somme de 28 096 euros outre 2 089 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement, des intérêts de retard au taux légal majoré de 5 points et des frais irrépétibles.

La société Palacio a contesté ces demandes et formé une demande d'expertise.

Par jugement du 14 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :

- condamné la société Palacio Loisirs à payer à la société Louisiane la somme de 26 672,33 euros TTC en paiement de la facture du 8 décembre 2011, outre 2 667 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et des intérêts contractuels au taux légal majoré de cinq points à compter du 29 décembre 2011,

- rejeté la demande en paiement de la facture de 897 euros,

- ordonné à la société Louisiane, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, de procéder à l'enlèvement des bardages au terrain de camping de la société Palacio Loisirs,

- condamné la société Palacio Loisirs aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté la demande de sursis à paiement présentée par la société Palacio Loisirs,

- rejeté la demande d'expertise judiciaire,

- prononcé l'exécution provisoire.

Appelante de ce jugement, la société Palacio Loisirs, par conclusions du 13 juillet 2016, a demandé que la cour :

- infirme partiellement le jugement déféré,

- déboute la société Louisiane de toutes ses demandes,

- ordonne une mesure d'expertise des résidences mobiles défectueuses,

- réserve les demandes.

Par conclusions du 28 juillet 2016, la société Louisiane a demandé que la cour :

- infirme le jugement déféré en ce qu'il a réduit sa facture du 11 décembre et débouté sa demande de paiement de la facture du salon professionnel,

- fasse droit à l'intégralité des demandes formées dans son assignation,

- constate l'irrecevabilité des demandes de la société Louisiane et subsidiairement leur caractère infondé,

- rejette la demande d'expertise,

- condamne l'appelante au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions susvisées.

Motifs de la décision :

La facture n° F1112036 du 8 décembre 2011 :

L'appelante ne conteste pas la disposition la concernant du jugement déféré tandis que l'intimé la critique au motif que ses prétentions initiales ont été réduites par le premier juge et sollicite qu'il soit fait droit à l'intégralité de sa demande, portant sur une somme de 27 199,77 euros ; l'intimée souligne aussi que le premier juge a statué infra-petita, l'appelante s'étant reconnue débitrice dans ses conclusions de première instance d'une somme supérieure (26 764,78 euros TTC) à la condamnation prononcée (26 672,33 euros TTC).

Le premier sujet de litige concerne le coût du transport, la société Louisiane facturant un transport "en simple" au coût de 1 003 euros HT alors que tant le bon de commande que la lettre de voiture font référence à un transport "en double" au coût de 562 euros HT : ce dernier sera donc retenu.

Le second sujet de litige concerne les remises acceptées par la société Louisiane : celle-ci plaide que la comparaison entre le bon de commande et la facture démontrerait qu'elles ont déjà été prises en compte; cette affirmation est exacte dans la mesure où l'échange de mails des 16 et 20 novembre confirme l'accord du vendeur pour des remises de 4 + 2,5 +2 % soit 8,5 % sur le prix HT du mobil home et des accessoires et que la comparaison entre le bon de commande et la facture litigieuse démontre qu'une remise encore supérieure a été facturée.

La cour reprend donc à son compte le calcul fait par le premier juge aboutissant à une créance de 26 672,33 euros TTC, mais, constatant que la société Palacio s'était reconnue débitrice de la somme de 26 764,78 euros TTC prononce une condamnation en paiement à cette hauteur, outre intérêts légaux majorés de cinq points à compter de la date d'exigibilité et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur la facture n° F1009080 :

Cette facture est relative à des frais de participation en qualité d'exposant au Salon du Bourget, auquel la société Palacio soutient avoir été invitée par la société Louisiane, ce que cette dernière conteste.

Les échanges de mails sont très succincts et font uniquement état de la participation d'une personne de la société Palacio au salon du Bourget, sans qu'à aucun moment ne soit envisagé la facturation de cette venue.

Dès lors, la demande est rejetée et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande d'expertise :

La demande d'expertise est formée pour les sept mobil homes décrits sur le procès-verbal de Me X du 21 janvier 2016, soit les mobil homes dont les numéros de série sont PF 2224, PF 225, 81 PF 09, 79 PF 09, 83 PF 09, 84 PF 09, 80 PF 09, 82 PF 09 (gamme Pacific).

Les pièces de l'appelante démontrant que le mobil home PF 225 a été vendu, la demande d'expertise le concernant est irrecevable.

La demande concernant les autres châssis ne pose pas de difficulté dans la mesure où ils se retrouvent sur les factures et que les attestations du comptable de la société Palacio démontrent qu'ils lui ont été cédés à l'issue des crédits-baux les concernant.

Toutefois, une mesure d'expertise ne peut être ordonnée s'il est certain qu'une action serait vouée à l'échec.

En l'espèce, les désordres affecteraient le bardage en bois des résidences ainsi que leur isolation, étant rappelé que la société Palacio exerce en milieu montagneux et avait acquis des résidences assorties d'une option "Caravaneige", laissant supposer, à défaut de toute pièce contractuelle décrivant cette option, que les résidences étaient utilisables en période hivernale.

La société Palacio évoque à l'appui de sa demande un manquement à l'obligation de délivrance qui d'ores et déjà ne paraît pas pouvoir être fondé : le bardage était bien présent sur les résidences, de même que l'option Caravaneige, qui les équipait de manière effective ; en l'absence de toute documentation sur les performances attendues de cette option, aucun manquement à une quelconque obligation de délivrance de ces performances ne peut être constaté.

En revanche, il est certain que très rapidement, le bardage recouvrant les résidences s'est révélé se dégrader, être de mauvaise qualité et avoir été mal posé : de telles constatations, dans les rapports entre un vendeur et un acheteur sont symptomatiques de l'existence de vices cachés : le bardage a été monté conformément à la commande, mais présente des vices inhérents cachés à l'acquéreur lors de la vente et qui ne se révèleront que postérieurement.

Le défaut de qualité de bardage a été dénoncé immédiatement après la vente, dans un courrier recommandé envoyé le 24 mai 2010 par la société Louisiane à la société Palacio.

La société Louisiane, dans un courrier du 9 mars 2011, a reconnu que des vices affectaient le bardage de la gamme Pacific et de la gamme Sumba, puisqu'elle a écrit qu'après la saison 2011, elle procéderait pour la gamme Pacific au changement du bardage sur les pignons et les façades arrières, ainsi que des lames les plus abimées et pour le modèle Sumba, procèderait au changement des lames qui tuilent ou gondolent; elle a aussi précisé qu'en cas d'aggravation des désordres, elle réinterviendrait sur le bardage pour les réparer.

Ce courrier constitue un aveu ayant interrompu la prescription de deux années applicable en matière de vice caché, par application des dispositions de l'article 2240 du Code civil.

L'interruption d'un délai de prescription fait courir un nouveau délai identique et, contrairement à ce que soutient la société Palacio n'a pas eu pour effet d'intervertir les délais en substituant comme nouveau délai le délai de droit commun au délai de deux années de l'article 1648.

Dès lors, la société Palacio se devait d'introduire son action avant le 9 mars 2013, ce qu'elle n'a pas fait puisque sa première demande d'expertise a été formulée dans ses conclusions de première instance du 13 octobre 2014, date à laquelle son action pour le bardage était prescrite.

Par conséquent, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise.

Sur l'enlèvement du bardage :

Cette disposition, qui ne fait l'objet d'aucune critique, est donc confirmée.

Sur les dépens et frais irrépétibles d'appel :

Les deux parties succombant partiellement devant la cour, elles garderont à leur charge leurs propres frais et dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré quant au montant de la condamnation prononcée contre la société Palacio Loisirs au bénéfice de la société Louisiane. Statuant à nouveau : Condamne la SARL Palacio Loisirs à payer à la SAS Louisiane la somme de 26 764,78 euros TTC outre intérêts légaux majorés de cinq points à compter du 29 décembre 2011. Confirme pour le solde le jugement déféré. Déboute chaque partie du solde de ses demandes. Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses propres frais et dépens d'appel.