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Décisions

ADLC, 20 septembre 2018, n° 18-DCC-155

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle conjoint de la société GSE Intégration par les sociétés Terreal et Groupe Solution Energie

ADLC n° 18-DCC-155

20 septembre 2018

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 16 août 2018, relatif à la prise de contrôle conjoint de la société GSE Intégration par les sociétés Terreal et Groupe Solution Energie, formalisé par un contrat de cession signé le 27 juin 2018 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Terreal est active notamment dans le secteur des matériaux en terre cuite. Elle est détenue à [Confidentiel], qui est à la tête du groupe Terreal. Le groupe Terreal est actif dans la fabrication de briques, de tuiles et d'autres produits de construction en terre cuite, ainsi que de systèmes photovoltaïques.

2. Groupe Solution Energie (ci-après " GSE ") est à la tête du groupe GSE, actif dans le secteur de la commercialisation et de l'installation de systèmes photovoltaïques et des équipements associés. GSE détient intégralement la société GSE Intégration (ci-après, " GSEI "), exerçant une activité de conception et de commercialisation de systèmes photovoltaïques et d'équipements associés à destination des entreprises1.

3. L'opération notifiée consiste en la cession à Terreal, par GSE, de 51 % du capital social de GSEI. Toutefois, aux termes du projet de pacte d'actionnaires à conclure entre Terreal et GSE, ni GSE ni Terreal ne seraient en mesure d'adopter seules les décisions stratégiques. Les décisions, portant notamment [Confidentiel] seront prises par le conseil d'administration à la majorité qualifiée.[Confidentiel]. En ce qu'elle se traduit donc par la prise de contrôle conjoint de GSEI par GSE et Terreal, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Terreal : [>150] millions d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2017 ; GSE : [>50] millions d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Terreal :

[>150] millions d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2017 ; GSE : [>50] millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les activités des parties se chevauchent sur le marché des systèmes photovoltaïques. Par ailleurs, Terreal est également présente sur le marché connexe de la production et de la commercialisation de matériaux de couverture.

A. LE MARCHÉ DES SYSTÈMES PHOTOVOLTAÏQUES

1. MARCHÉ DE PRODUITS

6. La technologie photovoltaïque consiste à convertir l'énergie solaire en énergie utilisable et à générer de l'électricité à partir de la lumière. Un système photovoltaïque est composé de cellules photovoltaïques, composants électroniques qui produisent de l'électricité en étant exposés à la lumière. Il existe différentes technologies permettant de produire des cellules photovoltaïques. L'assemblage de cellules photovoltaïques, reliées entre elles et encapsulées entre des plaques de verre, constitue des modules photovoltaïques (ou panneaux photovoltaïques). Les modules sont eux-mêmes reliés à d'autres composants (onduleurs, contrôleurs de charge, batteries, etc.) afin de constituer des systèmes d'énergie photovoltaïque.

Ces systèmes sont vendus à des installateurs, des distributeurs, des collectivités locales ou aux consommateurs finals. Les fournisseurs de solutions intégrées, dites " clé en main " proposent généralement l'installation des systèmes photovoltaïques chez leur client, accompagnées de services connexes (conception, exploitation et maintenance, solutions de financement, préparation des démarches administratives).

7. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationale (2) et européenne (3) a considéré que le photovoltaïque terrestre pouvait être distingué des cellules solaires orbitales. Elle a, en outre, envisagé, sans cependant trancher la question, de retenir les segmentations de marché suivantes au sein du photovoltaïque terrestre : (i) les cellules photovoltaïques ; (ii) les modules photovoltaïques ; et (iii) les systèmes photovoltaïques intégrés, dans la mesure où les consommateurs de cellules, de modules et de systèmes photovoltaïques intégrés ne sont généralement pas les mêmes et que les entreprises actives dans ce secteur sont diversement intégrées sur ces différentes activités (4).

8. Les parties soutiennent qu'il conviendrait de distinguer, au sein du marché des systèmes photovoltaïques intégrés, un segment relatif aux systèmes solaires thermiques et thermodynamiques. En effet, elles considèrent que cette activité a pour objet l'utilisation de la chaleur produite par les panneaux photovoltaïques pour le chauffage ou pour la production d'eau chaude sanitaire du ballon thermodynamique.

9. Au cas d'espèce, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conditions de l'analyse concurrentielles demeurent inchangées.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

10. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationale et européenne (5) a considéré que les marchés des cellules et des modules photovoltaïques sont de dimension mondiale.

11. Elle a toutefois considéré que le marché des systèmes photovoltaïques intégrés pouvait revêtir une dimension nationale car les conditions de marché sont très variables d'un État à l'autre compte tenu, notamment, des régimes d'aides publiques relatifs à l'installation de systèmes photovoltaïques. En ce qui concerne un éventuel segment relatif aux systèmes solaires thermiques et thermodynamiques, les parties estiment, que, par analogie avec le marché des systèmes photovoltaïques intégrés, le marché est de dimension nationale.

12. Au cas d'espèce, l'analyse sera donc menée au niveau national.

B. LE MARCHÉ DES MATERIAUX DE CONVERTURE

1. MARCHÉ DE PRODUITS

13. Comme l'a rappelé la pratique décisionnelle nationale (6), les procédés de fabrication et de conception des unités de production des différents types de matériaux de couverture diffèrent fortement. En effet, l'utilisation de la tuile ou des autres types de matériaux de couverture, comme l'ardoise ou le zinc, dépend des traditions régionales et de la taille des bâtiments à couvrir. Ainsi, dans les régions comme l'est de la France, où la tuile est traditionnellement utilisée pour les logements individuels, les fabricants, comme les utilisateurs (négociants et constructeurs), considèrent que la tuile en terre cuite et la tuile en béton sont substituables, le prix plus favorable de la tuile en béton compensant la meilleure résistance à l'usure de la tuile en terre cuite. Bien qu'il existe des différences techniques entre ces deux types de tuiles, elles n'ont pas d'influence sur le choix des propriétaires de logements.

14. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette définition de marché de produits à l'occasion de la présente opération.

15. En l'espèce, Terreal est active dans la production et la commercialisation de tuiles.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

16. Les parties soutiennent que le marché géographique des matériaux de couverture serait de dimension nationale.

17. Il ressort toutefois de la pratique décisionnelle nationale que ce marché pourrait être de dimension régionale (7) ou infranationale (8).

18. En l'espèce, la question de la délimitation exacte du marché géographique peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

19. Sur le marché français des systèmes photovoltaïques intégrés, la partie notifiante estime que les parts de marché de GSEI et de Terreal sont respectivement de [10-20] % et [0-5] %, soit une part de marché cumulée de [10-20] %.

20. Sur un éventuel segment des systèmes solaires thermiques et thermodynamiques, les parties estiment que leurs parts de marchés cumulées sont inférieures à 10 %.

21. En tout état de cause, quelle que soit la délimitation envisagée, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux, compte tenu des parts de marché limitées des parties sur ces marchés.

B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX

22. Une concentration est susceptible d'emporter des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. Certaines concentrations conglomérales peuvent en effet produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier techniquement ou commercialement, les ventes des produits de la nouvelle entité de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

23. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relèvent toutefois qu'il est peu probable qu'une concentration entraîne un risque d'effet congloméral si la nouvelle entité ne bénéficie pas d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier et renvoient, à cet égard, à un seuil de 30 % de part de marché pour l'appréciation de cette position de marché.

24. En l'espèce, Terreal et GSEI sont notamment présentes sur le marché des systèmes photovoltaïques intégrés, pouvant présenter des liens de connexité avec le marché de la production et commercialisation de tuiles sur lequel Terreal est également présente. Terreal détient des positions parfois importantes, en tant que producteur de tuiles, au niveau des régions Basse-Normandie ([50-60] %), Languedoc-Roussillon ([50-60] %), Pays-de-la-Loire ([60- 50] %) et Poitou-Charentes ([60-50] %).

25. Pour autant, compte tenu de la faible part de marché détenue par GSEI sur le marché des systèmes photovoltaïques intégrés, inférieure à 15 %, son intégration au sein de Terreal n'est pas de nature à réduire significativement la concurrence sur les marchés concernés par le biais d'effets congloméraux.

26. Premièrement, les concurrents de Terreal sur les marchés de la fabrication et commercialisation de tuiles disposent de nombreuses alternatives pour offrir, en complément de leurs produits, des systèmes photovoltaïques. L'opération n'est donc pas susceptible d'évincer les concurrents de Terreal sur les marchés sur lesquels il dispose déjà de positions importantes.

27. Deuxièmement, Terreal est déjà, avant l'opération, active concomitamment sur les marchés de la production et de la commercialisation de tuiles et des systèmes photovoltaïques intégrés. La présence de Terreal sur ces deux marchés ne résulte donc pas de l'opération, qui ne vient la renforcer que de manière limitée sur les marchés des systèmes photovoltaïques.

28. Troisièmement, les parties font valoir que l'opération n'est pas susceptible d'inciter Terreal à proposer des ventes liées entre les tuiles et les systèmes photovoltaïques intégrés, dans la mesure où, actuellement, Terreal ne propose pas de vente liée ou couplée.

29. Enfin, l'Autorité relève que la nouvelle entité n'est pas la seule à être active concomitamment sur ces marchés connexes puisque le groupe Imerys produit et commercialise des tuiles et des systèmes photovoltaïques intégrés.

30. Cette analyse reste inchangée, même si l'Autorité devait distinguer un éventuel marché des systèmes solaires thermiques et thermodynamiques.

31. Par conséquent, au regard de l'ensemble de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 18-099 est autorisée.

NOTES DE BAS DE PAGE

1 Avant l'opération, [Confidentiel]

L'opération concerne uniquement la prise de contrôle conjoint de l'activité à destination des entreprises de GSEI.

2 Décision n° 12-DCC-51 de l'Autorité de la concurrence du 20 avril 2012 relative à la reprise des actifs de Photowatt International par EDF Energies Nouvelles Réparties.

3 Décisions n° IV/M.441 de Commission européenne du 20 juin 1994, Daimler-Benz AG / RWE AG, M.2367 du 27 mars 2001, Siemens / E.ON / Shell / SSG et M.2712 du 18 avril 2002, Electrabel / Totalfinaelf / Photovoltech.

4 La pratique décisionnelle nationale a également envisagé, dans la décision n° 12-DCC-51 précitée, des segmentations complémentaires ou alternatives telles que : (i) un éventuel marché distinct des " wafers " (produits conçus à partir de silicium entrant dans la composition des cellules photovoltaïques de première génération) ; (ii) un éventuel marché comprenant les modules et systèmes photovoltaïques et (iii) un éventuel marché distinct des systèmes photovoltaïques intégrés " clé en main " pouvant lui-même être segmenté selon le type de clients, professionnels ou particuliers.

5 Décisions n° 12-DCC-51, M.2367 et M.2712, précitées.

6 Avis n° 99-A-09 du Conseil de la concurrence du 1er juin 1999 relatif à l'acquisition par les sociétés Koramic et Wienerberger des sociétés Migeon SA et Bisch SNC à la société Keramic Holding AG Laufen.

7 Décisions n° 95-D-47 du Conseil de la concurrence du 25 juin 1995 et n° 90-D-27 du 11 septembre 1990 relative à des pratiques relevées sur le marché des tuiles et des briques en Alsace.

8 Avis n° 99-A-09, précité.