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Décisions

ADLC, 27 juillet 2018, n° 18-D-16

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative au respect des engagements annexés à la décision n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac

ADLC n° 18-D-16

27 juillet 2018

L'Autorité de la concurrence (formation plénière),

Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac ; Vu la décision n° 17-SO-04 du 18 avril 2017 par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de l'examen des conditions de l'exécution des engagements annexés à la décision n° 16-DCC-111 susvisée (affaire enregistrée sous le numéro 17/0168 RC) ; Vu le livre IV du code de commerce et, notamment, son article L. 430-8 ; Vu les observations présentées par Fnac Darty SA le 28 mai 2018 et celles du commissaire du Gouvernement le 24 mai 2018, en réponse au rapport établi par les services d'instruction notifié le 2 mai 2018 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de Fnac Darty SA entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 26 juin 2018 ; Adopte la décision suivante :

Résumé (1)

Aux termes de la décision ci-après, l'Autorité de la concurrence a sanctionné Fnac Darty SA pour ne pas avoir respecté des engagements structurels qui avaient conditionné la décision d'autorisation du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle de Darty par la Fnac.

Dans la décision autorisant cette opération, l'Autorité de la concurrence avait constaté que l'acquisition de Darty par la Fnac était de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la vente au détail de produits bruns (téléviseurs, équipements hi-fi et audio...) et de produits gris (micro-ordinateurs personnels, écrans, périphériques, téléphonie), en raison de la disparition de la pression concurrentielle préexistante entre les parties dans plusieurs zones, en particulier à Paris. Afin de remédier aux effets anticoncurrentiels de la concentration, la Fnac s'était engagée à conclure, avant le 1er août 2017, des contrats de cession portant sur six magasins situés à Paris et en région parisienne à des acquéreurs qui devaient être agréés par l'Autorité de la concurrence.

Or, l'Autorité de la concurrence a constaté que Fnac Darty a manqué à ses engagements puisqu'elle n'a présenté ni contrat de cession, ni repreneur, pour le magasin Fnac Beaugrenelle, que le repreneur présenté pour l'acquisition des magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen n'a pas été agréé et qu'aucun contrat de cession avec un autre repreneur pour ces deux magasins n'a été conclu dans le délai prévu.

Une sanction pécuniaire de 20 millions d'euros est infligée, en sus d'injonctions de nature structurelle imposant à Fnac Darty de céder les magasins Darty Montmartre et Darty Passy à un opérateur concurrent, agréé par l'Autorité de la concurrence, dans un délai de neuf mois, en substitution des engagements de cession non exécutés. Ces injonctions permettront de rétablir la structure concurrentielle des marchés de la vente au détail de produits bruns et gris à Paris, dans les six zones concernées par l'absence de cession des magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

I. Contexte

1. Par décision n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 (ci-après " la décision d'autorisation "), l'Autorité de la concurrence (ci-après, " l'Autorité ") a autorisé, sous réserve d'engagements structurels, la prise de contrôle exclusif de la société Darty Plc (ci-après, " Darty ") par la société Fnac SA (ci-après, " la Fnac ").

2. Seront successivement présentés les principaux aspects de l'analyse concurrentielle développée par l'Autorité à l'occasion de la décision d'autorisation (A), les engagements pris par la Fnac pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés (B) et la procédure ouverte par l'Autorité pour vérifier les conditions de leur exécution (C).

A. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE DE LA DÉCISION D'AUTORISATION

3. Dans le cadre de l'examen de la prise de contrôle de Darty par la Fnac, l'Autorité a analysé les effets de la concentration sur les marchés amont de l'approvisionnement en produits électrodomestiques et les marchés aval de la vente au détail de produits bruns, gris et blancs, ainsi que des jeux vidéo.

4. Les risques d'atteinte à la concurrence ont été écartés sur l'ensemble de ces marchés, à l'exception de neuf marchés locaux de la vente au détail de produits bruns et gris en Île-de-France où des effets horizontaux ont été identifiés. Les produits " bruns " comprennent principalement les appareils électroniques suivants : téléviseurs, équipements hi-fi et audio, appareils numériques, et lecteurs DVD. Les produits " gris " correspondent notamment aux micro-ordinateurs personnels, écrans, périphériques et appareils de téléphonie.

5. Ces marchés ont été définis en distinguant les ventes au détail de produits bruns et de produits gris et en incluant les ventes en ligne de ces produits. S'agissant de leur définition géographique, l'Autorité a retenu une double dimension : nationale et locale. À Paris, les effets de l'opération ont ainsi été examinés dans des zones de chalandise d'un rayon de 3 kilomètres autour des magasins Darty, mais aussi au niveau de Paris intra-muros. En région parisienne, ces zones correspondaient à des temps de trajet de 20 minutes en voiture.

6. L'analyse concurrentielle des effets horizontaux de l'opération a été réalisée en deux temps.

7. Dans un premier temps, l'Autorité a examiné la part de marché cumulée de la Fnac et de Darty dans chaque zone concernée par des chevauchements d'activités entre les parties. Deux méthodes de calcul (" GfK " et " standard ") ont été utilisées de manière complémentaire pour obtenir des parts de marché en valeur, afin de tenir compte des ventes en ligne. Lorsque la part de marché cumulée des parties était inférieure à 50 %, l'Autorité a considéré que l'opération n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans la zone examinée. En l'espèce, la Fnac et Darty représentaient moins de 50 % des marchés de la distribution au détail de produits bruns et gris dans l'intégralité des zones situées en province, à une exception près (2). En Île-de-France, les parts de marché cumulées des parties excédaient 50 % dans sept zones en banlieue parisienne et douze zones à Paris.

8. Dans un deuxième temps, dans ces 19 zones uniquement, l'Autorité a examiné la pression concurrentielle exercée sur les magasins Darty à l'issue de l'opération. Elle a utilisé une méthode de score afin de refléter l'intensité concurrentielle de chaque zone en prenant en compte, outre les pure players, le nombre de concurrents locaux, leur proximité concurrentielle et la distance géographique séparant chaque point de vente concurrent des magasins Darty concernés. Sur la base des résultats d'un test de marché et d'un sondage Ifop réalisé pour les besoins de l'instruction, un score compris entre 0,25 et 3 a été attribué à chaque catégorie de concurrent (grandes surfaces spécialisées - ci-après, " GSS " - pure players, grandes surfaces alimentaires - ci-après, " GSA " - spécialistes brun/gris, multi-spécialistes, etc.).

<TABLEAU>

9. Ces scores ont ensuite été pondérés par l'application d'un coefficient, en fonction de la distance de chaque point de vente concurrent par rapport au magasin Darty concerné, à l'exception des pure players qui couvrent l'ensemble des zones de chalandise et pour lesquels le score de 3 est inchangé. La somme des scores de chaque magasin concurrent présent dans une zone a permis d'obtenir un score de zone.

10. L'Autorité a considéré qu'un score de zone supérieur à 10 permettait d'écarter les risques d'effets horizontaux résultant de la disparition de la pression concurrentielle exercée par les parties l'une sur l'autre dans les zones identifiées. En effet, au-dessus de ce score, il existe des alternatives importantes (GSS, GSA de plus de 6 000 m2) et/ou nombreuses pour les consommateurs, de nature à exercer une pression concurrentielle suffisante sur la nouvelle entité.

11. En application de la méthode de score décrite ci-avant, l'Autorité a constaté que, sur les 19 zones où la part de marché cumulée des parties était supérieure à 50 %, un score supérieur à 10 était obtenu pour dix d'entre elles.

12. En conséquence, l'Autorité a considéré que l'opération était susceptible de porter atteinte à la concurrence dans les neuf zones restantes, délimitées autour des magasins Darty suivants : Beaugrenelle, République, Montparnasse, Belleville, Italie 2, Saint-Ouen, Passy et Ternes, à Paris, et Vélizy (78), en région parisienne (3).

13. Pour remédier aux risques anticoncurrentiels identifiés dans ces neuf marchés locaux de la vente au détail de produits bruns et gris, la Fnac a pris des engagements de nature structurelle.

B. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LA FNAC

14. Par lettre en date du 16 juillet 2016, annexée à la décision d'autorisation, la Fnac s'est engagée à conclure, avant le 1er août 2017, un ou plusieurs contrat(s) de cession, avec un ou plusieurs acquéreur(s), agréé(s) par l'Autorité, portant sur les six magasins suivants :

<TABLEAU>

15. Deux périodes successives encadrent la réalisation de ces engagements :

- une première période de six mois à compter du 1er septembre 2016, au cours de laquelle la Fnac doit effectuer, seule, les démarches nécessaires pour aboutir à la conclusion du ou des contrat(s) de cession ;

- une deuxième période, également appelée " phase d'intervention du mandataire chargé de la cession ", commençant à la date d'expiration de la première période, soit le 1er mars 2017, et qui se termine le 31 juillet 2017.

16. Au terme de l'article 7 des engagements, " Fnac sera réputée avoir respecté cet engagement :

si (i) dans le cadre de la première période de cession ou, le cas échéant, de la phase d'intervention du mandataire chargé de la cession, Fnac a conclu un ou des contrat(s) de cession relatifs aux actifs cédés,

si (ii) l'Autorité approuve le ou les acquéreur(s) et les termes du ou des contrat(s) de cession en question [...],

et si (iii) le closing a eu lieu dans les trois (3) mois après l'approbation du ou des acquéreur(s) et des termes du ou des contrat(s) de cession par l'Autorité. "

17. Les engagements prévoient la nomination d'un mandataire, proposé par la Fnac et agréé par l'Autorité, pour assurer le suivi de l'exécution des engagements, y compris au cours de la première période de cession (" mandataire chargé du contrôle "). À l'issue de cette période, si la Fnac n'est pas parvenue à conclure de contrat(s) de cession pour les six magasins, un mandataire est désigné pour mener à bien la cession des magasins restants (" mandataire chargé de la cession ") (4).

C. LA PROCÉDURE OUVERTE PAR L'AUTORITÉ

18. Par décision n° 17-SO-04 du 18 avril 2017, enregistrée sous le numéro 17/0168 RC, l'Autorité s'est saisie d'office de l'examen des conditions de l'exécution des engagements souscrits par la Fnac et annexés à la décision d'autorisation.

19. Le 2 mai 2018, le rapport établi par les services d'instruction a été notifié à Fnac Darty (5), qui a soumis ses observations en réponse le 28 mai 2018.

20. Le 26 juin 2018, les services d'instruction, les représentants de Fnac Darty et le commissaire du Gouvernement ont été entendus par le collège de l'Autorité, réuni en formation plénière.

II. Constatations

21. À l'issue des démarches effectuées au cours de la période d'exécution des engagements (A), Fnac Darty est parvenue à conclure, avant le 1er août 2017, des contrats de cession portant sur trois magasins avec deux repreneurs agréés par l'Autorité (B). En revanche, à cette date, les trois autres magasins n'ont pas fait l'objet d'un contrat de cession avec un repreneur approprié (C). Fnac Darty a également entrepris des démarches après l'expiration de la période d'exécution des engagements (D).

A. LES DÉMARCHES EFFECTUÉES PAR FNAC DARTY ET LE MANDATAIRE CHARGÉ DE LA CESSION

22. Le processus de cession a été lancé par Fnac Darty dès la fin du mois d'août 2016.

23. Dans un premier temps, Fnac Darty a lancé un appel à candidatures sur une base élargie d'opérateurs, actifs dans la vente au détail de produits bruns et/ou gris, de manière à créer des conditions favorables à une cession rapide des six magasins concernés par les engagements.

24. Fnac Darty a identifié plusieurs repreneurs susceptibles d'être intéressés par l'acquisition d'un ou de plusieurs magasins : Apple, Auchan, Bose, Boulanger, But, Carrefour, Casino, Cobrason, Conforama, Électro Dépôt, Galeries Lafayette / BHV, LDLC, Leclerc, Magma, Métro, Printemps, Samsung, Ubaldi, Gifi. Elle les a contactés par courriel, puis par téléphone, pour les informer qu'elle mettait en vente six magasins.

25. Fnac Darty a ensuite signé un accord de confidentialité avec les candidats intéressés, puis leur a envoyé un mémorandum d'information présentant plus en détail l'opportunité d'acquisition des magasins.

26. Dans l'hypothèse où un candidat remettait une offre indicative, une seconde phase leur permettait de prendre connaissance des documents internes dans une data room et de formuler, le cas échéant, une offre ferme susceptible de constituer le contrat de cession soumis à l'agrément de l'Autorité.

27. À l'issue de la première période, au 1er mars 2017, les magasins Darty Vélizy, Darty Italie 2 et Darty Wagram ont fait l'objet de promesses synallagmatiques de vente avec la société Boulanger, pour les deux premiers, et avec la société Cobrason pour le troisième. Les magasins Darty Beaugrenelle (6), Darty Belleville et Darty Saint-Ouen faisaient, quant à eux, l'objet de lettres d'intention d'un acquéreur potentiel, le groupe Dray.

28. Au cours de la deuxième période, le mandataire chargé de la cession a relancé un appel à candidatures, après avoir établi une nouvelle liste de repreneurs potentiels. Dans le prolongement des démarches initiées par Fnac Darty, le mandataire a pris contact, pour le compte de Fnac Darty, avec chaque entreprise par courriel, puis par courrier recommandé avec accusé de réception, pour les informer de l'opportunité de reprise des trois magasins qui n'avaient pas encore fait l'objet d'un contrat de cession : Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

29. À l'issue de la deuxième période, au 1er août 2017, les sociétés Boulanger et Cobrason et les contrats de cession présentés ont été agréés par l'Autorité et les cessions des magasins Darty Vélizy, Darty Italie 2 et Darty Wagram ont par ailleurs été réalisées. Fnac Darty a conclu deux contrats de promesse synallagmatique de vente portant sur les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen avec le groupe Dray, mais ce dernier n'a pas été agréé par l'Autorité. Enfin, aucun contrat de cession n'a été adressé à l'Autorité par Fnac Darty et aucun repreneur n'a été présenté à l'agrément s'agissant du magasin Fnac Beaugrenelle. Un contrat de promesse synallagmatique de vente du magasin Fnac Beaugrenelle avait toutefois été signé avec le groupe Dray, mais le contrat est devenu caduc avant d'avoir été présenté à l'Autorité, l'une des conditions suspensives n'ayant pas été réalisée (accord préalable de But International pour l'exploitation du magasin sous l'enseigne But City). Enfin, Fnac Darty a présenté une demande d'extension de délais s'agissant de l'engagement portant sur la cession du magasin Fnac Beaugrenelle, mais celle-ci a été refusée par l'Autorité (voir les paragraphes 92 et suivants).

B. LES POINTS DE VENTE CÉDÉS PAR FNAC DARTY

1. LA CESSION DU MAGASIN DARTY WAGRAM À LA SOCIÉTÉ COBRASON

30. La cession du magasin Darty Wagram à un repreneur approprié devait contribuer à remédier aux problèmes de concurrence identifiés par la décision d'autorisation dans les zones de Passy et de Ternes (7).

31. Le 11 janvier 2017, Fnac Darty a conclu un contrat de promesse synallagmatique de vente avec la société Cobrason.

32. Le 14 mars 2017, l'Autorité a agréé le contrat de cession et le repreneur présentés. Elle a notamment considéré que la société Cobrason présentait toutes les qualités d'un repreneur approprié au regard des critères exposés dans la décision d'autorisation et que la cession permettait de résoudre les problèmes de concurrence identifiés par la décision d'autorisation.

33. Le magasin Darty Wagram a été cédé le 4 juillet 2017 et son exploitation, sous l'enseigne Cobrason, a débuté à la fin du mois de novembre 2017.

2. LA CESSION DES MAGASINS DARTY ITALIE 2 ET DARTY VELIZY A LA SOCIÉTÉ BOULANGER

34. La cession du magasin Darty Italie 2 à un repreneur approprié devait remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans les zones d'Italie 2 et de Montparnasse. La cession du magasin Darty Vélizy visait quant à elle à remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans la seule zone de Vélizy.

35. Le 17 janvier 2017, Fnac Darty a conclu deux contrats de promesse synallagmatique de vente avec la société Boulanger.

36. Le 14 mars 2017, l'Autorité a agréé les contrats de cession et le repreneur présentés. Elle a notamment considéré que la société Boulanger présentait toutes les qualités d'un repreneur approprié, s'agissant en particulier d'une GSS, et que les cessions permettaient de résoudre les problèmes de concurrence identifiés dans les zones concernées.

37. Les magasins Darty Italie 2 et Darty Vélizy ont été cédés le 10 juillet 2017, après l'autorisation délivrée par l'Autorité, au titre du contrôle des concentrations (8). Leur exploitation, sous l'enseigne Boulanger, a débuté à la fin de l'année 2017.

C. LES POINTS DE VENTE NON CÉDÉS PAR FNAC DARTY

1. LE MAGASIN FNAC BEAUGRENELLE

38. La cession du magasin Fnac Beaugrenelle à un repreneur approprié devait contribuer à remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans les zones de Beaugrenelle, de Passy et de Montparnasse.

39. Deux candidats se sont montrés intéressés par la reprise du magasin Fnac Beaugrenelle au cours de la période d'exécution des engagements : la société [confidentiel] et le groupe Dray.

40. La société [confidentiel] est une centrale d'achat spécialisée dans les produits d'équipement de la maison (TV, hifi, photo, multimédia, petit et gros électroménager...). [Confidentiel].

41. Le groupe Dray est un distributeur spécialisé dans la vente de produits d'électroménager. Il exploite une dizaine de magasins à Paris et en région parisienne, ainsi qu'un site de vente en ligne.

42. La société [confidentiel] a exprimé, de manière informelle, son intérêt pour l'acquisition des magasins Fnac Beaugrenelle et Darty Wagram dès le mois d'octobre 2016. Néanmoins, le 1er décembre 2016, elle a décidé d'abandonner son projet d'acquérir ces deux magasins et n'a, dès lors, plus manifesté d'intérêt à la reprise des magasins proposés à la cession par Fnac Darty.

43. Le groupe Dray a spontanément manifesté son intérêt pour la reprise d'un ou plusieurs magasins Darty. Il n'avait été identifié, ni par Fnac Darty, ni par le mandataire chargé de la cession, comme un repreneur potentiel, dans la mesure où le groupe Dray n'est pas un distributeur reconnu de produits bruns et gris, contrairement à l'ensemble des repreneurs potentiels contactés. Il n'avait d'ailleurs pas été identifié comme un concurrent sur ces marchés par la Fnac dans son dossier de notification de l'acquisition de Darty.

44. Le 28 février 2017, le groupe Dray a adressé à Fnac Darty une lettre d'intention relative à l'acquisition des magasins Darty Beaugrenelle (et non du magasin Fnac Beaugrenelle visé par les engagements), Darty Belleville, et Darty Saint-Ouen.

45. À l'issue de négociations menées avec Fnac Darty, le groupe Dray a accepté de formuler une offre sur le magasin Fnac Beaugrenelle à la condition, notamment, qu'il puisse l'exploiter sous l'enseigne But City.

46. Le 6 avril 2017, Fnac Darty et la société Terrada, agissant au nom du groupe Dray, ont conclu un contrat de promesse synallagmatique de vente portant sur le magasin Fnac Beaugrenelle, sous la condition suspensive d'obtenir l'accord de But International pour l'exploiter sous l'enseigne But City.

47. Toutefois, par un courrier du 26 juin 2017 adressé au groupe Dray, But International a indiqué ne pas souhaiter, à ce stade, autoriser l'implantation d'un magasin sous son enseigne dans le centre commercial Beaugrenelle. Le contrat de cession du magasin Fnac Beaugrenelle, et a fortiori le repreneur identifié pour ce magasin, n'ont donc pas été présentés à l'agrément de l'Autorité.

48. Le 11 juillet 2017, Fnac Darty a toutefois saisi l'Autorité d'une demande de prolongation du délai d'exécution des engagements en vue de bénéficier d'une durée supplémentaire de six mois, à compter du 1er août 2017, afin de lui permettre de substituer au magasin Fnac Beaugrenelle le magasin Darty Beaugrenelle, Fnac Darty pensant que ce dernier serait plus adapté à une exploitation sous l'enseigne Dray que le magasin Fnac proposé à la cession.

49. Le 28 juillet 2017, cette demande a été refusée par l'Autorité (voir paragraphes 92 et suivants).

50. Le délai d'exécution des engagements n'ayant pas été prolongé, il a expiré le 31 juillet 2017. À cette date, Fnac Darty n'a présenté à l'agrément de l'Autorité ni contrat de cession, ni repreneur, pour le magasin Fnac Beaugrenelle.

2. LES MAGASINS DARTY BELLEVILLE ET DARTY SAINT-OUEN

51. La cession du magasin Darty Belleville à un repreneur approprié devait remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans les zones de Belleville et de République. La cession du magasin Darty Saint-Ouen devait quant à elle contribuer à remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans les zones de Saint-Ouen et de Ternes.

52. Deux candidats se sont montrés intéressés par la reprise de ces deux magasins au cours de la période d'exécution des engagements : le groupe [confidentiel] et le groupe Dray.

53. Dès septembre 2016, en réponse à l'appel à candidatures lancé par Fnac Darty, le groupe [confidentiel] a manifesté un intérêt pour acquérir les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen. Le 27 janvier 2017, le groupe [confidentiel] a remis à Fnac Darty une offre portant sur le magasin Belleville. Un courriel en date du 28 mars 2017 a précisé son intérêt à la reprise des deux magasins avec des propositions alternatives : à titre principal, l'acquisition des deux magasins et, à titre subsidiaire, l'acquisition du seul magasin de Belleville, pour le même montant.

54. Toutefois, les discussions entre le groupe [confidentiel] et Fnac Darty ont été abandonnées au cours du mois de mai 2017, dans la mesure où le projet commercial envisagé ne lui aurait pas permis d'être agréé en tant que repreneur (9). En effet, le groupe [confidentiel] souhaitait proposer dans ces magasins une offre à dominante alimentaire complétée d'une offre non alimentaire dite " XXL ", qui aurait consisté à proposer sur un espace restreint (environ 10% de la surface totale de vente des magasins) une offre de produits techniques, dont quelques produits électrodomestiques. Aucun contrat de cession n'a donc été signé entre Fnac Darty et le groupe [confidentiel].

55. S'agissant du groupe Dray, Fnac Darty a reçu une lettre d'intention pour la reprise des magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen en février 2017.

56. Le 6 avril 2017, Fnac Darty et la société Terrada, agissant au nom du groupe Dray, ont conclu deux contrats de promesse synallagmatique de vente.

57. Le 11 mai 2017, Fnac Darty a soumis une demande d'agrément du groupe Dray pour l'acquisition des magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

58. Conformément au point 34 (viii) des engagements, le mandataire chargé du contrôle devait remettre à l'Autorité un avis motivé évaluant le caractère approprié et l'indépendance de l'acquéreur proposé, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la proposition documentée.

59. Le 24 mai 2017, un rapport préliminaire10, complété le 3 juillet 2017, a été remis par le mandataire chargé du contrôle, qui s'est déclaré favorable à l'agrément du groupe Dray pour l'acquisition des deux magasins concernés.

60. Le 13 juillet 2017, le rapport complémentaire a été révisé pour tenir compte d'échanges entre le mandataire et les services d'instruction, qui ont estimé que son analyse était entachée d'erreurs d'interprétation de la décision d'autorisation. Le rapport complémentaire révisé du mandataire conclut que le groupe Dray présenterait les caractéristiques d'un acquéreur approprié.

61. À la lumière de la décision d'autorisation, des informations communiquées à l'appui de la demande d'agrément et du rapport complémentaire révisé du mandataire, l'Autorité a décidé

62. L'Autorité a donc rejeté la seule demande d'agrément présentée par Fnac Darty à la reprise de ces deux magasins.

63. Au 31 juillet 2017, aucun autre contrat de cession portant les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen n'avait, par ailleurs, été conclu par Fnac Darty avec un repreneur alternatif.

D. LES DÉMARCHES DE FNAC DARTY ENTREPRISES APRÈS LA PÉRIODE D'EXÉCUTION DES ENGAGEMENTS

64. Après le 31 juillet 2017, Fnac Darty a poursuivi ses démarches pour parvenir à céder les trois magasins invendus et, le cas échéant, des magasins alternatifs.

65. Elle a ainsi engagé de nouvelles discussions avec plusieurs repreneurs potentiels, en particulier avec les sociétés Boulanger, [confidentiel], [confidentiel] et [confidentiel], en tenant l'Autorité informée de ces démarches.

66. À l'issue d'échanges avec les services d'instruction, qui ont eu lieu entre novembre 2017 et mai 2018, Fnac Darty a informé l'Autorité qu'elle avait trouvé un repreneur, la société Boulanger, pour acquérir les magasins Darty Passy et Darty Montmartre.

67. Par courrier du 2 mai 2018, la société Boulanger a fait une offre d'acquisition des magasins Darty Passy et Darty Montmartre.

68. Le 17 mai 2018, la société Boulanger et Fnac Darty ont signé une promesse synallagmatique de vente portant sur le magasin Darty Passy et une lettre-accord pour la cession du magasin Darty Montmartre.

III. Discussion

69. Après un rappel des règles applicables (A), seront examinées successivement les conditions d'exécution des engagements souscrits dans le cadre de la décision d'autorisation (B), l'imputabilité des manquements relevés (C) et les sanctions prononcées (D).

A. LES RÈGLES APPLICABLES

70. L'Autorité contrôle rigoureusement la bonne exécution des engagements souscrits à l'occasion d'une décision d'autorisation d'une opération de concentration, en application des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce. À ce titre, pour déterminer si l'entreprise a correctement exécuté les engagements qui conditionnaient une décision d'autorisation, elle tient compte de l'ensemble des circonstances particulières à l'opération de concentration et des circonstances propres à la mise en œuvre des engagements.

71. À cet égard, le contrôle qu'opère l'Autorité ne relève pas d'une appréciation globale, mais porte sur le respect des engagements pris un par un, dont chacun a valeur obligatoire (11). En effet, la décision d'autorisation de l'opération de concentration est délivrée sous la condition de la bonne exécution de l'ensemble des engagements retenus, qui sont tous nécessaires à la résolution des atteintes à la concurrence identifiées.

72. Ainsi, la circonstance qu'une partie des engagements ait été respectée ne saurait faire échec à un constat d'inexécution, si certains d'entre eux ne l'ont pas été (12) .

73. À l'inverse, le respect formel de la lettre d'un engagement peut être insatisfaisant s'il s'avère que l'entreprise qui était tenue de le mettre en œuvre a par ailleurs pris des mesures aboutissant à le vider en tout ou en partie de sa portée (13). Dans de tels cas, il appartient à l'Autorité d'apprécier les suites à donner aux manquements constatés, en fonction notamment de la nature de l'engagement concerné.

74. Par ailleurs, à la différence d'injonctions imposées par l'Autorité, les engagements sont proposés par les parties à l'opération de concentration elles-mêmes. Celles-ci sont tenues de proposer des engagements suffisants pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés. Il leur appartient aussi de s'assurer, dès ce stade, que les engagements, tels que modifiés pour intégrer, le cas échéant, les préoccupations que leur premier état peut avoir suscitées chez l'Autorité, peuvent effectivement être exécutés, dès lors que ces derniers conditionnent l'autorisation de l'opération. Dans ces conditions, les parties ne sauraient invoquer, au stade du contrôle de leur exécution, l'impossibilité ou la difficulté de se conformer aux engagements (14).

75. De plus, une situation de non-respect d'engagements remet non seulement en cause le fondement de la délivrance de l'autorisation mais fait obstacle, en outre, au rétablissement de la situation de concurrence poursuivi par lesdits engagements.

76. Les entreprises sont donc tenues d'exécuter complètement, et avec la plus grande diligence, les engagements qu'elles ont souscrits et qui ont conditionné l'autorisation de l'opération de concentration. Elles doivent à cet égard mettre tous les moyens en œuvre pour s'assurer de leur réalisation effective, dans les meilleurs délais, et en tout état de cause avant le terme de la période prévue.

77. L'obligation de se conformer strictement aux engagements souscrits peut toutefois, dans des circonstances particulières, être modifiée, allégée, ou levée.

78. Le Conseil d'État a notamment souligné que " les parties notifiantes à l'opération de concentration peuvent, si elles s'y croient fondées, faire état devant l'Autorité de la concurrence de circonstances de droit ou de fait nouvelles de nature à justifier qu'elles soient déliées, par une décision de l'Autorité, de tout ou partie des obligations découlant des engagements, injonctions ou prescriptions dont est assortie une autorisation de concentration, en raison soit de l'évolution de la situation des marchés pertinents et des conséquences pouvant en résulter sur la pertinence de ces engagements, injonctions ou prescriptions, soit de ce que de telles circonstances rendent l'exécution de ces engagements, injonctions ou prescriptions impossible ou particulièrement difficile " (15).

79. Ainsi, l'existence de difficultés particulières ou l'impossibilité d'exécuter les engagements dans les délais prévus par la décision d'autorisation ne font pas obstacle au constat d'une inexécution de leurs obligations par les parties, mais sont seulement de nature à justifier qu'elles saisissent, en temps utile, l'Autorité d'une demande de révision de leurs engagements afin d'éviter de manquer à leurs obligations. Faute d'avoir engagé une démarche auprès de l'Autorité pour être déliées de leurs engagements initiaux, les parties sont donc tenues d'exécuter strictement les engagements souscrits.

80. En outre, pour contrôler la bonne exécution des engagements conditionnant l'autorisation d'une opération de concentration, un mandataire est généralement désigné pour en surveiller la mise en œuvre et en rendre compte à l'Autorité (16).

81. Si les rapports établis par le mandataire sont, à même enseigne que les divers éléments du dossier, de nature à éclairer utilement l'analyse effectuée par l'Autorité, cette dernière n'est pas liée par les appréciations portées par le mandataire dans le cadre de l'exercice de sa mission de suivi des engagements (17).

B. EXAMEN DES CONDITIONS D'EXÉCUTION DES ENGAGEMENTS PAR FNAC DARTY

1. SUR L'ENGAGEMENT RELATIF AU MAGASIN FNAC BEAUGRENELLE

82. Au 1er août 2017, Fnac Darty n'a présenté à l'agrément ni contrat de cession portant sur le magasin Fnac Beaugrenelle, ni repreneur, alors que le délai auquel la Fnac s'était engagée à conclure cet accord a expiré le 31 juillet 2017. En conséquence, Fnac Darty n'a pas respecté l'engagement souscrit s'agissant du magasin Fnac Beaugrenelle.

83. Pour justifier le non-respect de cet engagement, Fnac Darty a fait valoir les difficultés rencontrées lors du processus de cession du magasin Fnac Beaugrenelle, parmi lesquelles notamment le recours introduit par le bailleur du centre commercial à l'encontre de la décision d'autorisation (18) ou la fermeture du magasin Marks&Spencer en fin d'année 2016, qui auraient pu décourager d'éventuels repreneurs.

84. Fnac Darty a en effet rapidement éprouvé des difficultés dans le processus de cession du magasin Fnac Beaugrenelle, en particulier compte tenu, indique-t-elle, du peu d'intérêt que ce point de vente suscitait auprès des nombreux repreneurs potentiels contactés.

85. La société [confidentiel, qui s'était montrée initialement intéressée par la reprise du magasin, a renoncé à son projet en décembre 2016. À cette date, Fnac Darty n'avait connaissance d'aucune autre marque d'intérêt pour ce magasin, contrairement à ce qui était constaté pour les autres magasins Darty, dont la plupart ont fait l'objet de contrats de promesse de vente dès le début de l'année 2017.

86. Cette situation a conduit le chef du service des concentrations de l'Autorité à adresser, le 19 décembre 2016, un courriel au conseil de Fnac Darty constatant " les difficultés de cession du point de vente de Beaugrenelle " et l'invitant à formuler en urgence une demande de révision de l'engagement relatif à ce magasin, sous la forme d'une substitution du magasin Darty Beaugrenelle au magasin Fnac. Le 23 février 2017, au cours d'une réunion, les représentants de Fnac Darty, en présence de leurs conseils, ont à nouveau été invités, par le service des concentrations, à formuler une demande de substitution de magasins.

87. Les problèmes d'attractivité du magasin Fnac Beaugrenelle ont d'ailleurs été reconnus par Fnac Darty dans son rapport du 15 mars 2017 : " [confidentiel] " (19).

88. Ainsi, si un contrat de cession de ce magasin s'avérait difficile à conclure avec un repreneur approprié, il appartenait à Fnac Darty de solliciter, suffisamment de temps avant l'échéance de l'engagement souscrit, la possibilité de substituer au magasin Fnac Beaugrenelle un magasin plus attractif, à la condition toutefois que la cession de ce dernier à un repreneur approprié remédie aux problèmes de concurrence identifiés dans les zones de Beaugrenelle et de Passy.

89. Fnac Darty a toutefois fait valoir qu'à partir du moment où elle a eu connaissance de la marque d'intérêt du groupe Dray pour ce magasin, au début de l'année 2017, elle s'est consacrée à conclure un contrat de cession dans les délais requis, de sorte qu'une demande de substitution de l'engagement lui était apparue inutile. Un contrat de promesse synallagmatique de vente avec le groupe Dray a en effet été conclu par Fnac Darty le 6 avril 2017.

90. Ainsi, Fnac Darty n'a formulé auprès de l'Autorité aucune demande visant à modifier son obligation initiale de cession du magasin Fnac Beaugrenelle.

91. Lorsque l'accord de But International, nécessaire à l'agrément du contrat de cession et du groupe Dray comme repreneur par l'Autorité, n'a pas été obtenu, le 26 juin 2017, Fnac Darty a alors sollicité une prolongation du délai de réalisation de son engagement, afin de lui permettre de négocier, avec ce même repreneur potentiel, un accord de cession portant sur le magasin Darty Beaugrenelle.

92. L'Autorité a toutefois refusé de prolonger les délais de réalisation de l'engagement relatif au magasin Fnac Beaugrenelle, pour les motifs suivants.

93. Premièrement, l'Autorité a constaté que cette demande ne respectait pas les termes des engagements. Le point 47 des engagements prévoit en effet que " [t]oute demande de prolongation de délais devra être soumise à l'Autorité au plus tard un (1) mois avant l'expiration du délai concerné, exposant ses motifs légitimes ". Le point 48 des engagements précise toutefois : " Fnac pourra demander une prolongation au cours du dernier mois de délai, seulement si des circonstances exceptionnelles le justifient ".

94. La demande de prolongation de délai a été formulée par Fnac Darty le 11 juillet 2017, soit au cours du dernier mois du délai d'exécution des engagements qui s'achevait le 31 juillet 2017.

95. Or, Fnac Darty n'a avancé aucune circonstance exceptionnelle à l'appui de sa demande de prolongation de délai. Le refus de But International d'accéder à la demande du groupe Dray d'exploiter le magasin Fnac Beaugrenelle sous l'enseigne But City, à quelques semaines de la fin du délai d'exécution des engagements, ne pouvait être considéré comme une circonstance exceptionnelle. L'éventualité d'un refus aurait dû être anticipée par Fnac Darty, en particulier parce que But International n'avait pas formulé de marque d'intérêt pour ce magasin, alors qu'il figurait dans la liste des repreneurs potentiels contactés par Fnac Darty et le mandataire chargé de la cession. En tout état de cause, l'incertitude qui entoure l'accord préalable d'un tiers à la reprise d'un magasin par un repreneur devait être intégrée dès la négociation du contrat de cession. L'Autorité relève à cet égard que ce contrat a été conclu dès le 6 avril 2017. Il appartenait donc à Fnac Darty de s'assurer que toutes les conditions suspensives à la présentation du contrat de cession et du repreneur à l'agrément de l'Autorité soient levées afin d'être en mesure de présenter un accord dans les délais prévus. Le risque que l'une des conditions suspensives du contrat conclu ne soit pas remplie devait être intégré par Fnac Darty qui aurait dû s'assurer, en cas d'échec, de disposer d'une offre alternative à présenter à l'Autorité dans le délai initialement prévu.

96. L'Autorité considère que la demande de prolongation des délais de mise en œuvre de l'engagement de Fnac Darty est donc intervenue, sans justification satisfaisante, hors du délai prévu par les engagements, et en tout état de cause beaucoup trop tardivement dans la procédure, alors que Fnac Darty avait été alertée d'un risque d'être en situation de non-respect de l'engagement en cause plusieurs mois avant l'expiration du délai au 31 juillet 2017.

97. Deuxièmement, et en tout état de cause, la demande de prolongation de délai visait à présenter à l'agrément le groupe Dray comme repreneur du magasin Darty Beaugrenelle. Or, saisie d'une demande portant sur les deux autres magasins à céder, l'Autorité a considéré que le groupe Dray ne remplissait pas les critères d'agrément exposés dans la décision d'autorisation (voir paragraphes 105 et suivants). Dès lors, une éventuelle prolongation de délai n'aurait pas permis, à court terme, de remédier aux problèmes de concurrence qui résultaient de l'absence de cession du magasin Fnac Beaugrenelle à un repreneur approprié.

98. À cet égard, la nomination d'un mandataire chargé de la cession, dont la mission a débuté le 1er mars 2017, n'a eu ni pour objet ni pour effet de dégager Fnac Darty de ses obligations prises au titre des engagements souscrits. D'une part, les négociations menées par Fnac Darty avec le groupe Dray, entamées au mois de février 2017, se sont poursuivies sans que le mandataire chargé de la cession ne se soit substitué à Fnac Darty dans les échanges avec le repreneur identifié. Le fait que Fnac Darty ait, conformément au point 6 des engagements, donné au mandataire chargé de la cession un mandat exclusif pour la vente des actifs cédés qui n'auraient pas fait l'objet d'un contrat de cession, ne l'a pas empêché de poursuivre les négociations avec le groupe Dray pour aboutir à la conclusion d'un accord de cession. D'autre part, le rôle du mandataire chargé de la cession devait favoriser la réalisation rapide des procédures de cession qui n'avaient pas abouti au 1er mars 2017.

99. En tout état de cause, la nomination d'un mandataire chargé de la cession ne faisait pas non plus obstacle à la formulation d'une demande de révision des engagements au cours de la seconde période, en application du point 14 des engagements : " L'Autorité pourra à tout moment, en réponse à une demande écrite de Fnac exposant des motifs légitimes et accompagnés d'un rapport du mandataire chargé du contrôle : [...] (ii) lever, modifier ou remplacer un ou plusieurs engagements, en cas de circonstances nouvelles ou exceptionnelles " (soulignement ajouté).

100. Il résulte de ce qui précède que Fnac Darty n'a pas respecté l'engagement de conclure, avant le 31 juillet 2017, un accord de cession portant sur le magasin Fnac Beaugrenelle avec un repreneur agréé par l'Autorité.

2. SUR LES ENGAGEMENTS DE CESSION DES MAGASINS DARTY BELLEVILLE ET DARTY SAINT-OUEN

101. Le 10 mai 2017, Fnac Darty a présenté à l'agrément de l'Autorité deux contrats de cession portant sur les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen et le groupe Dray comme repreneur.

102. Le rapport complet et révisé du mandataire chargé du contrôle, qui doit accompagner ces demandes d'agrément, a été reçu le 13 juillet 2017.

103. Le 28 juillet 2017, l'Autorité a refusé d'agréer le groupe Dray comme repreneur des magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

104. Au 1er août 2017, Fnac Darty n'a donc pas conclu de contrat(s) de cession portant sur ces magasins avec un repreneur agréé par l'Autorité, alors que le délai pour parvenir à ces accords a expiré le 31 juillet 2017. En conséquence, Fnac Darty n'a pas respecté l'engagement souscrit s'agissant des magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

105. L'Autorité a refusé d'agréer le seul repreneur présenté par Fnac Darty, le groupe Dray, pour les motifs suivants.

106. À titre liminaire, l'Autorité rappelle que les engagements s'interprètent à la lumière de la décision d'autorisation, du code de commerce et en référence aux lignes directrices relatives au contrôle des concentrations précitées.

107. En l'espèce, la décision d'autorisation expose une série de critères qui doivent guider l'Autorité dans l'examen qu'elle réalise lorsqu'un repreneur est présenté à l'agrément. Ces critères relèvent à la fois d'une appréciation classique et constante des caractéristiques d'un repreneur approprié et d'une analyse au cas d'espèce pour tenir compte des conclusions de l'analyse concurrentielle suivie dans la décision d'autorisation et des effets de l'agrément sur la structure concurrentielle des marchés concernés.

108. S'agissant des conditions requises pour l'agrément, les lignes directrices précitées précisent : " Une cession d'activité n'est efficace que si l'acquéreur est approprié, c'est-à-dire si : il est indépendant des parties, d'un point de vue capitalistique et contractuel ; il possède les compétences et la capacité financière adéquates pour développer l'activité et concurrencer efficacement les parties ; l'acquisition n'est pas susceptible de créer de nouvelles atteintes à la concurrence " (paragraphe 586).

109. En l'espèce, le point 20 des engagements précise les exigences requises pour considérer qu'un acquéreur est approprié. En particulier, chaque acquéreur doit :

" [...] posséder les ressources financières, les compétences adéquates, la motivation nécessaire pour pouvoir préserver et développer de manière viable la capacité des actifs cédés à concurrencer activement Fnac et Darty sur les marchés de la distribution de produits électroniques tels qu'identifiés dans la décision ; et ne pas être susceptible, à la lumière des informations à la disposition de l'Autorité, de donner lieu à des problèmes de concurrence [...] ".

110. La décision d'autorisation ajoute que les acquéreurs " devront donc être des acteurs de la distribution de produits bruns et/ou gris [...] capables d'assurer l'exploitation pérenne des actifs cédés [et de] proposer un assortiment suffisant de produits bruns et/ou gris [...] pour représenter une alternative crédible à l'offre de la nouvelle entité et exercer une pression concurrentielle suffisante sur cette dernière " (paragraphe 534).

111. De plus, " l'objectif des engagements étant de compenser la diminution sensible de concurrence qu'entraîne l'opération, la cession de chacun des points de vente concernés par les engagements proposés devra s'effectuer en priorité au profit d'un opérateur de GSS concurrent de la nouvelle entité " (paragraphe 540).

112. En l'espèce, le groupe Dray, qui est un distributeur spécialisé en produits d'électroménager (produits blancs), n'est pas un acteur spécialisé dans la vente de produits bruns et gris. Il ne peut pas être a fortiori considéré comme une GSS sur ces marchés.

113. La décision d'autorisation précise toutefois que " dans l'hypothèse où la cession à une GSS serait impossible, la cession d'un ou plusieurs points de vente concernés par les engagements à d'autres acteurs serait envisageable, et notamment à des acteurs émergents sur le marché parisien qui pourraient ainsi débuter ou développer leur activité dans Paris par le biais de magasins de taille suffisante et à des emplacements recherchés " (paragraphe 540).

114. Ainsi, la cession à d'autres acteurs qu'un opérateur de GSS pourrait être envisagée dans les conditions suivantes : " pour offrir au consommateur une alternative crédible à l'offre de la nouvelle entité, de tels repreneurs devront nécessairement être spécialisés dans les produits bruns et gris et proposer un assortiment suffisant dans la ou les famille(s) de produits pour laquelle ou lesquelles la nouvelle entité dispose d'une part de marché importante à l'issue de l'opération. La sélection et l'agrément des repreneurs potentiels devront notamment être guidés par la démonstration d'une offre adéquate de la part des candidats à la reprise des magasins, en termes de produits, assortiment et gammes proposés. Les repreneurs sélectionnés devront à tout le moins être en mesure de proposer une offre répondant aux problèmes spécifiques soulevés par l'opération dans chacune des zones considérées " (paragraphe 540).

115. L'Autorité a constaté que le groupe Dray n'offrait pas toutes les garanties pour être considéré, au regard des critères exposés ci-dessus et du dossier d'agrément présenté, comme un repreneur approprié, susceptible de concurrencer efficacement Fnac Darty.

116. Premièrement, l'Autorité a relevé que, compte tenu du projet du groupe Dray de développer une offre d'ameublement et de literie et d'étendre la surface consacrée aux produits blancs dans les magasins, l'effectivité et la pérennité d'une offre en produits bruns et gris équivalente à celle des magasins actuellement exploités par Darty en termes d'assortiment et de profondeur de gamme n'était pas assurée.

117. Deuxièmement, les dossiers prévisionnels transmis ne garantissaient pas que l'offre qu'il était envisagé de proposer aux consommateurs par le groupe Dray dans ces magasins aurait été adéquate, d'autant que les conditions commerciales consenties au groupe Dray par de grands fournisseurs en produits bruns et gris étaient susceptibles d'être moins favorables que celles accordées aux GSS et à Fnac Darty en particulier.

118. Troisièmement, l'Autorité a considéré qu'il existait un doute important sur l'effectivité et la pérennité du projet présenté par le groupe Dray. En effet, les documents fournis reposaient en partie sur un simple courrier adressé par le représentant du groupe Dray au mandataire, précisant ses intentions pour l'exploitation des deux magasins et sur deux " dossiers prévisionnels " qui ne garantissaient pas une offre en produits bruns et gris équivalente à celle des magasins Darty.

119. Fnac Darty a fait valoir que le groupe Dray pouvait toutefois être considéré comme un acteur émergent et qu'à ce titre, il remplissait les conditions d'agrément exposées dans la décision, en particulier au regard du paragraphe 540 de la décision d'autorisation qui évoque la possibilité de cession à " des acteurs émergents sur le marché parisien ". Il s'agit d'une erreur d'interprétation de la décision d'autorisation qui vise des acteurs émergents sur le marché parisien et non des acteurs émergents dans la vente de produits bruns et gris. Le paragraphe 540 précité précise d'ailleurs que " de tels repreneurs devront nécessairement être spécialisés dans les produits bruns et gris et proposer un assortiment suffisant ". La décision d'autorisation visait donc des acteurs déjà actifs dans la vente de produits bruns et gris, mais qui souhaitaient s'implanter à Paris. Or, le groupe Dray, comme exposé ci-avant, n'était pas actif sur les marchés de la vente au détail de produits bruns et gris.

120. Il résulte de ce qui précède que le groupe ne possédait pas les compétences ni le projet requis pour développer une activité de vente de produits bruns et gris et concurrencer efficacement Fnac Darty. Indépendamment de l'application de la méthode du scoring exposée aux paragraphes 8 et 9, et visant à déterminer si le repreneur agréé était susceptible de rétablir une structure concurrentielle satisfaisante dans les marchés concernés, l'Autorité a considéré que les caractéristiques du groupe Dray, et le projet présenté, n'en faisaient pas un repreneur approprié.

121. Pour les motifs qui précèdent, l'Autorité a ainsi refusé la demande d'agrément du repreneur présentée par Fnac Darty pour les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen. La lettre de refus d'agrément a été notifiée à Fnac Darty le 28 juillet 2017.

122. Au 31 juillet 2017, aucun contrat de cession portant sur ces deux magasins n'a été conclu avec un repreneur agréé par l'Autorité.

123. Fnac Darty a également fait valoir qu'elle ne saurait être tenue seule responsable de la situation constatée au 31 juillet 2017. Elle considère en particulier qu'elle aurait dû être alertée, beaucoup plus tôt dans la procédure, du risque de voir la demande d'agrément du groupe Dray rejetée, dans la mesure où un accord avait été conclu dès le 4 avril 2017 et que l'identité du repreneur proposé était connue de l'Autorité depuis plusieurs mois.

124. Conformément au point 22 des engagements, l'Autorité ne peut se prononcer sur une demande d'agrément que sur la base d'un dossier documenté et d'un rapport complet du mandataire chargé du contrôle, en particulier lorsque cette demande porte sur un repreneur qui n'avait pas été identifié par l'Autorité dans l'analyse des marchés concernés dans sa décision d'autorisation. En l'espèce, afin de pouvoir vérifier les caractéristiques du groupe Dray et du projet présenté et d'examiner le sérieux de cette candidature, l'Autorité devait disposer d'informations complètes, en particulier s'agissant des aspects financiers et commerciaux.

125. En l'espèce, une fois l'ensemble des informations réunies et le rapport complet du mandataire chargé du contrôle reçu, le 3 juillet 2017, l'Autorité s'est prononcée dans un délai court.

126. De plus, Fnac Darty fait valoir que le mandataire chargé du contrôle, qui ne l'avait pas non plus alerté sur le risque d'un rejet d'agrément, avait émis des avis positifs dans ses rapports soumis à l'appui de sa demande.

127. L'Autorité, qui n'est pas liée par l'avis du mandataire, considère qu'il n'appartient pas au mandataire d'interpréter sa décision d'autorisation. Au demeurant comme indiqué précédemment, " Si les rapports établis par le mandataire sont de nature à éclairer utilement l'analyse effectuée par l'Autorité, cette dernière n'est pas liée par les appréciations portées par le mandataire dans le cadre de l'exercice de sa mission de suivi des engagements "20.

128. Enfin, Fnac Darty a soutenu en séance " avoir cédé " les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen, sous conditions suspensives, dans les délais prévus. Sur ce point, il convient de renvoyer Fnac Darty au texte des engagements souscrits qui distinguent la conclusion d'un accord de cession qui devait intervenir avant le 31 juillet 2017, l'agrément de l'Autorité sur l'accord et le repreneur présentés, et la réalisation effective de la cession qui devait intervenir 3 mois après l'agrément de l'Autorité, sauf en cas d'autorisation requise au titre du contrôle des concentrations. En l'espèce, si Fnac Darty a bien conclu un accord de cession dès le mois d'avril 2017, elle n'a pas obtenu les agréments requis et n'a donc pas procédé à la cession effective des magasins concernés. Or, les engagements souscrits par la Fnac sont réputés réalisés seulement si les trois conditions exposées ci-dessus sont cumulativement remplies. En suivant le raisonnement proposé par Fnac Darty, il serait en effet aisé à une entreprise de se conformer " facialement " à des engagements structurels en concluant des cessions avec des repreneurs inappropriés au regard des préoccupations de concurrence.

129. Il résulte de ce qui précède que Fnac Darty n'a pas respecté l'engagement de conclure, avant le 31 juillet 2017, un accord de cession portant sur les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen avec un repreneur agréé par l'Autorité.

C. IMPUTABILITE

130. Il résulte des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce que les sanctions prononcées par l'Autorité sont infligées " aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée ".

131. En l'espèce, les engagements ont été souscrits par la société Groupe Fnac, société anonyme de droit français, introduite en bourse sur le marché NYSE d'Euronext Paris le 20 juin 2013. La dénomination sociale de cette société a évolué en juin 2017 pour devenir la société Fnac Darty SA.

132. En conséquence, la personne à laquelle incombent les obligations non exécutées est la société Fnac Darty SA, société immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 055 800 296 et ayant son siège social au 9, rue des Bateaux-Lavoirs, ZAC Port d'Ivry, Ivry-sur-Seine (94200).

D. SANCTIONS

133. Après un rappel des règles applicables (1), seront examinés les éléments d'appréciation au cas d'espèce (2) et la conclusion à en tirer en termes de sanction (3).

1. RAPPEL DES RÈGLES APPLICABLES

134. Selon les dispositions du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, lorsque l'Autorité " estime que les parties n'ont pas exécuté dans les délais fixés une injonction, une prescription ou un engagement figurant dans sa décision, [elle] constate l'inexécution. Elle peut : 1° Retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. (...) ; 2° Enjoindre sous astreinte dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l'obligation non exécutée d'exécuter dans un délai qu'elle fixe les injonctions, prescriptions ou engagements figurant dans la décision ; 3° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l'obligation, d'exécuter dans un délai qu'elle fixe des injonctions ou prescriptions en substitution de l'obligation non exécutée. En outre, l'Autorité de la concurrence peut infliger aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée une sanction pécuniaire (...) ".

135. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'Autorité constate l'inexécution d'un engagement, elle peut soit retirer l'autorisation, soit prononcer une injonction et elle peut, en outre, infliger une sanction pécuniaire aux parties contrevenantes (21).

136. Pour apprécier quelles sont les mesures, parmi celles prévues par le IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, qu'appelle une inexécution des engagements de la décision d'autorisation, l'Autorité prend en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce. Elle examine notamment la nature des manquements constatés, en appréciant leur gravité et l'atteinte à la concurrence que la décision d'autorisation avait pour objet de prévenir. L'Autorité peut également prendre en compte la nature des engagements souscrits, leur importance dans l'économie générale de la décision d'autorisation, ou encore le temps écoulé depuis l'opération de concentration et la durée des engagements restant à courir à la date à laquelle elle statue.

137. En outre, lorsqu'elle prononce une sanction sur le fondement des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, l'Autorité prend en compte, si elles sont établies, les éventuelles difficultés particulières que les parties allèguent avoir rencontrées pour exécuter leurs obligations : " dans le cadre d'une procédure de sanction pour manquements, les parties sanctionnées peuvent, pour soutenir que les manquements commis ne justifiaient pas la sanction prononcée, faire valoir des difficultés particulières qu'elles auraient rencontrées pour respecter leurs engagements " (22).

138. Le recours à une injonction, qui s'inscrit dans le cadre de la mission de régulation concurrentielle des marchés confiée à l'Autorité par l'article L. 461-1 du code de commerce, vise à garantir que les entreprises qui ont méconnu leurs engagements s'abstiennent effectivement de poursuivre les comportements constatés et de les réitérer. L'injonction doit donc permettre d'éviter que l'atteinte au fonctionnement concurrentiel des marchés concernés ne se poursuive ou ne se reproduise. Le pouvoir d'injonction reconnu à l'Autorité par les dispositions du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce s'inscrit, ce faisant, dans l'objectif général de préservation de l'ordre public économique auquel répondent les règles de concurrence (23).

139. Les injonctions prononcées doivent être proportionnées à la gravité des manquements constatés et aux exigences de maintien ou de rétablissement d'un niveau de concurrence suffisant sur les marchés concernés (24).

140. À cet égard, le Conseil d'État a jugé que " [e]u égard à leur objet qui, outre sa portée punitive, est la préservation de l'ordre public économique, les sanctions prévues par le 1° et le 2° du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, qui sont distinctes de la sanction pécuniaire prévue au quatrième alinéa de ce IV, doivent être proportionnées à la gravité des manquements constatés et aux exigences de maintien ou de rétablissement d'un niveau de concurrence suffisant sur les marchés concernés. Pour apprécier, dans ce cadre, la proportionnalité des injonctions sous astreinte, il y a lieu de tenir compte de l'importance des engagements en tout ou partie non respectés au regard de l'ensemble des mesures correctives adoptées et des effets anticoncurrentiels qu'ils entendaient prévenir, de l'ampleur des manquements et de la nécessité d'assurer le maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés concernés " (25).

141. Enfin, la sanction pécuniaire infligée le cas échéant doit également être proportionnée aux circonstances particulières de l'espèce. La nature particulière du manquement tenant au non-respect d'engagements souscrits dans le cadre de l'autorisation d'une opération de concentration doit être prise en compte. Il importe donc que la sanction pécuniaire imposée en cas de non-respect d'engagements soit fixée à un niveau suffisant pour dissuader les entreprises concernées de ne pas exécuter leurs engagements ou de proposer sciemment des engagements difficilement exécutables26. L'entreprise ne doit pas être incitée à se livrer à un calcul économique consistant à proposer des engagements à l'Autorité en vue d'obtenir l'autorisation de la concentration, mais sans avoir l'intention de les exécuter effectivement ou de prendre les mesures nécessaires à cet effet.

2. LES ÉLÉMENTS D'APPRÉCIATION AU CAS D'ESPÈCE

142. Seront successivement examinés la nature et l'importance des engagements inexécutés dans l'économie générale de la décision (a), la gravité des manquements constatés (b), leurs conséquences en termes de maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés concernés (c) et enfin le comportement de Fnac Darty dans la mise en œuvre des engagements souscrits (d).

a) Sur la nature des engagements inexécutés et leur importance dans l'économie générale de la décision d'autorisation

143. Les engagements souscrits par la Fnac sont des engagements de nature structurelle. Il s'agit du type de remèdes que l'Autorité recherche en priorité pour répondre aux problèmes de concurrence posés par une concentration excessive d'un marché, dans la mesure où les cessions d'actifs doivent permettre de rétablir, efficacement et rapidement, la structure concurrentielle du marché concerné (27).

144. Ces engagements avaient, en l'espèce, pour but de remédier rapidement aux effets anticoncurrentiels horizontaux résultant de la disparition de la pression concurrentielle exercée par les magasins Fnac sur les magasins Darty dans neuf marchés locaux de la vente au détail de produits bruns et gris, dont huit à Paris.

145. Ces engagements occupaient une place centrale dans l'économie générale de la décision d'autorisation, qui était conditionnée à leur réalisation. La réalisation de ces engagements, qui font partie intégrante de la décision d'autorisation, était donc indispensable pour remédier rapidement aux effets anticoncurrentiels résultant du pouvoir de marché important de la nouvelle entité dans chacune des neuf zones concernées.

146. Il appartenait par ailleurs à Fnac Darty de céder les six magasins concernés, à un ou plusieurs acquéreurs appropriés au regard des critères exposés dans la décision d'autorisation, capables de concurrencer la nouvelle entité de manière effective sur les marchés concernés par les problèmes de concurrence identifiés. Les contrats de cession, ainsi que le ou les repreneur(s) proposé(s), devaient donc faire l'objet d'un examen par l'Autorité afin de les agréer, sur la base d'un dossier documenté et d'un rapport du mandataire chargé du contrôle.

147. En outre, les engagements prévoyaient un délai maximal pour leur mise en œuvre : 11 mois à compter du 1er septembre 2016, soit une date limite fixée au 31 juillet 2017. En effet, il est nécessaire que les engagements soient rapidement exécutés car " la concurrence n'est pas préservée tant que la cession n'est pas réalisée et l'efficacité de mesures de transition visant à maintenir la viabilité et la compétitivité des actifs ne peut être assurée que pendant une période limitée " (28).

148. Enfin, les engagements souscrits par la Fnac conditionnaient l'autorisation d'une opération de concentration d'importance majeure pour l'économie française, en ce qu'elle a conduit à la constitution d'un groupe de taille considérable (un chiffre d'affaires de 5,7 milliards d'euros réalisés en France en 2017), regroupant les deux principaux acteurs brick and mortar de la vente au détail de produits bruns et gris en France. L'achat de ces produits électroniques représente par ailleurs souvent des sommes importantes dans le budget des ménages. Or, les engagements souscrits visaient notamment à éviter des hausses de prix, ou des réductions de promotions, et à préserver une offre alternative suffisante pour les consommateurs, y compris en termes de qualité de produits et de services, en particulier à Paris.

b) Sur la gravité des manquements constatés

149. Le non-respect d'un engagement pris à l'occasion de l'autorisation d'une opération de concentration revêt, par nature, un caractère particulièrement grave. En effet, ce manquement rompt l'équilibre qui avait conduit à autoriser l'opération sous condition, et porte atteinte, de ce seul fait, à l'ordre public économique et à la concurrence (29).

150. La gravité d'un tel manquement doit, en outre, être appréciée en fonction des caractéristiques des pratiques mises en œuvre et des circonstances concrètes propres à chaque cas d'espèce.

151. En premier lieu, une part substantielle des engagements souscrits dans la décision d'autorisation n'a pas été exécutée par Fnac Darty, puisque la moitié des points de vente que la Fnac s'était engagée à céder n'a pas trouvé de repreneur agréé. En effet, comme cela ressort des paragraphes 30 à 37, seuls trois magasins ont fait l'objet d'un contrat de cession avec un repreneur approprié dans les délais prévus : les magasins Darty Wagram (Cobrason), Darty Italie 2 (Boulanger) et Darty Vélizy (Boulanger). Les trois autres magasins (Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen) restent, à ce jour, détenus par Fnac Darty.

152. En second lieu, l'absence de cession de ces trois magasins prive toujours les consommateurs d'une concurrence effective dans six des neuf zones dans lesquelles des problèmes de concurrence ont été identifiés dans la décision d'autorisation.

153. En effet, compte tenu de la forte interpénétration des zones de chalandise des magasins Darty à Paris, même si certains magasins ont été cédés dans les délais prévus, ces cessions n'ont eu qu'un effet limité sur l'ensemble des zones concernées par les engagements.

154. Ainsi, la reprise des magasins Darty Vélizy et Italie 2 par la société Boulanger a permis de résoudre les problèmes de concurrence dans seulement trois zones (Vélizy, Italie 2 et Montparnasse) sur les neuf zones identifiées. Si la reprise du magasin DartyWagram par la société Cobrason n'a pas créé de problèmes de concurrence, elle ne les a pas entièrement résolus dans les zones de Passy et de Ternes. En effet, les cessions des magasins Fnac Beaugrenelle et Darty Saint-Ouen à des repreneurs appropriés auraient été de nature à régler, en combinaison avec la cession du magasin Darty Wagram, l'intégralité des problèmes de concurrence dans ces zones.

155. À ce jour, les zones de Ternes, Passy, Beaugrenelle, République, Belleville et Saint-Ouen n'ont donc toujours pas une structure concurrentielle des marchés de la vente au détail de produits bruns et gris rétablie.

156. Il ressort de ce qui précède que la gravité des manquements constatés, lesquels concernent la moitié des magasins objets des cessions et les deux-tiers des marchés sur lesquels des problèmes ont été identifiés, est importante.

c) Sur les atteintes à la concurrence que la décision avait pour objet de prévenir

157. À titre liminaire, l'Autorité considère qu'il n'est pas nécessaire de démontrer qu'un manquement a eu des effets réels sur la concurrence, même si la preuve de tels effets peut naturellement être prise en compte. C'est en effet, en premier lieu, par rapport à l'objectif ayant conduit à la prise de l'engagement qu'il convient de raisonner : lorsqu'une décision d'autorisation rend obligatoire un engagement souscrit par une entreprise en vue de remédier à un risque d'atteinte à la concurrence identifié dans le cadre de l'analyse de l'opération, c'est dans le but de garantir qu'une telle atteinte ne puisse pas se matérialiser dans le futur (30).

158. En l'espèce, les engagements souscrits avaient pour objectif de restaurer rapidement une structure concurrentielle dans neuf zones de chalandise, principalement à Paris, dans lesquelles le magasin Darty ne subissait plus une pression concurrentielle suffisante à l'issue de l'opération de concentration. Les engagements devaient ainsi permettre l'émergence d'une alternative crédible à la nouvelle entité sur chacun des neuf marchés locaux de la vente au détail de produits bruns et gris, à Paris et à Vélizy.

159. Or, le manquement de Fnac Darty a empêché le développement d'une offre alternative nécessaire au rétablissement d'une pression concurrentielle suffisante permettant de compenser son pouvoir de marché dans six de ces neuf zones affectées par l'opération.

160. Fnac Darty se prévaut, pour atténuer la gravité du manquement, d'événements postérieurs à la décision d'autorisation qui démontreraient, selon elle, que la structure concurrentielle des marchés concernés se serait spontanément rétablie. Elle soutient par ailleurs que l'appréciation de la proportionnalité du manquement doit tenir compte de l'évolution des marchés concernés : elle cite à cet égard l'arrêt récent du Tribunal de l'Union européenne du 16 mai 2018, Deutsche Lufthansa c. Commission européenne : " L'appréciation d'une demande d'exemption d'engagements suppose, tout comme les autres décisions en matière de concentration, des évaluations économiques parfois complexes afin, en particulier, de vérifier si la situation du marché, au sens large, a changé de façon significative et durable, de sorte que les engagements ne sont plus nécessaires pour remédier aux problèmes de concurrence relevés dans la décision de concentration ayant rendu les engagements contraignants ".

161. L'Autorité considère que l'arrêt du Tribunal n'est pas transposable en l'espèce, dès lors qu'il porte sur une procédure de nature différente. Dans l'affaire Deutsche Lufthansa, la Commission a examiné une demande de révision d'engagements, soumise par la partie notifiante, huit années après la décision d'autorisation, en vertu d'une clause de réexamen. Au cas présent, la procédure s'inscrit dans le cadre de l'article L. 430-8 du code de commerce qui n'est nullement assimilable à une procédure de révision d'engagements.

162. À supposer que les allégations de Fnac Darty, au demeurant très peu étayées, soient vérifiées, l'évolution des marchés concernés ne saurait, par elle-même, et en tout état de cause, exonérer Fnac Darty de l'obligation pesant sur elle au titre des engagements souscrits.

163. En effet, Fnac Darty aurait dû, conformément aux points 45 et 46 des engagements, introduire une demande de réexamen des engagements au motif de circonstances nouvelles, telles que " toute évolution de la structure concurrentielle du marché qui pourrait résulter par exemple de l'ouverture de points de vente concurrents ".

164. Or, Fnac Darty n'a formulé aucune demande de réexamen des engagements. Si tel avait été le cas, l'Autorité aurait alors, le cas échéant, pu mettre en œuvre ses moyens d'instruction pour examiner la situation concurrentielle des marchés concernés et déterminer si celle-ci avait évolué de manière telle qu'une révision des engagements puisse être envisagée.

165. En tout état de cause, les éléments fournis par Fnac Darty à l'appui de sa réponse au rapport et en séance, sont soit parcellaires, soit reposent sur des hypothèses non encore réalisées (31) et ne démontrent donc pas, en tout état de cause, une évolution notable de la structure concurrentielle des marchés concernés.

166. Par ailleurs, l'Autorité relève que, faute de cession des trois magasins concernés, Fnac Darty a pu maintenir ses parts de marché à un niveau élevé dans six zones à Paris et profiter d'une pression concurrentielle affaiblie en l'absence de nouveaux opérateurs susceptibles de la concurrencer efficacement.

167. En tout état de cause, la structure concurrentielle des marchés de la distribution de produits bruns et gris dans les zones de Ternes, Passy, République, Belleville, Saint-Ouen et Beaugrenelle n'est toujours pas rétablie.

168. En conséquence, le manquement de Fnac Darty est de nature à porter significativement atteinte à la concurrence dans une partie substantielle des zones de chalandise affectées par l'opération, les consommateurs ayant été privés des gains attendus du rétablissement de la structure concurrentielle des marché locaux concernés.

d) En ce qui concerne le comportement de Fnac Darty

169. Afin de proportionner la sanction prononcée aux circonstances de l'espèce, l'Autorité peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes et/ou aggravantes caractérisant le comportement de l'entreprise mise en cause dans la commission du manquement.

170. En premier lieu, les engagements sont volontairement proposés par les parties à l'opération : elles doivent donc s'assurer que leurs engagements peuvent effectivement être exécutés dans les délais souscrits, dès lors que ces derniers conditionnent l'autorisation de l'opération. À cet égard, les lignes directrices précitées rappellent que lorsque des engagements requièrent d'identifier un repreneur, après la délivrance d'une décision d'autorisation et dans un délai fixé, " l'expérience de l'Autorité en la matière montre que les incitations des parties à proposer de céder des actifs, libres de toute contrainte quant à leur cessibilité et suffisamment viables et compétitifs pour intéresser d'éventuels repreneurs, sont alors faibles. Les délais encadrant la décision de l'Autorité et les fortes asymétries d'information qui existent entre l'Autorité et les parties font qu'il est difficile de compenser cette faible incitation par l'analyse de la viabilité et de la compétitivité des actifs proposés à laquelle procèdent les services d'instruction de l'Autorité, même en s'appuyant sur une consultation des acteurs du marché. De ce fait, un nombre trop important d'engagements de cession sont difficilement réalisés, dans des délais trop longs, ou doivent faire l'objet de demandes de révision, aucun repreneur ne pouvant être trouvé pour les cessions prévues par les engagements initiaux. Or, la cession permet de remédier aux effets de l'opération et ceux-ci perdurent tant qu'elle n'a pas été réalisée. De plus, le maintien de la viabilité des actifs dépend souvent de la rapidité avec laquelle la cession est exécutée " (32).

171. Pour autant, il peut se présenter des difficultés particulières totalement imprévisibles rendant plus difficile la mise en œuvre des engagements. L'entreprise peut alors se prévaloir de telles difficultés imprévisibles et exceptionnelles.

172. Fnac Darty était donc tenue de réaliser les engagements souscrits dans la décision d'autorisation, le cas échéant, en soumettant en temps utile à l'Autorité des engagements de substitution en cas d'échec anticipé des engagements initiaux ou d'incertitudes liées à la non réalisation d'une condition suspensive dans les accords conclus ou au risque de voir le repreneur présenté non agréé, lorsque ces risques apparaissent en fin de période d'exécution des engagements.

173. Or, si Fnac Darty a fait preuve de sérieux et d'implication au début de la période de réalisation des engagements, de septembre à décembre 2016, en contactant un grand nombre de repreneurs éventuels, elle n'a pas agi avec la diligence requise ensuite, de janvier à juillet 2017. En particulier, Fnac Darty n'a pas exploité tous les moyens à sa disposition pour s'assurer que les cessions d'actifs nécessaires au rétablissement d'une concurrence suffisante seraient réalisées dans les délais impartis et notamment, en ne tirant pas suffisamment tôt les conséquences des difficultés rencontrées pour trouver un repreneur pour les magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

174. Fnac Darty a eu un comportement exagérément optimiste, s'agissant du repreneur envisagé pour les magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen. En proposant comme seul repreneur un opérateur inconnu d'elle-même, dont le projet de reprise était insuffisamment documenté, Fnac Darty a pris un risque important, en se plaçant dans une situation où, en cas de refus d'agrément, elle se retrouvait quasi de facto en situation de non-respect d'engagement.

175. Fnac Darty était par ailleurs en mesure d'anticiper que le groupe Dray ne présentait pas les garanties requises par la décision d'autorisation pour rétablir une concurrence effective et suffisante dans les zones de chalandise concernées, les termes de la décision d'autorisation étant clairs sur la qualité exigée du repreneur des actifs cédés (cf. paragraphes 105 et suivants). Fnac Darty ne pouvait sérieusement prétendre que le groupe Dray remplissait à l'évidence les critères d'agrément dans la mesure où celle-ci ne l'avait pas même identifié dans la liste des repreneurs éventuels, pourtant élargie, qu'elle avait établie en début de processus de cession. Le groupe Dray n'était ni un concurrent de Fnac Darty sur les marchés de la distribution de produits gris et bruns, ni a fortiori un nouvel entrant sur le marché parisien. Par ailleurs, le plan d'affaires présenté, qui n'a fait l'objet que tardivement d'une documentation détaillée, [confidentiel].

176. S'agissant du magasin Fnac Beaugrenelle, les difficultés que Fnac Darty a rencontrées dès le début de la période de mise en œuvre des engagements pour trouver un repreneur approprié auraient dû l'amener à proposer des engagements de substitution ou, à tout le moins, demander, en temps utile, une prolongation du délai de mise en œuvre des engagements.

177. D'une manière générale, Fnac Darty n'est pas fondée à soutenir que les décisions de refus d'agrément du groupe Dray et de refus de prolongation du délai de réalisation des engagements l'auraient placée, en raison de leur caractère tardif, dans une situation d'impossibilité de trouver, en temps utile, une solution alternative. En effet, concernant d'une part, le refus de prolongation de délai, celui-ci est une réponse à une demande formulée seulement quinze jours avant le terme du délai d'exécution. Concernant d'autre part, le refus d'agrément, le délai de réponse de l'Autorité correspond au délai nécessaire pour obtenir toutes les informations nécessaires sur le projet du repreneur, et pour se faire communiquer les rapports et avis du mandataire, conformément à la lettre des engagements.

178. En outre, Fnac Darty a été informée à de nombreuses reprises, par écrit, par téléphone et à l'oral, de l'urgence de la situation, du risque de sanction auquel elle s'exposait en cas de non-respect de ses engagements et de la possibilité de demander une substitution d'engagements.

179. En tout état de cause, il convient d'écarter l'argument de Fnac Darty selon lequel son manquement serait imputable, en partie, à l'Autorité, en ce qu'elle aurait accepté, dans la décision d'autorisation, des engagements que la partie notifiante ne pouvait pas réaliser.

180. Il n'appartient pas à l'Autorité de se substituer aux opérateurs économiques lorsque ceux-ci font usage de leur pouvoir d'appréciation pour lui proposer des engagements : les manquements constatés ne portent pas sur un non-respect d'injonctions, décidées unilatéralement par l'Autorité. Le contrôle qu'elle exerce sur les engagements proposés, par le biais, le cas échéant, de tests de marché, porte sur leur caractère " efficace ", " rapide " et " contrôlable " (33), l'amenant ainsi à vérifier qu'ils ne sont pas manifestement irréalisables. Or, en l'espèce, aucun élément ne permettait de considérer, à la date de l'examen de l'opération, que les magasins proposés auraient été impossibles à céder.

181. De même, Fnac Darty n'est pas fondée à soutenir que la réalisation des cessions incombait, à compter du 1er mars 2017, au mandataire chargé de la cession et que, en conséquence, le manquement ne lui serait pas imputable. En effet, comme souligné au paragraphe 99, la nomination d'un mandataire chargé de la cession n'a aucunement pour objet ou pour effet de dégager Fnac Darty de ses obligations prises au titre des engagements souscrits, mais seulement de favoriser leur réalisation rapide.

182. De plus, le comportement de Fnac Darty est particulièrement inexcusable s'agissant d'un groupe important, qui dispose de moyens d'analyse juridique et économique substantiels, qui a fait appel à des conseils expérimentés en matière de contrôle des concentrations, et qui ne pouvait donc ignorer le caractère contraignant des engagements souscrits à l'occasion d'une décision d'autorisation d'une opération de concentration.

183. Enfin, l'Autorité considère que Fnac Darty avait manifestement intégré une part de risque dans le choix des actifs qu'elle s'était engagée à céder sous réserve de l'autorisation de l'opération, les magasins concernés n'étant pas les plus attractifs pour des repreneurs potentiels. L'Autorité avait elle-même averti la Fnac du risque encouru en cas de non réalisation des engagements souscrits : " En tout état de cause, le nouvel alinéa de l'article L. 430-8 du code de commerce inséré par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dispose qu'en cas d'inexécution, dans les délais fixés, d'un engagement figurant dans sa décision, l'Autorité peut " [e]njoindre sous astreinte [...] aux parties auxquelles incombait l'obligation, d'exécuter dans un délai qu'elle fixe des injonctions ou des prescriptions en substitution de l'obligation non exécutée ". En cas d'échec d'une ou plusieurs cessions dans les délais prévus, constaté selon la procédure prévue au IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, la mise en œuvre des pouvoirs ainsi conférés à l'Autorité lui permettra de substituer un magasin à un autre au titre des remèdes en cas d'inexécution constatée à l'issue de la procédure prévue à l'article L. 430-8 du code de commerce " (paragraphe 546).

184. Ceci étant souligné, l'Autorité relève que Fnac Darty a malgré tout mis en œuvre d'importants moyens pour se conformer aux engagements qu'elle a souscrits. Outre qu'elle a contacté un nombre très important d'acquéreurs potentiels au cours de la première période de réalisation des engagements, les magasins Darty Wagram, Darty Italie 2 et Darty Vélizy ont été cédés à des conditions commerciales désavantageuses pour Fnac Darty, compte tenu, il est vrai, du peu de candidats à la reprise de ces magasins.

185. Par ailleurs, il convient de tenir compte des difficultés que Fnac Darty a rencontrées pour trouver des repreneurs intéressés par les magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Saint-Ouen et Darty Belleville.

186. Enfin, comme souligné aux paragraphes 64 à 68, Fnac Darty a continué ses efforts dans la recherche d'un ou plusieurs repreneur(s) approprié(s), en tenant l'Autorité informée et allant, lorsque nécessaire, jusqu'à mandater un expert indépendant pour apprécier le caractère approprié des repreneurs envisagés. Ces discussions ont abouti à la signature par Fnac Darty de promesses de vente avec la société Boulanger pour l'acquisition des magasins Darty Passy et Darty Montmartre.

3. CONCLUSION

187. Il résulte de ce qui précède que le non-respect par Fnac Darty des engagements relatifs aux magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen revêt un caractère particulièrement grave, en dépit des démarches et des efforts entrepris par Fnac Darty dont l'Autorité tient compte, en n'ayant pas permis le rétablissement d'une concurrence effective sur six marchés locaux de la vente au détail de produits bruns et gris à Paris.

188. Compte tenu de la possibilité de préserver la concurrence par des mesures moins coercitives que le retrait de l'autorisation de la concentration, il y a lieu d'imposer à Fnac Darty une sanction pécuniaire (a) et des injonctions en substitution des engagements inexécutés (b), eu égard, d'une part, à la nécessité de rétablir la structure concurrentielle des marchés affectés par l'absence de cession des trois magasins concernés à un repreneur approprié et, d'autre part, à la nature des engagements et à la gravité des manquements constatés.

a) Sur la sanction pécuniaire

189. Selon les dispositions du I de l'article L. 430-8 du code de commerce, le montant maximum de la sanction pécuniaire prononcée " s'élève, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise (...) ".

190. La société Fnac Darty a réalisé un chiffre d'affaires consolidé en France, de 5,7milliards d'euros, au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2017. Ce chiffre d'affaires inclut celui réalisé par les entités acquises au titre de la décision d'autorisation. Le plafond légal de la sanction pécuniaire encourue s'élève donc à 286,6 millions d'euros.

191. Compte tenu de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus relatifs tant à la gravité des manquements constatés qu'à l'importance de l'atteinte qu'ils sont de nature à engendrer pour la concurrence et aux éléments propres au comportement de Fnac Darty, il y a lieu d'infliger à Fnac Darty une sanction d'un montant de 20 millions d'euros.

b) Sur les injonctions

192. Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé d'injonctions sur le fondement du 3° du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, afin de s'assurer que Fnac Darty réalise les cessions d'actifs nécessaires au rétablissement de la structure concurrentielle des six marchés locaux qui continuent d'être affectés par les effets de l'opération.

193. Dans chacune de ces zones, les consommateurs ne disposent toujours pas, à ce jour, d'alternatives suffisantes et crédibles aux magasins de Fnac Darty du fait de l'absence de cession d'un magasin des parties à un repreneur susceptible de concurrencer efficacement Fnac Darty.

194. Par conséquent, afin de rétablir la structure concurrentielle des marchés concernés, il est nécessaire de prononcer des injonctions en substitution des engagements inexécutés.

195. À cet égard, compte tenu des difficultés rencontrées par Fnac Darty et du mandataire chargé de la cession de trouver un ou des repreneur(s) approprié(s) pour acquérir les magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen, il convient d'examiner si la cession d'un ou plusieurs magasin(s) alternatif(s) serait susceptible de remédier aux problèmes de concurrence qui substituent dans les six zones concernées.

196. Fnac Darty a toutefois proposé, de manière spontanée, en substitution des trois magasins non cédés, de vendre deux autres magasins. Elle a ainsi informé l'Autorité avoir conclu, le 17 mai 2018, des accords avec la société Boulanger portant sur la cession des magasins Darty Montmartre (18e) et Darty Passy (16e).

197. Il convient d'examiner si la cession de ces deux magasins permet de résoudre les problèmes de concurrence dans les six zones concernées : Ternes, Passy, République, Belleville, Saint-Ouen et Beaugrenelle.

198. La cession des magasins Darty Montmartre et Darty Passy doit permettre à un ou plusieurs opérateur(s) concurrent(s) de s'implanter dans les zones de Saint-Ouen, République et Belleville, s'agissant du premier et dans les zones de Passy, de Ternes et de Beaugrenelle, s'agissant du second.

199. En conséquence, la cession de ces deux magasins, si elles sont faites au profit d'un repreneur approprié, sont susceptibles de remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans l'ensemble des six zones concernées.

200. La cession à la société Boulanger, qui possède plusieurs magasins à Paris et qui a déjà été agréée par l'Autorité pour l'acquisition de deux magasins Darty, remplirait par ailleurs les critères exposés dans la décision d'autorisation.

201. L'Autorité considère donc que les cessions envisagées spontanément par Fnac Darty, sous réserve qu'elles soient effectivement réalisées dans un délai raisonnable, soit avec le repreneur identifié, soit avec un autre repreneur approprié, peuvent se substituer aux engagements relatifs aux magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

202. Il convient donc d'enjoindre à Fnac Darty, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard, de procéder à la cession effective du magasin Darty Montmartre (situé au 56, boulevard de Rochechouart, 75018 Paris) et du magasin Darty Passy (situé au 92, avenue Paul Doumer, 75016 Paris) à un repreneur préalablement agréé par l'Autorité, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision, en substitution des engagements de cession des magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

203. Les magasins cédés (ou " actifs cédés ") incluent :

- toutes les immobilisations corporelles et incorporelles affectées à l'exploitation des actifs cédés, qui contribuent au fonctionnement actuel ou sont nécessaires pour garantir la viabilité et la compétitivité des actifs cédés ;

- toutes les licences, permis et autorisations délivrés par les organismes publics au bénéfice des actifs cédés, pour autant qu'ils soient cessibles ;

- le bénéfice et la charge de tous les contrats, baux, engagements et commandes de clients en cours dans le cadre de l'exploitation des actifs cédés, pour autant qu'ils soient cessibles ;

- le bénéfice et la charge de tous les contrats afférents au personnel des magasins, étant précisé que l'acquéreur agréé pourra conclure, sous réserve des dispositions applicables du code du travail, un accord avec Fnac Darty pour ne pas reprendre l'intégralité de ce bénéfice et de cette charge.

204. Les actifs cédés ne comprennent pas les enseignes et les droits de propriété intellectuelle (y compris les marques) détenus par Fnac Darty ni les contrats conclus avec Fnac Darty (approvisionnement, informatique, fidélisation, etc. auxquels il sera mis un terme à la date de la cession).

205. Par cession effective, l'Autorité entend le transfert à l'acquéreur agréé du titre légal des actifs cédés ou, indirectement, des titres des personnes morales propriétaires ou titulaires des actifs cédés.

206. Pour assurer la bonne exécution de ces injonctions, celles-ci seront exécutées par Fnac Darty selon les modalités d'exécution et de contrôle exposées ci-après.

207. Afin de préserver la viabilité, la valeur marchande et la compétitivité des magasins cédés, il est enjoint à Fnac Darty de :

- ne pas mener d'actions sous sa propre responsabilité qui produiraient un effet négatif significatif sur la valeur, la gestion ou la compétitivité des magasins cédés, ou qui pourraient en altérer la nature et le périmètre ;

- mettre à disposition des magasins cédés les ressources nécessaires et suffisantes à leur exploitation ;

- entreprendre toutes les actions nécessaires pour encourager l'ensemble du personnel nécessaire au maintien de la viabilité et à la compétitivité des magasins cédés à rester dans les magasins.

208. Afin d'obtenir l'agrément du repreneur requis préalablement à la cession effective des magasins cédés, il est enjoint à Fnac Darty de :

- soumettre à l'Autorité une proposition motivée et documentée sur les caractéristiques du repreneur, accompagnée d'une copie du contrat de cession, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.

209. Fnac Darty sera réputée avoir respecté les présentes injonctions si (i) l'Autorité approuve l'acquéreur et les termes du contrat de cession présentés par Fnac Darty et si (iii) les cessions des magasins Darty Passy et Darty Montmartre sont effectives dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision.

210. Fnac Darty devra informer l'Autorité de la date à laquelle les deux magasins auront été effectivement cédés en lui communiquant une copie des actes justifiant du closing.

211. L'Autorité pourra à tout moment, en réponse à une demande écrite de Fnac Darty exposant des motifs légitimes, lever, modifier ou remplacer une ou plusieurs des présentes injonctions, en cas de circonstances nouvelles ou exceptionnelles.

DÉCISION

Article 1er : Il est constaté l'inexécution par la société Fnac Darty SA des engagements auxquels était subordonnée la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac.

Article 2 : Une sanction pécuniaire de 20 millions d'euros est infligée à la société Fnac Darty.

Article 3 : Il est ordonné à la société Fnac Darty SA de se conformer en tous points aux injonctions prévues aux paragraphes 202 et suivants de la présente décision.

NOTES DE BAS DE PAGE

1.Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2.Thonon-les-Bains (74). Une analyse complémentaire a toutefois permis d'écarter tout risque d'atteinte à la concurrence dans cette zone (voir les paragraphes 449 à 453 de la décision d'autorisation).

3 Décision d'autorisation, paragraphe 470.

4 Le mandataire chargé du contrôle et le mandataire chargé de la cession peuvent par ailleurs être la même personne.

5 La dénomination sociale de la Fnac a évolué en juin 2017 pour devenir la société Fnac Darty SA. Dans un souci de clarté, il sera fait référence à Fnac Darty pour désigner la Fnac dans les démarches qu'elle a réalisées depuis la décision d'autorisation.

6 Le magasin Fnac Beaugrenelle n'a pas fait l'objet d'une lettre d'intention au cours de cette période. L'intérêt du groupe Dray portait spécifiquement sur le magasin Darty Beaugrenelle.

7 Compte tenu de l'imbrication des zones de chalandise des magasins Darty dans Paris, la cession d'un magasin à un opérateur concurrent est susceptible d'augmenter la pression concurrentielle non seulement dans la zone où se situe le magasin cédé, mais dans des zones voisines, en fonction notamment du score qui est attribué au repreneur. Voir sur ce point les paragraphes 539 à 542 de la décision d'autorisation.

8 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-DCC-44 du 11 avril 2017 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Boulanger de deux fonds de commerce exploités sous l'enseigne Darty.

9 Le mandataire chargé de la cession, en accord avec les services d'instruction, a donc écarté la candidature du groupe [confidentiel] sans la soumettre à l'agrément de l'Autorité.

10 Ce rapport était " préliminaire " dans la mesure où la demande d'agrément présentée ne comportait pas l'ensemble des informations nécessaires à son examen, en particulier sur le détail du plan d'affaires envisagé ou la capacité du groupe Dray à s'approvisionner, à des conditions commerciales compétitives, en produits bruns et gris.

11 Décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-D-15 du 9 juillet 2012 relative au respect des engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de Socopa Viandes par Groupe Bigard, paragraphe 31 et n° 17-D-04 du 8 mars 2017 relative au respect de l'engagement figurant dans la décision autorisant l'acquisition de SFR par le groupe Altice relatif à l'accord conclu avec Bouygues Telecom le 9 novembre 2010, paragraphe 183.

12 Arrêt du Conseil d'État du 21 décembre 2012, société Groupe Canal Plus, société Vivendi Universal, n° 353856.

13 Décisions n° 12-D-15, paragraphe 31 et n° 17-D-04, paragraphe 185, précitées.

14 Décisions n° 12-D-15, paragraphe 32 et n° 17-D-04, paragraphe 187, précitées.

15 Arrêt du Conseil d'État du 28 septembre 2017, Société Altice Luxembourg, Société SFR Group, n° 409770.

16 Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, paragraphe 618.

17 Décisions n° 12-D-15, paragraphe 33 et n° 17-D-04, paragraphe 188, précitées.

18 Ce recours a été rejeté par un arrêt du Conseil d'État du 4 avril 2018, société Beaugrenelle Patrimoine, n° 405343.

19 Les engagements prévoyaient, en sus des rapports du mandataire chargé du contrôle, que la Fnac adresse à l'Autorité des rapports mensuels sur l'évolution des négociations avec les acquéreurs potentiels au cours de la première période.

20 Décision n° 12-D-15 précitée, paragraphe 33.

21 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative au respect des engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus et décisions n° 12-D-15 et n° 17-D-04, précitées.

22 Arrêt du Conseil d'État du 28 septembre 2017, précité.

23 Décision n° 2012-280 QPC du Conseil constitutionnel du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre, cons. 11.

24 Arrêt du Conseil d'État du 21 décembre 2012, précité.

25 Arrêt du Conseil d'État du 28 septembre 2017, précité.

26 Décisions n° 11-D-12, n° 12-D-15 et n° 17-D-04, précitées.

27 Lignes directrices précitées, paragraphes 575 et 576.

28 Lignes directrices précitées, paragraphe 594.

29 Voir en ce sens une pratique décisionnelle nationale établie : arrêté du ministre de l'économie du 21 août 2007 relatif à l'inexécution par le groupe Carrefour de ses engagements déposés au titre du contrôle des concentrations, p. 6, et les décisions n° 12-D-15, paragraphe 113, n° 16-D-07, paragraphe 219, et n° 17-D-04, paragraphe 362, précitées.

30 Décisions n° 12-D-15, paragraphe 123, et n° 17-D-04, paragraphe 389, précitées.

31 Par exemple, l'ouverture future d'un magasin Apple sur les Champs-Élysées.

32 Lignes directrices précitées, paragraphe 588.

33 Lignes directrices précitées, paragraphe 590.