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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 11 octobre 2018, n° 17-10041

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Heineken Entreprise (SAS)

Défendeur :

Tout va bien (SAS), SCP Brouard-Daude (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Picard

Conseillers :

Mmes Rossi, Rohart-Messager

Avocats :

Mes de Ryck, Brami

T. com. Paris, du 2 mai 2017

2 mai 2017

Faits et procédure :

La SAS Tout va bien, immatriculée le 16 mai 2014, exploite un fonds de commerce de restauration, débit de boisson, création de spectacles, traiteur.

Par acte sous seing privé du 9 juillet 2014, la banque CIC Est a consenti à la société Tout va bien un crédit à objet professionnel en vue de financer un programme d'investissements et de travaux à hauteur d'un montant de 90 150 euros.

La société Heineken Entreprise est intervenue à l'acte de prêt en qualité de caution solidaire de la société Tout va bien.

En contrepartie de l'intervention de la société Heineken Entreprise, la société Tout va bien a conclu avec cette dernière un contrat de fourniture exclusive de bière. Ce contrat, signé le 20 juillet 2014, prévoyait l'engagement de la société Tout va bien de débiter 150 hectolitres de bière de marque Heineken par an au prix de 3,989 euros HT par litre et pour une durée de 5 ans. Son article 2.11 prévoyait que le non-respect total ou partiel, volontaire ou involontaire par le client d'une de ses obligations entraînerait de plein droit le paiement d'une indemnité de rupture unilatérale de la convention d'une somme égale à 20 % du prix des bières manquantes d'après les quantités fixées aux conditions particulières et la durée restant à courir.

La société Tout va bien n'ayant pas honoré ses échéances de prêt, la banque CIC Est a fait appel au cautionnement de la société Heineken Entreprise, qui a payé une somme totale de 64 122,89 euros.

Par un jugement du 19 mai 2016, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Tout va bien. Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 19 juillet 2016.

La société Heineken a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur à hauteur de 62398, 92 euros au titre du contrat de prêt consenti par la banque CIC Est et 59 700 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'approvisionnement correspondant au nombre de litres restant contractuellement à débiter multiplié par le prix de l'hectolitre et majoré de 20 %.

Par une ordonnance du 3 mai 2017, le Tribunal de commerce de Paris a admis la créance de la société Heineken à hauteur de un euro à titre chirographaire et l'a rejetée pour le surplus, au motif qu'il s'agissait d'une clause pénale.

La SAS Heineken a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 mai 2017.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 28 septembre 2017, la SAS Heineken Entreprise demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 2 mai 2017 par M. le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Tout va bien,

- ordonner l'admission définitive à titre chirographaire de la créance de la société Heineken Entreprise pour la somme de 59.700 euros au titre de l'indemnité de rupture,

- condamner la SCP Brouard-Daudé ès qualités aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 16 octobre 2017, la SCP Brouard-Daudé en qualité de mandataire liquidateur de la société Tout va bien et la SAS Tout va bien demandent à la cour de confirmer l'ordonnance de monsieur le juge-commissaire fixant le montant de la créance de la société Heineken Entreprise au passif de la société Tout va bien au titre de la clause pénale à hauteur de 1 euro.

Sur ce

La société Heineken Entreprise soutient que le juge-commissaire n'a pas établi le caractère manifestement excessif de l'indemnité de rupture de la convention exclusive de bière conclue entre les parties. Elle fait valoir qu'elle a subi un important préjudice du fait de la défaillance de la société Tout va bien dans le remboursement du prêt et dans son engagement de s'approvisionner exclusivement chez Heineken Entreprise, qui n'a quasiment pas été exécuté. Elle soutient dès lors que la clause pénale n'est pas excessive et maintient sa demande à hauteur de 59 700 euros.

La société Tout va bien et la SCP Brouard-Daudé soutiennent que l'indemnité prévue dans le contrat de fourniture était manifestement excessive. Elles font valoir qu'Heineken Entreprise n'avait adressé aucune mise en demeure avant l'ouverture de la procédure collective, et que la jurisprudence s'oppose à la validité des clauses pénales qui aggravent les obligations du débiteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective, ce qui est le cas en l'espèce.

La cour rappelle que la clause prévoyant une indemnité de rupture en cas de défaillance du cocontractant s'analyse en une clause pénale que le juge commissaire peut réduire lors de la procédure d'admission des créances si elle est manifestement excessive.

En l'espèce, la cour relève que l'indemnité de rupture du contrat de fourniture exclusive de bière fixée conventionnellement s'élève à 59 700 euros alors que cette somme est née du contrat de fourniture qui est la contrepartie de la somme due au titre du contrat de prêt, soit 62 398,92 euros.

L'indemnité de rupture est ainsi presque aussi élevée que l'obligation principale et en ce sens elle est manifestement disproportionnée.

La cour considère cependant qu'une indemnité est due du fait de la non exécution par la société débitrice du contrat la liant à la société Heineken et fixera en conséquence la créance de cette dernière à ce titre à la somme de 10 000 euros ;

Le jugement sera en conséquence partiellement confirmé.

IL serait inéquitable de laisser à la charge de la société Heineken les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera allouée à ce titre la somme de 1 500 euros.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort, Confirme l'ordonnance rendue le 2 mai 2017 par le juge commissaire du Tribunal de commerce de Paris chargé de la liquidation judiciaire de la société Tout Va Bien en ce qu'il a fixé au passif de cette société une créance de la société Heineken fondée sur l'indemnité conventionnelle de rupture du contrat de fourniture de bière, L'Infirme sur le montant de cette créance, Statuant à nouveau mais seulement sur ce point, Fixe au passif de la société Tout Va Bien la créance de la société Heineken au titre de l'indemnité de rupture du contrat de fourniture de bière à la somme de 10 000 euros à titre chirographaire, Y ajoutant, Condamne la SCP Brouard Daudé, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Tout Va Bien à payer à la société Heineken la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens, seront employés en frais privilégiés de procédure collective.