Cass. com., 10 octobre 2018, n° 17-17.290
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Monclin
Défendeur :
Medtronic France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
Me Balat, SCP Alain Bénabent
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2017), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 20 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.231), que M. Monclin a conclu un contrat de " représentation commerciale " avec la société Sofradim, qui a été transféré à la société Tyco Healthcare France (la société THF), devenue la société Covidien France (la société Covidien) ; que celle-ci ayant rompu le contrat pour faute grave, M. Monclin, qui niait avoir commis une telle faute, l'a assignée en paiement de diverses indemnités ; que reconventionnellement, la société Covidien a contesté la qualité d'agent commercial de M. Monclin ; que l'arrêt du 30 mai 2013, qui avait reconnu cette qualité à ce dernier, a été cassé pour violation de l'article L.134-1 du Code de commerce, au motif qu'il résultait de ses constatations que M. Monclin ne disposait pas d'un pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de son mandant ; que la société Medtronic France (la société Medtronic) est venue aux droits de la société Covidien ;
Sur le premier moyen : - Attendu que M. Monclin fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle tendant à l'interprétation des dispositions de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants alors, selon le moyen, que la Cour de justice de l'Union européenne est seule compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union ; que lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres dont la décision est susceptible de faire l'objet d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question, mais qu'elle ne peut en toute hypothèse, elle-même interpréter le texte de droit communautaire en cause ; qu'ayant constaté en l'espèce que M. Monclin lui demandait de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986 pour qu'elle écarte la prétention de la société Medtronic visant à lui dénier la qualité d'agent commercial, ce dont il résultait qu'une décision sur ce point était bien nécessaire pour qu'elle rende sa décision, la cour d'appel ne pouvait rejeter cette demande au motif qu'elle considérait " que les dispositions de la Directive en cause ne posent pas de difficultés particulières de compréhension ", ce qui revenait pour elle à interpréter la directive communautaire que seule la Cour de justice de l'Union européenne était compétente pour interpréter ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Mais attendu que, ne statuant pas en dernier ressort, la cour d'appel n'était pas tenue de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle d'interprétation du droit de l'Union demandée par M. Monclin ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que M. Monclin fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce et de toutes ses demandes découlant de la qualité d'agent commercial alors, selon le moyen : 1°) que l'article L. 134-1 du Code de commerce, qui procède de la transposition en droit français de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, tel qu'il sera interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit s'entendre en ce sens qu'un intermédiaire indépendant est chargé de négocier, au sens de cet article, dès lors qu'il est chargé régulièrement de procurer des affaires pour une autre personne et de promouvoir ses produits auprès des prospects et de la clientèle, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix ou les conditions de vente des produits en cause ; qu'en se déterminant ainsi en l'espèce, pour dénier à M. Monclin la qualité d'agent commercial et le débouter de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce, par la seule circonstance que, faute de disposer d'un minimum de marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique conclue, s'agissant notamment des prix et des conditions de vente des produits, il ne disposait pas du pouvoir de négociation requis pour se prévaloir du statut d'agent commercial, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 134-1 du Code de commerce et par refus d'application l'article L. 134-12 du même code ; 2°) qu'en tout état de cause, le pouvoir de négociation n'exigeant pas la faculté de consentir des remises de prix ni celle de modifier les conditions de vente, a la qualité d'agent commercial l'intermédiaire qui, à titre indépendant et par ses démarches, tend à convaincre des clients ou prospects de se porter acquéreurs des marchandises ou produits distribués par son mandant ; qu'en estimant au contraire que, faute de disposer " d'un minimum de marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique conclue " et notamment faute d'avoir la faculté de consentir des remises de prix sans l'accord de la société mandante, M. Monclin n'était investi d'aucun pouvoir de négociation et, par suite, qu'il ne pouvait se prévaloir du statut d'agent commercial, cependant que, par son intervention, il faisait en sorte de convaincre les clients de choisir les produits de la société mandante plutôt que ceux des concurrents de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 134-1 et L. 134-12 du Code de commerce ;
Mais attendu que le moyen qui invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, à laquelle la juridiction de renvoi s'est conformée, est irrecevable ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.