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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 octobre 2018, n° 17-02453

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Salola (SAS)

Défendeur :

Fiberweb Berlin GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Aidi, Defontaine, Coulon

T. com. Lille Métropole, du 3 janv. 2017

3 janvier 2017

Faits et procédure

La société Salola, spécialisée dans la vente de solutions techniques pour l'étanchéité à l'air et l'enveloppe des bâtiments, a noué, à partir de novembre 2012, une relation de partenariat avec la société de droit allemand Fiberweb Berlin GmbH pour commercialiser des produits d'isolation du type membrane fabriqués par Fiberweb.

Les relations entre les parties se sont dégradées au cours de l'année 2013, la société Salola se plaignant auprès de la société Fiberweb de plusieurs difficultés rencontrées au regard des livraisons effectuées. Par courrier du 20 février 2014, la société Salola a adressé à la société Fiberweb un récapitulatif des faits reprochés et a estimé un préjudice à hauteur de 500 000 euros. Parallèlement, les 20 février et 5 mars 2014, la société Salola a passé des commandes avec un autre fournisseur, la société Lenzing.

Le 11 mars 2014, la société Fiberweb a annoncé, par une lettre circulaire adressée à l'ensemble de ses clients, qu'elle planifiait d'arrêter sa production de membranes utilisées dans le domaine de la construction. Les 13, 18 et 21 mars 2014, la société Salola a procédé à l'annulation de trois commandes auprès de la société Fiberweb.

Par acte d'huissier en date du 2 octobre 2014, la société Salola a assigné la société Fiberweb devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d'obtenir réparation du préjudice découlant de la rupture brutale de relations commerciales établies, ainsi que le paiement par la société Fireweb de deux factures de 16 664,84 euros au titre d'un bonus de fin d'année 2013 et de 6.165,91 euros au titre d'une remise exceptionnelle de 10 % consentie par Fiberweb.

Par jugement rendu le 3 janvier 2017, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit que la rupture des relations commerciales n'est pas due à Fiberweb et qu'elle résulte d'une décision unilatérale de Salola ;

- débouté Salola de toutes ses demandes à ce titre ;

- débouté Salola de sa demande de paiement par Fiberweb de la facture du 31 décembre 2013 de 16.664,84 euros au titre du bonus de fin d'année sur chiffre d'affaires réalisé en 2013 ;

- dit que la facture de Salola du 31 décembre 2013 de 6 195,91 euros au titre d'une remise de 10 % destinée à compenser les difficultés de livraison est due par Fiberweb et vient au crédit de Salola ;

- condamné Salola à payer à Fiberweb la somme de 128 273,64 euros HT au titre des factures impayées ;

- condamné Salola à payer à Fiberweb les intérêts de retard au taux de 5,25 % à compter des dates d'échéances de chacune des factures de Fiberweb demeurées impayées ;

- dit la procédure intentée par Salola déloyale et abusive,

- condamné Salola à payer à Fiberweb une indemnité pour dommages et intérêts pour procédure abusive de 10 000 euros ;

- condamné Salola à payer à Fiberweb la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- prononcé la compensation entre les créances réciproques ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné Fiberweb aux frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros en ce qui concerne les frais de greffe.

Vu l'appel interjeté le 31 janvier 2017 par la société Salola à l'encontre de cette décision ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juin 2017 par la société Salola, appelante par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal, au visa des articles 1240 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

- condamner la société Fiberweb à payer à la société Salola la somme de 201 945,43 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies ;

A titre subsidiaire, au visa de l'article 1231-1 du Code civil,

- condamner la société Fiberweb à payer à la société Salola la somme de 201 945,43 euros à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire ;

En tout état de cause, au visa de l'article 1231-1 du Code civil,

- condamner la société Fiberweb à payer à la société Salola la somme de 16 666,84 euros au titre du bonus de fin d'année 2013 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Fiberweb à payer à Salola la somme de 6 265,91 euros au titre de la remise exceptionnelle de 10 % ;

- débouter la société Fiberweb de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société Fiberweb de ses demandes au titre des factures présentées ;

- débouter la société Fiberweb de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement du 3 janvier 2017 ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que toutes condamnations intervenant à l'encontre de la société Salola au profit de la société Fiberweb se compensera à due concurrence avec les sommes éventuellement dues par Fiberweb à Salola ;

- condamner la société Fiberweb à payer à la société Salola la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Mounir Aidi, membre de la Selarl Desse Carmignac Aidi, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle rappelle l'importance de la relation d'affaires établie avec la société Fiberweb, qui s'illustre notamment par le processus long et coûteux de certification des produits fabriqués par Fiberweb sur le marché français, auprès du CSTB.

Elle fait valoir que, par son courrier en date du 20 février 2014, elle n'entendait nullement rompre la relation commerciale la liant à la société Fiberweb, et qu'à l'inverse, elle se trouvait dans une relation de dépendance économique à l'égard de cette dernière, en raison des multiples modifications unilatérales des conditions commerciales imposées par la société Fiberweb. En deuxième lieu, la société Salola rappelle que les demandes de renvoi ne lui sont pas toutes imputables, par conséquent, l'abus du droit d'agir en justice ne peut être caractérisé. En troisième lieu, la société Salola soutient qu'elle n'a pas délibérément changé de fournisseur, mais que d'une part, les commandes passées les 20 février et 5 mars 2014 auprès de la société Lenzing avaient trait aux produits non fabriqués par la société Fiberweb, et d'autre part, l'annulation des commandes des 13, 18 et 21 mars 2014 ne pouvaient caractériser un abus de sa part, puisque cette annulation avait eu lieu après l'annonce par Fiberweb de l'arrêt de la production.

A titre principal, sur la rupture brutale des relations commerciales établies :

La société Salola soutient que la rupture brutale des relations commerciales établies est imputable à la société Fiberweb, dans sa lettre circulaire du 11 mars 2014 qui ne contenait pas de préavis de rupture, ce qui doit dès lors s'analyser en une rupture brutale des relations commerciales établies, eu égard des spécificités de la relation des deux sociétés. Elle rappelle en outre que la brutalité de la rupture suppose l'appréciation d'autres circonstances entourant la relation d'affaire, notamment la dépendance économique et les investissements spécifiques, circonstances qui s'appliquaient en l'espèce.

A titre subsidiaire, sur la responsabilité contractuelle de la société Fiberweb :

La société Salola retient la responsabilité contractuelle de la société Fiberweb, car ladite société aurait commis une faute en ne cessant de modifier unilatéralement les conditions commerciales et en annonçant le 11 mars 2014 la fermeture de ses lignes de production. En outre, elle affirme que la société Fiberweb a fait preuve de mauvaise foi tout au long de la relation contractuelle, en continuant de discuter des conditions de vente des produits alors qu'elle s'apprêtait à arrêter sa production de membranes.

Sur le préjudice subi par la société Salola :

La société Salola considère qu'elle a subi un préjudice estimé à hauteur de 201.945,43 euros portant sur la perte de marge lors du temps nécessaire pour trouver un nouveau fournisseur et la perte de marge sur l'année 2014, les prix étant négociés à l'année avec les clients sur la base des prix de vente de Fiberweb, or le nouveau fournisseur vendant à un prix plus élevé.

Sur les factures impayées :

La société Salola soutient que le bonus de fin d'année à hauteur de 16.666,84 euros est dû car la société Fiberweb avait donné son accord aux conditions de volume de bonus de fin d'année et que, dès lors, le contrat de bonus n'étant soumis à aucun formalisme particulier, le contrat était parfaitement valide. Concernant la facture de remise, la société Salola affirme qu'elle s'est vue accorder une remise de 10 % par la société Fiberweb en raison des difficultés de livraison rencontrées, sans limite de temps. Le tribunal ayant fait droit à cette demande, la société Salola exige le paiement de la facture d'un montant de 6 165, 91 euros.

Sur les factures Fiberweb :

D'une part, la société Salola considère que le montant des factures exigées par la société Fiberweb est inexact. D'autre part, la société Salola soutient qu'elle n'est pas débitrice de ces factures en raison des multiples fautes contractuelles imputables à la société Fiberweb lors de la livraison des produits. A titre subsidiaire, la société Salola estime que les sommes dues doivent faire l'objet d'une compensation avec les sommes dues par la société Fiberweb au titre de l'indemnisation du préjudice subi.

La société Fiberweb Berlin, par dernières conclusions signifiées le 12 juin 2018, demande à la cour, au visa des articles 1382, 1134 et 1147 et suivants anciens du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner la société Salola à payer à la société Fiberweb Berlin la somme complémentaire de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner à payer à la société Fiberweb Berlin la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.

Sur la rupture fautive de relations commerciales établies, elle soutient que la société Salola a tenté de justifier le défaut de paiement des factures en lui imputant la rupture brutale des relations commerciales établies, par le courrier du 20 février 2014, qui mettait en cause les " multiples revirements et changement de positions s'agissant des délais de paiement ". Selon elle, les aménagements des conditions de paiement (les crédits et délais accordés), ont eu lieu à chaque fois à la demande de la société Salola, mais malgré tout, la société Salola n'a pas respecté ses engagements contractuels, les factures ayant été réglées avec retard.

La société Fiberweb soutient qu'elle n'est pas à l'origine de l'arrêt des relations commerciales avec la société Salola, puisque ladite société aurait argué l'existence de la rupture brutale avant même que la société Fiberweb n'annonce à ses clients l'intention d'arrêter la production de membranes d'isolation, arrêt qui est devenu effectif en juillet 2014. Dès lors, la lettre du 11 mars 2014 ne peut être considérée comme valant rupture des relations commerciales. Ensuite, la société Fiberweb souligne l'incohérence de la plainte de la société Salola, d'une part, au regard du respect du préavis, et d'autre part au regard du préjudice découlant de la différence des prix. De plus, la société Fiberweb affirme la mauvaise foi de la société Salola car cette dernière aurait passé plusieurs commandes auprès du nouveau fournisseur Lenzing les 20 février et 5 mars 2014, soit avant la lettre circulaire du 11 mars 2014 par laquelle la société Fiberweb annonce l'intention d'arrêter la production, et que les produits commandés auprès de la société Lenzing sont fabriqués par la société Fiberweb, contrairement à ce qu'affirme la société Salola.

Enfin, la société Fiberweb énonce qu'à supposer que la lettre circulaire du 11 mars 2014 vaille préavis de rupture, celle-ci n'a commis aucune faute. Selon elle, les relations entre les sociétés n'ont duré à peine un an, et la lettre circulaire informait de la fermeture à terme des lignes de production et du maintien dans l'intervalle de sa capacité d'honorer les commandes en cours. En outre, la société Fiberweb conteste la dépendance économique et les investissements soutenus par la société Salola en l'absence de preuve et l'absence de contrat d'exclusivité conclu entre les deux sociétés. De même, selon elle, la rupture brutale en cas de modification substantielle des conditions d'exécution du contrat ne s'applique pas en l'absence de contrat unissant les deux parties. Enfin, la société Fiberweb soutient que la société Salola ne fournit pas de justificatifs concernant le préjudice subi et son montant qui ne correspond à aucune réalité économique.

Sur la demande de condamnation de la société Fiberweb sur le fondement de sa responsabilité contractuelle :

La société Fiberweb souligne l'absence de contrat entre les deux sociétés, et que seules certaines opérations successives de vente ont été effectuées. Dès lors, elle soutient que la seule obligation contractuelle lui incombant est la livraison des marchandises et aucun autre élément ne permet de remettre en cause la bonne exécution de ses obligations.

Sur les sommes dues à la société Fiberweb :

La société Fiberweb soutient que le montant dû par la société Salola est bien de 128 273,64 euros HT. Selon elle, le montant inclut également en déduction la remise exceptionnelle accordée par la société Fiberweb au titre des retards de livraison, soit la facture non contestée de 6 265,91 euros. En outre, la société Fiberweb conteste la facture du 31 décembre 2013 sur le bonus de fin d'année, en estimant qu'elle n'est pas due, les conditions contractuelles n'étant pas réunies, en raison de retards réguliers dans le règlement des factures.

Sur les demandes accessoires la société Fiberweb :

La société Fiberweb affirme son bien fondé à demander confirmation du jugement de première instance en raison du caractère dilatoire de la procédure engagée par la société Salola.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

Motifs :

Sur les demandes principales de la société Salola :

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :

Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose qu' "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure " ;

Considérant que la société Salola fait valoir que la rupture de la relation commerciale établie est imputable à la société Fiberweb qui, le 11 mars 2014, a fait connaître sa décision de cesser son activité "toiture" sans l'assortir d'un préavis ; que la société Fiberweb réplique que la rupture est imputable à la société Salola qui avait visiblement choisi, dès le début de 2014, de s'adresser à un autre fournisseur bien avant que la société Fiberweb n'arrête sa production, et qui a annulé ses dernières commandes en mars 2014 ;

Mais considérant que les commandes de produits référencés " Gedibois " passées par la société Salola à la société Lenzing Plastics les 20 février et 5 mars 2014 ne sauraient s'interpréter en une rupture de la relation établie avec la société Fiberweb avec laquelle Salola n'entretenait aucune relation d'exclusivité ;

Qu'en revanche, par courrier en date du 11 mars 2014, la société Fiberweb a écrit à ses clients :

"Lettre aux clients de PGI- Secteur Toiture

Mesdames, Messieurs,

PGI planifie d'arrêter son activité européenne dans le secteur Toiture, et à fermer ses lignes de production S3 et 54, basées à Berlin. L'activité européenne dans le secteur Toiture, qui consiste à fabriquer des membranes perméables et des pares-vapeur utilisés dans le domaine de la construction, a subi d'importantes pertes ces dernières années. Compte tenu de la surproduction sur le marché des toitures et des perspectives mitigées (au mieux) dans le secteur européen de la construction, PGI n'entrevoit pas de possibilité à ce stade d'une évolution vers la rentabilité dont cette activité à besoin. Dans le même temps, PGI souhaite développer une présence durable en Allemagne, basée sur une activité plus petite mais plus rentable, organisée sur un site unique à Berlin, qui consoliderait le meilleur de nos activités de Berlin et Aschersleben. Le plan proposé pour la sortie de l'activité Toiture débutera par la fermeture de la ligne de production S3, dès que les étapes juridiques nécessaires auront été achevées. Les commandes existantes dejà confirrmées seront honorées. Les commandes et les ordres non encore confirmés pourraient subir un retard dans le processus de confirmation de commande, dans la mesure où nous devons gérer le temps disponible au regard des demandes relative à chaque ligne.

Merci de contacter notre service clientèle basé à Berlin pour toute information sur vos commandes existantes ou nouvelles, comme vous le faîtes d'habitude.

Andrew Lawton Segment Vice President, Construction & Agriculture" ;

Que, par cette lettre, la société Fiberweb a informé ses clients, dont la société Salola, de la fermeture de la ligne de production 53, dédiée à la fabrication de membranes d'isolation, ["fermeture planifiée" (plan to exit)] et des dispositions d'ores et déjà arrêtées pour honorer les commandes en cours ; que cette lettre, annonçant sans équivoque l'intention de Fiberweb de rompre, vaut notification de la rupture de la relation ; qu'il est toutefois constant que cette notification n'a été assortie d'aucun préavis écrit, la référence de la lettre du 11 mars 2014 aux "étapes juridiques nécessaires à l'accomplissement" du plan de sortie ne constituant pas la notification d'un délai précis dont la victime de la rupture doit tirer parti pour retrouver un fournisseur ;

Que, par ses annulations des 13, 18 et 21 mars 2014 des commandes en cours (pièces Fiberweb n° 3), la société Salola s'est bornée à tirer les conséquences de la rupture de la relation notifiée par Fiberweb et de l'absence d'engagement de cette dernière d'honorer des commandes non encore confirmées, et ne peut être considérée comme l'auteur de la rupture ;

Considérant que la rupture des relations commerciales établies doit dès lors être imputée à la société Fiberweb ;

Considérant que seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° ; que ce préjudice s'entend généralement de la perte de marge brute pendant le préavis qui n'a pas été exécuté ; que le préjudice résultant du renchérissement des produits ne relève pas de celui indemnisable au titre de de l'article L. 442-6 I 5° ;

Considérant que, compte tenu de la durée de la relation, d'une année, et de la situation de la victime de la rupture, la durée suffisante du préavis doit être fixée à deux mois ; que, pour un chiffre d'affaires annuel moyen de 2 018 811 euros (moyenne des années 2011 à 2013) et un taux de marge brute de 10 % (pièces Salola n° 11), la perte de marge s'établit à 33 646 euros pour deux mois ; que la société Fiberweb sera condamnée à payer cette somme à la société Salola à titre de dommages et intérêts ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;

Sur les demandes de paiement de factures :

Considérant, sur le bonus de fin d'année, que, si la société Fiberweb a, le 15 mars 2013, accordé à la société Salola des bonus sur le chiffre d'affaires réalisé, le règlement de ces bonus demeurait subordonné au paiement, par des factures émises par la société Fiberweb (pièce Fiberweb n° 5 : "La condition pour le paiement des bonus est que toutes les factures de l'exercice en cours soient soldées et que toutes les factures soient réglées régulièrement et ponctuellement"), condition qui n'a pas été en l'espèce remplie ; que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté Salola de sa demande de ce chef ;

Considérant, sur la facture de remise, que Fiberweb ne conteste pas que, le 29 août 2013, elle a proposé à Salola une remise de 10 % dans la limite de 12 000 euros sur six semaines de livraison ; que, la facture émise par Salola à ce titre à hauteur de 6 165,91 euros n'étant pas contestée, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande de Fiberweb de ce chef ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Fiberweb :

Considérant que la société Fiberweb réclame le paiement de :

- solde dû sur la facture du 13 novembre 2013, pour un montant de 16 666,84 euros HT ;

- facture du 25 novembre 2013, d'un montant de 703,80 euros HT ;

- facture du 13 décembre 2013, d'un montant de 4 305,60 euros HT ;

- facture du 15 janvier 2014, d'un montant de 4 467,60 euros HT ;

- facture du 23 janvier 2014, d'un montant de 4 968 euros HT ;

- facture du 24 janvier 2014, d'un montant de 1 905 euros HT ;

- facture du 28 janvier 2014, d'un montant de 23 400 euros HT ;

- facture du 6 février 2014, d'un montant de 4 148 euros HT ;

- facture du 7 février 2014, d'un montant de 22 411,50 euros HT ;

- facture du 7 février 2014, d'un montant de 9 096 euros HT ;

- facture du 24 février 2014, d'un montant de 24 693,21 euros HT ;

- facture du 3 mars 2014, d'un montant de 17 774 euros HT ;

soit, après déduction de la facture de Salola du 31 décembre 2013 d'un montant de 6 265,91 euros HT, un montant total de 128 273,64 euros HT ;

Considérant que, si la société Salola oppose l'exception d'inexécution pour non-respect des délais de livraison et défaut de qualité et de quantités de certaines marchandises livrées, elle discute pas que les factures en cause correspondent à des livraisons effectives de marchandises et ne rapporte pas la preuve qu'elle ait contesté auprès de son fournisseur les conditions de la remise de chacun des produits livrés ; qu'à cet égard, si le conseil de Salola a, dans une lettre à Fiberweb en date du 20 février 2014, souligné qu' " un état exhaustif des retards de livraison et de leurs conséquences a été transmis selon courrier électronique du 10 juillet 2013 ", cette contestation ne porte pas sur les factures émises entre les 13 novembre 2013 et 3 mars 2014 ; que le jugement entrepris sera confirmé sur la condamnation de la société Salola au paiement de ces factures ;

Considérant que la cour déboutera la société Fiberweb, qui succombe sur la rupture brutale de la relation commerciale établie, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et infirmera sur ce point le jugement entrepris ;

Considérant que la décision déférée sera infirmée sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens ; que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris sur la rupture brutale de la relation commerciale établie et sur les condamnations à dommages et intérêts, en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ; Statuant à nouveau ; Dit que la société Fiberweb Berlin GmbH a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la SAS Salola ; Condamne la société Fiberweb Berlin GmbH à payer àla SAS Salola la somme de 33 646 euros à titre de dommages et intérêts ; Déboute la société Fiberweb Berlin GmbH de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre la société Fiberweb Berlin GmbH et la SAS Salola.