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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 octobre 2018, n° 16-10582

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Aqualmi (SARL)

Défendeur :

Mondial Piscine (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Hardouin, Lugosi, Boisnard

CA Paris n° 16-10582

17 octobre 2018

Faits et procédure

Vu le jugement rendu le 21 avril 2016 par le Tribunal de commerce de Rennes qui a :

- re-qualifié en contrat de concession commerciale le contrat signé par les parties le 2 mai 2006,

- condamné la société Aqualmi à payer à la société Mondial piscine la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Aqualmi aux entiers dépens ;

Vu l'appel relevé par la société Aqualmi et ses dernières conclusions notifiées le 25 juin 2018 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article 1156 du Code civil, de l'article L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a re-qualifié le contrat la liant à la société Mondial piscine et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Mondial piscine au versement de la somme de 9 316,08 euros au titre des escomptes non versés,

- constater que la société Mondial piscine n'a pas respecté le préavis qu'elle lui avait donné,

- dire que la société Mondial piscine a commis un abus de droit et qu'elle a contribué au détournement de sa clientèle,

- condamner la société Mondial piscine au paiement :

* d'une indemnité de 55 900 euros au titre des préjudices consécutifs à la rupture du contrat de licence de marque (perte de marge brute),

* d'une indemnité de 50 000 euros au titre des préjudices liés à ses actes de concurrence déloyale,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner la société Mondial piscine aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 juin 2018 par la société Mondial piscine qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de :

- dire la société Aqualmi irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Aqualmi de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Aqualmi aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce

Le 3 mai 2006, la société Mondial piscine a signé avec la société Aqualmi un contrat intitulé " contrat de licence de marque " aux termes duquel elle lui a concédé le droit d'utiliser ses marques moyennant paiement d'une redevance, en lui accordant une exclusivité territoriale dans la Marne ; la société Aqualmi quant à elle s'est engagée, d'une part à construire ou à vendre un nombre défini de piscines, d'autre part à s'approvisionner auprès de la plate-forme de stockage Mondial piscine ; le contrat était conclu pour une durée de trois ans, les parties convenant de se rencontrer quatre mois avant la date d'expiration afin d'envisager son renouvellement.

Les relations entre les parties se sont poursuivies après le 3 mai 2009 sans signature d'une nouvelle convention ; puis par lettre recommandée avec avis de réception du 7 mars 2012, la société Mondial piscine a notifié à la société Aqualmi son intention de rompre leurs relations en lui accordant un préavis de six mois.

Le 4 septembre 2014, la société Aqualmi a fait assigner la société Mondial piscine devant le Tribunal de commerce d'Angers en paiement, notamment, d'indemnités pour non-respect du préavis et rupture du contrat ; cette demande étant fondée sur l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, le tribunal saisi s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Rennes qui, par le jugement déféré, a débouté la société Aqualmi de toutes ses demandes.

En premier lieu, la société Aqualmi demande la somme de 9 316,08 euros au titre d'escomptes dont elle n'aurait pas bénéficié sur des factures émises entre 2006 et 2012 ; elle invoque l'article 7-E du contrat qui stipule : " Toute première commande est réglable par chèque ou virement bancaire à la commande. Pour les commandes suivantes, en cas de règlement à la commande par virement bancaire ou par chèque, un escompte de 2 % sera accordé sauf sur les coûts d'emballage et de transport. Pour une livraison avec un paiement en contre remboursement par chèque, un escompte de 1 % sera accordé, sauf sur le coût d'emballage et de transport (les frais de transport sont à la charge du client) ".

La société Mondial piscine objecte à juste raison que les demandes relatives à des escomptes sur des factures antérieures au 3 septembre 2009 sont prescrites.

Pour le surplus, la société Mondial piscine justifie par les pièces qu'elle produit que la société Aqualmi ne payait pas à bonne date les sommes qu'elle lui devait, nombre de ses chèques étant rejetés pour défaut de provision ; elle est dès lors bien fondée à lui opposer une exception d'inexécution.

En conséquence, la demande en paiement de la somme de 9 316,08 euros sera rejetée.

En deuxième lieu, la société Aqualmi soutient que le contrat, justement re-qualifié en contrat de concession, s'est poursuivi tacitement après son terme, dans les mêmes conditions et aux mêmes clauses, pour une durée indéterminée ; elle reproche à la société Mondial piscine :

- de n'avoir pas respecté le préavis de six mois annoncé et d'avoir rompu sans préavis la relation commerciale établie, engageant ainsi sa responsabilité par application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- d'avoir commis des actes de concurrence déloyale caractérisés selon elle :

* par un abus de droit, pour lui avoir facturé des catalogues le 23 février 2012, soit deux semaines avant de dénoncer le contrat, et ne pas l'avoir invitée à un séminaire en octobre 2011, ce qui démontre qu'elle savait dès cette date que le contrat allait être résilié,

* par un détournement de clientèle au profit d'un nouveau concessionnaire, la société AD piscines constituée dans le même secteur début février 2012, étant précisé que cette société était mentionnée sur le site internet de la société Mondial piscines dès août 2012, alors qu'elle-même n'y était plus référencée depuis mars 2012.

La société Aqualmi prétend que la rupture du contrat lui a occasionné une perte de chiffre d'affaires de 130 000 euros et calcule son préjudice sur la base d'une marge brute perdue de 43 %, soit 55 900 euros ; elle évalue son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale à 50 000 euros, soit 30 000 euros en précisant que la rupture " aurait pu entraîner l'ouverture d'une procédure collective " et 20 000 euros en indiquant qu'elle a dû prendre des mesures pour assurer la pérennité de son activité.

La société Mondial piscine ne conteste pas la re-qualification du contrat et sa poursuite pour une durée indéterminée, aux mêmes clauses et conditions ; mais elle fait valoir

- qu'elle a accordé un préavis de six mois supérieur à celui prévu au contrat qui était de trois mois et qu'il s'agit d'un préavis suffisant,

- qu'elle a continué à approvisionner la société Aqualmi en pièces Mondial piscine jusqu'en 2013,

- que la société Aqualmi ne respectait pas les objectifs minimum de vente qui lui avaient été assignés, ce qui permettait la résiliation du contrat par application des articles 4 et 13.

Elle conteste l'abus de droit qui lui est imputé et allègue n'avoir commis aucun détournement de clientèle, la société Aqualmi ayant pu écouler son stock y compris postérieurement à 2012, deux piscines ayant été facturées en 2013 pour un montant de 11 399 euros.

Il convient de rappeler que seule la rupture brutale sans préavis suffisant de la relation commerciale établie peut ouvrir droit à réparation sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce ; en l'espèce le préavis de six mois accordé par société Mondial piscines était suffisant pour permettre à la société Aqualmi de ré-organiser son activité ; la société Aqualmi ne verse pas aux débats de pièces de nature à démonter que ce préavis n'aurait pas été respecté ; au contraire la société Mondial piscines a honoré ses commandes en 2012 et lui a facturé en 2013 la fourniture de deux piscines pour un montant de 11 399 euros ; sa demande en paiement de la somme de 55 900 euros sera donc rejetée.

La société Mondial piscine n'a pas commis d'abus de droit en envoyant et facturant des catalogues à la société Aqualmi le 23 février 2012 alors que leurs relations devaient perdurer jusqu'à l'expiration du préavis ; à supposer que la société Aqualmi n'ait pas reçu d'invitation au séminaire organisé par la société Mondial piscine pour ses concessionnaires les 24 et 25 janvier 2012, elle ne démontre en aucune façon le préjudice qui en serait résulté.

Cependant il apparaît que :

- les annonces légales du 10 février 2012 de la Marne agricole mentionnent que la société AD piscines, ayant son siège à Reims et comme nom commercial " Mondial piscine ", a été constituée avec pour objet social la commercialisation de piscines,

- dès le 5 mars 2012, la société Aqualmi ne figurait plus sur le site internet de la société Mondial piscines comme concessionnaire et le 28 août 2012 la société AD piscines y était indiquée comme nouveau concessionnaire pour le département de la Marne.

En ne référençant plus la société Aqualmi sur son site internet dès mars 2012 et en permettant l'installation d'un nouveau concessionnaire sur le territoire concédé à la société Aqualmi avant l'expiration du préavis, la société Mondial piscine a commis des fautes qui ont causé préjudice à sa cocontractante, soumise à la concurrence d'une autre société pendant son préavis ; la société Aqualmi qui avait réalisé un chiffre d'affaires de 317 845 euros pour l'exercice clos le 31 mars 2012 ne justifie pas de son chiffre d'affaires pour l'exercice suivant ; au regard des seuls éléments d'appréciation produits, il convient de lui allouer la somme de 15 000 euros en réparation ; pour le surplus, ses demandes de dommages-intérêts non justifiées seront rejetées.

La société Mondial piscine, qui reste débitrice envers la société Aqualmi, doit supporter les dépens ; vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d'accorder à l'appelante la somme de 3 000 euros, l'intimée étant déboutée de ce chef de demande.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Condamne la société Mondial piscine à payer à la société Aqualmi : - la somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts, - la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Aqualmi de toutes ses autres demandes ; Rejette la demande de la société Mondial piscine au tire de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Mondial piscine aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.