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Décisions

Cass. 1re civ., 17 octobre 2018, n° 16-19.858

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Acquaviva

Paris, pôle 4 ch. 9, du 31 mars 2016

31 mars 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 4 janvier 2013, M. X (l'acquéreur) a acquis de Mme Y (le vendeur) un véhicule automobile d'occasion ; qu'à la suite de dysfonctionnements successifs ayant entraîné plusieurs interventions, l'acquéreur a assigné le vendeur en résolution de la vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés et, subsidiairement, du défaut de délivrance conforme ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Attendu que le vendeur fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de résolution du contrat de vente, alors, selon le moyen, que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; que pour retenir l'existence de défauts du véhicule, la cour d'appel ne s'est fondée que sur l'expertise établie le 13 avril 2013 et sur un courrier du même jour établi par l'expert à la suite des opérations d'expertise ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur les constatations d'une expertise menée non contradictoirement à la demande de l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que le vendeur avait été régulièrement appelé à l'expertise amiable et qu'il avait choisi de ne pas y participer, la cour d'appel qui a fait ressortir que cette mesure avait été privée de son caractère contradictoire du seul fait de celui-ci, a pu, sans méconnaître l'article 16 du Code de procédure civile, se fonder sur les conclusions du rapport d'expertise qui avaient été soumises préalablement à la libre discussion des parties ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen : - Attendu que le vendeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que le défaut rendant la chose impropre à sa destination normale constitue un vice caché ; que la cour d'appel a retenu que le véhicule était affecté de " défauts de conformité des quatre pneus jantes et ressorts de suspension du véhicule aux indications du constructeur, ainsi que de fissures sur la jante avant droite " ; qu'en ordonnant la résolution de la vente du véhicule pour défaut de délivrance conforme, cependant qu'elle avait relevé que les désordres décrits par l'expert " rendent le véhicule dangereux à la circulation et donc impropre à sa destination ", ce dont il résultait qu'ils constituaient des vices cachés et que la garantie de ceux-ci était l'unique fondement possible de l'action, la cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; 2°) que la mauvaise foi s'entend de la connaissance du vice ; qu'en se bornant à retenir que le vendeur, premier propriétaire du véhicule, aurait été " de mauvaise foi pour avoir indiqué sur le certificat de cession du véhicule que le véhicule n'a pas subi de transformation notable susceptible de modifier les indications du certificat de conformité ou de l'actuelle carte grise ", sans caractériser la connaissance effective, par le vendeur, qui n'est pas un professionnel de l'automobile, de la non-conformité des modifications effectuées sur son véhicule par rapport aux indications du constructeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève, d'une part, que les quatre pneus jantes et ressorts de suspension du véhicule n'étaient pas conformes aux indications du constructeur, ce qui rendait le véhicule dangereux à la circulation, d'autre part, que ces non-conformités en ce qu'elles supposaient une intervention, antérieure à la vente, sur le véhicule qu'il avait acquis neuf, étaient nécessairement connues du vendeur dont la mauvaise foi résultait de la mention portée sur le certificat de cession que le véhicule n'avait pas subi de transformation notable susceptible de modifier les indications du certificat de conformité ou de la carte grise ; que, de ces énonciations et constatations dont il résultait que la chose vendue était affectée de non-conformités, la cour d'appel a exactement déduit que le vendeur n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la quatrième branche du moyen : - Vu les articles 544 et 1184 du Code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir ordonné la résolution de la vente, a enjoint au vendeur de restituer le prix, à charge pour lui de récupérer le véhicule au plus tard dans le mois suivant la signification de l'arrêt, à défaut de quoi, l'acheteur serait libre d'en disposer à son gré ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution judiciaire entraînant l'anéantissement rétroactif du contrat, chacune des parties devait se voir restituer l'objet de son obligation, ce dont il résultait que l'acheteur ne pouvait, après restitution du prix, disposer du véhicule, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire et l'article 1015 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : casse et annule, par voie de retranchement et seulement en ce qu'il dit que M. X sera libre de disposer à son gré du véhicule, à défaut de récupération par Mme Y dans le mois suivant sa signification, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; dit n'y avoir lieu à renvoi.