CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 26 octobre 2018, n° 17-12084
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Régie (SARL)
Défendeur :
Kyrn Éditions (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lis Schaal
Conseillers :
Mme Cochet-Marcade, M. Picque
Avocats :
Mes Mathias, Mattei, Manenri
Faits et procédure
La SARL Kyrn Éditions (ci-après Kyrn) édite le magazine Aria Inflight (Aria) de la compagnie Air Corsica.
Le 21 décembre 2007, elle a conclu avec la SARL La Régie qui a vocation notamment à assurer la régie publicitaire des titres de presse sur le territoire français, un contrat ayant pour objet la prospection publicitaire pour le magazine Aria sur les départements des Bouches du Rhône, Var et Vaucluse. Ce contrat assorti d'une clause d'exclusivité pour ces trois départements, avait une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction.
A la suite de difficultés entre les parties liées à l'exécution dudit contrat, un avenant était signé le 17 octobre 2014 mettant fin à la clause d'exclusivité de la société La Régie pour les trois départements susmentionnés.
Aux mois de juin et juillet 2015, la société Kyrn n'a pas donné suite à des demandes de la société La Régie concernant des insertions publicitaires pour les entités Roches et Galets, Piscines Magiline et Distillerie Janot.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2015, la société La Régie s'est plainte auprès de la société Kyrn de ces refus d'insertion et sollicitait de sa part une proposition d'indemnisation du préjudice commercial et financier qu'elle estimait avoir subi.
Par lettre 10 septembre 2015, la société Kyrn justifiait ces refus et précisait "qu'elle publiera toute campagne qui répond aux modalités normales de contractualisation, sous réserve de disponibilité pour ce client".
En réponse, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2015, la société La Régie faisait part de son désaccord sur l'interprétation des dispositions du contrat par la société Kyrn et sur le bien-fondé des motifs de refus et précisait "il devient impossible par conséquent de continuer à exploiter le contrat sans savoir si les campagnes signées seront diffusées" et concluait "si vous deviez maintenir les termes de votre réponse du 10/09/2018, je me verrai contraint de saisir la juridiction compétente, pour ce qui s'apparente à une rupture de notre relation".
Le 4 novembre 2015, toujours par lettre recommandée avec accusé de réception la société La Régie constatait le défaut de réponse de la société Kyrn à son courrier du 15 septembre 2015 et ajoutait "Je ne peux donc déduire de votre attitude qu'une volonté de mettre un terme à notre relation pourtant pérenne depuis le 1er janvier 2008. Je me réserve donc le droit de faire sanctionner cette rupture brutale de notre contrat".
C'est dans ces conditions que la société La Régie a par acte délivré le 20 juillet 2016, fait assigner la société Kyrn devant le Tribunal de commerce de Marseille sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Devant le Tribunal de commerce de Marseille, la société La Régie a demandé, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- dire que la société Kyrn a commis une faute contractuelle en refusant de publier les annonces pour les sociétés Distillerie Janot, Roches et Galets et Piscines Magiline,
- dire que la société Kyrn a rompu partiellement brutalement le relation contractuelle les unissant,
- en conséquence, la condamner à la somme de 3tribunal de commerce 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- à titre subsidiaire, la condamner à la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1134 alinéa 3 et suivants du Code civil,
- la condamner à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Kyrn concluait quant à elle, in limine litis, à l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Marseille au profit du Tribunal de commerce d'Ajaccio, au débouté de la société La Régie de l'ensemble de ses demandes et, à titre reconventionnel, sollicitait la condamnation de la société La Régie à lui payer les sommes de
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour la rupture de la relation commerciale,
- 10 000 euros pour procédure abusive,
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens.
Par jugement contradictoire en date du 29 mars 2017, le Tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré territorialement compétent et a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes principales et reconventionnelles.
Le tribunal a considéré, en réponse à l'exception d'incompétence soulevée par la société Kyrn que les demandes de la société La Régie étant fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, il était compétent pour connaître du présent litige en application des dispositions de l'article D. 442-3 du même Code.
Sur le défaut de publication des annonces des sociétés Roches et Galets et Magiline, les premiers juges ont décidé que la société Kyrn était fondée à refuser de publier lesdites annonces, la société La Régie n'ayant pas respecté les dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 dite " loi Sapin " aux motifs que la société Kyrn n'a pas eu connaissance du mandat de la société Cma.com et que l'ordre de publicité ne mentionnait pas la raison sociale de l'annonceur et n'était pas d'avantage signé par ce dernier. De même, le tribunal a considéré non fautif le refus de la société Kyrn de l'insertion sollicitée pour la société Distillerie Janot, ce en application des dispositions de l'article 4 du contrat de régie.
Sur la demande de rupture partielle brutale des relations commerciales, le tribunal a considéré pour débouter les parties de leurs demandes principales et reconventionnelles à ce titre, que la société La Régie ayant cessé toute prospection pour la société Kyrn après lui avoir reproché un défaut d'exécution du contrat et une modification des conventions qui prévalaient depuis plusieurs années entre les parties, était à l'origine de la rupture des relations commerciales, mais que la société Kyrn n'ayant jamais mis en demeure la société La Régie d'exécuter ses obligations contractuelles de prospection, ne donnait pas plus suite aux relations commerciales établies. Le tribunal se base également sur les dispositions de l'article 9 du contrat (résiliation) pour constater une "résiliation de fait" du contrat liant les parties, considérant que la société Kyrn n'avait pas répondu dans le délai de trois mois à la lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2015 de la société La Régie lui reprochant une inexécution du contrat et une modification unilatérale des conventions liant les parties.
La société La Régie a interjeté appel contre cette décision par déclaration du 16 juin 2017.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières conclusions en date du 20 août 2018, l'appelante sollicite l'infirmation de la décision entreprise, la condamnation sur le fondement des articles L. 442-6 et suivants du Code de commerce de la société Kyrn au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et, subsidiairement, la condamnation de cette société au paiement de la même somme sur le fondement des articles 1134, 1147 et suivants du Code civil, le rejet de l'ensemble des demandes de la société Kyrn et sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'appelante fait valoir en substance que si c'est elle qui a mis un terme à la relation contractuelle, la rupture brutale de la relation commerciale établie est imputable à la société Kyrn qui a refusé au dernier moment d'insérer deux publicités des sociétés Roches et Galets et Piscines Magiline, sans la prévenir de ce refus ni des motifs de celui-ci. Elle ajoute que le motif du refus selon lequel les sociétés Roches et Galets et Piscines Magiline ont leur siège en Corse est abusif, ces deux sociétés ayant été en contact avec elle par l'intermédiaire de l'agence Cma.com située dans le secteur géographique objet du contrat de régie. Elle considère que la volonté de la société Kyrn de rompre la relation commerciale est à nouveau illustrée par le refus de sa demande de publication de la publicité de la société Distillerie Janot dans le cadre de l'opération dite de "bouclage", demande à laquelle l'intimée n'a jamais répondu alors qu'elle était conforme aux dispositions du contrat.
Subsidiairement, l'appelante sollicite l'indemnisation de la rupture abusive du contrat en raison des refus d'insertion unilatéraux et fautifs de la société Kyrn. Elle critique la décision des premiers juges qui a considéré non fautif le refus des insertions des publicités des sociétés Roches et Galets et Piscines Magiline sur le fondement de la loi dite "Sapin" alors que ces dispositions n'ont pas été invoquées par la société Kyrn à l'appui de son refus qui était motivé par le non respect des dispositions contractuelles concernant la limite territoriale. Pour ce qui concerne la demande de publicité de la société Distillerie Janot, elle critique le jugement déféré en ce que l'interprétation qu'il a retenu de l'article 4 du contrat conduirait à justifier tous les refus, donnerait à la clause un caractère purement potestatif, conférerait un avantage excessif et établirait ainsi un déséquilibre significatif entre les parties en contrariété avec les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce.
Elle sollicite enfin le rejet des demandes de la société Kyrn fondées sur les disposions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, à défaut pour celle-ci de démontrer une faute et un préjudice, alors qu'elle a été dans l'obligation de mettre un terme à la relation commerciale en raison du refus de diffuser des annonces sans préavis.
Par dernières conclusions d'intimée et d'appel incident en date du 3 septembre 2018, la société Kyrn demande au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 en son article 20 modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, de :
- confirmer le jugement rendu le 29 mars 2017 par le Tribunal de commerce de Marseille,
Subsidiairement,
- infirmer la décision du tribunal de commerce,
- dire que la rupture brutale de la relation commerciale entre les parties est exclusivement imputable à la SARL La Régie qui en a seule pris l'initiative,
- dire qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de régie, En conséquence,
- débouter la SARL La Régie de l'ensemble de ses demandes, Reconventionnellement, condamner la SARL La Régie à payer les sommes suivantes
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour la rupture de la relation commerciale,
- 10 000 euros pour procédure abusive,
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir s'agissant des encarts publicitaires des sociétés Roches et Galets et Piscines Magiline, n'avoir jamais reçu de demande de réservation ferme et circonstanciée pour aucun des espaces publicitaires indiqués et n'avoir donc pas confirmé la disponibilité de ces espaces. Elle ajoute que les bons de commande produits en bouclage par l'appelante ne comportaient pas la raison sociale des annonceurs, s'abritant derrière la société Cma.com qui n'a produit aucun mandat en infraction avec la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 dite loi "Sapin" visée par les conditions générales de vente, ce qu'a pertinemment relevé le tribunal. Elle considère enfin que le mandat produit par l'appelante, non fourni en première instance, apparaît avoir été établi pour les besoins de la cause, les différents bons de commande produits au débat et non validés par la société éditrice étant contraires aux usages et témoignant d'une volonté de la société La Régie de la tromper sur la localisation, l'identité du client et le tarif appliqué.
Pour ce qui concerne la non publication de l'annonce pour la société Distillerie Janot, elle indique avoir reçu au moment du bouclage une maquette publicitaire sans aucun document contractuel d'accompagnement alors qu'elle n'avait jamais confirmé la disponibilité pour cette campagne (article 6 des conditions générales de vente).
Elle considère que le tribunal de commerce a justement apprécié le caractère non fautif des refus de publication et sollicite en conséquence la confirmation du jugement du tribunal de commerce sur ces points.
Elle soutient que la décision du tribunal doit également être confirmée en ce qu'elle a considéré que la rupture de la relation commerciale est à l'initiative de la société La Régie comme notifiée dans sa lettre du 15 septembre 2015 à laquelle elle n'a pas donné suite pour prendre acte de la volonté de son co-contractant. Elle en déduit que s'il y a rupture brutale c'est à l'initiative de l'appelante qui, depuis le mois d'août 2015, n'a plus honoré ses obligations contractuelles et mettait fin à leurs relations le 15 septembre suivant alors qu'elle-même lui avait proposé par lettre du 10 septembre 2015 de poursuivre lesdites relations commerciales.
Subsidiairement, sur la faute contractuelle, elle considère qu'elle n'a commis aucune faute dans la rupture de la relation commerciale qu'elle a toujours exécuté de bonne foi contrairement à la société La Régie.
Elle fait alors valoir que la société La Régie étant à l'initiative de la rupture de la relation commerciale pour ne pas avoir respecté le préavis contractuel prévu à l'article 8, elle est bien fondée à solliciter reconventionnellement la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Selon les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :
(...)
5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (...)".
L'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale, qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux.
En outre, la rupture de ces relations doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit, soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent.
L'existence de relations commerciales établies entre les sociétés La Régie et Kyrn depuis le 1er janvier 2008 date de prise d'effet du contrat de régie du 21 décembre 2007 liant ces deux sociétés n'est pas contestée par les parties, comme elles ne contestent pas que ces relations commerciales ont été rompues.
Il convient tout d'abord de déterminer qui est à l'auteur de la rupture, tant la société La Régie dans son appel principal que la société Kyrn dans son appel incident, invoquant en effet être victimes d'une rupture brutale et sollicitant la réparation de leur préjudice en lien avec celle-ci.
Il apparaît des éléments fournis et des explications des parties que :
- dans le cadre de l'exécution de ses obligations nées du contrat du 21 décembre 2007, la société La Régie est entrée en relation avec une société Cma.com qui avait reçu mandat de certaines entités telles Roches et Galets et Piscines Magiline dont elle a la charge de la communication et de la publicité, d'acheter des espaces publicitaires pour elles,
- le 15 juin 2015, la société La Régie a sollicité la société Kyrn pour l'insertion de pages publicitaires dans le magazine Aria pour "Roches et Galets" et "Piscines Magiline", demande à laquelle la société Kyrn n'a pas donné suite après plusieurs échanges de courriels le 26 juin 2015, aux motifs que les annonceurs en cause étaient basés en Corse du sud soit en dehors du territoire prévu au contrat, considérant que le société La Régie aurait dû indiquer à la société Cma.com de se rapprocher directement d'elle pour ces annonceurs,
- la société Kyrn n'a pas non plus donné suite à une demande de la société La Régie en date du 14 juillet 2015 concernant une insertion publicitaire pour la société Distillerie Janot invoquant dans son courriel du 21 juillet 2015 n'avoir " jamais confirmé la disponibilité de cet espace sur le numéro d'août... " et " reçu aucun bon de commande pour cette insertion ", rappelant enfin que " s'il s'agit d'un encart à tarif bouclage, il est soumis à disponibilité de dernière minute... ",
- par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2015, la société La Régie s'est plainte auprès de la société Kyrn de ces refus d'insertion et sollicitait notamment de sa part une proposition d'indemnisation du préjudice commercial et financier qu'elle estimait avoir subi,
- par lettre du 10 septembre 2015, la société Kyrn justifiait par l'intermédiaire de son conseil ces refus et précisait " qu'elle publiera toute campagne qui répond aux modalités normales de contractualisation, sous réserve de disponibilité pour ce client ",
- en réponse, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2015, la société La Régie faisait part de son désaccord sur l'interprétation des dispositions du contrat par la société Kyrn et sur le bien-fondé des motifs de refus et précisait " il devient impossible par conséquent de continuer à exploiter le contrat sans savoir si les campagnes signées seront diffusées " et concluait " si vous deviez maintenir les termes de votre réponse du 10/09/2018, je me verrai contraint de saisir la juridiction compétente, pour ce qui s'apparente à une rupture de notre relation ",
- le 4 novembre 2015, toujours par lettre recommandée avec accusé de réception la société La Régie constatait le défaut de réponse de la société Kyrn à son courrier du 15 septembre 2015 et ajoutait "Je ne peux donc déduire de votre attitude qu'une volonté de mettre un terme à notre relation pourtant pérenne depuis le 1er janvier 2008. Je me réserve donc le droit de faire sanctionner cette rupture brutale de notre contrat".
Il ressort de ce qui précède que la société Kyrn a refusé à plusieurs reprises et au dernier moment de publier des annonces que lui a adressées la société La Régie plaçant cette dernière dans l'impossibilité de satisfaire les annonceurs qui l'ont mandatée.
Si la société éditrice dans un courrier daté du 10 septembre 2015 expliquant les raisons de ces refus par le non-respect du contrat par la société La Régie, mentionnait sa volonté de poursuivre les relations en indiquant "qu'elle publiera toute campagne qui répond aux modalités normales de contractualisation, sous réserve de disponibilité pour ce client", elle s'abstenait de répondre à la lettre du 15 septembre 2015 de la société La Régie par laquelle cette dernière s'inquiétait de l'incertitude dans laquelle elle se trouvait s'agissant de la publication ou non des annonces transmises.
Ces refus successifs et le défaut de réponse aux interrogations de son partenaire sur la pérennité du courant d'affaires existant entre eux, sont la manifestation d'une volonté de la société Kyrn de ne pas poursuivre les relations commerciales avec la société La Régie qui s'est vue dans l'obligation de cesser la prospection des annonceurs pour cette publication.
La société Kyrn doit en conséquence, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, être considérée comme l'auteur de la rupture.
Il n'est pas contesté que cette rupture s'est faite sans préavis. Néanmoins, l'existence d'une relation commerciale établie n'interdit pas une rupture sans préavis s'il existe des manquements à ses obligations par la victime de la rupture et justifiant celle-ci, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce précitées.
Dans sa lettre datée du 10 septembre 2015, la société Kyrn justifiait par l'intermédiaire de son conseil les refus d'insertion des publicités en cause notamment pour les publicités Roches et Galets et Piscines Magiline par le non-respect des dispositions du contrat.
Selon l'article 1er du contrat tel qu'il résulte de l'avenant en date du 17 octobre 2014, " Le support confie sans exclusivité au régisseur ou toute autre personne morale qui se substituerait en cours d'exécution du présent contrat, la charge de prospecter, de recueillir et de promouvoir les départements 13, 83 et 84, par tous moyens à sa convenance, toute insertion à caractère publicitaires définis par le support ".
S'agissant des annonces pour Roches et Galets et Piscines Magiline, il ressort des éléments versés au débat que la société La Régie était en relation avec le mandataire de l'annonceur, la société Cma.com, que plusieurs ordres de publicité ont été échangés pour la même publication de deux demi pages dans le magazine Aria du mois de juillet 2015, l'un non daté dressé par la société Cma.com mentionnant comme annonceurs les " sociétés/enseigne " : Roches et Galets et Piscines Magiline avec une adresse dans les Bouches du Rhône (pièce 14 intimée), un autre ordre de publicité daté du 24 juin 2015 à l'en-tête de la société La Régie, signé par la société Cma.com avec une adresse dans les Bouches du Rhône et mentionnant en descriptif "Parutions 07/2015 2X1/2 page largeur Aria Magazine 1/2 page pour Roches et Galets, 1/2 page pour Piscines Magiline Tarif bouclage" (pièce 15 intimée) et enfin un bon de commande en date du 29 mai 2015 à en-tête La Régie signé par les Établissements Peretti mentionnant une adresse en Corse (pièce 22 intimée).
La société Kyrn a en conséquence légitimement interrogé par plusieurs courriels la société La Régie sur l'identité de l'annonceur et la localisation géographique de celui-ci. En réponse, la société La Régie a d'abord argué de la localisation du siège de la société Cma.com dans les Bouches du Rhône, puis de la localisation du magasin "Roches et Galets" dans ce même département tout en reconnaissant que "effectivement le siège du groupe Peretti se trouve à Propriano" en Corse. L'annonceur dont la localisation et la dénomination sociale n'étaient pas clairement identifiés s'est en définitive révélé être la société Peretti dont le siège est en Corse, soit en dehors des limites territoriales définies au contrat.
Il apparaît en outre que, si le mandat de la société Cma.com en date du 1er avril 2015 est désormais produit par la société La Régie devant la cour (pièce 4 appelante), aucun élément n'établit qu'il a été fourni par cette dernière au moment de la commande, ce en contravention avec les dispositions de l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 selon lesquelles "Tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat", dispositions reprises dans les conditions générales de vente de la société Kyrn.
Il résulte de ce qui précède que la société La Régie n'a pas respecté les limites territoriales du contrat, ni les dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, celle-ci ne pouvant utilement invoquer devant la cour des extraits de pages internet imprimées le 6 février 2017 pour tenter de justifier du siège des entités en cause dans la limite territoriale prévue au contrat.
La société Kyrn établit des manquements d'une gravité suffisante de la société La Régie justifiant une rupture des relations commerciales sans préavis.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société La Régie de sa demande de réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.
La société Kyrn étant l'auteur de la rupture, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies par la société La Régie.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a également débouté la société Kyrn de ses demandes à ce titre.
- Sur la demande subsidiaire de la société La Régie au titre de la responsabilité contractuelle
Il a été précédemment relevé que la société Kyrn n'a commis aucune faute en refusant de publier les annonces pour les entités Roches et Galets et Piscines Magiline qui n'étaient pas conformes aux dispositions du contrat.
S'agissant de l'annonce de la société Distillerie Janot, il ressort des échanges de courriels entre la société La Régie et la société Kyrn que la première informait la seconde dès le 19 juin 2015 que cet annonceur serait intéressé par "1/3 de hauteur dans le n° d'août sur la base tarifaire de 1 372 euros avec remise bouclage de - 40 %" mais "n'ont pas de créa spécifique ni d'agence pour faire le visuel" et demandait si l'éditeur pouvait s'en occuper. En l'absence de réponse de la société Kyrn, elle proposait une autre option "une demi page en bouclage à - 50 %" par courriel du 1er juillet, adressait à la société éditrice un ordre de publicité le 14 juillet puis un visuel le 21 juillet suivant, auquel celle-ci répondait le même jour affirmant ne pas avoir reçu d'ordre de publicité ni confirmé de disponibilité et précisant que cet encart à tarif bouclage est soumis à disponibilité de dernière minute.
Si l'article 6 intitulé " tarifs " du contrat de régie liant les parties prévoit notamment que "comme d'usage dans la presse, des opérations de bouclage peuvent être organisées régulièrement par le régisseur, il est cependant précisé que l'autorisation du support sera obligatoire si la remise consentie dépasse les cinquante pour cent (50 %)", ces dispositions, contrairement à ce que soutient la société La Régie, ne la dispensent pas d'obtenir de la part de la société éditrice, qui selon l'article 4 du même contrat définit les modalités du déroulement des campagnes publicitaires, la confirmation de la disponibilité d'espaces au moment du bouclage, que les rabais soient ou non supérieurs à 50 %. A cet égard, il ne peut être considéré que cette interprétation du contrat à laquelle ont procédé les premiers juges, établit un déséquilibre significatif entre les parties en contrariété avec les dispositions, à supposer applicables, de l'article L. 442-6 I 2 du Code de commerce conduisant à justifier tous les refus de la société éditrice et donnant à la clause un caractère purement potestatif, la réalisation de la condition ne dépendant pas du seul consentement de la société Kyrn mais de la disponibilité des espaces lors du bouclage.
Au vu de ce qui précède, aucun manquement de la société Kyrn à ses obligations contractuelles n'étant caractérisé, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société La Régie de ses demandes subsidiaires à ce titre.
- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Kyrn au titre de la procédure abusive
La société Kyrn sollicite la somme de 10 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive.
Toutefois, le droit d'agir en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable, ce qui n'est pas démontré par la société Kyrn qui ne motive nullement cette demande.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Kyrn de sa demande de ce chef.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement entrepris ; Rejette la demande de la société La Régie au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette la demande de la société Kyrn Éditions au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société La Régie aux entiers dépens.