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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 octobre 2018, n° 17-10108

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Viaticum (SA)

Défendeur :

American Airlines Inc. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, Moreau

Avocats :

Mes Lesénéchal, Dimeglio, Boccon-Gibod, Pradelles

T. com. Paris, du 2 mai 2017

2 mai 2017

Faits et procédure

La société American Airlines est une compagnie aérienne américaine qui opère des vols intérieurs et internationaux. La société Viaticum est une agence de voyages française qui exploite notamment le site bourse-des-vols.com, sur lequel sont répertoriés les prix des billets d'avion proposés par les différentes compagnies aériennes, que la société Viaticum diffuse pour leur compte.

La société Viaticum a signé, le 1er janvier 1997, le "contrat d'agent de vente aux voyageurs" dit "contrat Iata", qui lui permet de se lier individuellement avec chaque compagnie adhérant à l'Iata, dont la société American Airlines, et de distribuer les billets de celle-ci.

À compter des mois de juillet-août 2016, en plus de la diffusion opérée sur le site bourse-des-vols.com, la société Viaticum a proposé les produits American Airlines sur le site comparateur liligo.fr.

Par courriel du 21 juillet 2016 puis lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 juillet 2016, la société American Airlines lui a demandé de cesser cette pratique, invoquant la violation de la clause 2 h) des instructions American Airlines dans leur version modifiée du 18 décembre 2014, et qui interdit notamment au mandataire de la société American Airlines de " proposer (ou) distribuer les produits et services de la société American Airlines sous une nouvelle enseigne de manière à apparaître aux clients comme étant le service de recherche, de réservation ou de billetterie d'un tiers ".

La société Viaticum refusant de s'exécuter aux motifs que ces dispositions ne lui étaient pas opposables et qu'elle se bornait à faire la publicité de ses propres services dans le comparateur de prix liligo.fr, la société American Airlines a supprimé l'envoi de son flux de données au cours du mois d'août 2016 jusqu'à ce que la société Viaticum cesse cette pratique, puis à compter du 24 octobre 2016, après avoir constaté de nouveaux manquements de ladite société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 octobre 2016.

La société Viaticum s'estimant victime d'une rupture brutale de sa relation commerciale, a assigné, le 7 novembre 2016, la société American Airlines d'heure à heure devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris lequel a ordonné, par une ordonnance en date du 25 novembre 2016, le rétablissement de la relation commerciale et notamment du flux de données de la société American Airlines, sous astreinte, sous réserve de la délivrance d'une assignation au fond, à bref délai, avant le 15 décembre 2016.

Entre temps, à la suite du rétablissement desdits flux, le 3 décembre 2016, la société American Airlines constatant pour la troisième fois, le 7 décembre suivant, la présence des produits American Airlines sur le site "liligo.fr", a de nouveau rappelé ses obligations contractuelles à la société Viaticum par lettre du 8 décembre 2016.

Sur autorisation du président du Tribunal de commerce de Paris, selon ordonnance du 12 décembre 2016, la société Viaticum a assigné à bref délai la société American Airlines devant ledit tribunal, par acte du 14 décembre 2017, aux fins d'obtenir, à titre principal, la réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce par la suppression du flux des données American Airlines, d'une part, et au titre d'un déséquilibre significatif créé par la société American Airlines lui faisant interdiction de faire de la publicité dans les comparateurs de prix, d'autre part, afin d'obtenir le rétablissement du flux et, subsidiairement, la réparation de son préjudice au titre de la rupture du mandat d'intérêt commun les liant.

Par jugement rendu le 2 mai 2017, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit l'assignation de la société Viaticum recevable,

- débouté la société Viaticum de ses demandes au titre du mandat d'intérêt commun allégué,

- débouté la société Viaticum de ses demandes au titre de la rupture brutale alléguée,

- débouté la société Viaticum de ses demandes au titre du déséquilibre significatif allégué,

- condamné la société Viaticum à payer à la société de droit étranger American Airlines Inc., dénommée dans ses conclusions American Airlines Group Inc. la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraire au présent dispositif,

- d'office ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Viaticum aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté le 19 mai 2017 par la société Viaticum à l'encontre de cette décision ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 août 2017 par la société Viaticum, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article L. 442-6-I 2° et 5° du Code de commerce,

Vu les articles 1984 et suivants du Code civil,

Vu les articles 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 4 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, In limine limitis,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'assignation valable,

Sur le fond,

- infirmer le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau :

Sur le mandat d'intérêt commun :

- juger que le mandat la liant à la société American Airlines est un mandat d'intérêt commun,

- juger qu'en :

supprimant le flux des données de vol à son profit, du 2 au 17 août 2016, puis du 24 octobre au 3 décembre 2016,

et en lui interdisant de faire de la publicité pour ses données dans les comparateurs de prix, la société American Airlines a révoqué, sans son consentement, son mandat,

- juger que la société American Airlines a donc engagé sa responsabilité en sa qualité de mandant, Sur la rupture de la relation commerciale établie :

Sur la rupture totale :

- juger que la suppression par la société American Airlines du flux des données de vol à son profit, du 2 au 17 août 2016 puis du 24 octobre au 3 décembre 2016, a constitué une rupture brutale de la relation commerciale établie,

- condamner la société American Airlines à lui verser, en réparation de son préjudice, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, Sur la rupture partielle :

- juger que l'interdiction qui lui est faite de faire de la publicité dans les comparateurs de prix constitue une rupture partielle de la relation commerciale établie,

- condamner la société American Airlines à rétablir l'autorisation de faire de la publicité dans les comparateurs de prix,

- condamner la société American Airlines à lui verser, en réparation de son préjudice, la somme de 63 498 euros de dommages et intérêts,

Sur la soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif :

- juger que la société American Airlines, en lui interdisant de faire de la publicité dans les comparateurs de prix, porte atteinte à ses libertés fondamentales d'expression, d'entreprise et de concurrence,

- juger que la société American Airlines la soumet par conséquent à une obligation créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- condamner la société American Airlines à cesser de la soumettre ou de tenter de la soumettre à une obligation de ne pas faire de la publicité de ses données dans les comparateurs de prix,

- condamner la société American Airlines à verser à la société Viaticum, en réparation de son préjudice, la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts,

- débouter la société American Airlines de ses demandes,

- condamner la société American Airlines à lui verser à la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Viaticum soutient qu'elle est liée à la société American Airlines par un mandat d'intérêt commun qui ne peut être révoqué unilatéralement, ayant intérêt à vendre des billets de ladite société et à développer la clientèle de celle-ci. Elle fait valoir que la coupure du flux des données de la société American Airlines, du 2 au 17 août 2016 après préavis de 48 heures puis du 24 octobre 2016 au 3 décembre 2016 sans préavis, soit durant 56 jours, ainsi que l'interdiction, depuis le 18 décembre 2014 et sans préavis, de faire de la publicité desdites données dans les comparateurs de prix, qui constitue une modification unilatérale et substantielle du contrat, s'analysent en la révocation, sans son consentement, du mandat d'intérêt commun les liant et en une rupture brutale, respectivement totale et partielle, de la relation commerciale établie dont l'ancienneté, de 20 ans, justifiait le respect d'un préavis de deux ans.

Elle ajoute qu'aucun des manquements allégués par la société American Airlines ne peut justifier la brutalité de la rupture dès lors que les instructions American Airlines du 18 décembre 2014, qu'elle n'a pas signées ni acceptées, ne lui sont pas opposables, d'une part, et qu'elle les a respectées, d'autre part, le comparateur liligo.fr, qui perçoit une commission indépendamment de l'achat d'un billet pour lequel il est renvoyé au site boursedesvols.com, étant simplement un éditeur chargé de faire la promotion dudit site, et non un intermédiaire de vente, et qu'enfin, l'inexécution de ces instructions, à la supposer caractérisée, ne constitue pas un manquement grave justifiant la rupture sans préavis du contrat, la société American Airlines ayant autorisé cette pratique depuis plusieurs années et ne démontrant aucun préjudice.

Au titre de son préjudice, relatif à la rupture totale et partielle de la relation commerciale établie, qu'elle évalue respectivement à 50 000 euros et 63 498 euros, elle fait valoir que la suppression du flux de données de vol de la société American Airlines a eu pour conséquence de l'empêcher d'émettre des billets d'avion pour le compte de celle-ci, désorganisé et mis en péril sa propre activité et que l'interdiction de faire de la publicité dans les comparateurs de prix lui crée un manque à gagner.

Elle ajoute qu'en lui interdisant de faire de la publicité dans les comparateurs de prix, la société American Airlines tente de créer un déséquilibre significatif avec son partenaire commercial, au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, de nature à porter atteinte à ses libertés d'entreprendre, d'expression et de concurrence et qui doit être réparé à hauteur de 40 000 euros, dès lors que la publicité des données de vol, qui ne sont pas protégeables par le droit d'auteur, est faite dans l'intérêt de la société American Airlines qui ne peut s'en réserver le monopole en s'octroyant seule la possibilité de conclure des accords avec les comparateurs de prix afin d'éviter que ses offres soient comparées avec celles concurrentes de la société Viaticum, la société American Airlines, qui ne justifie pas du coût supplémentaire allégué, ayant en réalité comme objectif d'éviter que le consommateur puisse sélectionner, via les comparateurs, "des prix trop faibles".

Vu les dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2017 par la société American Airlines, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 654 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les articles 1984 et suivants du Code civil,

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Vu les lignes directrices sur les restrictions verticales de la Commission européenne (2010/C/130/01),

- confirmer en tout point le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 2 mai 2017,

- rejeter tous les moyens et demandes de Viaticum,

- dire que Viaticum a manqué à ses obligations contractuelles en qualité de mandataire d'American Airlines,

- condamner la société Viaticum à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société American Airlines fait valoir que la société Viaticum est un mandataire simple et non d'intérêt commun, n'ayant aucun intérêt à développer la clientèle de la société American Airlines en particulier. Elle prétend qu'en faisant apparaître les offres de la société American Airlines sur le comparateur de prix liligo.fr spécifiquement dédié à la recherche des billets d'avion, intermédiaire non autorisé pour la redistribution de ses produits ou services, la société Viaticum a commis des actes de redistribution de ses produits et services, et non des actes de publicité, en violation de ses obligations contractuelles visées à la clause 2h) des instructions American Airlines du 18 décembre 2014, ainsi que des dispositions de l'article L. 442-6-I-6° du Code de commerce et des lignes directrices sur les restrictions verticales de la Commission européenne.

Elle considère que ces manquements graves directement liés à la transmission de ses données, assimilables à des actes de parasitisme et qui l'exposent à des frais supplémentaires, ont justifié qu'elle ait recours à l'exception d'inexécution en suspendant le flux de ses données tant que la société Viaticum continuait à distribuer ses produits et services sur des services de recherche tiers, cette réponse étant proportionnée aux manquements, car de courte durée et ayant pour seul effet de faire interdiction à la société Viaticum d'émettre de nouveaux billets sans affecter sa santé économique, ladite société, dont l'activité économique ne dépend pas de la redistribution prohibée, ayant pu bénéficier, malgré cette suspension, d'informations sur les produits American Airlines via les compagnies partenaires grâce au système dit de partage de code ou "code share".

Elle conteste une quelconque rupture totale ou partielle, a fortiori brutale, de la relation commerciale dès lors qu'elle n'a pas souhaité rompre celle-ci mais faire respecter ses obligations contractuelles à la société Viaticum, laquelle s'est vue interdire de redistribuer les billets American Airlines sur d'autres canaux de distribution et non pas de faire la publicité de ses produits. Elle ajoute qu'en dépit de cette suspension du flux de ses données, la société Viaticum a conservé sa qualité d'agent American Airlines, a été en mesure d'effectuer des réservations des vols American Airlines commercialisés par d'autres compagnies partenaires, et n'a subi aucun préjudice, son activité de vente de billets d'avions American Airlines étant marginale, les parties n'étant liées par aucun accord d'exclusivité et la société Viaticum n'étant pas dans une situation de dépendance économique. A titre subsidiaire, à supposer qu'elle ait mis un terme à sa relation commerciale avec la société Viaticum, elle conteste la nécessité de respecter un préavis de deux ans, au regard des dispositions contractuelles de l'article 13.2 du contrat Iata fixant un préavis d'un mois, et de l'article L. 442-6-I-5° prévoyant la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution de ses obligations par le partenaire commercial.

Enfin, elle fait valoir le défaut de déséquilibre significatif dès lors que le respect des obligations contractuelles d'un mandataire à l'égard de son mandant ne saurait caractériser un tel déséquilibre ni la violation de libertés fondamentales, qu'elle est légitime à fixer des limites précises aux conditions de distribution et redistribution de ses produits, conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce et des Lignes directrices sur les restrictions verticales de la commission européenne, que les obligations contenues dans ses instructions sont précises, limitées à la redistribution de ses bases de données et tarifs, qui sont sa propriété exclusive, sur des services de recherche, de réservation ou de billeterie de tiers non autorisés, et non pas à de la simple publicité au sens de la directive du 8 juin 2000, et justifiées économiquement compte tenu du coût engendré, la société Viaticum ne rapportant pas en outre la preuve du préjudice allégué.

Motifs

Sur la validité de l'assignation :

La validité de l'assignation n'est pas dans le débat, les parties s'accordant pour solliciter la confirmation du jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 2 mai 2017 en ce qu'il a dit l'assignation "recevable".

Ledit jugement sera confirmé en ce chef de décision.

Sur le mandat d'intérêt commun :

Selon l'article 1984 du Code civil, "Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom".

Est commun un mandat dont l'objet représente pour le mandataire, comme pour le mandant, l'intérêt de l'essor de l'entreprise.

Les parties s'accordent également sur l'existence d'un mandat les liant, mais font porter le débat sur la nature de celui-ci.

La SA Viaticum soutient qu'il s'agit d'un mandat d'intérêt commun, les parties ayant une clientèle commune, constituée de personnes souhaitant acheter un billet d'avion American Airlines, et un intérêt à la développer, la société Viaticum vendant les services liés à l'acquisition de billets d'avion American Airlines.

La société American Airlines oppose l'existence d'un mandat simple, la société Vaticum étant un agent de voyages lié à diverses compagnies aériennes, dont la société American Airlines, et n'ayant aucun intérêt à développer sa clientèle en particulier, mais de vendre des billets d'avion quelle que soit la compagnie.

Le 1er janvier 1997, la société Viaticum, agent de voyages, a signé le contrat d'agent de ventes aux voyageurs Iata (International Air Transport Association), dont l'original est en version anglaise, lui conférant une accréditation pour se lier individuellement, en tant qu'agent de voyage, avec chaque compagnie aérienne membre de Iata, dont la société American Airlines, aux fins de vendre ses passages aériens sur ses lignes ainsi que ses services annexes, moyennant le respect du contrat Iata, mais également des règles Iata applicables aux agences de voyage, auquel le contrat renvoie, et contenues dans le manuel de l'agent de voyage revu et publié chaque année par Iata.

Selon les dispositions de la résolution 824 du manuel de l'agent de voyage Iata, en version française, entré en vigueur le 1er juin 2016, identiques à celle du "passenger agency conference resolutions manuel" du 1er mai 1996, et relatives au contrat d'agence de vente de passages, "L'Agent est autorisé à vendre des passages aériens sur les lignes du Transporteur ainsi que sur celles d'autres transporteurs comme l'y a autorisé le Transporteur. Par vente de transport aérien pour passagers, l'on entend toutes les activités requises en vue de fournir au passager un contrat de transport en bonne et due forme y compris, mais sans s'y limiter, l'émission d'un titre de transport conforme et l'encaissement du montant y relatif. L'agent est également autorisé à vendre des services annexes et d'autres services tels que le Transporteur l'y aura autorisé" (article 3.1), "Le mandat confié à l'Agent pour représenter le Transporteur ne pourra être exercé que dans les limites autorisées par le présent Contrat et le Transporteur" (article 3.3), et "Pour la vente de transport aérien et de services annexes effectuée par l'Agent en vertu du présent Contrat, le Transporteur lui versera une commission de la manière et au taux qu'il pourra périodiquement spécifier et lui communiquer. Cette commission constituera l'entière compensation pour les services rendus au Transporteur (article 9)".

Il résulte de ces dispositions contractuelles l'existence d'un mandat entre la société Viaticum, agence de voyage accréditée Iata, et chaque compagnie membre de Iata, dont la société American Airlines, ayant pour objet la vente de passages aériens et de services annexes dans les limites autorisées par le contrat et le transporteur, moyennant la perception, par le mandataire, d'une commission.

La société Viaticum, qui pratique l'activité d'agence de voyage via l'exploitation du site bourse-des-vols.com sur lequel sont répertoriés les prix de billets d'avions des différentes compagnies aériennes membres de Iata, a pour clientèle des personnes souhaitant acheter un billet d'avion en bénéficiant d'un tarif préférentiel après la mise en concurrence de diverses compagnies aériennes, et non pas exclusivement un billet d'avion de la société American Airlines.

Ainsi que l'a jugé avec pertinence le Tribunal de commerce de Paris, le mandat entre la société American Airlines et la société Viaticum ne peut être qualifié de commun dès lors que l'intérêt de ladite société est de vendre des billets des compagnies aériennes membres de Iata quelles qu'elles soient, sur lesquels elle perçoit une commission, et non pas spécifiquement des billets de la société American Airlines, à l'essor de laquelle elle n'a aucun intérêt particulier.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Viaticum de ses demandes au titre du mandat d'intérêt commun.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :

Les parties reconnaissent l'existence d'une relation commerciale établie depuis le 1er janvier 1997, date de l'adhésion de la société Viaticum à l'Iata.

La société Viaticum fait valoir la rupture brutale de cette relation commerciale par la société American Airlines, totale d'une part, pour une durée de 56 jours, par coupure du flux de données du 2 au 17 août 2016 après préavis de 48 heures, puis du 24 octobre au 3 décembre 2016 sans préavis, partielle d'autre part, par interdiction de faire de la publicité dans les comparateurs de prix depuis le 18 décembre 2014, sans préavis, laquelle mesure constitue une modification unilatérale et substantielle du contrat, alors que compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale, devait s'appliquer un préavis de deux ans. Elle conteste le non-respect des dispositions de l'article 3.2 du contrat Iata et de la clause 2h) des instructions American Airlines du 18 décembre 2014 qui ne lui sont pas opposables, qui doivent être interprétées strictement et qu'elle n'a pas méconnues, ayant fait la publicité, et non pas la distribution, de billets par le biais du site liligo.fr. Elle ajoute qu'en l'absence de démonstration d'un manquement grave à ses obligations, aucune rupture de la relation commerciale sans préavis n'est justifiée.

La société American Airlines conteste avoir mis un terme à sa relation commerciale établie avec la société Viaticum. Elle soutient s'être bornée à opposer l'exception d'inexécution aux manquements de la société Viaticum en suspendant temporairement son flux de données tant que celle-ci redistribuait les produits et services American Airlines sur des services de recherches tiers non autorisés, en violation des dispositions de l'article 2h) des instructions American Airlines, et à rappeler l'interdiction de faire de la publicité dans les comparateurs, sans que ses agissements puissent être assimilés à une rupture totale ou partielle de sa relation commerciale établie avec la société Viaticum, laquelle a conservé son accréditation Iata et sa qualité d'agent d'American Airlines, et n'a subi aucun préjudice. Subsidiairement, à supposer qu'elle ait rompu sa relation commerciale établie avec la société Viaticum, elle conteste l'application d'un préavis de deux ans, opposant à la société Viaticum le préavis contractuel d'un mois et l'inexécution de ses propres obligations justifiant la rupture sans préavis de leur relation contractuelle, enfin soulignant l'absence d'investissements substantiels réalisés par la société Viaticum, dont l'activité est marginalement liée à la vente de produits et services American Airlines, et qui n'a conclu avec elle aucun accord d'exclusivité ni n'est dans une situation de dépendance économique.

Selon l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas".

Sur la rupture de la relation commerciale établie :

Par courriel du 21 juillet 2016, la société American Airlines, ayant constaté que le site boursedesvols.fr redistribuait le contenu d'American Airlines via le site liligo.fr en violation des disposition de l'article 2h) des instructions American Airlines du 18 décembre 2014, a demandé à la société Viaticum de cesser ces pratiques de redistribution de ses données à des comparateurs de vols.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 29 juillet 2016, la société American Airlines a réitéré sa demande de retrait du contenu des données American Airlines du site liligo.fr, "qui rendent ses produits et services disponibles à travers le moteur de recherche de la tierce partie Liligo en violation avec la clause 2h) des instructions" et par conséquent en méconnaissance du contrat Iata signé par la société Viaticum, estimant qu' "une telle violation justifierait de mettre fin à l'accréditation de Viaticum en tant qu'agent de American Airlines". A défaut de respect de cette demande dans le délai de 48 heures, elle a précisé qu'elle retirerait à Viaticum le droit d'émettre des e-billets en son nom. La société Viaticum ne s'étant pas exécutée, la société American Airlines a interrompu le flux de ses données du 2 au 16 août 2016 inclus, et non pas jusqu'au 17 août 2016 comme le prétend l'appelante, ainsi qu'en justifie la société American Airlines qui verse aux débats un courriel que lui a adressé M. X responsable des relations partenaires de la société Viaticum, le 17 août 2016, et précisant : " Nous semblons avoir à nouveau la possibilité d'émettre les billets AA. Au final, l'accès AA aura été coupé entre le 02/08 et le 16/08 inclus, soit deux semaines ".

Les billets American Airlines étant de nouveau proposés sur le site liligo.fr, la société American Airlines a vainement sollicité, par courriel du 20 octobre 2016 adressé à la société Viaticum, la cessation immédiate de la redistribution auprès de tiers non autorisés, moteurs de recherche compris, de ses données propres concernant les tarifs, horaires et disponibilité, puis de nouveau interrompu le flux de ses données à compter du 24 octobre 2016, lequel a été rétabli le 3 décembre 2016, en exécution de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris.

Constatant de nouveaux manquements contractuels de la société Viaticum le 7 décembre 2016, la société American Airlines l'a mise en demeure de cesser ces agissements, et a précisé se réserver le droit de reconsidérer, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale.

La coupure totale de flux des données de la société American Airlines a eu pour effet de priver la société Viaticum de la faculté de commercialiser directement les billets d'avion American Airlines par une exploitation desdites données, ce que reconnaît la société American Airlines. Cette interruption du flux caractérise la rupture totale des relations commerciales entre les parties pour les périodes concernées, soit du 2 au 16 août 2016 et du 24 octobre 2016 au 3 décembre 2016, et non la mise en œuvre de l'exception d'inexécution comme le prétend par la société American Airlines, l'action dont est saisie la cour par Viaticum étant fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie, et non sur les modalités de rupture du contrat.

En revanche, l'interdiction de poursuivre la commercialisation des produits et services American Airlines sur les sites de tiers non agrées, qui est sans incidence sur la faculté de la société Viaticum de faire la publicité de ses produits et services par la réservation d'espaces publicitaires sur des sites tiers, constitue le rappel des limites du mandat fixé et non une modification substantielle et unilatérale des conditions contractuelles. Cette interdiction ne caractérise donc pas la rupture partielle de la relation commerciale établie, telle qu'alléguée par l'appelante.

Le jugement du tribunal de commerce sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu la rupture de la relation commerciale établie entre les parties, la cour y ajoutant qu'il s'agit d'une rupture totale ayant porté sur les périodes du 2 au 16 août 2016 et du 24 octobre 2016 au 3 décembre 2016, et déboutant, en outre, la société Viaticum de sa demande au titre de la rupture partielle de la relation commerciale établie.

Sur la faculté de rupture sans préavis :

Aux termes des dispositions de la version II de la résolution 824 relative au contrat d'agence de vente de passages, extraites du manuel de l'agent de voyage dans sa version du 1er juin 2016, déjà contenues dans ledit manuel en version anglaise en date du 1er mai 1996, et opposables à la société Viaticum en vertu de son adhésion au contrat Iata, même si la société Viaticum n'a pas apposé sa signature ni paraphé la version du 1er juin 2016, "Le présent contrat prendra effet entre l'Agent et le Transporteur dès nomination de l'Agent par ledit Transporteur conformément à la Réglementation des Agences de Vente de Passages en vigueur dans le ou les pays où se trouvent le ou les bureaux de l'Agent. Dès son entrée en vigueur, le présent contrat ainsi que les avenants susceptibles de lui être annexés, auront la même validité et produiront les mêmes effets entre le Transporteur et l'Agent que si tous deux y étaient nommément désignés et y avaient apposé leurs signatures comme parties" (article 1), " Tous les services vendus conformément à ce contrat le seront pour le compte du Transporteur et en conformité avec les tarifs, conditions de transport et instructions écrites que le Transporteur aura fournis à l'Agent (...)" (article 3.2), et "le mandat confié à l'agent pour représenter le transporteur ne pourra être exercé que dans les limites autorisées par le présent contrat et le transporteur " (article 3.3).

Il s'ensuit que le contrat Iata, qui institue un mandat entre les compagnies aériennes et les agences de voyage, oblige le mandataire qui l'a signé à exécuter le mandat conformément au contrat et à l'ensemble des avenants et instructions écrites fournies par le transporteur ultérieurement à la conclusion du contrat.

Les instructions écrites American Airlines relatives à la participation des agences de voyage à l'étranger, avec prise d'effet le 18 décembre 2014, adressées à la société Viaticum par courriel du 1er décembre 2014 sans remarque de sa part en retour et qui lui sont donc opposables en application de l'article 3.2 susvisé, bien que cette clause n'ait pas été spécifiquement paraphée ni signée par la société Viaticum, prévoient en leur article 2 consacré au "Respect des réglementations et des tarifs d'American", à l'alinéa h) intitulé "Non redistribution", que "L'accréditation de l'agent a pour finalité la commercialisation et la vente par l'agent des produits et services d'American directement aux clients s'agissant desdits produits et services. L'accréditation de l'agent est spécifique à l'agent et ne comporte pas un quelconque pouvoir de l'agent d'agir en qualité d'intermédiaire en vue de davantage de distribution des produits et services d'American par le biais d'autres intermédiaires et agents commerciaux. Par exemple, l'agent ne peut proposer ni distribuer les produits et services d'American dans le cadre d'un service fourni par l'agent sous une nouvelle enseigne de manière à apparaître aux clients comme étant le service de recherche, de réservation ou de billeterie d'un tiers. D'éventuels accords de redistribution de cette nature sont uniquement autorisés en application de contrats distincts, signés à la fois par les représentants autorisés de l'agent et d'American. En outre, si l'agent utilise ou travaille avec une entité non accréditée pour effectuer une réservation, alors l'agent reconnaît et convient qu'American se réserve le droit de rejeter la réservation, à la seule discrétion d'American, et que néanmoins, l'agent reste pleinement responsable envers American, à tous les égards, s'agissant des éventuelles réservations effectuées par des tiers dont les billets seraient émis par le biais de l'accréditation de l'agent".

Ces dispositions font obligation au mandataire accrédité de procéder à la commercialisation des produits et services American Airlines directement auprès de la clientèle de la société American Airlines, à l'exclusion de toute opération en qualité d'intermédiaire en vue de davantage de distribution et des produits American Airlines, notamment de manière à apparaître comme étant le service de recherche, de réservation ou de billeterie d'un tiers, le mandant se réservant la faculté de conclure des accords de redistribution.

Contrairement à ce qu'allègue la société Viaticum, ces dispositions, qui définissent les limites du mandat confié, ne sont pas obscures, imprécises et sujettes à interprétation. Elles ne lui font nullement interdiction de faire la publicité de ses produits et services sur des services de recherche ou sites comparateurs, mais de proposer et distribuer les produits et services de la société American Airlines par le biais d'un intermédiaire non accrédité, en apparaissant notamment comme le service de billeterie de ce tiers, ce compte tenu de l'accréditation Iata spécifique accordée à chaque agent.

Il n'est pas discuté qu'en juillet 2016 et octobre 2016, puis selon les procès-verbaux de constats d'huissier de justice effectués à la demande de la société American Airlines les 7, 8 et 15 décembre 2016 notamment, il a été constaté la présence d'annonces de billets d'avions American Airlines, mentionnant les informations du vol et conditions tarifaires, sur le site liligo.com exploité par un tiers et renvoyant, pour l'achat de ces billets, au site bourseauxvols.com exploité par la société Viaticum.

Il ressort de ces procès-verbaux de constats d'huissier de justice que les offres des produits et services American Airlines proposés par la société Viaticum ne sont accessibles sur le site liligo.fr qu'à l'issue d'une recherche ciblée quant aux vols disponibles sur un trajet précis à une date disponible, concomitamment aux offres de compagnies aériennes concurrentes, toutes ces offres étant classées par prix croissant.

Le site liligo.fr, spécifiquement dédié à la recherche de billets d'avions au prix le plus bas pour une date et une destinations précises, n'est pas un simple éditeur comme le fait valoir la société Viaticum, mais un site de comparateur de prix en ligne au sens des dispositions de l'article 1er du décret n° 2016-505 du 22 avril 2016 relatif aux obligations d'information sur les sites comparateurs en ligne, qui énonce en son article 1 que "Pour l'application de l'article L. 111-16 (du Code de la consommation), la fourniture d'informations en ligne permettant la comparaison des prix et des caractéristiques des biens et de services s'entend de l'activité des sites comparant des biens et des services et permettant, le cas échéant, l'accès aux sites de vente de ces biens et de fourniture de ces services".

La mise à disposition par la société Viaticum, sur le site de comparateur de prix liligo.fr, des données American Airlines relatives au prix, horaires et conditions de vol, permettant l'acquisition d'un billet d'avion American Airlines, après une recherche ciblée, par renvoi au site boursedesvols.com, qui fait apparaître, auprès de la clientèle consultant le site liligo.fr, la société Viaticum comme le service de billeterie de la société exploitant ledit site, constitue un mode proposition et de distribution indirecte des billets et services associés American Airlines par la société Viaticum, la distribution s'entendant de l'ensemble des opérations matérielles et juridiques permettant l'acheminement des produits ou services du stade de la production à celui de la consommation, et la transaction étant finalisée par la société Viaticum par l'intermédiaire du site liligo.fr.

Les circonstances qu'aucun billet d'avion ne soit vendu sur le site liligo.com, que la société Liligo Metasearch Technologies adresse ses factures à la société Luteciel chargée de la promotion du site boursedesvols.com et qu'elle perçoive une commission indépendamment de l'achat d'un billet auprès dudit site ne suffisent pas à établir que la société Viaticum se livrerait à de simples actes de publicité sur le site liligo.fr par la réservation d'espaces publicitaires, dès lors qu'elle propose à la vente les produits et services American Airlines, accessibles sur le site liligo.fr après une recherche ciblée et dont l'acquisition est faite par un renvoi sur son site boursedesvols.com, et qu'une telle offre, qui ne revêt pas de caractère promotionnel de son activité, ne peut caractériser une forme de communication commerciale, définie par l'article 2 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique"), comme étant "toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens ou l'image de son entreprise", à l'exclusion des'communications relatives aux biens, aux services ou à l'image de l'entreprise, de l'organisation ou de la personne élaborées d'une manière indépendante, en particulier lorsqu'elles sont fournies sans contrepartie financière".

La société Viaticum, qui a procédé à des actes de distribution indirecte des produits et services de la société American Airlines via le comparateur liligo.fr, exploité par un tiers au contrat Iata, sans avoir sollicité ni obtenu de son mandant la signature d'un accord de redistribution au bénéfice de ce tiers, a méconnu les dispositions de l'article 2h) des instructions American Airlines du 18 décembre 2014 au respect duquel elle était tenue.

Les premiers juges ont donc jugé, par des motifs propres et adoptés, que la transmission par la société Viaticum des données permettant à la société exploitant le site liligo.fr d'offrir à la vente des billets American Airlines, en violation desdites instructions, constitue un manquement à ses obligations contractuelles.

Ce manquement doit être qualifié de grave, dès lors que l'interdiction spécifiée par l'article 2h) des instructions American Airlines du 18 décembre 2014 constitue un aspect essentiel du contrat de mandat conclu entre les parties, en ce qu'il définit le canal de distribution des produits et services du mandant, et que la violation de ces dispositions contractuelles par la société Viaticum, par l'offre à la vente des produits et services American Airlines sur le site liligo.fr via un renvoi au site boursedesvols.com, prive la société American Airlines de la faculté, qui lui est propre, de définir sa politique commerciale et son réseau de distribution, et a pour effet de créer un deuxième canal de distribution des produits et services du mandant non autorisé par la compagnie American Airlines.

La société American Airlines n'invoque toutefois pas utilement, outre le défaut du respect du mandat, la violation les dispositions de l'article L. 442-6-I, 6° du Code de commerce qui prohibe le fait de "participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables au droit de la concurrence" et des lignes directrices sur les restrictions verticales de la commission européenne, lesquelles dispositions sont applicables au contrat de distribution sélective ou exclusive, et non pas au mandat en litige.

La société American Airlines fait valoir à juste titre qu'elle peut légitimement faire le choix de développer des partenariats avec des comparateurs de vols ou autres moteurs de recherche lorsqu'aucun coût de distribution supplémentaire n'est encouru et quand les services à valeur ajoutée peuvent être garantis, et à refuser la redistribution de ses produits ou services par des tiers, nouveaux intervenants dans la chaîne de vente, impliquant des frais supplémentaires, peu important qu'elle ne justifie pas des frais effectivement assumés au titre de la vente de ses billets par la société Viaticum via le site liligo.fr.

Les factures, portant sur la période du 31 août 2013 au 31 janvier 2016, adressées par la société Liligo Metasearch Technologies à la société Luteciel, chargée de la promotion du site boursedesvols.com, au titre des différents clics pour des annonces proposées par le site boursedesvols et relatives à des recherches de billets en France, Belgique et Suisse, et non pas aux États-Unis, n'établissent nullement la pratique prétendument ancienne de la distribution des billets American Airlines sur le site boursedesvols.com via le site liligo.fr et la tolérance d'une telle pratique par l'intimée durant plusieurs années, telle qu'invoquée par la société Viaticum.

Enfin, l'appelante fait vainement valoir que l'offre à la vente des billets American Airlines sur le site liligo.fr est favorable à l'intimée en ce qu'elle assure la promotion de ses produits et services, le mandant étant seul à même de définir le réseau de distribution de ceux-ci.

L'inexécution par la société Viaticum de ses obligations contractuelles est ainsi suffisamment caractérisée par la gravité de ses manquements.

Le jugement du Tribunal de commerce de Paris sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que la violation des manquements contractuels justifiait la rupture sans préavis prévue à l'article 442-6 I, 5° du Code de commerce, et a débouté la société Viaticum de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Sur le déséquilibre significatif :

Selon l'article L. 442-6 I, 2° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties".

La société Viaticum soutient qu'en lui interdisant de faire de la publicité dans les comparateurs de prix, la société American Airlines porte atteinte à ses libertés fondamentales d'expression, d'entreprise et de concurrence et crée ainsi un déséquilibre significatif avec son partenaire commercial.

Cependant, il ressort des développements précédents que la société American Airlines, en s'opposant à l'offre à la vente de ses produits ou services sur des sites comparateurs non autorisés par des accords de redistribution en application de l'article 2 h) des instructions American Airlines du 18 décembre 2014, qui sont précises et limitées, n'interdit pas à la société Viaticum de faire de la publicité de ses produits ou services sur lesdits sites, celle-ci ayant la faculté de communiquer sur son activité, mais de redistribuer les produits de la société American Airlines par le biais de tiers non autorisés par des accords de redistribution, et se borne ainsi à définir les limites du mandat confié quant à la vente de ses produits et services dont elle décide légitimement seule du réseau de distribution.

La contestation de la société Viaticum de la propriété intellectuelle d'American Airlines sur sa base de données est sans incidence sur le respect, par la société Viaticum, des dispositions contractuelles.

L'interdiction de faire de la publicité n'étant pas caractérisée, les moyens allégués, tirés de la violation de la liberté d'expression, d'entreprendre et de concurrence de la société Viaticum du fait de cette interdiction prétendue et qui en démontrerait le caractère abusif, sont inopérants.

Aucun déséquilibre significatif n'étant démontré, le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Viaticum de ses demandes à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

La société Viaticum échouant dans ses prétentions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sera, en outre, condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société American Airlines une indemnité de procédure en cause d'appel que l'équité commande de fixer à la somme de 6 000 euros.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Viaticum à payer à la société American Airlines la somme de 6 000 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Viaticum aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.